La cellule


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La théorie cellulaire (Buffon, Oken, Vischov) comprend deux affirmations :
* tout être vivant est composé en totalité (et uniquement) d'au moins une cellule
* et toute cellule est issue d'une autre cellule.

Affirmations auxquelles G. Canguilhem ajoute deux autres axiomes (dont il attribue la paternité aux personnalités dont les noms sont cités entre parenthèses) :
* les vivants non composés sont unicellulaires (Dujardin, Haeckel)
* l'œuf d'où naissent les organismes vivants sexués est une cellule dont le développement s'explique uniquement par la division (Schwann, Kölliker).

La cellule vivante (en travaux 2005)

Sources:
L'eau dans la cellule vivante; État physique, fonctions, Pascale Mentré, 2002, in L'eau dans les aliments, M. Le Mestre, D. Lorient et D. Simatos coord., Tec & Doc (ISBN: 2-7430-0523-8)
L'eau dans la cellule, Pascale Mentré, 1995, Masson
Encyclopedia Universalis, article "vie", G. Canguilhem.
La théorie cellulaire, G. Canguilhem in La connaissance de la vie, Hachette, 1952 (pp 47-98)
Comment les cellules construisent l'animal, Rosine CHANDEBOIS, 1999, Phénix éditions, Paris
Le gène et la forme (ou la démythification de l'ADN), Rosine CHANDEBOIS, 1989, Ed. Espaces 34
Le cycle cellulaire chez les animaux et les végétaux, Jean Clos, Marc Coumans et Yves Muller, Biologie-Géologie, 3-2002, p 497-564
Un site en anglais (de Martin Chaplin) particulièrement riche: http://www.sbu.ac.uk/water/index.html
Un site à recommander avec des vidéos et un texte clair :http://www.cerimes.fr/e_doc/cellule/cellule.htm

Avertissement
Contrairement aux apparences, relayées par le titre et les intertitres, cette page n'est qu'un essai de synthèse d'éléments modernes et anciens qui, bien souvent, dépassent le cadre de la théorie cellulaire mais, pour cette fois encore, sans chercher à le dépasser.

La cellule vivante n'est pas plus une chambre (cellula en latin), qu'une solution aqueuse, ni encore qu'une unité d'un programme du vivant. Une cellule est tout simplement un moyen commode que scientifiques et philosophes ont trouvé pour décrire le vivant. C'est une unité structurale et fonctionnelle. La cellule comme unité de structure découle du premier axiome de la théorie (tout être vivant est composé d'au moins une cellule). La cellule comme unité fonctionnelle est le plus petit élément VIVANT, qui possède TOUTES les caractéristiques du vivant. Si on reprend la formulation qui m'est chère, c'est la plus petite unité AU TRAVAIL: plus petite unité qui réalise un travail de nutrition, de relation et de reproduction. Le deuxième axiome de la théorie cellulaire (toute cellule est issue d'une autre cellule) permet de repousser la question de la vie hors du champ biologique et vers le champ philosophique, mais n'est pas une réponse. La biologie doit se contenter de cette propriété du vivant qu'elle ne peut relier à aucun objet sans sortir de sa méthode (qui est expérimentale et qui ne peut répondre à la question de la vie). La question de la pluricellularité est solutionnée en disant que chaque cellule est vivante mais n'est pas un être vivant, autonome. Seule la totalité de l'être vivant, composé d'innombrables cellules, peut être qualifié d'être vivant. C'est aussi une fuite ou une esquive et non une réponse. Un début de réponse (philosophique) peut être apporté si l'on considère l'organisme pluricellulaire comme une société de cellules.

Plan de cette page:

1 Deux barrières à ouvrir pour une nouvelle conception de la cellule:

1ère barrière entrouverte: l'unité structurale de la cellule ne vient pas de ses membranes (fluides) ou de structures macromoléculaires plus ou moins complexes baignant dans une solution aqueuse mais de son eau qui est, pour sa quasi-totalité, "coincée" au sein de la foule de macromolécules qui remplit la cellule: cette eau est interfaciale (structurée) et c'est elle qui contrôle le fonctionnement cellulaire:
Une cellule surpeuplée de macromolécules (le terme anglais de crowded est particulièrement évocateur).
Une cellule riche en eau mais en eau structurée et fonctionnelle.
2ème barrière entrouverte: l'unité fonctionnelle cellulaire ne vient pas d'une chimie du hasard (les lois probabilistes des milieux homogènes) mais d'une biochimie qui pourrait être fondée sur la finalité:
la vie cellulaire est un travail orienté vers une fin biologique.

2. Des chiffres anciens, un regard nouveau (en cours)

Ce schéma personnel ne doit pas être utilisé sans mon accord; je suis intéressé par toute remarque à son sujet
Ce schéma a pour but de fixer les ordres de grandeurs des dimensions et des objets observables ou imaginés aux différentes échelles (il a été réalisé pour une cellule eucaryote mais peut aussi s'appliquer, en tenant compte de l'absence de noyau et de structures membranaires internes, à la cellule procaryote):

1. Deux barrières à ouvrir pour une nouvelle conception de la cellule

1ère barrière entrouverte: l'unité structurale de la cellule ne vient pas de ses membranes (fluides) ou de structures macromoléculaires plus ou moins complexes baignant dans une solution aqueuse mais de son eau qui est, pour sa quasi-totalité, "coincée" au sein de la foule de macromolécules qui remplit la cellule: cette eau est interfaciale (structurée) et c'est elle qui contrôle le fonctionnement cellulaire:
Une cellule surpeuplée de macromolécules (le terme anglais de crowded est particulièrement évocateur).
Une cellule riche en eau mais en eau structurée et fonctionnelle.

Deux visions de la cellule s'affrontent encore...

une vision classique... physique
vers une vision plus complexe... biologique
l'eau, solution du vivant moléculaire

une cellule est un sac rempli d'eau et de molécules organiques et minérales en solution aqueuse, siège d'innombrables réactions chimiques qui façonnent sa forme et son activité

l'eau structurante, structurée et exerçant un contrôle fonctionnel sur les complexes moléculaires du vivant

une cellule est entièrement structurée, dynamique (en évolution: naissance, vie et mort), autonome (au fonctionnement intégré mais dont l'unité dépasse la somme des parties), vivante (au travail: de relation, de nutrition et de reproduction); les molécules ne sont plus en solution mais complexées, transportées, associées à des structures d'ordre supérieur

les structures intracellulaires sont des assemblages moléculaires stables : des complexes fonctionnels comme les ribosomes ou structurants comme les membranes (auxquelles sont associés des complexes fonctionnels enzymatiques par exemple). Ces structures sont dispersées ou regroupées dans le hyaloplasme, qui est fluide (ou à l'état de gel).

La totalité de la cellule peut être décrite à l'aide d'assemblages moléculaires et fonctionnels comme une membrane ou un ribosome: il n'y a pas d'espace, sauf vésicules particulières, où règne un milieu aqueux où puisse s'appliquer la chimie des solutions; lorsqu'on décrit un système moléculaire en interaction avec l'ADN, il faut prendre en compte toutes les relations de voisinage structural et non pas seulement les molécules que l'on pense pouvoir s'accoler directement à l'hélice d'ADN: l'action des molécules peut être mécanique par resserrement de la double hélice et agir donc à distance, voir, depuis la membrane cytoplasmique... changer notre conception du hyaloplasme change singulièrement notre approche des régulations... qui ne sont plus toujours chimiques mais qui peuvent être mécaniques, thermiques où ioniques...

Les membranes délimitent des compartiments où sont réalisées certaines parties du métabolisme; les molécules hydrosolubles diffusent librement dans chaque compartiment et passent d'un compartiment à l'autre à l'aide de pompes ou de canaux

Les compartiments ne sont plus seulement membranaires mais doivent être redéfinis en terme d'accessibilité des molécules aux différentes réactions chimiques réalisées dans ce compartiment et en termes d'échanges entre compartiments: la compartimentation est aussi bien temporelle que spatiale: le terme de division du travail est on ne peut plus d'actualité; les molécules sont toujours transportées dans un compartiment aussi bien que d'un compartiment à l'autre. Ces transports peuvent rendre compte de métabolismes rapides.

De l'observation à l'imagination

Un essai de représentation d'un modèle biologique d'une cellule "théorique" comme "complexe moléculaire structuré"
(le schéma du cytoplasme est extrait et très modifié de Pascal Mentré, L'eau dans la cellule, Masson, 1995, p 173 fig 8.7)

Quelques points majeurs, essentiellement d'après Mentré, 2002 (à qui on se reportera pour les références aux publications scientifiques dont les auteurs ne seront pas cités dans cette page de synthèse, étant donné que je ne les ai pas lus... ):
- l'eau représente près de 80% en masse de la cellule vivante mais cette eau est à près de 80% sous forme d'un film interfacial d'environ 1,1 nm d'épaisseur qui se trouve entre les molécules organiques structurant la cellule. Il reste donc 20% d'eau libre où s'appliquent les lois de la chimie des solutions aqueuses, principalement de l'eau présente dans des vésicules.
Pour comprendre comment une augmentation de la surface de contact, qui est due à la faible taille des macromolécules, augmente considérablement le volume d'eau associé à un ensemble de macromolécules, on peut prendre l'exemple de l'ADN: à chaque nucléotide est associé environ 20 molécules d'eau (eau "liée", très structurée, non congelable) ce qui représente environ 80% du poids de la molécule d'ADN. Si l'on place de l'ADN cristallisé en solution aqueuse il gonfle, ce que l'on peut expliquer par la mise en place d'au moins une seconde couche d'eau entre les brins d'ADN, couche moins structurée et congelable, dont l'origine pourrait provenir du caractère fortement électrolytique de la molécule d'ADN. Dans une cellule vivante, l'eau associée à l'ADN atteint ainsi une masse nettement supérieure à la masse d'ADN. On peut donc comprendre que, tout comme ses composants moléculaires, dont la forme est à la fois stabilisée par l'eau et due en partie à cette hydratation, la cellule contient une énorme quantité d'eau, fortement structurante et structurée.


L'ADN, une molécule très hydratée

Pour une molécule organique de 2 nm de diamètre (de l'ordre de celui de la molécule d'ADN) supposée sphérique (donc de volume 33,5 nm3), une couche d'hydratation dont l'épaisseur est estimée à 0,27 nm correspond à un volume de (4/3 ¼ (2,273-23)nm3= 15,5 nm3 ) soit un volume relatif de (2,273-23/23 ) soit 46%. Avec une deuxième couche d'eau on atteint 105 % et 177% avec une troisième couche d'eau.
Il faut cependant raisonner en masse et non en volume et avec des molécules de forme très complexe, mais toute augmentation de la surface de la molécule va bien de le sens d'une augmentation de la masse d'eau associée dans des proportions très importantes qui ne sont évidentes que pour un chimiste.

Il est évident que, si la majorité des scientifiques actuels s'accordent pour la présence d'une couche d'eau "liée", l'épaisseur de la "coquille d'hydratation" est fortement discutée par les spécialistes.
La première couche d'eau est appelée eau liée (bound water).
Les couches d'eau d'ordre supérieur sont appelées eau structurée (structured) ou polarisée (polarized) ou contrainte (strained) ou encore vicinale (vicinal).
L'eau dont les molécules ne sont pas en interaction avec la macromolécules forme une eau "libre" qualifiée d'eau bulk. C'est par exemple l'eau contenue dans des vésicules (de pinocytose) d'un diamètre de l'ordre de 100 nm ou supérieur (vacuole des plantes ?).
Enfin il existe aussi une eau constitutive des macromolécules, inextractible sans modifier profondément la structure et la fonction de la molécule.

En sachant que l'empilement de sphères le plus dense atteint près de 75% du volume total (c'est la fameuse conjecture de Kepler qui a reçu une démonstration faisant intensément appel à l'informatique par Hales en 1999), on peut faire entrer approximativement, dans un volume Vo donné d' environ 70 µm3, 100 sphères de 1 micromètre (1 µm) de diamètre, possédant une couche d'eau liée environ 1,1 nm d'épaisseur ou 73 millions de sphères d'un diamètre 100 fois plus petit (10 nm) avec une couche d'eau liée de la même épaisseur.
Le volume d'eau liée dans le premier cas est de l'ordre de 0,2 µm3 (en fait 0,25% du volume total) alors que dans le second cas, il atteint 14 µm3 (soit 20% du volume total).
Pour des ions hydratés les calculs sur le volume sont inefficaces mais on peut raisonner sur le nombre d'ions et de molécules. L'eau représente bien plus de 50% du volume. Un ion K+ est solvaté en moyenne par 4 molécules d'eau. Le rayon ionique (voir plus bas) est de l'ordre de 0,121 nm ce qui ferait plus de 7.000 milliards d'ions dans un volume de 70 µm3. Ce qui correspondrait à un nombre 4 fois plus élevé de molécules d'eau associées. En masse on a 35% de K+ pour 65% d'eau.

Cette analogie géométrique peut aider à comprendre comment une cellule contiendrait 80% de son eau sous forme d'eau interfaciale (liée) constituant un microfilm de 1,1 nm d'épaisseur autour des macromolécules cellulaires.

DIVISER pour CROÎTRE en surface

volume Vo (environ 70 µm3)
100 sphères
73 millions de sphères
1 µm de diamètre
10 nm de diamètre (1/100 µm)
une couche d'eau liée de 1,1 nm d'épaisseur
volume d'eau liée d'environ 0,2 µm3 soit 0,25% du volume total
volume d'eau liée d'environ 14 µm3 soit 20% du volume total


Même si les spécialistes discutent pour savoir quel est le nombre habituel de couches d'eau liée autour des macromolécules, elles sont omniprésentes. Une molécule est toujours entourée d'eau plus ou moins fortement attachée à elle. Cette eau est ordonnée selon les interactions qu'elle développe avec la molécule à laquelle elle se lie: on parle ainsi d'eau liée ou d'eau structurée. Par rapport à la figure 1, cette figure correspondrait à un grossissement environ dix fois plus fort le grossissement le plus fort de la figure 1 soit environ 5.000.000 de fois; ce qui n'est bien sûr pas accessible à une quelconque technique microscopique sur des molécules en place dans un cytoplasme, et encore moins sur de la matière vivante. Nous devons donc nous contenter d'interprétations, réalisées par des méthodes indirectes, et non d'observations.

Quelques formes de l'eau structurée interfaciale:
- les molécules d'eau établissent des liaisons hydrogène entre elles (structure ice-like) qui sont fortement favorisées dans les poches hydrophobes et au voisinage des domaines apolaires des molécules;
- les molécules d'eau (polarisées) sont fortement attirées par les domaines ionisés des molécules et forment une eau électrostrictée dont la densité peut atteindre 1,2. Les molécules d'eau électrostrictée s'échangent sans cesse avec l'eau bulk;
- les molécules d'eau sont fortement immobilisées par des liaisons hydrogène (de structure variées) au niveau des domaines polaires.

 


Les liaisons hydrogène sont responsables de nombre de propriétés originales de l'eau liquide et solide (voir page sur l'eau).
La petite taille du proton est à l'origine de l'intensité de la liaison hydrogène car un champ électrostatique engendré par une particule de charge q varie en q/d2, si d est la distance au centre de la particule. Le proton forme un pont entre un atome donneur auquel il est lié de façon covalente (O) et un atome accepteur qu'il attire électriquement (O ou N, mais aussi C ou encore un nuage d'électrons ¼ d'un cycle aromatique...) . L'habituelle linéarité de la liaison hydrogène observée entre molécules d'eau dans la glace, n'est pas conservée dans toutes les liaisons hydrogène qui peuvent aussi présenter des énergies variables en fonction de leur longueur (8 kJ.mol-1 pour les plus courtes liaisons à 42 kJ.mol-1 pour les liaisons les plus longues). L'établissement d'une liaison hydrogène modifiant les caractéristiques du donneur et de l'accepteur, on observe un phénomène de coopérativité qui facilite l'établissement de liaisons en chaîne. Ces chaînes de molécules d'eau liée expliqueraient nombre de fonctions de l'eau interfaciale.

 


La solvatation résulte de l'établissement de liaisons électrostatiques entre les molécules d'eau et les ions et de liaisons hydrogène entre les molécules d'eau de cette "couche" dite de solvatation. Le nombre moyen de molécules d'eau de la couche de solvatation dépend de la charge de l'ion et de son rayon atomique: plus l'ion est chargé plus il attire les molécules d'eau; et à charge égale, plus un ion a un rayon ionique important, moins il attire de molécules d'eau. Pour un ion de grande taille de charge négative comme le chlore, cette charge est répartie sur toute la surface de l'ion (1/S=1/¼ R2) est est donc plus faible que pour un ion de petite taille comme de sodium. Ainsi l'ion chlorure est solvaté par environ 3 molécules d'eau pour un rayon de solvatation inférieur au rayon de l'ion dans un solide ionique (NaCl) alors que l'ion sodium est solvaté par environ 5 molécules d'eau et son rayon ionique est presque deux fois plus faible que lorsqu'il est solvaté. Un autre exemple est le lithium (ion Li+) qui est solvaté par environ 6 molécules d'eau ce qui fait passer son rayon ionique de 0,060 nm à 0,236 nm (soit près de 4 fois plus) lorsqu'il est solvaté. L'ion potassium (K+), volumineux, et ne portant qu'une seule charge positive, n'est solvaté que par 4 molécules d'eau en moyenne, et passe d'un rayon ionique de 0,133 nm à 0,121 nm lorsqu'il est hydraté.
Dans un champ électrique, EN SOLUTION, les ions les plus petits et les plus solvatés migrent le plus lentement.


Les clathrates sont des structures polyédriques à faces pentagonales qui contiennent des molécules d'eau réunies par des liaisons hydrogène et des molécules hydrophobes (on connaissait les clathrates en géologie où c'est une forme d'association de l'eau avec les hydrocarbures, et en astrophysique où ces structures ont été utilisées pour expliquer certaines caractéristiques spectroscopiques des rayonnements de certaines corps célestes) . Les clathrates sont très stables, cristallisables, et peuvent contenir jusqu'à 90% d'eau.
On pense que des structures de type clathrates, imparfaites, seraient extrêmement fréquentes pour les molécules biologiques hydrophobes et même au voisinage des domaines hydrophobes de macromolécules.


Les 3 types principaux de structuration de l'eau au voisinage d'une macromolécule: eau de solvatation (remarquez la seconde couche d'eau liée à la première par des liaisons hydrogène: la première couche est appelée eau liée (sous-entendu à la macromolécule), la seconde, eau structurée), eau liée par des liaisons hydrogène à des domaines polaires ou à des nuages d'électrons ¼ (là aussi une seconde couche d'eau stabilise la première couche), eau liée par des liaisons hydrogène en structures de type clathrate au voisinage de domaines hydrophobes (d'après Mentré, 1995, Fig 12.2 principalement).

- L'eau cellulaire est très hétérogène:
* elle est polarisée (anisotrope),
* elle présente des variations importantes dans son architecture, son degré de coopérativité et sa densité,
* elle possède un pouvoir solvant réduit,
* elle possède une activité osmotique réduite.

- L'eau cellulaire n'est pas immobile mais percole la cellule.
Toutes les liaisons évoquées ci-dessus sont des liaisons dynamiques dont le turn-over est rapide. Une molécule d'eau engagée dans une liaison électrostatique avec un domaine ionisé d'une molécule reste moins longtemps dans cet état que dans l'eau bulk qu'elle rejoint au bout de quelque temps. L'eau interfaciale peut aussi se déplacer avec les structures cellulaires qu'elle enrobe, et ce, avec des vitesses bien supérieures à celle de la diffusion dans une eau bulk. On peut considérer que les molécules de toute petite taille sont capables de percoler avec l'eau interfaciale. La plupart des macromolécules, qui sont d'ailleurs souvent associées en complexes moléculaires, sont transportées.
Il n'en reste pas moins que ce que l'on nomme l'autodiffusion de l'eau dans la cellule reste un phénomène à explorer ( ce qui a déjà été commencé mais sort du cadre de cette synthèse partielle - voir Mentré,2002, p 103-104 et références) à la lumière de cette nouvelle vision de la cellule vivante.
Le transport de l'eau par les vésicules de pinocytose reste aussi un mode de transport rapide et efficace.

- les transports de molécules, d'ions, de signaux se font d'autant plus rapidement qu'ils sont associés à des structures de transport de grande taille;
par exemple au sein d'un axone on estime la vitesse de diffusion de protéines isolées (de diamètre de l'ordre de quelques nm) inférieure à 0,01 µm.s-1, alors que avec des protéines transporteuses (de diamètre de l'ordre d'une dizaine de nm) on atteint des vitesses de l'ordre de 0,05 µm.s-1 et enfin, avec des vésicules (de l'ordre de 100 µm de diamètre) on atteint des vitesses de l'ordre de 0,5 µm.s-1. Pour chaque ordre de grandeur de taille on gagne un ordre de grandeur en vitesse (in Mentré, 2002, p 91).

- les réactions chimiques du métabolisme se font dans des structures complexes, sans eau libre, ce qui explique des rendements proches de 100%;
la faiblesse des rendements en solution aqueuse peut être due au peu d'accessibilité des substrats; l'excellent rendement pour des enzymes associées en complexe est dû à la diminution du temps de transit d'une enzyme à l'autre; on désigne ce mécanisme d'association par le terme de canalisation (chanelling) ou d'une façon plus générale de compartimentation métabolique qui exprime l'idée d'association des enzymes impliquées dans une même chaîne métabolique .
La compartimentation métabolique est donc une notion qu'il faut étendre à la totalité de la cellule, en relativisant la notion de membrane et des canaux ou transporteurs qui lui étaient associés. Un compartiment métabolique peut très bien se répartir à la fois dans un organite, le long d'une membrane et à l'extérieur de celle-ci.
L'eau structurée pourrait servir de réseau de coordination des signaux intracellulaires au sein de laquelle les transports seraient nettement plus rapide que dans une eau libre; des résultats assez convaincants ont déjà été obtenus avec des mouvements de protons qui transmettent des signaux extérieurs en signaux intracellulaires.

- les concentrations in vivo sont trop faibles pour obéir aux lois de la chimie des solutions: la notion de gradient de concentration perd tout sens dans une cellule:
on estime qu'une bactérie comme Echerichia coli ne contient qu'une centaine de protons qui sont éloignés les uns des autres de plusieurs centaines de nm et donc ne peuvent être responsables d'un gradient de concentration. De même pour les ions calcium que l'on estime à une concentration cellulaire de 10-3M dont 10-8M à 10-6 libres (non complexé par des macromolécules comme la calmoduline...) mais solvaté (entouré par des molécules d'eau).

Dans une bactérie comme Escherichia coli que l'on peut estimer parallélipipédique (de volume V=2.1.1 µm3 = 2.10-15 L), une concentration de 10-6M correspond à un nombre de molécules de calcium n = N (nombre d'Avogadro). 10-6. V soit n = 6.1023.10-6.2.10-15 molécules = 1200 molécules. De la même façon, une concentration de 10-8M correspond à un nombre de molécules de calcium n = N (nombre d'Avogadro)x 10-8. V molécules soit n = 6.1023.10-6.2.10-15 molécules = 12 molécules. En supposant chaque molécule au centre d'un cube de côté "a", la distance entre deux molécules est très approximativement égale à "a" soit RACINE CUBIQUE [(V/n)]. On trouve 0,1 µm pour la concentration de 10-6M et 0,6 µm pour la concentration de 10-8M. Pour une cellule supposée sphérique, on a les mêmes ordres de grandeur.


Comment imaginer qu'une dizaine d'ions ou même quelques milliers d'ions, séparés par de très nombreuses macromolécules puissent déterminer un gradient de concentration à de telles distances ! Quand aux compartiments membranaires habituellement invoqués pour présenter une concentration homogène, leur taille étant de l'ordre de la centaine de nanomètre (épaisseur d'une citerne golgienne ou du réticulum endoplasmique) au micromètre (mitochondrie), ils ne peuvent non plus contenir plus de quelques unités à dizaines d'unités de ces ions, bien incapables donc de déterminer un gradient de concentration. Cette remarque d'une part remet en cause probablement la mesure des concentrations aussi faibles que celles présentées et d'autre part oblige à considérer que les molécules sont avant tout liées à d'autres molécules dans la cellule et que l'eau ne joue que très rarement, le rôle de solvant.


Les concentrations extrêmement faibles estimées pour le vivant conduisent à des interprétations trompeuses si l'on pense que le compartiment cellulaire bactérien, par exemple, est un milieu homogène où la chimie des solutions en milieu aqueux pourrait s'appliquer. Ainsi une concentration en calcium d'une nanomole correspond à environ 12 ions calcium dans le cytoplasme. Avec des chiffres aussi petits il est indispensable d'envisager une chimie des milieux hétérogènes pour le cytoplasme dont une représentation très imagée est proposée. On reconnaîtra la membrane plasmique (en orange) avec des protéines membranaires (en jaune) , des ribosomes (en gris) et des éléments du cytosquelette (en violet). Le calcium libre est très probablement séquestré dans des microdomaines très localisés (en bleu foncé) dans lesquels on peut peut-être utiliser une chimie statistique avec par exemple la loi d'action de masses, mais il est incohérent de l'appliquer à l'ensemble du compartiment cellulaire.

- les propriétés physiques du cytoplasme, sont hétérogènes et très variables selon les types cellulaires, ce qui peut notamment être expliqué par les différentes formes de l'eau au sein de ce cytoplasme:
le hyaloplasme ne formerait pas une entité homogène au comportement physique identique sauf dans quelques cellules très spécialisées comme les hématies dont la compartimentation est réduite à un quasi-unique compartiment, monofonctionnel. L'immense vacuole des cellules végétales peut aussi constituer un bon exemple de compartiment d'une telle homogénéité. La pression osmotique par exemple est un facteur que l'on ne peut probablement étendre à l'ensemble du compartiment cellulaire que dans ces cas exceptionnels. Il est bien plus probable que la quasi-totalité des cellules présentent plutôt une organisation en microdomaines où la pression osmotique est un facteur qui dépend des conditions locales principalement.
Une des théories les plus séduisantes sur l'organisation de l'eau cellulaire est la théorie de Watterson (1982,1991); la tension existant dans un volume d'eau est reliée par l'auteur aux mouvements vibratoires des molécules qui seraient dus aux phénomènes de coopérativité (résonance) observés entre les molécules d'eau reliées par des liaisons hydrogène. Il a ainsi mesuré que le cytoplasme serait organisé en domaines (clusters) d'environ 40 nm3 dont le diamètre correspond à la longueur d'onde vibrationnelle, voisine de 3,4 nm, les nœuds étant situés aux points où la tension est la plus faible. Chaque cluster contiendrait environ 1300 à 1400 molécules d'eau (pour un poids moléculaire de 24kDa). Un point essentiel d'application de cette théorie est que la plupart des protéines intracellulaires ont des dimensions qui correspondent précisément à un cluster: 40 nm3 pour un nombre de résidus compris entre 120 et 300 et un diamètre moyen de 3,5 nm. Ces clusters ne seraient pas des structures rigides mais dynamiques, très sensibles aux éléments introduits; les protéines polymériques par exemple, d'une taille supérieure à un cluster, modifiant la résonance de l'ensemble. Watterson propose de relier la stabilité de la matrice hyaloplasmique à l'harmonie vibratoire des domaines d'eau et de macromolécules entourées d'eau. La cohérence résultant alors non pas de forces de liaison mais de mouvements vibratoires résonnants, sensibles aux perturbations (et permettant ainsi de transférer extrêmement rapidement un signal (modification de la longueur d'onde...) d'un point à un autre) mais résistants grâce à leur souplesse.

- l'eau n'est donc plus seulement constitutive du vivant (matière vivante, milieu de vie) mais ses rôles se découvrent aussi énergétiques (mécaniques, chimiques...) et relationnels.
On n'a encore que quelques rares éclairages sur ces nouveaux rôles de l'eau qui n'est plus essentiellement un solvant mais une interface (détails in Mentré, 2002, p 94-101). C'est un renversement complet de la compréhension de l'eau qui tient désormais un rôle actif:

- paradoxalement, l'eau de la cellule vivante surpeuplée de macromolécules devient rare, utilisée de façon compétitive par les macromolécules, son accessibilité contrôlant les activités des biomolécules.
Un excès d'eau impliquerait un désordre par manque de structuration. Un (léger) déficit d'eau entretient la possibilité d'un contrôle par facteur limitant. Pour étudier cette hypothèse P. Mentré et G. Hui Bon Hoa ont étudié des biomolécules sous haute pression hydrostatique (HPH), facteur connu pour favoriser une forte hydratation de ces molécules et donc une configuration qui maximise l'eau interfaciale, plus dense (d'après la loi de Le Chatelier). Les résultats obtenus sur des cellules eucaryotes - qui semblent pouvoir supporter sans problème des pressions atteignant 1000 à 1200 bars (soit 100 à 120 MPa) pendant une dizaine de minutes - sont époustouflants : cytosquelette, complexes antigène-anticorps, ADN-facteurs, etc., se dissocient sous des HP de quelques dizaines de MPa et cet effet est réversible. Le contrôle des assemblages biomoléculaires par l'eau est en voie d'exploration.

2ème barrière entrouverte: l'unité fonctionnelle cellulaire ne vient pas d'une chimie du hasard (les lois probabilistes des milieux homogènes) mais d'une biochimie qui pourrait être fondée sur la finalité:
la vie cellulaire est un travail orienté vers une fin biologique.

Ces éléments sont inspirés du chapitre 12 (L'eau, une interface hétérogène et dynamique des macromolécules) du livre de P. Mentré (L'eau dans la cellule, Pascale Mentré, 1995, Masson) mais la formulation et le développement des idées déforment peut-être la pensée de cet auteur auquel je renvoie.

La vision de la cellule vivante, abordée à partir de la question de l'eau, telle qu'elle est présentée ci-dessus, peut déboucher sur une autre compréhension du métabolisme cellulaire que l'on pourrait qualifier de finaliste - au sens de téléologique (voir au sujet de ces termes la discussion dans le cours de terminale) - par opposition à la vision statistique de la biochimie classique.

Vivre = une chimie ou un travail ?

Vu de très loin, avec une résolution inférieure à la distance entre les éléments d'un système macromoléculaire (que l'on pourrait chiffrer à quelques dizaines ou centaines de nanomètres) le cytosol est homogène chimiquement.
Mais si l'on s'approche des éléments moléculaires (à une distance inférieure à la dizaine de nanomètres) l'hétérogénéité saute aux yeux et il semble nécessaire de changer de modèle.
Prenons l'exemple d'un système métabolique (ou chaîne métabolique) théorique où un substrat est transformé en un produit. Approchons-nous du système au-delà de la résolution du microscope et intéressons-nous aux molécules qui le composent: en voici deux représentations:

modèle "soupe*"

chaîne métabolique statistique

modèle "machinerie haute technologie*"

chaîne métabolique finaliste

* termes empruntés à P. Mentré: Organization and properties of water in cell system, in Integrated Plant Systems, H. Greppin et al., eds., 2000, University of Geneva, pp 3-22

substrat ---->

système métabolique statistiquement homogène compris comme
- un ensemble statistiquement déterminé de molécules en solution aqueuse (non dénombrables) dont le comportement dépend des:
- concentrations (et donc d'une répartition supposée statistiquement homogène) des espèces en solution et de
- réactions à l'équilibre (et donc une vitesse moyenne (statistique) de réaction dépendant des paramètres physiques et des concentrations...).

---> produit

substrat ----->

système métabolique hétérogène composé de:
- molécules dénombrables (tant de molécules de telle enzyme, tant de molécules de telle autre enzyme) et donc considérées comme des molécules individuelles, à un emplacement donné (environnement particulier), avec une fonction donnée et des paramètres individuels (qui peuvent varier selon les molécules)
- ayant un mobile commun déterminé par UN SEUL CHEMIN possible (ou quelques-uns) pour aller du point d'entrée au point de sortie ("mobile" au sens étymologique (mécanique) de rouage pris ici selon son sens analogique dérivé de fin).

---> produit


Un système contenant un très grand nombre de molécules (le nombre d'exemplaires de chacune des trois espèces moléculaires est bien inférieur sur ce schéma simpliste à ce qu'il devrait être pour que le modèle statistique soit valide étant donné qu'il nécessite la diffusion aléatoire des molécules entre les éléments du système). Les molécules appartiennent à 3 espèces chimiques (1,2 et 3 (en bleu)) en solution (homogène). Un substrat S donne par réaction métabolique un produit P. Deux chemins sont représentés qui passe successivement par les 3 espèces moléculaires: le chemin le plus court (en pointillés) et un des chemins les plus longs.

Trois espèces chimiques (1, 2 et 3 (en bleu)) groupées en un système hétérogène à 4+4+8 éléments. Le substrat S est métabolisé en un produit P.

Remarque:
il faut bien noter ce que cette présentation a de nouveau, ce qui n'est peut-être pas si clair en regardant ce schéma simpliste. En effet, les complexes métaboliques sont connus depuis fort longtemps mais on s'était contenté, à ma connaissance, de signaler qu'ils augmentaient les vitesses et les rendements des réactions métaboliques. Dans une vision individualiste et finaliste le chemin métabolique est une conséquence structurale et fonctionnelle de ces assemblages que l'on peut décrire non plus en terme d'ordre mais de fin (but): tel système pour telle fonction. Cette démarche était déjà employée pour des assemblages moléculaires comme un ribosome ou une molécule d'hémoglobine (HbO8), notamment lorsque l'on parlait d'autonomie ou d'autoassemblage en renvoyant implicitement à un moteur chimique; il s'agit ici de l'étendre à TOUTES les structures du vivant.

La finalité peut rebuter quelques-uns des lecteurs qui peuvent par exemple préférer parler tout simplement de fonction. Le terme de fonction a probablement une origine biologique et sociologique (cette idée n'a été soutenue que tardivement par René Thom; voir Analyse sémantique d'un mot polysémique: la fonction, 1993, Séminaires de la Société de Biologie Théorique, année 1992-1993, Acta Biotheoretica, 42 ), puis qui a été formalisée en mathématique (dans le plan, la fonction (numérique) d'une variable (x) est représentée par un graphe y=f (x); en mathématique la représentation d'une relation de quantité (avec des variables numériques) ou de qualité entre deux ensembles d'objets est défini par le terme moderne d'application (Fréchet, 1909)) , et enfin est retournée dans le domaine social et dans celui de la biologie. Voir aussi l'extrait de Paraboles et catastrophes de René Thom dans le cours de 1èreS. Mais pour un système vivant on ne peut pas parler de fonction, au sens strictement biologique, au niveau local (fonction alcool ou déshydrogénase...). Il est préférable de garder le terme de fonction pour des phénomènes physiologiques globaux comme l'homéostasie par exemple (voir cours de 1èresS).

En août 2005, à l'aide du travail de René Thom, il m'apparaît clairement que la différence fondamentale entre ces deux modèles repose sur le contraste entre un ensemble discret de molécules (dont on cherche à comprendre les interactions par le biais d'une analyse statistique) et une fonction biologique continue (qui ne peut donc être issue des éléments discrets et dont l'origine doit se trouver ailleurs). Pour des détails voir une page en travaux sur le continu en SVT.

à suivre...