Plan de cette page:
2. Phylogénie des vertébrés (un cours de terminale)
Le programme nous propose un vaste groupe d'organismes, l'embranchement des Vertébrés, dont nous allons comparer phylogénétiquement les espèces, unité de classification la plus simple. Nous reportons la discussion de l'origine des Vertébrés à la partie suivante, bien qu'il apparaîtra que la question de l'origine doit toujours être traitée en premier.
la phylogénèse c'est l'étude ou l'établissement des phylogénies (pour une approche historique, voir chapitre précédent) |
Soyons simpliste avec un "petit" exemple... qui va nous permettre de poser les questions fondamentales et d'y apporter des réponses provisoires (les caractères présentés ici ne sont qu'un exemple de ceux qui peuvent être proposés par les élèves, ou l'enseignant, le tout étant qu'ils recouvrent les quatre domaines exposés ici: caractères écologiques, caractères morphologiques ou anatomiques ou embryologiques, caractères physiologiques, caractères moléculaires:
|
|||
... mais des différences |
|
|
|
une même forme hydrodynamique ... ... mais on reconnaît la silhouette de ces deux animaux au premier coup d'il (caractères morphologiques, anatomiques, physiologiques, embryonnaires...) |
La forme (d'un organisme mais aussi d'un organe, d'une cellule...) est un caractère morphologique, à quoi est-elle due ? D'où cette ressemblance tire-t-elle son origine ? Cette ressemblance (entre deux adultes) se met-elle en place lors du développement ? D'une façon encore plus générale sur quelle causalité repose la forme des vivants ? Quelle est la cause la plus proche qui est déterminante pour la forme d'un être vivant ? |
Ils se ressemblent parce que ce sont tous deux des êtres vivants. Le principe de l'UNITÉ du vivant fait reposer la genèse de la forme sur des structures et mécanismes fonctionnels communs (que j'appelle travail): la structure unité c'est la cellule (toutes les formes vivantes sont composées de cellules, c'est la théorie cellulaire vue en seconde); les mécanismes fonctionnels communs sont appelés travail du vivant: travail de relation, de reproduction et de nutrition (voir cours de seconde ou page sur la diversité du vivant) Mais...
|
|
CONCLUSION: |
|||
leurs cellules musculaires synthétisent une myoglobine... ... mais la séquence des acides aminés composant cette molécule unique de 153 aa - associée à au même groupement ferreux (hème) que chacune des 4 chaînes de l'hémoglobine - est différente. De plus la quantité de myoglobine dans les cellules musculaires du dauphin est extrêmement importante (les muscles du dauphin comme celui du cachalot ou du phoque ne sont pas rouges mais bruns - couleur due à l'abondance de cette molécule). Cette abondance est mise en relation avec la capacité, pour cet animal, de rester en immersion de façon prolongée, malgré sa respiration pulmonaire, qui ne peut donc se faire qu'à l'émersion. Le thon possède bien sûr une respiration branchiale et sa respiration est aquatique. |
Sur quoi repose un caractère moléculaire comme la séquence primaire d'une protéine (comment et sous quel contrôle est synthétisée cette molécule) ? Quelle est, pour une protéine, la relation entre la séquence primaire, secondaire, tertiaire, quaternaire et la fonction (deux séquences différentes peuvent-elles correspondre à des protéines ayant la même fonction et la même efficacité) ? Dans le cadre d'une interprétation évolutive comment peut-on envisager de passer de la synthèse d'une molécule à une autre ?
|
L'unité
du vivant au niveau
moléculaire peut être qualifiée
d'unité chimique. Quelques
"rappels" liés au programme de 1ère
S * L'ADN et l'ARN
(acides nucléiques) contiennent
l'information pour les molécules
(information génétique)
sous la forme de triplets de bases azotées;
elle peut passer de l'ADN à l'ARN par
transcription ou de l'ARN à l'ADN par
transcription inverse. L'information
génétique est exprimée
(traduite) par la machinerie cellulaire (qui
comprend des ARN (messagers, ribosomiaux, de
transfert...), de nombreux acides nucléiques
monomèriques à rôle
énergétique (ATP, GTP...), de
nombreuses protéines...). * Deux molécules différentes peuvent provenir de la traduction d'un même gène du fait de la complexité des étapes de la maturation des ARNm. La correspondance une protéine-un gène n'est donc pas simple à mettre en évidence car elle repose sur une grand nombre de processus. L'hypothèse d'un gène semblable lorsque l'on a deux molécules semblables, ne sera toujours qu'une hypothèse, raisonnable, mais jamais une certitude. * Deux molécules
différentes mais proches peuvent toujours avoir la
même fonction mais cette fonction n'est pas
forcément remplie avec la même
efficacité. Le postulat selon lequel tout
système vivant optimise son fonctionnement, est
certainement critiquable. * On peut enfin faire des
hypothèses évolutives lorsque l'on compare des
molécules. Le raisonnement de départ est assez
séduisant: plus deux molécules se ressemblent,
plus leurs gènes sont proches, et du fait de
l'unité du vivant, plus il est probable qu'ils soient
apparus sous une forme unique qui se serait ensuite
diversifiée. Dans un tel raisonnement, en plus d'une
théorie évolutive, posée comme
hypothèse de départ, les postulats logiques
sont très nombreux (voir aussi l'ancien
cours de TS, &4a3, dont
quelques éléments sont repris ici): |
|
le collagène est une protéine qui compose principalement les tendons et la matrice des os... ... mais chaque molécule de collagène est habituellement constituée de 3 hélices enroulées les une autour des autres et formant une superhélice (qui détermine la résistance de la molécule à la tension mais pas à l'étirement). La séquence des acides aminés composant chaque hélice peut changer légèrement (une molécule de collagène contient habituellement 35% de glycine, 11% d'alanine, 21% de proline et hydroxyproline - un aa dérivé du précédent et portant un OH sur le carbone n°4): en effet, la forme en hélice de chaque molécule (structure tertiaire) est due à une séquence répétée de 3 acides aminés (glycine-X-proline) ou (glycine-X-hydroxyproline), qui détermine un tour d'hélice. Les molécules de collagène peuvent s'associer en fibres constituées d'empilement de molécules de tropocollagène elles-mêmes formées par des hélices de trois molécules de collagène... |
|||
caractères moléculaires |
|||
Conclusion: |
|||
un même milieu de vie ... ... mais un mode de vie différent: le dauphin revient à la surface pour respirer et se reproduire, même s'il reste dans l'eau (animal à respiration aérienne adapté à la plongée et au déplacement en milieu aquatique), le poisson ne vit que dans l'eau (animal aquatique); le thon est un animal qui vit en bancs (ce qui est bien pratique pour les pêcheurs) alors que le dauphin est plus solitaire, même s'il peut former des groupes de plusieurs individus (caractères écologiques et éthologiques, voir physiologiques) |
Le mode vie de l'animal est-il fixe, déterminé, ou bien adaptable, modifiable ? Par quelles éléments héréditaires est-il transmis ? |
Des réponses
provisoires: |
Idéalement, il ne faudrait comparer que des individus. Mais
les comparaisons utilisent des caractères. Et les
classifications nés de ces comparaisons classent bien des
individus. D'où le caractère imparfait et provisoire de
toute classification. Nous reviendrons sur ce problème.
Nous allons essayer de creuser un exemple de caractère, les
plumes, qui est propre aux oiseaux actuels.
L'article de Pour La Science du n°305 de mars 2003
(Les plumes des dinosaures, Richard Prum et Alan Brush,
p 24-32) est l'occasion rêvée de présenter une
étude évolutive d'un caractère porté par
certains vertébrés: les oiseaux, mais aussi, par des
fossiles.
L'exemple est détaillé dans une page
annexe sur les plumes. Voici un
résumé de ce que de nombreux paléontologistes
pensent aujourd'hui, d'après les articles cités.
Les plumes sont actuellement considérées comme des structures variées (plumes de duvet, plumes de contour) dont les rôles sont tout aussi divers: protection thermique, protection hydrique, vol, nage, reproduction, camouflage... Ce n'est que depuis une vingtaine d'années que l'on peut affirmer avec des arguments paléontologiques solides qu'il en a été de même au cours des temps géologiques. Les différents types de plumes et les différents rôles, qui restent toujours des hypothèses paléontologiques, non expérimentables, sont probablement apparus progressivement au cours du temps. Si seuls les oiseaux actuels ont des plumes, tous les organismes fossiles qui ont porté des plumes n'étaient pas des oiseaux.
Les plumes seraient apparues vers la fin du Jurassique, ou plus
probablement vers le début du Crétacé (vers 120
millions d'années, comme les oiseaux !!!), chez des dinosaures
coureurs, les théropodes. Ces phanères se sont
différenciées (plumes tubulaires non ramifiées,
plumes de duvet, plumes planes) dans ce groupes avec des rôles
variés (difficiles à reconstituer mais dépendant
étroitement du milieu de vie reconstitué pour chacun
des fossiles). Certains de ces dinosaures à plumes sont
à l'origine des oiseaux, qui volent et dont les plumes
interviennent de façon primordiale dans ce moyen de
locomotion.
Du point de vue phylogénétique, le fait de
posséder des plumes est donc un caractère trop
imprécis pour être qualifié d'une façon
évolutive (polarisé, comme disent les cladistes) sans
discussion. On pense qu'il a existé de nombreux types de
plumes avec probablement de nombreux rôles. Si l'on
connaît de nombreux dinosaures à plumes, ils sont pour
l'instant tous classés dans le groupe des Théropodes.
Certains n'ont que du duvet, d'autres de magnifiques plumes planes,
certains même ont des plumes sur leurs quatre membres et leur
queue (Microraptor gui). Certains couraient probablement,
d'autres planaient, d'autres enfin avaient peut-être un vol
battu.
L'origine des oiseaux ne se comprend qu'en regroupant de nombreux autres caractères essentiels comme la présence d'un petit nombre de vertèbres caudales (- de 26) ou la présence d'une fourchette (issue de la soudure des deux clavicules en un os unique), ou encore le retournement du premier orteil. Avec un vocabulaire cladiste, on peut affirmer que la présence de plumes de contour sur les membres antérieurs est ainsi une homoplasie (analogie au sens classique) entre un Microraptor gui (dinosaure théropode du groupe des dromæosauridés, non directement affilié aux oiseaux) et un Archeopteryx (un ancêtre direct des oiseaux). La présence de plumes ne constitue une homologie de filiation qu'au sein de la lignée des oiseaux (Aves).
Certains en opposant une classification ascendante (qui regroupe par les ressemblances) et une classification descendante (qui divise par les différences) ne font que mettre en avant les deux groupes de références principaux: l'espèce pour celui qui unit (on regroupe les espèces en ordres puis classes puis embranchements puis règnes...) et le monde vivant pour celui qui sépare (on divise le monde vivant en règnes puis embranchements puis classes puis ordres puis espèces...). Par exemple l'état pluricellulaire est un caractère commun à trois règnes et qui sépare les eucaryotes du règne des Protistes de tous les autres eucaryotes.
Par commodité, ressemblances ou différences sont appelées des caractères mais n'oublions pas qu'ils sont définis pour un individu (taxon = élément de la classification) relativement à un groupe. Comme il est évident que certains caractères sont de peu d'importance (couleur d'iris) ou de peu d'intérêt systématique (poids), il nous faut hiérarchiser ces caractères. Par exemple on peut distinguer les caractères éthologiques, embryologiques, morphologiques, physiologiques, anatomiques, histologiques, moléculaires ...
En taxonimie (science de la classification), il est donc
fréquent de rechercher dans un premier mouvement ce qui unit.
On recherche d'abord des déterminismes communs car
l'unité du vivant est un principe premier. C'est cette
unité qui fonde l'évolution dynamique, un
phénomène qui a commencé dans le temps et qui
se prolonge.
Ensuite on sépare pour classer, pour montrer le second
principe qui est la diversité du vivant , signe de
l'évolution qui s'étend. Plus
précisément il s'agit souvent de montrer
l'évolution diversifiante, ce que l'on peut appeler la
variation.
On cherche en vain dans les manuels scolaires une définition de l'évolution (qui font tous cependant référence à une diversité née d'une origine commune, mais sans affirmer clairement: l'évolution c'est ....), sauf dans celui de l'éditeur Didier qui affirme: l'évolution, c'est la modification des organismes au cours des générations. Le terme modification fait, à mon avis, presque référence aux caractères (voir partie précédente sur le transformisme, qui est le mot historiquement premier pour désigner l'évolution). Le question centrale est là:
l'évolution, pour un partisan d'une phylogénie naturelle, c'est la transformation des organismes vivants, sans référence à une causalité particulière. |
En effet, le terme caractère est employé par
presque tout le monde comme un équivalent de
phénotype, sous le contrôle du génotype.
Il véhicule donc une théorie, néodarwinienne, du
vivant.
Pour le partisan d'une théorie non darwinienne, un
caractère observé chez l'adulte peut très bien
correspondre à la réponse de l'organisme à une
contrainte du milieu. De même, un caractère embryonnaire
majeur peut très bien donner naissance à des structures
variées en fonction des environnements de
développement. Deux caractères différents chez
l'adulte, par exemple, peuvent provenir du même
caractère embryonnaire... Bref, la notion de caractère
chez l'adulte (où chez l'embryon) n'est pas sous la
dépendance d'un déterminisme unique.
Si le caractère désignait un élément
classificatoire univoque (avec un seul sens), cela permettrait
d'établir une phylogénie universelle. Ce qui
était peut-être le rêve du cladiste. Mais il est
clair que la classification cladiste la plus habituellement
présentée participe de la théorie
néodarwinienne de l'évolution.
Pour les chercheurs, cela ne pose pas trop de problèmes, on peut espérer qu'ils puissent prendre conscience de ces implicites; mais pour les élèves, il en est autrement. Leur faire classer des caractères en leur présentant par exemple la plume des oiseaux comme une écaille très modifiée (Bordas p 33) est dangereux, même si ce n'est pas faux, quoique cela reste à démontrer. Combien d'enseignants prendront-ils la peine (et le temps !) de préciser que dans le cadre d'une anatomie comparée, ce sont, non pas les productions finales qui permettent d'établir l'homologie, mais la présence de bourgeons épidermiques, leur croissance et différenciation, dont les caractéristiques constituent justement la théorie évolutive: sous le contrôle d'un programme de développement pour les néodarwiniens, et sous le contrôle d'un automatisme (comportement social élémentaire de chaque cellule engagée dans une progression autonome au sein d'une population) et de réarrangements liés aux interactions entre populations, pour les partisans d'une théorie téléologique.
J'avoue avoir passé énormément de temps sur cette partie sans avoir trouvé de solution satisfaisante. Je vais cependant m'efforcer de présenter un cladisme non darwinien... dont l'occasion m'est fournie par l'article sur les plumes.
Intéressons-nous d'abord aux ressemblances ou
similitudes qui font référence à la
stabilité de l'évolution.
La question pourrait aussi être formulée ainsi:
l'évolution se
répète-t-elle ?
La question fondamentale pour des phylogénies est de savoir si une ressemblance ou similitude :
Le choix ne peut être définitif car il est logique et
comporte des arguments principalement paléontologiques mais
qui dépendent de la théorie évolutive à
laquelle on se réfère. Nous verrons des exemples pour
les Vertébrés par la suite. C'est un travail que l'on
ne peut pas demander à un élève de faire. Mais
vous pouvez avoir à définir ce que sont ces deux types
de caractères.
En phylogénie ont s'efforce de n'utiliser que des
caractères de ressemblance qui traduisent une réelle
parenté, donc des homologies.
Pour répondre à la question de la
répétition de l'évolution on peut donc dire
oui, l'évolution se répète
toujours, c'est même ce qui fait qu'elle est
évolution, dans le temps. Si elle se répète de
façon continue (héréditairement si l'on veut),
la ressemblance issue de cette répétition se trouve au
sein d'un groupe monophylétique et est une homologie. Si elle
se répète à des moments différents de
l'histoire, les ressemblances issus de cette répétition
seront qualifiées d'analogie. Ceci dit deux résultats
identiques n'ont pas forcément la même cause.
remarque 1:
Les cladistes préfèrent le terme d'homoplasie pour
désigner les non homologies et distinguent les analogies
(homoplasies de fonction), la convergence, le parallélisme et
la réversion, qui sont toutes des relations logiques qui ne
seront pas traités ici.
Il est toujours nécessaire de s'assurer d'abord du
monophylétisme d'un groupe (ou de le poser comme
hypothèse !) avant de parler d'homologie au sein de
celui-ci,.
remarques:
2. une comparaison pour les collègues
habitués à l'analyse mendélienne des arbres
généalogiques: il est indispensable de
considérer la récessivité ou la dominance du
caractère avant d'envisager sa liaison à un type de
chromosome; en phylogénie, c'est pareil: il est vain de
vouloir étudier la pertinence de tel caractère
classificatoire dans un groupe dont on a pas auparavant
déterminé le mono ou le polyphylétisme.
3. je corrige aussi les lignes de
l'ancien
cours de TS où je
citais l'article de Corinne Fortin (revue de l'APBG: Classification
et évolution, Biologie-Géologie (Bulletin de l'APBG),
n°3-2000, p 525-537) qui me semble maintenant plus clair: une
homologie s'affirme au sein d'un groupe monophylétique, et
donc entre individus ayant un ancêtre commun.
Ce niveau de ressemblance suffit pour une phylogénie approximative du vivant mais depuis les années 1980-1990 on cherché à préciser le vocabulaire, surtout au sein de l'école cladiste (une des deux méthodes utilisées en phylogénétique) qui est devenu très complexe. Le paragraphe qui suit n'en est qu'un aperçu.
Il est hors de propos de faire ici une étude complète du cladisme. Ce survol, imposé par le programme, rend difficile la légitime et indispensable comparaison avec l'autre méthode phylogénétique.
Toutes les homologies sont-elles
équivalentes ?
Cela dépend de la méthode
phylogénétique et donc en définitive du sens que
l'on accorde à l'homologie.
En effet une parenté réelle (donc une homologie,
située au sein d'un groupe monophylétique) peut
remonter très loin dans l'histoire de la vie.
* Pour les tenants d'une phylogénie naturelle, toutes les
homologies sont pertinentes pour la phylogénie puisque toute
homologie résulte d'une innovation acquise et
conservée par l'automatisme de l'évolution dans la
lignée.
* Pour les cladistes, une homologie ayant une origine ancienne n'a
pas de valeur classificatoire. Si l'ancêtre commun
remonte à des centaines de millions d'années ce n'est
plus un ancêtre, c'est un mythe. Ils nomment une telle
homologie une homologie primaire (homologie de position
anatomique). Par contre, une homologie affirmée entre deux
taxons (éléments de la classification
phylogénétique) ayant un ANCÊTRE COMMUN DIRECT ou
EXCLUSIF est dite homologie de filiation. Nous
n'utiliserons pas ce vocabulaire, en accord avec le programme.
Ex: tous les membres chiridiens des
tétrapodes (membres dressés dont l'étymologie du
mot (du grec cheiros = la main) rappelle la forme habituelle
à 5 doigts de l'extrémité terminale) sont
homologues selon une homologie primaire. Seules les homologies entre
deux membres chriridiens appartenant à deux taxons
réunis par des liens de filiation directe comme, chez les
équoïdés, Hyracotherium et Mesohippus
(voir ancien
cours de
TS),
sont acceptées par les cladistes comme des homologies de
filiation.
Remarque 4:
Et pourquoi ne pourrait-on pas avoir des caractères
identiques et non seulement des ressemblances ?
C'est avant tout une question de vocabulaire: deux caractères
identiques chez deux taxons différents ne sont pas ...
identiques absolument... puisqu'ils n'appartiennent pas toujours au
même taxon. Comme je l'ai précisé au début
de la partie, la notion de caractère est relative à
un individu ou à un groupe. Les taxons d'un même
groupe partagent le même caractère relativement à
ce groupe mais n'ont pas des caractères identiques.... C'est
tout le problème d'enseigner l'évolution avec des
caractères et non pas seulement avec des théories. On y
gagne en précision mais pas forcément en
compréhension.
Pour les cladistes les homologies de filiation ne sont pas non plus toutes équivalentes. Ils distinguent entre elles des différences
Intéressons-nous maintenant aux différences . Les différences doivent être LÉGÈRES, car on n'a aucune utilité à comparer deux caractères qui n'ont aucune similitude; on pourrait plutôt parler de faible dissimilitude. Un caractère est dissemblable d'un autre caractère mais il n'y a pas de temps, c'est une relation logique (voir la page sur le cladisme). Les faibles dissimilitudes font référence à la l'évolution diversifiante.
On recherche cette fois encore la parenté mais non plus
dans une ressemblance mais dans une faible dissimilitude (mais pas
dans une différence trop importante -
par exemple la différence entre la symétrie
bilatérale et la symétrie radiaire de deux organismes
n'est pas une différence phylogénétique, car ce
ne serait plus une parenté que l'on rechercherait alors mais
un mécanisme ontogénique beaucoup plus
général).
Si une faible dissimilitude entre deux caractères,
déclarée pertinente pour la construction d'une
phylogénie :
Ce vocabulaire, issu du cladisme, est déroutant (car les mots ne sont pas pris dans le sens courant) mais cependant précis et donc, en ce sens, il présente une amélioration par rapport à ce qui pouvait se faire avant le cladisme.
Pour être franc ce vocabulaire a probablement
été développé pour intégrer les
caractères moléculaires dont la parenté est rien
de moins qu'évidente (mais se prête facilement à
un traitement probabiliste): le cladiste réalise, avant tout
essai de représentation (cladogramme), la polarisation des
caractères qu'il utilise, c'est-à-dire qu'il
décide de l'état dérivé ou
ancestral des caractères. Il établit ainsi une matrice
de caractères présentant leur état (0
représente l'état primitif et 1 l'état
dérivé). Pour les molécules qu'il choisit comme
homologues, il procède de la même manière, en
considérant chaque site de mutation possible d'une
chaîne nucléotidique comme un caractère, ou
chaque acide aminé d'une chaîne polypeptidique....
La méthode de polarisation et les postulats évolutifs
qui y sont attachés (liés à la théorie
choisie) dépassent le propos de ce cours mais influent bien
sûr fortement sur les cladogrammes obtenus
(voir page
sur le cladisme). C'est là
que se décident les grandes lignes des
phylogénèses. Ce lieu est inaccessible à notre
niveau, ce qui rend les cladogrammes bien fades. Pour preuve
l'utilisation des logiciels comme phylogène que je me
garderai bien de conseiller à qui veut comprendre
l'évolution.
Le vocabulaire dérivé-primitif a été retenu dans le programme. Nous l'emploierons donc. Mais suis-je capable de l'enseigner ? Il y a de nombreux équivalents et nuances à ces mots que nous n'emploierons pas comme synapomorphie, apomorphie, plésiomorphie.... (voir cladisme).
La recherche de caractères dérivés et primitifs exige toujours, comme dans le cas des homologies et analogies, à se placer dans un groupe monophylétique (clade) avant tout travail. (voir remarque 2 ci-dessus)
Les ressemblances et les différences sont les deux facettes de la phylogénie établies à l'aide de caractères. Le cladisme a eu le mérite de clarifier fortement le vocabulaire des phylogénies qui sont donc devenues plus scientifiques. Mais il a aussi introduit des postulats logiques qui peuvent occulter la recherche d'une phylogénie universelle. Je ne détaillerai pas cette idée dans ce cours mais j'ai essayé de le faire dans la page annexe sur le cladisme pour les esprits curieux (les opinions qui y sont exprimées n'engagent que moi).
Si les deux classifications phylogénétiques qui suivent, reposent chacune sur une théorie évolutive, elles ne sont bien sûr pas définitives ou certaines, scientifiquement et paléontologiquement. Une seule est "calculable" au sens d'une réduction à un algorithme, c'est la première (du moins dans un premier temps car l'optimisation se finit presque toujours "à la main", sur le papier ; et d'autant moins que la première étape, celle de la polarisation des caractères, n'a rien de mathématique). Une seule est réelle ou naturelle, c'est la seconde. Philosophiquement, la première est relativiste (à mon avis, voir la page sur le cladisme), la seconde est plus réaliste mais ouverte aussi bien à un matérialisme qu'à un vitalisme (voir page sur l'évolution téléologique).
La première, cladiste, construite à partir des caractères, n'est que logique, elle ne présente pas des organismes qui auraient existé (même pas virtuellement contrairement à ce que disent certains exégètes du cladisme, car il faut, avec les cladistes et de façon claire, affirmer que les ancêtres des classifications cladistes n'existent pas et n'ont pas existé). Une classification cladiste REPRÉSENTE les RELATIONS LOGIQUES que l'on considère comme LES PLUS PROBABLES (réfutables en fonction des découvertes de la paléontologie ou d'un consensus sur les relations logiques les plus pertinentes) qui auraient donné naissance aux INDIVIDUS ACTUELS OU FOSSILES placés à l'extrémité des rameaux de l'arbre cladiste ou cladogramme, seuls RÉELS et seuls représentés. Le fait que les ancêtres ne sont pas représentés dans les classifications cladistes ne veut pas dire qu'ils n'aient pas existé, mais seulement qu'ils sont inaccessibles au cladiste. Les dessins présentant des intermédiaires paléontologiques ne cadrent pas avec des classifications cladistes. Pour pouvoir cependant prévoir des améliorations de leurs classifications ils ont introduit la notion d'intermédiaire structural tout aussi théorique et placé au bout d'une branche quelque part entre deux nuds, représentant deux innovations. En fait cet intermédiaire structural n'est que la représentation d'espèces qui ne rentrent pas dans l'arbre présenté avec les choix logiques réalisés et qui, provisoirement sont placés sur un calque, hors de la classification, le plus près possible de la position que le cladiste souhaite lui donner .
La seconde, téléologique, construite à partir d'une théorie évolutive, se veut NATURELLE et donc représenter UNE HISTOIRE (voir partie 1 de ce cours). Elle prétend représenter réellement les ANCÊTRES successifs que l'on peut donc rechercher dans les archives PALÉONTOLOGIQUES (elle se soumet aux découvertes de la paléontologie et est donc réfutable), même si leur existence a été éphémère. Elle les relie au moyen d'une théorie et donc aussi des relations logiques, tout aussi scientifiques que dans le cladisme. (Pour mieux appréhender ce qu'est une phylogénie je renvoie à la partie précédente de cette page).
|
|
||||||||||||||||||||||||||||||
il se lit de la façon suivante: les Craniates possèdent tous un caractère dérivé exclusif qui est la présence d'un crâne osseux; ce clade (groupe monophylétique) est composé de deux clades: les Vertébrés (dont le caractère primitif exclusif est la possession de vertébres mais dont la possession d'un crâne est un caractère primitif) et les Myxinoïdes (qui possèdent un crâne, ce qui leur est un caractère primitif mais qui présentent d'autres caractères propres (dérivés) comme leur appareil branchial, particulier). Les vertébrés sont à leur tour composés de deux clades: les Pétromyzontides (qui possèdent donc comme caractère primitif (ancestral) un crâne et des vertébres mais comme caractère dérive exclusif par exemple leur bouche en forme de ventouse) et les Gnathostomes (qui possèdent comme caractères primitifs leur crâne, leurs vertèbres et comme caractère dérivé exclusif leurs mâchoires); ces derniers sont constitués à leur tour de deux clades: les Chondrichtyens et les Ostéichthyens... et ainsi de suite. (modifié d'après G. Lecointre, La construction de phylogénies, Biologie-Géologie (Bulletin de l'APBG), 1-1995, pp110-111-128 (les nuds 12, 13 et 14 ont été modifiés) et Classification phylogénétique du vivant, G. Lecointre et H. Le Guyader, Belin, 2001) |
On notera que étant
donné qu'un cladogramme n'est jamais fixé au
niveau des nuds qui sont des points de rotation, la
présentation qui en est faite ici n'est qu'une
variante. De plus la polarisation des caractères
n'est pas discutée. Les choix sont ceux des auteurs
cités. (Vertébrés) la présence de
vertébres, de 2 canaux semi-circulaires dans
l'oreille interne, une musculature extrinsèque de
l'il, une régulation nerveuse du cur,
rate et pancréas individualisés (Mixynoïdes) appareil branchial très
particulier (poches en forme d'oignons), tête
terminée par un orifice nasopharyngien unique
s'ouvrant dans le pharynx, six tentacules tactiles entourant
la bouche, présence d'un conduit
sophago-cutané gauche, appareil lingual (Gnathostomes) la présence de 2
mâchoires (du grec gnathos = mâchoire),
squelette branchial interne par rapport aux branchies,
troisième canal semi-circulaire, axones
myélinisés, molécule
d'hémoglobine formée de 4 sous-unités
identiques deux à deux (Pétromyzontides) squelette branchail
particulier (corbeille branchiale), organe olfactif
s'ouvrant dans un tube fermé à une
extrémité, bouche entourée d'une
ventouse (Ostéichthyens) os enchondral,
éléments osseux dermiques, ceinture scapulaire
portant aussi des os dermiques, arcs branchiaux 1 et 2
articulés sur une même pièce osseuse,
sacs aériens connectés au tube digestif (Chondrychthiens) couche de cartilage
calcifié prismatique tapissant le cartilage du
squelette, organes spéciaux d'accouplement chez les
mâles (Sarcoptérygiens) squelette interne des
nageoires monobasal (s'attache aux ceintures par un seul
élément), émail vrai sur les dents, le
5ème et dernier arc branchial s'attache ventralement
sur l'avant-dernier (Actinoptérygiens) chaque dent porte un
petit capuchon de tissu minéralisé
(l'acrodine), perte de la nageoire dorsale
antérieure, écailles articulées (Actinoptères) (Cladistiens) (Néoptérygiens) (Chondrostéens) (Halécostomes) (Ginglymodes) (Téléostéens) (Halécomorphes) (Rhipidistiens) (Actinistiens) (Tétrapodes) (Dipneustes) (Amniotes) (Lissamphibiens) (Mammifères) (Sauropsides) (Diapsides) (Chéloniens) (Lépidosauriens) (Archosauriens) (Squamates) (Sphénodontiens)
d'après G.
Lecointre et H. Le Guyader dans Classification
phylogénétique du vivant, Belin,
2001
Quelques commentaires:
* c'est nouveau, cela fait pas mal de noms à apprendre
* les noms des clades reprennent des noms de classes, d'ordres, et
autres divisions classiques, parfois modifiés mais surtout
DANS UN AUTRE SENS (les clades définis ne contiennent pas les
mêmes organismes que les divisions du même nom )....
comment espérer une future unité ?
* on voit aisément le côté provisoire d'une telle
classification; il suffit de changer un caractère
dérivé principal pour changer un nud et donc tout
l'arbre: les comparaisons entre arbres sont aussi rendues plus
difficiles étant donné la rotation possible au niveau
de chaque nud.
* la question la plus pertinente concerne plutôt
l'évolution: où est représentée
l'évolution ? Elle ne l'est pas, c'est une classification qui
respecte l'évolution possible mais qui ne la représente
pas. LE TEMPS NE DOIT PAS ÊTRE REPRÉSENTÉ : il
n'existe pas, sauf si l'on s'efforce de classer des fossiles selon
leur âge déterminé par la paléontologie.
Ce n'est pas le cladisme qui peut déterminer un âge. Par
contre il est évident qu'un âge peut être
opposé ou au contraire aller dans le même sens qu'une
relation logique présentée par l'arbre.
* contrairement à ce que les cladistes affirment, certains
caractères sont définis négativement (absence
d'une nageoire par exemple)...
* comme toute classification débutante elle est très
incomplète et donc il nous est impossible de comparer cette
classification (seule accessible aisément aux enseignants du
secondaire) avec celles que nous avons dans des ouvrages classiques
comme le Précis de zoologie de P.P. Grassé. Comment
utiliser des fossiles avec ces classifications incomplètes,
sauf à prendre bien sûr pour argent comptant ce que nous
disent les cladistes.... ; par exemple, la classe des Agnathes
correspond peut-être aux deux clades Myxinoïdes et
Petromizontides; cette classe était d'une grande richesse dans
la classification "classique": les Céphalapsidomorphes
comprenaient les Osteostracés et les Anapsides en plus des
actuels Pétromizonoïdes; venaient ensuite les
Ptéraspidomorphes avec les Hétérostacés
et les Myxinoïdes; enfin les Chélodontes... où
sont-ils tous passés, ont-ils tous été
utilisés dans les classifications cladistes ? Cette
classification incomplète est frustrante. Je souligne que dans
le cas d'un cladogramme le fait qu'une classification soit
incomplète prend une toute autre importance que dans une
classification naturelle. Ce sont les caractères qui
définissent pour le cladiste les groupes qui peuvent
être profondément modifiés avec un seul fossile
original alors que le "phylogéniste naturel" se contente de
chercher le groupe où faire entrer son fossile et, à
défaut, il ajoute une division.
* il n'y a pas que les cladistes pour être capables de discuter
de la position systématique des oiseaux.
Parentés: les caractères communs des vertébrés, les classes de vertébrés, le problème du passage à la classe