De la biodiversité à l'histoire des êtres vivants (1ère partie)

Le chapeau introductif du programme à cette partie nous demande d'aborder la biodiversité, qui est un problème de classification (nommer et comparer les êtres vivants), et les phylogénies, qui sont autant un problème de classification mais qui exigent aussi une théorie de l'évolution. Le détail des parties proposées ensuite exclut, par le vocabulaire, toute autre classification que la cladistique et exclue toute étude de l'évolution, qui apparaît dans les limites imposées (même si le mot apparaît dans le titre). Ceci est à mon avis incohérent.
L'homme sera traité à part car on ne peut traiter de paléo-anthropologie sans faire d'anthropologie, ce qui n'est pas uniquement un problème de théorie évolutive.


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Plan de cette page:
Introduction
1. Des classifications évolutives (partie culturelle, pour clarifier les bases et faire des ouvertures)


Introduction

On admet que la zoologie, la botanique et les branches spécialistes des divers règnes du monde vivant, non constituées en disciplines, ont été d'abord descriptives, dans leur démarche si ce n'est dans leur histoire : analyser, étudier le plus précisément possible tous les êtres vivants , est la première tâche. C'est ce que l'on nomme d'une façon moderne l'étude de la biodiversité. (Selon les termes de la "Convention sur la diversité biologique", signée à Rio de Janeiro en 1992 par 156 nations: «La diversité biologique signifie la variabilité au sein des organismes vivants de tous les milieux, aussi bien terrestres, marins que d'autres écosystèmes aquatiques, ainsi que les complexes écologiques dont ils font partie; ceci inclut la diversité des espèces, entre espèces et celle des écosystèmes » - traduction personnelle). Vient ensuite, ou au moins dans un deuxième temps de réflexion, l'étape des comparaisons, des explications. Toutes ces sciences se seraient ensuite fédérées, plus ou moins facilement, en une unique biologie: une science du monde vivant qui se veut descriptive mais aussi explicative. L'explication la plus attractive depuis deux siècles maintenant est celle de l'évolution: les êtres vivants forment une gigantesque chaîne d'individus qui transmettent la vie , conquièrent les espaces fluctuant au cours des temps géologiques qui se chiffrent maintenant en milliards d'années, résistent à des cataclysmes et évoluent au point que la diversité des êtres vivants du passé dépasse probablement celle des êtres vivants actuels. C'est l'histoire des êtres vivants.

Nous verrons donc, en replaçant approximativement les théories dans un contexte historique, les différentes classifications en usage actuellement et les théories évolutives qui y sont éventuellement attachées (juste citées pour ne pas trop déborder du programme). Nous prendrons ensuite l'exemple des vertébrés, comme nous y invite le programme.

Les classifications des êtres vivants et donc la taxinomie qui en est la science constituée en discipline, reflètent les changements dans les grandes théories explicatives et donc aussi dans les philosophies admises par le plus grand nombre à une époque donnée. Même si certains peuvent regretter que la position de la taxinomie ne soit plus dominante, comme elle l'a été pendant au moins deux siècles. Ainsi, comme l'affirme François Dagognet, « la taxinomie n'est plus la recherche, elle est seulement son miroir » (François Dagognet, E.U., article taxinomie). Certains éléments conformistes (intellectuellement) de notre Europe de l'ouest de ce début de XXIème siècle, assez généralement matérialiste et relativiste, se sont trouvés une classification à la mesure de leur philosophie: le cladisme (ce lien renvoie à une page qui s'efforce de présenter cette méthode de façon critique). Mais les tenants d'une classification plus ouverte au sens, moins idéologiquement marquée, bref, plus biologique, sont prêts à présenter leur travail. L'adoption par les programmes d'enseignement du secondaire de la classification cladiste (sans discussion possible) est une étape majeure qui risque de sonner le glas des autres visions du monde vivant si les enseignants n'y prennent pas garde. Enseigner plusieurs classifications me paraît indispensable et fait partie de la légitime liberté pédagogique, même si le jeu est souvent faussé par le dogmatisme des sujets d'examen contre lequel il faudra sans cesse lutter.

1. Des classifications évolutives (partie culturelle)

1ère étape: le transformisme (ou évolution dans le sens moderne) découle de l'intuition géniale de Lamarck (dès 1802) et énonce que l'ordre de classification naturelle des espèces, des plus simples aux plus complexes, reflète l'ordre historique d'apparition des espèces au cours des temps géologiques.

C'est en 1818, dans son Histoire naturelle des Animaux sans vertèbres que Lamarck présente ce qui peut sembler être le premier arbre phylogénétique, documenté et non abstrait (La naissance du transformisme, G. Laurent, Vuibert/Adapt, col. inflexions, 2001, p 88-89).

«Ainsi, je soumets à la méditation des zoologistes, l'ordre présumé de la formation des animaux, tel que je l'exprime dans le tableau suivant :

ORDRE présumé de la formation des Animaux,
offrant 2 séries séparées, subrameuses »

(Lamarck, Histoire naturelle des Animaux sans vertèbres, t1, 1815, p. 457)



[1] SÉRIE DES ANIMAUX INARTICULÉS
[2] SÉRIE DES ANIMAUX ARTICULÉS

Animaux apathiques.


Infusoires.
l
l

Polypes.
l
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l
l
l
l
l
l

Radiaires.

Vers.

Ascidiens.

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l

l

l
l
l

l
Epizoaires.
l

l
l
.....................................................................

Idem sensibles.

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l
l

Acéphales.

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Insectes.
l

l
l
l
l

Annelides.
l
Arachnides.

Mollusques.

l


Crustacés.

l


Cirrhipèdes.

.....................................................................

Idem intelligens.

Poissons.
Reptiles.
Oiseaux.
Mammifères.

Les six tomes suivants de son Histoire naturelle sont consacrés à fournir ce qu'il appelle les "pièces justificatives" de sa théorie de la transformation des espèces. Son ordre de classification des espèces est l'ordre historique d'apparition des espèces. Lamarck, philosophe matérialiste, trouve dans cet ordre, l'expression d'une succession causale qui est celle de la vie organisée: «... pour faire exister cette force vitale, et lui donner toutes les propriétés qu'on lui connaît, la nature n'a pas besoin de lois particulières; celles qui régissent généralement tous les corps lui suffisent parfaitement pour cet objet » (Philosophie zoologique, 1809, t. 2, p. 96 in La naissance du transformisme, G. Laurent, Vuibert/Adapt, col. inflexions, 2001, p 113) : il n'y a plus de frontière entre la connaissance du vivant et du non vivant; les êtres vivants supérieurs viennent des inférieurs par génération et les tout premiers se sont organisés de façon spontanée à partir du non vivant (complexification naturelle ou mouvement du vivant), l'homme lui-même étant un produit de cette complexification (voir La naissance du transformisme, G. Laurent, Vuibert/Adapt, col. inflexions, 2001, p 116-118 où Lamarck est reconnu comme le premier scientifique à proposer l'origine simiesque de l'homme).

Darwin affirmera ainsi plus tard ce qui était devenu un lieu commun: «Toutes les règles, toutes les difficultés, tous les moyens de classification qui précèdent, s'expliquent, à moins que je ne me trompe étrangement, en admettant que le système naturel a pour base la descendance avec modifications, et que les caractères regardés par les naturalistes comme indiquant des affinités réelles entre deux ou plusieurs espèces sont ceux qu'elles doivent par hérédité à un parent commun. Toute classification vraie est donc généalogique; la communauté de descendance est le lien caché que les naturalistes ont, sans en avoir conscience, toujours recherché, sous prétexte de découvrir, soit quelque plan inconnu de création, soit d'énoncer des propositions générales, ou de réunir des choses semblables et de séparer des choses différentes» (On the Origin of Species, 1859, traduction de Barbier, 1896, p. 495, in La naissance du transformisme, G. Laurent, Vuibert/Adapt, col. inflexions, 2001, p 90).

Darwin est un des premiers à proposer une théorie explicative de ce qu'il appelle "l'hérédité des caractères acquis". Cette formulation, que l'on ne trouve pas chez Lamarck, désigne une vision courante à l'époque selon laquelle «les êtres vivants transmettent à leurs descendants les caractères qu'ils ont acquis durant leur existence par l'usage ». Darwin proposa comme hypothèse ce que l'on nomme la Pangenèse: « les caractères acquis créaient dans le corps des «gemmules» qui transmettaient ces modifications dans les cellules reproductrices». (La naissance du transformisme, Lamarck, entre Linné et Darwin, Goulven LAURENT, Collection inflexions, Vuibert/Adapt, 2001, p 131)

Toute classification vraie est donc une généalogie. Toute classification vraie est donc évolutive. Même si les mécanismes de cette évolution restent une question ouverte.

2ème étape: de l'unité du plan d'organisation , définie pour les animaux et défendue par Geoffroy Saint-Hilaire (vers 1800), on passe, au milieu du XIXème siècle, à une période de domination des études anatomiques et embryologiques, dont l'intuition d'Haeckel (vers 1874) exprimée par "l'ontogenèse récapitule la phylogenèse" peut être un bon exemple. Les classifications évolutives sont alors basées sur des caractères morphologiques, anatomiques et embryologiques, plus rarement éthologiques, ou écologiques.

La notion de plan d'organisation remonte, d'après mes sources, à Georges Cuvier. La classification que Cuvier (1769-1832) propose, dans son ouvrage: le Règne animal  (1817), comprend «quatre plans généraux» sur lesquels tous les animaux sont construits; ils correspondent aux embranchements des Vertébrés, des Mollusques, des Articulés et des Zoophytes. Le travail de Cuvier repose sur l'anatomie comparée et l'étude des fossiles est associée à celle des formes actuelles. Mais les faunes présentées sont séparées par des hiatus (interruptions ou catastrophes) pour Cuvier qui était fixiste et ne concevait pas que les espèces dérivent les unes des autres par transformation (voir ancien cours de TS). C'est pourquoi la vision transformiste de l'unité des plans d'organisation dans le règne animal revient à Étienne Geoffroy Saint-Hilaire (1772-1844) qui utilisa les travaux de Cuvier et qui adopta les idées de Lamarck.

Ernst Haeckel (1834-1919) est probablement le plus connu des transformistes qui ont développé l'idée suivante: la mise en place embryonnaire des plans d'organisation des animaux reflète leur mise en place au cours de l'évolution. Il désigne ainsi, le premier, l'évolution de la lignée d'un organisme au cours des temps géologiques, par le mot de "phylogenèse", devenu des plus courants.

« Les deux séries de développement organique, l'ontogenèse de l'individu et la phylogenèse du groupe, auquel il appartient, sont étiologiquement liées de la façon la plus intime. ... Comme je l'ai dit alors (Morphologie générale, II, 110-147, 371), l'ontogenèse ou l'évolution individuelle, est une courte et rapide récapitulation de la phylogenèse, ou du développement du groupe correspondant, c'est-à-dire de la chaîne ancestrale de l'individu, et cette ontogenèse s'effectue conformément aux lois de l'hérédité et de l'adaptation» . Ces deux derniers termes faisant référence à la sélection naturelle : «action combinée, générale de l'hérédité et de la variabilité dans la lutte pour l'existence ».

Sa "loi biogénétique fondamentale" est souvent résumée par "l'ontogenèse récapitule la phylogenèse", même si ce raccourci est incomplet (voir quelques autres éléments dans l'ancien cours de TS, paragraphe a2).
De nos jours de nombreuses critiques sont dirigées vers cette loi. La plus importante me paraît être la remarque selon laquelle cette loi est probablement profondément altérée par des adaptations secondaires, même si cette observation ne fait que repousser le problème du déterminisme de cette loi. Pierre-Paul Grassé, affirme: « Ne lui en demandons pas trop, car dans un grand nombre de cas l'ontogenèse est profondément modifiée par des cénogénèses et des adaptations à des modes de vie très particuliers ; nous pensons aux larves pélagiques ou simplement planctoniques dont les caractères, prétendus archaïques, ne le sont peut-être pas » (L'évolution du vivant, P.P. Grassé, 1978, Ed. Albin Michel, Paris, p 58).
Il reste que les similitudes de développement embryonnaire constituent un caractère majeur dans les filiations, même si on refuse la loi globalement.
Une nouvelle étape à été franchie dès 1989 par R. Chandebois, une embryologiste qui intègre ces ressemblances comme une récapitulation, recommencée lors de chaque développement, de chaque individu, des innovations successives réalisées dans le phylum auquel appartient l'organisme. Nous préciserons, dans un chapitre suivant, cette nouvelle théorie du vivant qui englobe l'évolution.

Actuellement, le terme de phylogénie ou phylogenèse (du grec phulon = race, et genèse ou génie) est devenu absolument équivalent à celui de classification évolutive, sans référence à la loi biogénétique fondamentale de Haeckel, lien, que l'on peut s'efforcer de rétablir dans ce cours.

Toute classification vraie est donc une phylogenèse et, pour les animaux doit s'efforcer de laisser transparaître l'ontogenèse.
Le fait que cette loi soit limitée aux animaux s'explique sans doute historiquement, notamment par le fait que la biologie, comme science unifiée, n'en était qu'à ses débuts. On pourra, pour les besoins de notre exposé, l'étendre à une compréhension globale du vivant, du moins pour les animaux et les plantes.
Il faut noter qu'Haeckel publie les premiers arbres généalogiques de quelques groupes de plantes en 1866.

3ème étape: Vers le milieu du XXème siècle, la biologie moléculaire, d'emblée unifiée - elle se pose comme science du vivant qui dépasse les frontières des règnes -, permet des rapprochements originaux, qui dépassent ceux établis par comparaison entre les caractères observables optiquement. Dès lors trois écoles de classification , dont deux sont évolutives, peuvent être distinguées.

La biologie moléculaire est une science unificatrice puisqu'elle repose sur le postulat que tous les êtres vivants sont composés des mêmes molécules ou plutôt, qu'il sont composés à partir d'un nombre fini de molécules pouvant être étudiées de façon exhaustive par la chimie.
La molécule la plus couramment citée lorsque l'on cherche une molécule spécifique du vivant est sans aucun doute l'ADN. Ce n'est bien sûr pas la seule et surtout pas la plus abondante (cellulose, collagène et kératine sont de meilleurs candidats). Depuis que l'on en connaît de nombreuses formes (formes A, B, Z, puis plus récemment formes courbes et ADN-H avec un fragment de triple hélice...), l'unité commence à se fissurer car il est sûr que la séquence de l'ADN est fort insuffisante à décrire la richesse que peut receler cette molécule complexe, notamment dans sa forme tridimensionnelle.
De plus, rien de moins apte à une étude évolutive qu'une molécule comme l'ADN, fragile, non conservée chez les fossiles (sauf exception et avec une grande incertitude sur son origine et donc son âge) et qui doit transmettre de façon stable les informations nécessaires aux synthèses protéiques des êtres vivants. Et pourtant, c'est l'ADN qui porte, socialement maintenant (voir Du gène comme icône culturelle, Dorothy Nelkin et M. Susan Lindee, La Recherche, 311, juillet-août 1998, 98-101 et La mystique de l'ADN, Dorothy NELKIN et Susan LINDEE, 1998, Belin, Coll. Débats), l'hérédité et donc à la fois la stabilité et la variabilité; en un mot: l'évolution, du moins dans la théorie évolutive la plus couramment admise (voir plus bas, encadré sur fond vert).

On distingue actuellement trois écoles classificatoires qui ont été conservées dans différentes disciplines: phénétique; cladistique (ou systématique phylogénétique) et systématique évolutive (ou classification évolutionniste) (pour une approche philosophique voir par exemple la thèse de philosophie de Richard Blanchette, Le problème de la classification en zoologie, Université Laval (Québec), PhD, juin 2002 que l'on peut trouver in extenso au format PDF sur internet à l'adresse: http://www.theses.ulaval.ca/2002/20168/20168.pdf) :

4ème étape à l'attention des curieux (pour les autres, la suite du cours se trouve à la page suivante):

En ce début de XXIème siècle, les grands traits de l'histoire des êtres vivants qui émergent de nos connaissances biologiques (notamment en embryologie) et paléontologiques convergent vers l'idée d'une finalité interne (téléologie) de l'évolution: une évolution directionnelle dont les étapes majeures auraient été brusques. Cette nouvelle théorie évolutive unifiée reste à construire, dans le détail.

Selon les actuels défenseurs de ces idées en gestation, à qui je souhaite faire une place dans ce cours (voir bibliographie), la théorie néodarwinienne de l'évolution s'est révélée incapable de justifier d'un mécanisme évolutif responsable d'autre chose que de la spéciation -mécanisme encore discutable. Il y a du travail - ce qui n'est pas qu'un jeu de mots - pour fonder une nouvelle théorie évolutive. La théorie évolutive nouvelle et unifiée partirait du fait de l'évolution, et d'une théorie biologique de sa dynamique, pour faire dériver logiquement les espèces les unes des autres. Dans une telle phylogénie les caractères ne sont plus primordiaux, ce qui réduit l'importance du cladisme comme méthode de classification. Cette phylogénie repose plutôt sur une histoire de chaque groupe. Cette théorie est téléologique: c'est-à-dire qu'elle part de la finalité interne du vivant. Elle est soutenue par une réflexion philosophique intense (voir la page d'accueil et la page sur les modèles).

finalité (en philosophie finalité = cause finale: ce pour quoi un acte est fait)
ou

téléologie (du grec téléo = fin, but et logos = parler)
peu importe, mais...
il faut cesser de traquer le finalisme en biologie.

Le cours des PE présentait déjà une discussion autour du finalisme et du fonctionnalisme à partie d'un article de l'encyclopedia universalis.
Suite à la parution de l'ouvrage de D. Letellier (La question du hasard dans l'évolution, L'harmattan, 2002), j'utilise sa mise au point (p 27-29) dans les lignes qui suivent.

Une machine à laver possède une finalité externe dont l'intention doit être imputée à celui qui a conçu l'objet.
Un organisme vivant n'a, POUR UN BIOLOGISTE, comme finalité que lui-même, en tant qu'être vivant, son auto-organisation, son propre travail de vivant: c'est une finalité interne. L'adaptation de l'organisme à son milieu, l'équilibre dynamique de ses systèmes physiologiques... sont autant de manifestations de cette finalité interne qui m'a toujours fait dire qu'il était hautement préférable d'enseigner aux enfants « que les incisives étaient faites pour couper» (ce n'est pas Dieu qui est supposé ici avoir "fait" les dents, c'est l'être vivant qui s'est construit au cours de l'embryogenèse avec des incisives) plutôt que de dire «que les incisives étaient utilisées par l'animal pour couper ses aliments», ce qui est à mon avis hypocrite car c'est bien l'homme qui nomme les dents et leur utilisation. L'animal, quant à lui, vit.
Le terme téléologique sera employé ici pour désigner une finalité interne non plus des êtres vivants, en tant que vie au travail, mais de l'évolution, en tant qu'histoire des êtres vivants, résultat du travail du vivant.

Pour creuser davantage la question, car tout n'est peut-être pas si simple : Citations et idées extraites de l'article "Du code génétique aux codes culturels" de Henri Atlan, in Encyclopédie Philosophique Universelle, L'univers philosophique, PUF, 1991):

  • sur la définition d'un programme (puisque la finalité est appelée à remplacer le programme génétique moribond) :
    « Si programme il y a véritablement, c'est celui que le biologiste est désormais capable de se donner à lui-même pour orienter le développement d'un organisme dans le sens qu'il souhaite et qu'il peut, dans une certaine mesure, prédire».
    « Les métaphores du langage de la nature sont trompeuses (...) "le livre de l'univers [est écrit] dans la langue mathématique" ..."la notion d'information et le programme génétique..."... il ne s'agit pas dans tout cela de langages tels que nous les parlons et entendons, mais de symbolismes opérationnels qui nous permettent d'agir sur le monde».
    (voir aussi le
    commentaire sur le programme de seconde qui rejoint ces idées en cherchant à remplacer programme génétique par programme génétique de travail...).
  • la différence entre le terme de téléologie (intentionnelle) et téléonomie (non intentionnelle) établie par Pittendrigh en 1958 (Adaptation, Natural Selection and Behavior, in Behavior and Evolution, New Haven, Yale Univ. Press., 390-416) n'a pas été reprise ici, car le terme téléonomie a tendance à désigner la théorie du vivant proposée dans Le Hasard et la Nécessité de Jacques Monod (le vivant est système téléonomique, capable de morphogenèse autonome et d'invariance reproductrice). Téléologie, dans cette page, est pris au sens de téléonomie de Pittendrigh mais peut aussi dépasser ce sens...
    * «...la seule façon qu'a trouvé l'éthologie jusqu'à présent de se développer en discipline scientifique qui ne soit pas que descriptive, est de s'engager dans la construction de modèles mathématiques du comportement. Et tout naturellement la finalité y apparaît sous la forme de processus à optimiser, c'est-à-dire de fonctions mathématiques à maximiser et à minimiser. Comme en physique depuis toujours, cette finalité là est acceptable à cause de son caractère impersonnel et calculable».
    La rationalité causale dans la nature peut s'exprimer sous la forme du "principe de la raison suffisante" (c'est la logique fondée sur la causalité qui régit les phénomènes naturels), qui se traduit d'une part par des règles expérimentales et théoriques (règle d'objectivité: l'objet doit être séparé du sujet dans les protocoles expérimentaux ; et règle de reproductibilité: les phénomènes doivent être reproductibles) et d'autre part par la nécessité d'un consensus intersubjectif d'experts sur le rapport des déductions logico-mathématiques avec les principes d'identité et de non contradiction.
    Mais il existe une voie actuellement empruntée par certains scientifiques qui acceptent une intentionnalité comme propriété émergente des systèmes auto-organisés, ce qui ajoute des règles supplémentaires qui sont l'optimisation et l'adaptation des moyens aux fins (par analogie avec nos machines) ce qui fait référence à une science de l'artificiel au sens de H. Simon.

« Dans les systèmes naturels, [...], la notion même d'auto-organisation implique une origine interne, non seulement pour les structures mais pour les significations fonctionnelles des comportements produites par ces structures. C'est ce qu'avait vu Kant dans la Critique du jugement, quand il définissait les organismes vivants par leur « capacité de finalités internes ». Dans le contexte vitaliste de son siècle, il attribuait cette capacité à une intelligence supérieure orientant les phénomènes de la vie, de façon téléologique, c'est-à-dire à l'aide de causes finales, à la façon d'une intelligence humaine. Au contraire, les théories modernes de l'auto-organisation s'attachent à montrer comment des structures et des fonctions complexes peuvent être produites mécaniquement, de façon causale, à partir de contraintes physico-chimiques locales et dans certaines conditions d'observation et de mesure. (Henri Atlan, in EU v12, 2007, article "auto-organisation)

Deux théories évolutives

La théorie évolutive -couramment appelée "théorie synthétique" ou néodarwinisme - la plus couramment admise en de début du XXIème siècle repose sur l'hypothèse d'un programme génétique, stable, qui transmettait fidèlement à la descendance les caractères de l'espèce, doublé d'une variation et une mémorisation génotypique, dont le mécanisme serait une accumulation de mutations dans l'ADN. Le sens de l'évolution serait donné par la sélection naturelle.

Ces deux premiers points vous ont certainement déjà été présentés dans le cours de la classe de seconde - sans que le nom de la théorie enseignée ait été cité. Je me suis efforcé d'y substituer une vision moins théorique, plus proche du vivant (voir cours de seconde). La sélection naturelle n'a par contre pas été traitée et ne le sera pas, n'étant pas au programme. Pour les élèves que la question intéresse, je vous renvoie à l'ancien cours de terminale.

Il existe au moins une autre théorie évolutive, qualifiée de téléologique (du grec téléo = fin, but) car elle exprime une finalité (ce qui est très différent d'un programme, voir ci-dessus). Cette finalité est interne au vivant. Elle est un automatisme (que l'on peut encore résumer par un verbe: survivre). Cette théorie est issue de l'embryologie animale (notamment R. Chandebois), et repose sur une mémoire cytoplasmique de l'espèce transmise par l'œuf ou la cellule sexuelle femelle dans la reproduction sexuée, doublée d'un automatisme de développement et d'évolution qui donnerait le sens de celle-ci (évolution directionnelle). La variation résulterait de modifications automatiques du fonds cytoplasmique de l'espèce (responsables des caractères de l'évolution directionnelle) et de modifications génotypiques qui permettraient une évolution adventive.

Cette théorie est présentée dans une page annexe. A ma connaissance, elle n'a pas été encore enseignée.