Des enzymes à la fonction enzymatique

 

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Les hypothèses concernant le fonctionnement enzymatique seront présentées ici comme des données puisque le temps et le programme ne nous permet pas d'en faire l'étude expérimentale.


Le propos de départ ici est d'étudier des produits de l'expression de l'information génétique (à replacer dans la page générale). Il ne faut pas considérer ce chapitre comme un cours de biologie sur les enzymes, ce qu'il n'est pas.


Si l'on trouve encore parfois enzyme au masculin l'usage en fait un nom féminin: une enzyme.






Plan


1 - Les enzymes sont des biocatalyseurs:
2 - La réaction enzymatique se réalise à l'intérieur d'une poche appelée site actif
3 - La fonction enzymatique est une "fonction topologique"


la 3ème partie présente un éclairage plus original dans le cadre d'une biologie théorique d'inspiration Thomienne






1 - Les enzymes sont des biocatalyseurs: elles catalysent des réactions biochimiques (du vivant) qui appartiennent au métabolisme





Les enzymes sont des biocatalyseurs (catalyseurs de réactions biochimiques c'est-à-dire appartenant au métabolisme). Ce sont soit quelques rares acides nucléiques (RNA ou ribozymes) soit, pour la quasi totalité des enzymes, des protéines.


Elles ont une haute spécificité de substrat: elles agissent sur un substrat souvent spécifique mais rarement unique: deux substrats (spécifiques) sont souvent nécessaires car les réactions chimiques du vivant sont généralement couplées.






Un exemple mémorisable et réutilisable en terminale :


L'enzyme glucose 6 phosphatase catalyse deux réactions couplées:
- une
phosphorylation du glucose (ajout d'un groupement phosphate sur le carbone n°6 du glucose)
- et une
déphosphorylation de l'ATP (rupture de la très énergétique dernière liaison phosphate de l'ATP).



L'énergie fournie par la déphosphorylation (réaction exothermique) est supérieure à celle nécessaire pour la phosphorylation (réaction endothermique). Cette réaction est essentielle dans toutes les cellules qui consomment du glucose pour leur fermentation ou leur respiration car c'est par elle que commence toute utilisation énergétique de cette molécule (voir la glycolyse dans le cours de spécialité de Terminale S).


L'enzyme est l'hexokinase (1qha.pdb ; une fois la molécule un peu cernée, avec ses deux chaînes, je vous conseille le fichier kinemage qui permet de simuler le changement de conformation de la molécule lors de la liaison du glucose: fichier c6bFlex.kin (kinemage #7: ) disponible à l'adresse http://kinemage.biochem.duke.edu/kinemage/kinlist.php ; l'applet KING est à télécharger à la même adresse).



Elles sont une haute spécificité d'action: elles accélèrent des réactions chimiques spécifiques.








Elles agissent dans les conditions du vivant: en présence d'eau - et à fortiori in vitro en solution, même si ce n'est pas leur mode habituel d'action (voir page sur la cellule en travaux) - et dans des conditions de température et de pH très douces (optima situés bien sûr dans les conditions du vivant).





Les enzymes sont souvent regroupées structurellement en complexes enzymatiques, liés au membranes biologiques ou libres dans le cytoplasme, ce qui accélère grandement le passage des métabolites d'une enzyme à une autre (le produit de l'une est le substrat de l'autre et ainsi de suite, le long de chaînes enzymatiques).
Les enzymes protéiques nécessitent souvent un cofacteur (un ion comme Fe2+ ou une métalloprotéine appelée coenzyme).


Pour comprendre la complexité et l'importance des enzymes ou plutôt de ce que l'on peut appeler les systèmes enzymatiques, il vous suffit de penser que le chapitre précédent nous donnait deux magnifiques exemples de complexes enzymatiques: les ADN polymérases, et les ARN polymérases, complexes et spécifiques, contrôlées et extrêmement actives dans la cellule.


2 - La réaction enzymatique se réalise à l'intérieur d'une poche appelée site actif





L'enzyme est intégralement restituée en fin de réaction: elle n'est jamais consommée ni "usée" même si elle peut être inactivée.



Le site actif peut être décomposé en site de reconnaissance du substrat (qui peuvent être multiple) et site catalytique, lieu où est réalisée la réaction chimique catalysée (qui est très généralement unique).



L'enzyme se fixe au substrat, catalyse la réaction, puis se libère des produits.





Un schéma de pure illustration mais faux pour ce qui est de la compréhension fonctionnelle



Le site actif peut être séparé en site de reconnaissance, qui contrôle la spécificité de substrat et site catalytique, qui contrôle la spécificité d'action.


Ce sont les liaisons faibles (petits traits bleus) qui fournissent l'énergie nécessaire à la catalyse.


E = enzyme (restituée intégralement en fin de réaction);
S = substrat;
ES = complexe enzyme-substrat;
P1 et P2 = produits de la réaction.








Du point de vue énergétique, l'énergie fournie par l'enzyme lors de la catalyse est due à l'établissement de très nombreuses liaisons faibles au niveau du site actif entre l'enzyme et son substrat (énergie de liaison).


La cinétique enzymatique étudie IN VITRO l'évolution de la vitesse de la catalyse enzymatique en fonction des conditions expérimentales.


La vitesse V de la réaction enzymatique IN VITRO est proportionnelle à la concentration en substrat [S]. La vitesse maximale Vmax est atteinte lorsque l'enzyme est saturée (tous les sites actifs de toutes les enzymes présentes en solution sont susceptibles d'être occupés à une vitesse maximale).



Du fonctionnement enzymatique à la fonction enzymatique  
Le terme "fonctionnement", le plus souvent employé, fait référence à une vision mécanique de l'enzyme.
On peut dépasser cette vision trop étroite, notamment à l'aide du mot "fonction".
Dans tous les cas la question est bien de comprendre comment une molécule agit.

Complément

Si le site actif à une forme complémentaire du substrat (ou d'une partie de celui-ci) - comme une clé dans une serrure, comment l'enzyme peut-elle agir - ou la clé tourner , autrement que par une force extérieure - par une "main" ?

Le fait d'imaginer qu'il y a déformation simultanée de l'enzyme et de son substrat ne change pas le problème de l'affinité entre l'enzyme et le substrat...

Il est évident que pour pouvoir fonctionner le site actif ne doit pas être complémentaire du substrat mais d'un état de transition entre substrat(s) et produits. L'image la plus classique clé-serrure (qui nécessiterait une main pour tourner la clé) peut être avantageusement remplacée par celle de la pièce aimantée-barre métallique (d'après Principes de Biochimie, Lehninger, Nelson et Cox, 1994).

Cette analogie reste statique alors que l'enzyme se déforme habituellement, comme le substrat... la similitude de conformation entre l'enzyme et l'état de transition est liée à une forme dynamique, stable non pas dans R4 (espace euclidien) mais dans un espace de dimension inférieure.

Une réaction chimique catalysée par une enzyme permet de "sauter" plus facilement la barrière d'activation en abaissant son niveau par la formation d'un complexe enzyme-substrat. En dernier ressort l'énergie fournie par l'enzyme vient des liaisons faibles qu'elle établit avec le substrat.

On est donc amené à proposer une autre présentation de l'équation de la cinétique enzymatique qui tienne compte de l'état de transition (S' - non observable) et non plus du seul substrat S. ES' étant le complexe «enzyme -état de transition».
Pour une réaction chimique présentant un état de transition S' (très instable) on peut écrire les deux équilibres:

S < = > (S') < = > P1 + P2

Ce qui, en présence d'enzyme devient:

E + S < = > ES' < = > E + P1 + P2


E + 3S < = > E3S' < = > E + P
Une illustration du rôle de "moule" du site catalytique (fonction topologique) : formation d'un complexe "enzyme -état de transition"
(d'après Encyclopedia Universalis, catalyse enzymatique - illustration de l'article "liaisons biochimiques faibles").

Remarques:



* Les enzymes sont classées en fonction des réactions qu'elles catalysent.
Leur nom courant est souvent formé du nom du substrat auquel on ajoute le suffixe -ase (exemple l'uréase catalyse l'hydrolyse de l'urée). Mais chaque enzyme possède un numéro de code (EC number) à quatre chiffres (Classe / Sous-classe / Sous-sous-classe / Ordre), un nom systématique et un nom commun recommandé (
http://www.chem.qmul.ac.uk/iubmb/enzyme/). Les enzymes protéiques sont réparties en 6 classes: 1- les oxydoréductases, 2 - les transférases, 3 - les hydrolases, 4 - les lyases, 5 - les isomérases, 6 - les ligases.On notera que je n'ai pas respecté l'orthographe ANGLOSAXONNE du radical "oxid" en usage dans la classification internationale.



* La réaction enzymatique peut être inhibée par la présence de molécules qui l'inactivent ou diminuent sont activité.


Un inhibiteur compétitif ne modifie pas la vitesse de la réaction enzymatique en présence de son substrat mais diminue l'affinité apparente de l'enzyme avec son substrat lorsqu'il est présent en solution. On interprète son action en proposant que l'inhibiteur compétitif entre en compétition avec l'enzyme en se fixant sur la partie de reconnaissance du site actif sans pouvoir être transformé. Selon son affinité il peut diminuer plus ou moins l'activité enzymatique. Une comparaison amusante que je tiens de mes années de classes préparatoires: l'enzyme est comparée à un mangeur de lentilles. Chaque cuillerée portée à la bouche puis avalée est une réaction enzymatique réalisée. Si l'on ajoute quelques PETITS cailloux dans le plat de lentilles, le mangeur porte à la bouche des cuillerées de lentilles avec une belle régularité mais doit recracher certaines cuillerées, comportant un petit caillou, ce qui diminue grandement la vitesse de réaction, mais pas la vitesse avec laquelle il porte les cuillerées à la bouche... Le petit caillou joue le rôle d'inhibiteur compétitif.


Un inhibiteur non compétitif ne modifie pas l'affinité apparente de l'enzyme avec son substrat mais uniquement la vitesse maximale de la réaction. On interprète cette action comme le résultat d'une fixation de l'inhibiteur non compétitif sur un autre site que le site catalytique de l'enzyme. Pour reprendre ma comparaison avec le mangeur de lentilles, l'inhibiteur compétitif peut être comparé à un GROS caillou dans les lentilles. Le mangeur les voit et les évite, ce qui diminue singulièrement sa vitesse de rotation des cuillerées.
L'interprétation que l'on fait de l'action des inhibiteurs va de pair avec celle des analogues de structure qui sont des substances voisines (au sens topologique) de molécules métaboliques ou informationnelles habituelles mais qui bloquent ou diminuent la fonction des molécules fonctionnelles ou informatives auxquelles elles se lient. La mise au point d'analogues de substrat est une des étapes essentielles de la recherche pharmaceutique.

 TP classique :
hydrolyse de l'ovalbumine par une pepsine



En plus de la manip faite en TP on peut améliorer la compréhension du modèle moléculaire de l'activité enzymatique grâce à des outils de modélisation :
- on peut télécharger le fichier .pdb de l'ovalbumine (1ova.pdb) sur le site
http://www.rcsb.org/pdb/
- à l'aide de ce fichier, il est possible de rechercher les liaisons hydrolysées grâce à l'enzyme : il s'agit des liaisons adjacentes à la tyrosine ou à la phénylalanine. En effet, la pepsine catalyse préférentiellement la rupture des liaisons peptidiques où un acide aminé aromatique est engagé par son groupement aminé.
Je précise que la pepsine est une enzyme naturelle extraite du pancréas de porc
(aussi nommée gastérase...http://www.biam2.org/www/Sub2922.html) .
Sa dénomination internationale est pepsin E.C.3.4.23.1 (un fichier .PDB complet d'une pepsine est par exemple 4pep.pdb (1990)
(http://www.rcsb.org/pdb/explore/explore.do?structureId=4PEP), mais je recommande aussi le fichier Kinemage: 4pep.kin (voir la page http://www.rcsb.org/pdb/explore.do?structureId=4PEP et http://www.rcsb.org/pdb/files/4PEP.kin pour télécharger directement le fichier (à enregistrer au format "text" avec l'extension ".kin" et à ouvrir dans l'application KING; pour télécharger l'application java, voir les indications sur la page http://kinemage.biochem.duke.edu/software/index.php )




3 - La fonction enzymatique est une "fonction topologique"





Je rappelle que le mot fonction a tout intérêt à être défini au sens mathématique de la façon la plus rigoureuse qui soit. Une fonction biologique c'est un phénomène qui peut être représenté par une fonction mathématique (voir cours de seconde et une petite page sur les mathématiques en SVT en seconde). Ici nous nous intéressons à des fonction locales et donc que l'on peut explorer expérimentalement.


La topologie est une branche des mathématiques qui s'intéresse aux propriétés de l'espace et des ensembles de définition des fonctions du seul point de vue qualitatif; elle précise les notions de continuité-discontinuité, bords, limites...




3.1 Comprendre la fonction enzymatique








Être une enzyme signifie avoir une fonction enzymatique. C'est-à-dire une fonction catalytique (accélération d'une réaction chimique sans altération du catalyseur). On pourrait dire que cette fonction est topologique dans le sens où elle repose sur une similitude de forme entre l'enzyme et un état transitionnel du(des) substrat(s).



Mais comment comprendre l'activité enzymatique ? Une fois encore on a (au moins) deux attitudes (voir aussi la page de synthèse sur les niveaux d'organisation du vivant) :


- chercher à comprendre comment est "contrôlée" la forme de l'enzyme (et plus particulièrement du site actif) et en quoi cette forme permet l'activité catalytique au niveau chimique (liaisons faibles, transfert de charges...). C'est la voie du réductionnisme. Je vous propose une autre voie.


- accepter comme un fait expérimental (empirique) ce contrôle de la forme et chercher à en formaliser les limites. C'est la voie du structuralisme. Toute fonction topologique - qui repose sur une correspondance des formes - pourrait être appelée enzymatique. René Thom en a dessiné les contours (dans Modèles mathématiques de la morphogénèse (1971, 1974, 1980) notamment).






Voici quelques exemples de ces deux attitudes:



voie réductionniste (c'est la voie de vos manuels scolaires et de l'immense majorité des recherches):


La correspondance entre les formes du site actif de l'enzyme et de la forme de transition du substrat conduit à l'établissement de très nombreuses liaisons faibles (Van der Wals, hydrophobe...) qui sont responsables de l'apport d'une énergie qui expliquerait l'activité enzymatique elle-même. Cette manière de voir, encore bien mystérieuse, est plus qualitative que quantitative. Pour essayer de réduire l'activité enzymatique à des phénomènes moléculaires connus on peut considérer qu'elle repose sur la capacité de molécules à établir des liaisons ou à les rompre, ce qui est la base de toutes les réactions chimiques. Cette capacité dépend bien sûr des propriétés propres de la molécule (répartition de ses charges dues à son composants et à ses groupes caractéristiques (que l'on appelait auparavant improprement "fonctions"), ... ) mais aussi des conditions physiques du milieu (pression, température, ligands, charges voisines dont surtout molécules d'eau...).


L'activité enzymatique dépend donc d'une part de conditions propres de la molécules (internes ou intrinsèques) et de conditions du milieu (externes ou extrinsèques). Il y a un réductionnisme interne et externe (voir René Thom, Modèles mathématiques de la morphogénèse, p 42 et s).
Pour une protéine enzymatique on relie habituellement les conditions propres à plusieurs niveaux d'organisation:
- la structure primaire qui est la séquence des aa de chaque chaîne de la protéine (qui peut en comporter plusieurs): elle est due aux liaisons COVALENTES : liaisons peptidiques (-CO
-NH-) entre les groupes fonctionnels carboxyle (-COOH) et amine (- NH2) des aa et liaisons disulfure (-S-S- ) entre les radicaux (-SH) des aa cystéine (Cys).
- les structures d'ordre supérieur (2 à 4) qui correspond au repliement de chaque chaîne et à leur association entre elles
(et avec des groupements supplémentaires dits prosthétiques pour les hétéroprotéines) par des liaisons FAIBLES.
La structure primaire est en relation indirecte (par l'intermédiaire du code génétique, des ribosomes, des ARNt) avec l'information génétique des ARNm recopiée à partir de celle de l'ADN. On sait modifier - par génie génétique - l'information génétique ou des étapes de la synthèse des protéines au sens large (de la transcription, de la maturation des ARNm ou de la traduction) afin de faire produire à une cellule des enzymes à activité réduite ou supprimée.


MAIS,
plus on avance dans la connaissance des protéines moins il devient évident de relier la structure primaire avec la forme de molécule; au contraire, les formes des protéines sont caractérisées par un nombre limité de formes de base
(ou motifs -
voir par exemple Les protéines, rouages des cellules, H. Berman, D. Goodsell et P. Bourne, Pour la Science, Dossier n°46, janvier mars 2005, p 32;
plus récemment voir Sebastian E. Ahnert, Joseph A. Marsh, Helena Hernandez, Carol V. Robinson, Sarah A. Teichmann
Principles of assembly reveal a periodic table of protein complexes
Science 350, 1331 and aaa2245 (2015). DOI: 10.1126/science.aaa2245 :

http://www.periodicproteincomplexes.org
)
 qui sont obtenus pour des séquences très différentes étant donné les profondes similitudes des aa vis-à-vis du composant majoritaire de la cellule: l'eau
(voir remarque ci-dessous et la page code génétique). Avec la démarche inverse il est clair que la prédiction (complète) de la structure d'ordre supérieur à partir de la structure primaire est impossible. Par contre, si l'on s'appuie sur une théorie du type de celle de la théorie des catastrophes, il devient possible de prévoir la forme d'une molécule à partir de sa fonction (et non plus de sa séquence primaire), comme on peut le faire pour une protéine enzymatique (voir paragraphe ci-dessous: voie structurale).
Il est aussi important de ne pas confondre la stabilité de la forme (ou conformation stable au sens de forme dans l'espace) d'une protéine isolée
(ce que l'on peut relier à sa capacité à cristalliser - c'est-à-dire former un cristal ordonné -, et qui dépend bien sûr de sa structure aux différents niveaux) et l'ordre (voir Le désordre, clé de voûte des protéines, Véronique Receveur-Béchot et David Karlin, La Recherche, juin 2005, 387, 52-55). De nombreuses protéines (probablement plus de la moitié des protéines connues) présentent pour la totalité, ou pour une partie de leur séquence, des zones qui ne se replient pas (appelées maladroitement "désordonnées" ou pire "non structurées" ) et qui n'en sont pas pour autant moins essentielles dans la fonction de la protéine. Les fonctions associées sont encore insuffisamment vulgarisées mais il est probable que l'on découvre une grande diversité de fonctions mécaniques (l'article de La Recherche cite notamment la titine, protéine géante, assurant la cohésion des myofibrilles...) ou chimiques. Ces protéines n'auraient pas une activité de type enzymatique au sens défini ci-dessus de "fonction topologique" mais bien des fonctions mécaniques, électriques ou chimiques variées: ce ne seraient pas des enzymes mais des protéines fonctionnelles (ayant une fonction propre liée à leur structure mais pas à une structure trimensionnelle ou conformation spatiale STABLE).
Les conditions externes de l'activité enzymatique sont très mal connues IN VIVO.







Remarque:
L'élément essentiel dans une cellule vivante est l'eau (une cellule comprend 80% d'eau environ). Mais cette eau n'est pas libre et n'est donc pas disponible comme solvant. Les modèles d'activité enzymatique calculés à partir d'expériences in vitro, en solution aqueuse sont inappropriés pour le vivant (et plus encore les logiciels de simulation - strictement "abio"chimiques - qui ne représentent jamais les complexes enzymatiques pourtant omniprésents dans les cellules).
On sait qu'une couche d'eau extrêmement fine (d'une épaisseur de quelques molécules soit 1,1 nm environ - voir
page sur la cellule) entoure toutes les macromolécules cytoplasmiques. On l'appelle "eau interfaciale". Cette eau peut favoriser ou au contraire défavoriser la liaison enzyme-substrat. On peut aller jusqu'à dire (en restant dans une approche réductionniste) que c'est cette eau interfaciale qui contrôle l'activité enzymatique.





voie structurale (je précise que cette voie est peu balisée - et beaucoup auront du mal à différencier réductionnisme externe et structuralisme - mais ô combien attirante):



Si la fonction enzymatique est topologique (au niveau moléculaire) on va donc pouvoir trouver - pour une enzyme donnée - une autre molécule, qui ne soit pas forcément une protéine (et qui habituellement n'a pas d'activité chimique réactionnelle) mais qui va pouvoir présenter une fonction catalytique due uniquement à sa forme.


On a d'abord découvert des ARN à fonction enzymatique (les ribozymes) qui peuvent catalyser la coupure d'autres ARN (ARNase P) ou même ce que l'on appelle improprement une autocatalyse (les molécules d'ARN "autocatalytiques" de certains virus ou fabriquées artificiellement sur ce modèle étant susceptibles de se couper elles-mêmes en plusieurs fragments) - un catalyseur par définition doit être restitué intégralement en fin de réaction ce qui n'est pas le cas dans une "autocatalyse". Mais la connaissance topologique de ces "enzymes" reste insuffisante.


C'est Linus Pauling en 1940 qui émit une hypothèse beaucoup plus générale et qui va tout à fait dans le sens structural: il suggéra de rechercher des anticorps (notés Ac; ce sont des glycoprotéines formées de 4 chaînes associées en forme d'"y" - voir immunologie en classe de terminale) dirigés contre l'état de transition d'un substrat réactionnel, qui devraient donc être doués d'une activité catalytique. On a leur a donné le nom d'abzymes. Vous remarquerez aisément que l'on n'a aucun moyen d'isoler le site actif d'une enzyme. On est donc bien obligé de passer par des l'état de transition. Mais comme ce dernier est beaucoup trop instable pour être observé il faut bien passer par des analogues de l'état de transition. On les repère en cherchant des molécules qui se fixent au site actif d'une enzyme avec des affinités encore beaucoup plus importantes que le substrat réactionnel et qui y restent...(ce sont des inhibiteurs de type bloquants : ils réalisent une inhibition irréversible). Cependant, à partir de 1974, lorsque la notion de réseau idiotypique a été formalisée par Niels Kaj, on a élargi la recherche des analogues à celle des Ac dirigés contre des épitopes des Ac dirigés contre une enzyme et ainsi produire des Ac dirigés spécifiquement contre le site actif de l'enzyme. Il a fallu attendre 1986 pour obtenir les premières abzymes. Les molécules d'Ac ont naturellement une diversité topologique quasi infinie. On produit notamment des abzymes en sélectionnant (de façon indirecte par des molécules qui fixent elles aussi ces mêmes Ac) des Ac dirigés vers le site actif d'enzymes (sorte de moule interne du site actif). Puis on fabrique des Ac complémentaires de ces Ac (moule externe de ces moules internes) et qui possèdent alors une activité catalytique voisine de l'enzyme.




On peut élargir le concept d'enzyme à toute structure qui, par correspondance topologique avec un état transitionnel, permettrait une activité. C'est ce que Thom appelle l'effet enzymatique, si je ne me trompe.


Deux extraits de Stabilité structurelle et morphogénèse - Essai d'une théorie générale des modèles, 1968 (stabilite.pdf)


« Dans un autre exemple tiré des solides, le système clef-serrure cher aux biochimistes, il ne peut y avoir interaction qu'à condition de supposer la clef mobile (dans toutes les positions permises dans le complémentaire de la serrure) ; une clef n'est porteuse de signification pour une serrure que si l'on l'enfile et on la tourne. On a là un exemple typique d'une situation où, si l'on prend clef et serrure statiquement, presque toute la structure de leur interaction repose sur l'agent moteur, l'individu qui tourne la clef, autrement dit sur le potentiel d'interaction ; si l'on veut se placer dans une optique qui élimine l'interaction, il faut rendre les deux systèmes mobiles ». (p 187)


« B. Morphologie et Biochimie
On peut d'ailleurs se demander d'ores et déjà si, au lieu d'expliquer la Morphogénèse par la Biochimie, ce n'est pas l'attitude inverse qu'il convient de prendre. Le problème de déterminer la structure tertiaire d'une protéine en fonction de sa structure primaire est, typiquement, un problème de dynamique des formes (au sens du chapitre 7) ; il s'agit de déterminer les minima de la fonction U, énergie libre, sur l'espace fonctionnel L de toutes les configurations de la molécule ; qui pourrait douter que l'ensemble S de bifurcation de L, qui représente l'ensemble des positions où la molécule se recoupe, ne joue un rôle de singularité pour U? Et que la topologie relative des bassins des différents minima de U ne joue un rôle essentiel dans l'activité, enzymatique ou motrice, de la molécule ? L'étude récente de diverses enzymes (le lysozyme, par exemple) a montré l'aspect éminemment morphologique de bien des réactions enzymatiques ; on voit les molécules se palper, se pincer, se tordre, se déchirer presque comme des êtres vivants ; il ne faut pas s'en étonner ; dans la mesure où une réaction biochimique reflète un incident local d'une compétition spatiale entre différents régimes, les contraintes topologiques imposeront à ces incidents locaux de simuler les catastrophes globales de la morphogenèse sur l'espace-temps R4. En bien des cas, ces mécanismes moléculaires se sont imposés parce qu'ils réalisaient la meilleure simulation locale de la catastrophe biologique globale qui leur a donné naissance. Le fait que certains de ces mécanismes persistent in vitro ne doit pas dissimuler leur origine et leur signification biologiques. Ces réactions présentent alors une grande stabilité interne vis-à-vis du milieu ambiant ; elles perdent d'ailleurs in vitro l'aspect polarisé et orienté qu'elles présentent en milieu vivant. Il est frappant d'observer à cet égard, que les réactions de réplication génétique affectant l'ADN - dont on a voulu faire l'essence même de la vie - sont relativement grossières et résistantes, alors que les réactions qui dominent toute l'énergétique vitale, comme celles qui ont lieu dans les plastides et les mitochondries, dépendent d'une morphologie qu'on n'a pu jusqu'à présent reproduire in vitro.» (p 216)


Il n'est pas faux de dire que la tentative pour comprendre les enzymes "à la manière de Thom" s'apparente à une redécouverte de la notion d'enzyme-propriété qui s'est longtemps opposée à celle d'enzyme-substance (cf EU article "enzymes"); l'histoire est un éternel recommencement. Le projet est bien d'unir en dépassant l'apparente séparation entre ces deux notions.
Si l'on reste au niveau local on ne voit que des discontinuités (liaisons établies ou rompues) alors qu'au niveau global, analogique du niveau du vivant, on voit des enzymes reproductrices (qui réalisent des isomorphismes... comme une ADNpolymérase (ou plutôt tout le complexe réplicatif dont l'ADNpol) qui fabrique une copie d'une molécule... ), des enzymes relationnelles (protectrices (chaperonines... par isolement de la structure à protéger), informatrices (par déformation d'une cible et non pas reproduction d'une déformation...)....) et des enzymes nourricières (qui transfèrent de la matière ou de l'énergie...)...




3.2 L'exemple des polysomes et essai de généralisation



pour les données moléculaires simples de niveau lycée voir la page :
le gène moléculaire, unité fonctionnelle synthétique



Un exemple particulièrement simple à comprendre est celui des ribosomes. Ces particules sont maintenant très bien connues et l'on peut affirmer que d'une part ce sont bien leur propriétés topologiques qui leur confèrent leur fonction et d'autre part que ces complexes ARN-protéines sont restitués intégralement sans altération en fin de réaction (ce que l'on appelle le cycle ribosomial): ces deux propriétés en font des enzymes au sens général. À ce sujet on dit souvent que les ribosomes sont les catalyseurs de la synthèse protéique, ce qui correspond bien à les apparenter à des enzymes.
À la limite on pourrait aussi considérer que la propriété de l'ARNm qui est de servir de modèle pour l'enchaînement des aa est une propriété de type enzymatique car topologique et non destructrice. L'information génétique serait alors topologique ou encore enzymatique. La fonction globale est bien ici une reproduction.
Seul l'espace des phases permet d'approcher les dynamiques.

Les éléments qui suivent sont repris de la conférence du 4e congrès BCM - Poitiers 2005 (voir la 2ème partie)- la réflexion y est plus complète


On est tenté d'assimiler le plan (x,y) des observations au plan (x,t) des positions, mais cela n'est pas possible car on a un cadavre fixé et coloré. Les physiciens utilisent l'espace des phases* (voir page sur le continu). Pour un point animé d'un mouvement dans un plan , l'espace des phases est un plan (x,v). On pourrait alors avoir une spirale divergente (ou convergente) dans le cas d'un système linéaire amorti. Dans l'espace des positions on a une trajectoire linéaire bornée aux deux extrémités, ce qui n'a rien à voir avec notre "spirale". Pour obtenir une telle morphologie la dynamique est donc plus compliquée (deux attracteurs** au moins doivent s'affronter). Il faut approfondir ses bases mathématiques et surtout géométriques et analytiques.

*espace abstrait qui permet de définir complètement l'état d'un système à partir de la connaissance des coordonnées de ce système dans cet espace

** attracteur; régime asymptotique stable (atteint au bout d'un temps infini)




La fronce permet une représentation d'une dynamique analogue à la dynamique polysomiale dans un espace des phases dont les paramètres sont à préciser



On notera que la dynamique proposée est récurrente pour les modèles thomiens (peut-être parce qu'elle représente un premier niveau d'approche - qu'il est bien sûr nécessaire de la préciser, ce qui ne peut être fait à ce niveau de compréhension - mon propos ici n'est que de souligner l'analogie en me servant d'un outil... que je ne maîtrise pas mais dont je vois l'utilisation que pourrait en faire un mathématicien). L'arbre à came de droite est analogue à la forme des polysomes dans l'espace cytoplasmique fixé et mort.

On peut penser que dans ce cas la dynamique proposée est pertinente et qu'il ne reste qu'à trouver les paramètres qui ont été figés dans la coupe. Si le système de synthèse protéique est stable il n'est pas étonnant que la surface fronce représente une coupe de l'espace euclidien. Il est urgent de s'efforcer de trouver des paramètres pertinents de la dynamique métabolique cytoplasmique. C'est un travail que je ne peux faire seul. J'en appelle une fois encore à l'inventivité de notre jeune génération.
On remarquera que l'initiation est habituellement représentée au centre de la figure mais je ne connais aucun argument en faveur de cette hypothèse. La dynamique présentée ici exige que l'initiation se fasse sur le bord externe du polysome (l'extrémité 5' de l'ARNm avec sa coiffe ("cap structure") doit se trouver à cet endroit et non au centre). Je souligne deux points. D'une part, une dynamique convergente (même si ce n'est pas dans l'espace euclidien) est plus parlante et conforme à l'intuition (la libération des sous-unités ribosomiales au point de potentiel le plus bas permet aisément une récupération au niveau du site d'initiation voisin). D'autre part, on peut penser qu'il existe une fonction de structuration de la protéine au sein du polysome, les ribosomes pouvant intervenir comme "chaperons". Ceci est une piste de recherche ouverte (interactions sous-unités ribosomiales - polypetide en formation). En tout cas la localisation du point d'initiation devrait pouvoir être assez facilement précisée expérimentalement.


La fronce

Une représentation de la morphologie de la dynamique du cycle ribosomial (la surface est le lieu des points singuliers du potentiel F, c'est-à-dire le lieu où la dérivée s'annule, voir page complémentaire pour des explications simples avec des exemples.)

Un essai de généralisation :
exemples de morphologies dans un espace R4 obtenues à partir de conflits d'attracteurs
classification internationale des enzymes (chimique)
classification fonctionnelle topologique


Table des morphologies archétypales, René Thom, SSM, Figure 13-18, p 451 ordre modifié

types fonctionnels d'enzymes
n° et nom

action vue du côté du bilan chimique (produits, réactifs, atomes impliqués, répartition de charges)

réversibilité
nombre d'acteurs
verbes associés aux morphologies

 

  • des enzymes nourricières
    qui transfèrent de la matière ou de l'énergie...)...capturer des proies, les assimiler (prendre), capter la lumière, capter de l'air, rejeter des déchets

  • des enzymes relationnelles
    informatrices qui peuvent
    envoyer des signaux, se déformer (changer, secouer, traverser) en fonction des signaux reçus, protéger (chaperonines... par isolement de la structure à protéger)...

  • des enzymes reproductrices
    qui réalisent des isomorphismes... comme une ADNpolymérase (ou plutôt tout le complexe réplicatif dont l'ADNpol) qui fabrique une copie d'une molécule...

1 oxydo-réductases

transfert d'e-

+
2/1*
changer
capturer
émettre

3 hydro-lases

hydrolyse (transferts de groupements fonctionnels à l'eau)

-
1/2**
couper
faillir

4 lyases

addition d'un groupement fonctionnel sur une double liaison ou formation d'une double liaison par élimination d'un groupement fonctionnel

+
1/2***
cracher
rejeter, prendre, envoyer

5 iso-mérases

transferts de radicaux à l'intérieur d'une molécule donnant une forme isomère

+
1
secouer

2 trans-férases

transfert de groupements fonctionnels

-
2
donner/
recevoir
traverser

6 ligases

formation de liaisons covalentes C-C, C-S, C-O, C-N par réaction de condensation couplée à une hydrolyse de l'ATP

-
2
lier

* 1 si l'on compte le coenzyme; 2 si l'on ne considère que le substrat oxydé ou réduit
** 2 si l'on considère l'eau
*** 2 si l'on considère la molécule qui donne ou qui reçoit le goupement fonctionnel