Avertissement |
Dans la ligne des
pages de ce site orientées vers la biologie
théorique, cette page ne constitue pas un cours mais
une réflexion plus approfondie sur les notions au
programme des classes de 1èreL et 1èreES.
Or, il est patent que c'est tout le
contraire que la plupart des manuels scolaires montrent, et
que, plus grave, l'inspection pédagogique encourage,
notamment par le biais de sites pédagogiques comme
ceux de l'INRP ou de SNV-Jussieu.
L'erreur manifeste qui a conduit à vider cette question de toute sa pertinence a été de faire reposer cette partie sur le programme de seconde qui, fort imprudemment (voir texte ci-contre ->), pose comme préalable, le déterminisme, supposé permanent et universel, entre l'ADN et toute activité cellulaire (programme génétique), et même le développement d'un organisme (programme de développement)... (voir extrait de la conférence de Michel Morange ci-dessous). Il me paraît exact de parler ici d'incohérence. Quand un enseignant de 1ère accueille des élèves de seconde (et surtout des élèves non scientifiques comme c'est le cas pour ces sections) qui sont persuadés de la rigidité de la liaison entre ADN et vie, il devient difficile, et même dangereux, de s'efforcer de détruire cette vision rigide pour s'efforcer de la remplacer par une vision plus ouverte d'un déterminisme couplé à un indéterminisme. Et pourtant c'est bien ce que le programme lui demande de faire. |
« DU GÉNOTYPE AU
PHÉNOTYPE, APPLICATIONS BIOTECHNOLOGIQUES |
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Plan |
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1. Le rôle
indiscutable de l'ADN dans la synthèse des ARN et des
protéines
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Cette partie est traitée dans tous les manuels ainsi que dans le cours de 1èreS sur ce site, ou encore sur l'ancienne page 1èreES-1L. |
Il est par contre très regrettable que, puisque le programme demande d'exclure l'étude des ARN, certains manuels (et pédagogues officiels) se sont crus autorisés à présenter un code génétique fantaisiste entre ADN et aa (un triplet de bases de l'ADN n'a qu'une infime probabilité d'être un jour associé à un aa: le présenter en terme de code est FAUX; on peut par contre parler de code entre les triplets des ARNm (mâtures) et les aa). Pour éviter cette nouvelle incohérence j'ai fait le choix de traiter simplement les ARN en seconde, ce qui ne demande pas un grand investissement pour les élèves et sert aussi bien aux élèves de 1èreS que de L et de ES. |
cours de seconde : TP ADN-ARN (avec une petite annexe dénonçant la fraude de Watson sur l'ADN) cours de 1èreS : Le gène moléculaire, unité fonctionnelle synthétique (avec un lien vers la traduction d'un article de Nature sur le flou actuel de la notion de gène) ancien cours 1ES-1L : 1. La synthèse des protéines (du gène moléculaire à la protéine) |
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2. Les rôles de
l'ADN imaginés dans la théorie de
l'information génétique
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Ces idées sont détaillées dans le cours de 1èreS |
Étant donné la complexité de l'organisation du génome (gènes dupliqués, morcelés, chevauchants...), mais surtout la complexité des phases de transcription et de traduction (donc de l'expression de l'information génétique), les théoriciens de la biologie moléculaire du gène ont pensé, à partir des années 1960-1980, que les gènes pourraient constituer un réseau suffisamment mystérieux et complexe pour rendre compte du contrôle de la totalité des mécanismes cellulaires et organiques. C'est ainsi que sont nés les notions de programme génétique puis de programme de développement. |
L'explication génétique moléculaire est progressivement devenue un paradigme, c'est-à-dire une idée de fond qui sous-tend l'ensemble de la recherche biologique. Paradigme qui fait reposer sur des gènes réels (c'est-à-dire correspondant à des produits (ARN ou protéines) connus ) ou sinon, imaginés, tous les mécanismes du vivant, supposés à leur tour, être uniquement liés aux molécules. On a donc un trio indissociable chimie du vivant - biologie moléculaire - génétique. |
En résumé : dans la théorie de l'information génétique la molécule d'ADN contient la mémoire de la totalité des molécules mais aussi des mécanismes du vivant. Il n'y a rien à comprendre : le gène gouverne la molécule et les molécules construisent et contrôlent tout le vivant. Ce qui cloche : après plus de 50 ans de recherche on a toujours pas trouvé la moindre piste qui pourrait nous faire comprendre comment trouver un programme dans l'ADN. Le constat actuel est le suivant : l'ADN ne contient que des séquences qui peuvent être -ou ne pas être- transcrites en ARN. Les réseaux imaginés ne sont pas stockés dans l'ADN.
Pour approfondir :
Pour une approche des problèmes que posent par exemple la théorie mutationniste incluse dans la théorie synthétique de l'évolution voir la page (qui n'est pas à destination des élèves): De la mutation au problème de la variation Pour une réflexion épistémologique (philosophique) voir une page sur la notion de vie par André Pichot |
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Pourquoi ce paradigme est-il encore si fort ? |
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(1) si la biologie synthétique et la théorie synthétique ont le même nom il ne s'agit pas de la même mouvance théorique. La "biologie synthétique" est une mouvance très récente et isolée. Pour ce qui concerne la théorie synthétique, le terme "synthétique" fait référence, à ma connaissance et en France, à une synthèse entre la mouvance darwinienne de la génétique des populations et la biologie moléculaire (voir évolution), alors qu'aux États-Unis c'est la mouvance de la biologie intégrative qui s'en approcherait davantage (voir par exemple le site de la SICB) |
* D'abord, parce qu'il a conduit à
une biotechnologie florissante. La biologie
moléculaire du gène est avant tout et à
la fois le résultat et la condition première
de la technologie génétique ou
génie
génétique comme
on l'a appelé (cette partie
n'est abordée qu'en terminale
en spécialité SVT.
Des profits financiers sont générés par
la recherche et par la technologie (plus ou moins
médicale) qui lui est liée. Si l'argent est le
nerf de la guerre, il est aussi celui de la recherche
scientifique. La dernière née dans cette mouvance technologique est la biologie synthétique (bande dessinée en anglais dans Nature : Synthetic biology). Elle repose beaucoup sur l'imaginaire (du vivant comme machine) et n'a que peu de résultats probants à montrer. * Ensuite, parce que les outils de la
biologie moléculaire ont permis un fort
développement des études évolutives
dans le cadre de la théorie
synthétique de
l'évolution(1).
Ainsi l'écologie évolutive,
dénomination sous laquelle se font un grand nombre de
recherches sur les mécanismes évolutifs, s'est
emparée de la biologie moléculaire du
gène, et le développement de l'une est
désormais indissociable du développement de
l'autre. Changer de théorie du vivant demanderait
aussi de changer de théorie de l'évolution, ce
que peu de personnes sont prêtes à faire. Le
statu-quo étant aussi encouragé par
nombre de chercheurs qui sous prétexte de
s'inquiéter des menées anti-évolutives
de certains groupes religieux, cherchent à maintenir
la vision moléculaire du vivant, si facile à
développer avec un matérialisme plus ou moins
scientiste. Enfin les inquiétudes sur le
changement
climatique global, qui tendent
à relancer les recherches évolutives
(grâce à des crédits et à des
programmes de recherche) et les impacts des changements
climatiques sur la biodiversité ou la
répartition des espèces, sont plus favorables
aux modèles déjà établis qui
vont dans le sens d'une sélection naturelle (qui est
une des composantes de la théorie synthétique
néodarwinienne), qu'à des recherches sur des
mécanismes non pas plus hypothétiques mais
plus novateurs.
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Et pourtant le programme nous demande de montrer aux élèves d'autres voies dans une «réflexion critique» (sic). |
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3. Une réflexion critique sur la théorie de l'information génétique. |
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Dans le respect de
l'esprit du programme des classes de 1èreL et
1èreES - une culture scientifique et non un savoir
pointu - je place ici des références
d'articles ou d'ouvrages à consulter. Je ne propose
pas de cours; d'une part parce que les données
génétiques modernes ne sont guère
accessibles (ou que leur présentation
vulgarisée est biaisée) et d'autre part
parcequ'il y a une certaine inanité à corriger
sans cesse les vues étroites de personnes mal
informées. Puissent les élèves
acquérir l'habitude d'aller aux sources.
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Un travail d'histoire des sciences... |
Les historiens des sciences commencent à se pencher sur la biologie moléculaire du gène en la présentant comme une biologie théorique très engagée et osent proposer d'autres alternatives (voir page sur la biologie théorique). |
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«... avec quelquefois un certains nombre de déviations , c'est vrai, avec les notions de programme... qui a reçu très certainement trop d'importance et est devenue, d'une certaine manière, paralysante à certains moments de l'histoire...» Michel Morange |
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Des critiques profondes... |
Les scientifiques en exercice critiquant le paradigme moléculaire sont à l'évidence peu nombreux car l'activité de recherche scientifique, telle qu'elle est conçue depuis le début du XXème siècle, exclut les esprits qui refusent de travailler (et surtout de publier) dans le paradigme dominant. Nissim Amzallag en fait un constat très documenté dans son livre : La raison malmenée, 2002, aux Éditions du CNRS. |
Un livre accessible aux élèves déjà cultivés... |
La raison malmenée. De l'origine des idées reçues en biologie moderne, Gérard Nissim AMZALLAG, CNRS Éditions, 2002 (Plan, préface et introduction sont disponibles à l'adresse: http://netmc.9online.fr/ AdV/Amzallag_ Raison.html ) |
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Les critiques les plus pertinentes sont donc relayées ou même initiées par des philosophes dont André Pichot est un exemple remarquable. |
Mémoire pour rectifier les jugements du public sur la révolution biologique, André Pichot ; Article paru dans la revue Esprit en août-septembre 2003 (accessible en .pdf) |
Résumé : |
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Un mélange de philosophie (épistémologie) et d'histoire des sciences accessible à un élève de Terminale très cultivé... ce livre devrait se trouver dans tous les CDI |
Histoire de la notion de
vie, André
Pichot, Gallimard, 1993 Extraits: |
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Des initiatives de chercheurs peu médiatisés ou des résultats encore trop récents |
Des colloques se tiennent, des livres sont publiés, mais les initiatives restent plus ou moins cantonnées au domaine de la recherche et sont peu médiatisées. |
En janvier 2007 est paru un livre au titre prometteur : Génétiquement indéterminé - le vivant auto-organisé, 2007, Éditions Quæ (Cemagref, Cirad, Ifremer, Inra). Mais il reste d'un abord difficile, trop difficile pour des élèves, malgré l'intérêt de son contenu. |
Avec les mots de Sylvie Pouteau qui coordonne les contributions des auteurs du livre : «L'hypothèse du déterminisme génétique [i.e. du programme génétique, c'est moi qui ajoute] ne permet plus de faire avancer les connaissances en biologie. C'est sur ce constat de départ qu'un cycle de conférences a été organisé à l'Institut Jean-Pierre Bourgin de l'INRA à Versailles, autour du thème de la complexité et des nouvelles approches en biologie. Cet ouvrage reprend le contenu de quatre d'entre elles». |
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En mai 2006 est paru un article d'une journaliste scientifique, Helen Pearson, dans la célèbre revue Nature assez percutant et franchement dérangeant pour les tenants du paradigme moléculaire : What is a gene ? (Nature, vol 441, 25 May 2006, 399-401). Et pourtant peu de média français ont relayé son contenu pourtant accessible. Depuis 2008, j'ai mis en ligne une traduction de cet article : Qu'est-ce qu'une gène ? (les principaux points sont passés en revue dans la page d'accueil de ce site). |
« L'idée de gènes enfilés comme des perles sur un segment d'ADN s'estompe rapidement. Les séquences codantes des protéines n'ont ni début ni fin clairs, et l'ARN est un élément clé du stockage de l'information, rapporte Helen Pearson.» |
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D'autres recherches se font dans une voie qui, sans rejeter le déterminisme génétique (un lien fort entre génotype et phénotype) y ajoutent un indéterminisme. |
C'est par exemple la voie probabiliste de Jean-Jacques Kupiec très médiatisé à l'occasion de son livre coécrit avec Pierre Sonigo : Ni Dieu, ni gène (voir par exemple le commentaire qu'en fait Jean Gayon pour le magazine La Recherche). Voir aussi dans le même magazine l'article : Pour une biologie moléculaire darwinienne (LR, 296, mars 1997). |
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Un travail de biologie théorique sur l'organisation et le fonctionnement des génomes qui questionne la théorie synthétique de l'évolution |
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Je recommande sa dernière publication (accessible format pdf): Revisiting the Central Dogma in the 21st Century, lecture presented to a workshop on Natural Genome Engineering & Natural Genome Editing, Salzburg, July 2-6, 2008 (in press in a volume of the Ann. NY Acad. Sci. with the same name edited by Guenther Witzany and Erich Hamberger) Sur l'évolution je conseille son
petit article (en anglais): |
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En France, l'étude de la structure des génomes, et de leur intervention dans le développement, ont aussi conduit à ce que Denis Duboule nomme la théorie de la variation contrainte, prête à prendre le relais de la théorie synthétique. Mais il existe encore trop peu d'ouvrages accessibles sur les génomes pour que l'on puisse intégrer leur étude à un cours de lycée. |
L'idée principale du nouveau paradigme génétique repose sur l'idée que le génome d'un organisme est structuré en une unité dynamiquement stable en perpétuel équilibre et coévolution avec le milieu. |
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Pour un chercheur il est bien préférable de passer du temps à inventer plutôt qu'à critiquer une théorie à laquelle il ne fait plus confiance... |
De nouvelles théories voient le jour sous le feu des critiques véhémentes (et parfois malhonnêtes) de la communauté scientifique (mais aussi des média, voire de personnes de tous horizons). Nous verrons bien celles qui résisteront. Mais les enseigner ne fait partie du travail habituel de l'enseignant. Il est donc difficile de savoir jusqu'où aller dans la présentation de ces idées nouvelles. Personnellement, depuis 1998, j'ai progressivement modifié mon enseignement afin d'y présenter des vues de ces hypothèses nouvelles. J'ai finalement choisi de les intégrer à mon cours car, une fois encore, il me semble impossible d'enseigner sans s'engager. En voici quelques représentants. |
Rosine Chandebois, une
embryologiste, est une des premières à avoir
osé présenter une critique de la biologie
moléculaire du gène associée au
darwinisme d'alors. Ses livres
(Comment les cellules construisent
l'animal, Rosine CHANDEBOIS, 1999, Phénix
éditions, Paris ; Le gène et la forme (ou
la démythification de l'ADN), Rosine CHANDEBOIS,
1989, Ed. Espaces 34) ont un peu
vieilli mais sa théorie du développement
autonome, que je m'étais autrefois essayé
à présenter sur une page
de biologie théorique,
reste intéressante, au moins historiquement.
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René Thom
est probablement le
mathématicien-philosophe qui s'est le plus
impliqué dans le développement d'une biologie
théorique vraiment nouvelle. Je me suis aussi
efforcé de présenter son travail dans une
page de
biologie théorique
thomienne, mais j'ai
été en quelquesorte submergé par
l'ampleur de la tâche.
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En face de la richesse
des propos de ces auteurs (et je suis bien conscient de ne
pas en avoir fait le tour) qui remettent en cause, d'une
manière ou d'une autre, et à des degrés
divers, la biologie moléculaire du gène, on ne
peut qu'être outré de la manière
dont les collègues qui ont participé à
la réalisation des manuels scolaires, puis dont
l'inspection pédagogique , par le truchement de ses
inspecteurs IPR-IA, ont homogénéisé
l'enseignement de cette partie, en rendant impossible tout
vrai débat sur la pertinence de la notion de
programme ou sur les avancées
génétiques.
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