Modèles continus - modèles discrets en sciences expérimentales

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Sources
œuvres complètes de René Thom, CD Rom IEHS
Encyclopedia Universalis
un colloque de l'ENS: Journée Trois corps, classique-quantique, discret-continu, organisé par : Giuseppe Longo (CNRS) et Thierry Paul (ENS) et notamment la table ronde des 28 et 29 septembre 2004 accessibles sur internet (
http://www.diffusion.ens.fr/index.php ?res=cycles&idcycle=109). Lors de la première table ronde, avec Jean Petitot (qui rappelle l'apport de Thom), Yves-Marie Visetti (très accessible; il fait une remarque sur la TC qui mérite d'être écoutée), Thierry Paul, Carles Simo, Dominique Delande, Annick Lesne et Jean-Michel Salanskis (si sa première présentation des différentes conceptions du continu n'est pas facile à suivre, sa remarque à 1:37:01 (fichier .mov de 1,8 Mo à télécharger) me semble très claire même s'il la qualifie de journalistique et facile: "ce qui fonctionne comme language commun c'est le continu de Cantor-Dedekin", c'est-à-dire celui de la majorité des mathématiciens; cependant "il y a un autre moyen de communication c'est Aristote"...).


1. Le continu s'oppose au discret plutôt qu'au discontinu

Définition habituelle du continu:
la continuité est définie mathématiquement comme une régularité.

Ainsi, et même si ce n'est que d'une façon secondaire, cette définition reste une étape importante pour les élèves : la continuité s'oppose à la discontinuité.

La continuité s'exprime pour l'élève comme une propriété graphique de la fonction qui est représentée par une ligne continue (par opposition à une ligne discontinue). Mais cette représentation est en fait une bonne image du l'opposition continu / discret.

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Une application continue en un point prend des valeurs qui ne contrastent pas avec celles qu'elle prend au voisinage de ce point - à l'inverse, une application discontinue présente des valeurs qui peuvent être très différentes en un point et en un de ses voisinages. En classe de terminale S on approche les notions de continuité en un point [f est continue en un point a de R de son ensemble de définition lorsque la limite de f en a existe et vaut f(a)] et continuité sur un intervalle [f est continue sur un intervalle I inclus dans son domaine de définition lorsqu'elle est continue en tout point a de R appartenant à I]. On admet ensuite sans le démontrer que les fonctions polynômes, rationnelles, trigonométriques, logarithmes, exponentielles, racine carrée, valeur absolue ainsi que les fonctions obtenues par opérations algébriques sur ces fonctions ... sont TOUTES CONTINUES sur tout intervalle contenu dans leur ensemble de définition.

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Mais, d'une façon plus générale et donc topologiquement, le continu s'oppose au discret.

Par exemple l'ensemble des nombres réels R est continu (représentons-le par une ligne continue _______________ ) alors que Z, ensemble des entiers relatifs est discontinu ou discret (et peut être représenté par une ligne discontinue .......................... de points); R est un espace dit connexe et Z est dit discret; la richesse du problème posé par ces différences fait l'objet d'un questionnement toujours actuel.




René Thom, peut être qualifié de "penseur du continu" (voir une interview de Petitot dans La Recherche: http://www.larecherche.fr/ special/web/web360.html); il utilise, en plus des concepts mathématiques familiers aux topologues, la distinction qu'Aristote fait entre Genre et espèce (voir par exemple les parties de 1 à 4 dans Réflexions sur le continu de Hansjakob Seiler, 1992, in Colloque sur le continu linguistique, Caen, 22-24 juin 1992, 1992f7.pdf - dont voici quelques éléments du résumé).
Le continu est ontologiquement antérieur au discret. En effet, il est très facile pour un continu d'admettre des accidents discrets (exemple : une ligne brisée), alors qu'un objet discret ne peut admettre un accident continu sans être lui-même continu. Objection des continus à singularités denses (en mathématique : la droite réelle). Du continu pur, on ne peut rien dire (c'est la forme la plus pauvre d'existence). Seuls les accidents discrets portés par le continu peuvent motiver un discours. . .
L'accident discret minimal : le point sur la droite. La distinction d'Aristote entre point « virtuel » (en puissance) et point réel (en acte). Le point réel sépare l'axe en deux demi-axes.
L'acte sépare. C'est la séparation dichotomique qui permet de passer de un à deux. Cette scission possède un modèle algébrique issu d'une dynamique continue, c'est la singularité « fourche » définie par l'équation v = 0 dans le modèle fronce de la Théorie des catastrophes, d'équation V = x4/4 + ux2/2 + vx. La singularité fourche 1, d'équation x3 + ux + v = 0, est à l'origine du symbolisme de la flèche, symbole d'irréversibilité. En effet il est plus facile d'aller de 2 en 1 par un chemin continu que de 1 en 2 : à la fourche, il faut faire un choix (en principe arbitraire) : et c'est difficile, dans un univers où Dieu ne joue pas aux dés. . .
La notion aristotélicienne de
genre (Grec Genos): on désigne ainsi un ensemble de concepts qui sont sémantiquement fortement apparentés. Sous la forme la plus pure, comme dans le genre des adjectifs de couleur, on peut par expérience mentale transformer continûment un attribut a en un autre attribut b du même genre. Mais il y a des genres (comme les relations de parentés), où cette continuité n'existe pas ; elle est remplacée par une dynamique canonique (discrète) entre les concepts. Pour Aristote le genre est « comme une matière », c'est un continu qui se sépare « canoniquement » en morceaux, chacun des morceaux est une espèce (eidos) ; cette scission de la matière du genre est réalisée par une coupure, la différence spécifique. Seules les catégories sont individuellement séparées, elles constituent une «matière discrète ».
Dans une optique évolutionniste, on peut considérer que la décomposition d'un genre en espèces a une origine préverbale dans la correspondance Stimulus ---> Réponse chez l'animal. Les stimuli sont des objets continus alors que les grandes stratégies de réponse forment un ensemble discret fini (par exemple : Attaque - Fuite, Indifférence). Un stimulus est « prégnant » s'il suscite une réponse (attractive ou répulsive) immédiate.

2. Réintroduire du continu en SVT


La compréhension des mécanismes biologiques fait appel habituellement à des modèles discontinus au sens de discrets. Mais des modèles comme ceux proposés par Thom permettent de réintroduire le continu en SVT, ce qui me semble un projet réalisable.


Je m'explique :


une raison simple pour laquelle la biologie a un besoin absolu de continu est la présence du temps. Le temps du vivant est un continu (voir page sur le temps du programme de terminale S). La nécessité d'introduire le temps apparaît de façon particulièrement claire aux les élèves de 1èreS habitués à tracer le temps en abscisse de tant de courbes en classe de physique. Interrogé sur la présence du temps comme paramètre dans les modèles thomiens, je leur avais répondu à ce moment là que le temps est sous-entendu mais qu'il n'est que rarement exprimé sous forme de paramètre individualisé (voir cours de 1èreS, nouveau modèle de glycémie). Je complète maintenant cette réponse en affirmant que le temps est bien une trace de ce continu sous-jacent à tout modèle biologique. Il peut être discrétisé pour une expérience par un mécanisme dit "générateur de temps" (sous-entendu "générateur de temps discret" : le chronomètre). En effet le mouvement de balancier ou la pulsation périodique du mécanisme d'horlogerie sépare (la séparation est un acte en philosophie aristotélicienne sur le continu du temps qui est puissance - voir note sur ces notions dans la page sur les 4 causes d'Aristote) des durées par des discontinuités (les bords de chaque période si l'on représente géométriquement le temps par une droite segmentée en périodes). Ce que l'on fait ici pour le temps avec un mécanisme analogique d'horlogerie peut être fait de la même manière pour le vivant par un mécanisme fonctionnel où les formes qui se séparent du fond continu sont les saillances au sens de Thom (pour une approche de ce vocabulaire voir la page sur les 4 causes d'Aristote).
Les fonctions du vivant, immergées dans un continu (le continu du temps) ne peuvent être qu'un continu.
Ceci à pour conséquence que toute fonction vivante présentant le temps en paramètre (caché ou explicite) doit être continue.


En SVT on fait habituellement appel de façon implicite au discontinu lorsque l'on explicite des propriétés du vivant à l'aide de molécules qui produisent des effets sous le contrôle d'autres molécules, à moins que l'on ne considère chaque molécule qu'en tant qu'élément d'un système mécanique (mais la mécanique au niveau moléculaire n'est pas aussi facilement explicitée qu'au niveau macroscopique: parler de masse, de gravité et de point d'application d'une force est assez délicat au niveau d'une seule molécule... intuitivement on opère une réduction mentale d'échelle mais quelle signification a-t-elle ?). Les molécules sont un ensemble discret. On a beau en imaginer une infinité le problème n'en est pas moins posé et l'infinité (aux bornes) ne génère pas la continuité (l'infinité des molécules est une notion particulièrement fausse en biologie car les molécules cytoplasmiques sont au contraire en quantité bien déterminée, tout à fait dénombrables et localisables: voir page sur la cellule). Un modèle de régulation physiologique qui fait intervenir de très nombreuses molécules, des gènes, et tout autre système matériel que l'on voudra, est ainsi présenté la plupart du temps comme un système discontinu, ce qui est impropre.



Une illustration d'une interprétation des relations entre des unités (des cellules, des molécules, des individus... en orange), situés dans un plan (a,b) expérimental de contrôle (a et b sont des paramètres mesurables; les unités sont repérées par leurs coordonnées dans le plan de contrôle), par un modèle discontinu de réseau d'interactions (flèches rouges) versus un modèle continu d'une fonction sous-jacente relié par exemple à un champ de vecteurs déterminant un gradient orienté dans le sens de la flèche.







Dans un modèle discontinu chaque unité présente des caractéristiques qui résultent de sa position dans le plan (a,b) ; la forme globale résulte de la composition de toutes les morphologies individuelles.
La plupart des modèles embryologiques sont construits dans cet esprit. Chaque cellule a une information de position qui résulte des interactions avec ses voisines. La genèse d'un gradient (pensez par exemple à un gradient de type mésodermisant) entre cellules résulte de ces interactions. L'apparition d'une forme particulière, toujours observée, peut sembler magique. Vouloir comprendre la genèse de la forme à partir des interactions individuelles (surtout si chaque cellule est considérée comme un automate) est un défi car la théorie sous-jacente à la méthode suppose que l'on puisse générer du continu à partir du discontinu. Pour pouvoir générer du continu il faut ajouter des contraintes qui sont justement issues de la dynamique sous-jacente créatrice de formes. On ajoute alors artificiellement le continu qui n'est pas dérivé de la matière
(au sens habituel du terme, comme composé de molécules et d'atomes qui sont déjà des formes).
Remarque:
La sélection naturelle comme puissance ("power", selon le mot de Darwin, voir la conférence de Jean Gayon dans la
page sur l'évolution) est bien ce continu dans les modèles moléculaires darwiniens.


Dans un modèle continu l'étude géométrique de la morphologie permet d'en déterminer les propriétés universelles. La forme étant considérée comme une donnée on en explore les propriétés grâce à des outils mathématiques. On considère donc le gradient comme une donnée sous-jacente au système (une dynamique sous-jacente) et on cherche à mathématiser (localiser) la fonction vitale qui lui a donné naissance. La forme est "ce qui se sépare du fond continu"; les bords de la forme sont stables (ce sont les points de catastrophe dans la théorie des modèles de René Thom).
Les modèles de René Thom fonctionnent quelque soient les unités considérées: molécules, cellules, individus... La profonde unité des formes du vivant, quelque soit l'échelle, repose sur des propriétés géométriques universelles.
Les modèles embryologiques développés par Thom se trouvent dans son ouvrage majeur: Stabilité structurelle et morphogénèse: Essai d'une théorie générale des modèles, 1968 puis dans Modèles mathématiques de la morphogénèse, 1971. Ils n'ont, à ma connaissance, encore jamais été repris par des embryologistes, ni enseignés (mais existe-t-il encore des chercheurs en embryologie expérimentale qui ne travaillent pas dans le paradigme molécularo-génétique et surtout qui ont suffisamment d'ambition pour s'attaquer à des problèmes aussi généraux que ceux de l'organisation générale de l'embryon ?). Avis aux jeunes amateurs ambitieux.




Cela fait de nombreuses années que les physiciens ont accepté de composer avec ces deux aspects : le discret c'est l'aspect particulaire et le continu c'est l'aspect ondulatoire. La notion de champ permet de modéliser un changement à distance et immatériel que l'on considère comme un transport d'énergie (c'est par exemple le cas des ondes gravitationnelles, support de l'énergie de gravitation, que l'on peut aussi modéliser par une particule: le graviton; même si l'un ou l'autre des deux aspects est souvent beaucoup plus commode et clair).
En mathématiques le champ désigne l'ensemble des valeurs prises par une variable.
En physique le champ désigne l'ensemble des valeurs d'une grandeur physique en tout point de son espace de d'observation (un espace comprenant souvent le temps comme dimension).
La notion de champ en physique a permis de masquer le côté magique d'une action quasi-instantanée à distance en parlant de modification de l'espace-temps pour qualifier les relations entre deux points ou portions de l'espace appartenant au même champ. Il me paraît urgent de faire de même en biologie en proposant des
champs morphogénétiques ou des champs fonctionnels, modèles de la propagation des fonctions locales nutritives, relationnelles et reproductives (que Thom a essayé de nommer chréodes à la suite de Waddington, mais le mot n'a pas eu de succès...; en fait le mot chréode (chreod) désignait le support biologique d'un champ morphogénétique, une « route obligatoire » du développement, voir CDRom des œuvres complètes: 1991i.pdf et 1993f7.pdf).
Et comme on s'intéresse davantage aux variations des fonctions vitales qu'à leur valeur en un point de l'espace métabolique, Thom utilise principalement le concept de
gradient qui est mathématique avant d'être utilisé par les physiciens. Le gradient est un vecteur ayant pour composantes les dérivées partielles d'une fonction, correspondant à sa variation. Pour la fonction de nutrition, le gradient nutritionnel en chaque point de l'espace du métabolisme permet de se faire une idée du champ nutritif d'une organisme.
Le concept d'onde en physique est élargi à la biologie par Thom en de nombreuses occasions. Que ce soient les ondes de choc pour désigner des conflits d'attracteurs ou des ondes nutritives ou reproductives qui désignent les changements d'un tissu placé dans un champ morphogénétique. Une formulation mathématique de la notion de front d'onde, applicable à une onde fonctionnelle biologique, est proposée dans 1973f8.pdf (Sur la propagation des fronts d'onde et l'optique géomètrique, 1973).

Des exemples pour comprendre la différence entre un modèle continu (le pendule, le culbuto, un oscillateur harmonique ou un modèle moléculaire flip-flop...) et un modèle discontinu (n'importe quel modèle cybernétique ou informatique, la réponse immunitaire à médiation cellulaire telle qu'elle est habituellement présentée, la régulation de la glycémie... id.); il est évident que les modèles biologiques de régulation peuvent aussi être présentés sous une forme continue avec un autre modèle.

3. Approche expérimentale et analogique : une pédagogie


EN TRAVAUX août-septembre 2005

Les paragraphes qui suivent ont pour but d'une part de préciser un vocabulaire inhabituel aux enseignants de SVT , et d'autre part de mettre l'accent sur la nécessité de la formation mathématique pour quiconque souhaite comprendre des résultats expérimentaux.
Un approche différente mais aussi novatrice est celle de Lucien Dujardin dans son espace sur les régulations qui propose 8 boîtes noires à explorer (sous forme d'applet java) afin d'apprendre à mettre en évidence une dynamique à partir de l'observation de valeurs expérimentales (
http://perso.wanadoo.fr /l.d.v.dujardin/ regul/rep7 /index.html). Je vous recommande ce didacticiel, même non terminé (6 boîtes exploitables), qui est vraiment d'une grande utilité pédagogique. C'est une formation que l'on devrait proposer à tous les étudiants en sciences expérimentales.


3.1 - Tracer la caractéristique d'un système dynamique c'est faire l'hypothèse d'une fonction continue sous-jacente


En reprenant le graphisme utilisé dans la page sur les modèles. Si l'on représente (graphe ci-dessous ) les sorties en fonction des entrées pour un système vivant chaque point définit un état du système (dans l'espace Rn x Rr).


x,y...

p1,p2...

Dans une approche discontinue le nuage de points obtenu est interprété statistiquement (voir note) alors que dans une approche continue, les points sont représentatifs d'une application de Rr vers Rn qui est une fonction (CONTINUE) si à une entrée (p1) on ne fait correspondre qu'un nombre fini de sorties (x). La fonction est représentée par un graphe que l'on peut appeler la caractéristique du système (que l'on pourrait définir comme un tracé de la dynamique). Pour un thermodynamicien les x, y... (sorties) sont les solutions du système (sous entendu des équations décrivant le système) dont les p1, p2... (entrées) sont les paramètres. Mais je prendrai surtout des exemples mécaniques qui me sont plus familiers que ceux issus de la thermodynamique.


quelques caractéristiques de systèmes avec une seule variable de contrôle : p

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un système stationnaire

p peut prendre des valeurs quelconques mais x est figé. Ce système est plus que stable, il est amorphe au sens où sa forme (variable x) est dépourvue de dynamique, même si on peut considérer un paramètre de contrôle... inopérant sur la morphologie.


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un système à deux positions stables et une bifurcation

Le système n'est défini que pour des valeurs de p inférieures à p'. La morphologie (x) présente deux états stables habituels (x' et x") et une série d'états intermédiaires rarement atteints (instables). En O, point de bifurcation, le système est instable et doit bifurquer vers l'un où l'autre des états stables.
Si l'on prend une analogie mécanique ce système pourrait est un système de type culbuto à deux positions stables possibles avec une centre de gravité mobile (p mesurant par exemple la distance au centre du bandeau supérieur). Les deux états stables étant des contraintes de forme du culbuto qui n'a par exemple que deux positions stables du fait de la courbure de sa base.

Ce système correspond à la catastrophe pli de René Thom.
Lucien Dujardin présente sur son site (
http://perso.wanadoo.fr/ l.d.v.dujardin/ct/fr_cusp.html #gravapplet) une applet qui permet de visualiser ce type de stabilité et d'instabilité avec un culbuto virtuel dont on peut modifier à loisir la position à la surface du culbuto..


Le centre de gravité peut être déplacé grâce à la masse mobile noire fixée sur la bande supérieure.
L'état médian (p=0) est très instable (en fait non réalisé dans une machine idéale). Les deux positions extrêmes (pour p=p') et les positions intermédiaires sont stables.


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un système périodique

La caractéristique est un cycle.
Le système n'est défini que pour des valeurs de p comprises entre p' et p". Selon le temps, si p oscille entre p' et p", le cycle est parcouru selon un sens qui est donné par des des contraintes extérieures.
Au delà,
pour des valeurs de p inférieures à p' ou supérieures à p", on peut par exemple considérer qu'il est détruit. Le système est plus stable autour de deux valeurs de p : p0 et p1. Alors qu'il est très instable au voisinage de p' et p".


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un système en cycle d'hystérésis

Ce système est défini pour toute valeur de p et pourtant x ne peut prendre que des valeurs comprises entre x' et x" et plus particulièrement, le système n'est stable que pour lorsqu'il prend les deux valeurs x' et x"; toute valeur de p fait évoluer rapidement le système soit voir x', soit vers x"; ce qui en fait un modèle de système stable et résistant à de petites perturbations de p.
Si l'on fait croître puis décroître p la caractéristique du système est un cycle d'hystérésis
(voir ci-dessous). p' et p" correspondent à des bifurcations (points d'instabilité) mais conduisant à des morphologies différentes selon le sens croissant ou décroissant des p.
Il existe une zone des x (morphologies très instables) jamais atteinte
(en rouge) correspondant aux valeurs de p comprises entre p' et p" (ces valeurs de p par contre sont atteintes).


Ce système, avec deux paramètres de contrôle (et donc un amortissement de la zone de variation rapide de x), correspond à la catastrophe fronce de René Thom. Une analogie mécanique a été proposée par Zeeman (disque en rotation avec deux élastiques maintenant tour à tour et conjointement une position extrême). Un modèle sous forme d'applet est présenté sur le site de Lucien Dujardin (http://perso.wanadoo.fr/ l.d.v.dujardin/ct/fr _cusp.html).


Un modèle avec un seul paramètre de contrôle pourrait être le même montage avec les points de fixation des élastiques (A et C) fixes: seul B peut tourner avec le disque.


Remarque:

L'hystérésis, est définie étymologiquement comme un décalage dans l'évolution d'un phénomène physique par rapport à sa cause (un retard).


En physique le cycle d'hystérésis est défini pour une substance ferromagnétique qui n'a jamais été aimantée. Si l'on trace son aimantation (M) en fonction de l'intensité du champ magnétique imposé (H), on observe d'abord une aimantation progressive (courbe A) jusqu'à une valeur limite dite aimantation à saturation (Ms). Lorsqu'on fait décroître ensuite le champ jusqu'à une valeur négative très élevée, l'aimantation NE REVIENT PAS À UNE VALEUR NULLE (en décrivant la courbe A en sens inverse) mais décrit la courbe B (c'est cette non réversibilité qui justifie le terme d'hystérésis puisque l'aimantation est "en retard" par rapport à la diminution du champ magnétique). Si l'on applique un champ de sens opposé de plus en plus intense la diminution de l'aimantation se poursuit le long de B jusqu'à la valeur limite (-Ms). Puis, en faisant croître à nouveau le champ, elle décrit la courbe C, symétrique de B par rapport à l'origine 0. Les valeurs de l'aimantation rémanente (qui reste une fois le champ appliqué revenu à la valeur 0) dépendent du chemin suivi: positive si le champ décroît depuis une valeur positive élevée, et négative si le champ croît depuis une valeur fortement négative; ce SYSTÈME A DONC UNE MÉMOIRE du dernier champ élevé appliqué, ce qui peut être ramené à ce que l'on appelle la "sensibilité aux conditions initiales").


Cas particulier de caractéristique, la cinétique est la représentation d'un paramètre observable (sortie, x) en fonction du temps (entrée, t): x=f(t). Comme on a seulement deux paramètres, les éléments du système sont placés dans un plan (t,x). Pour représenter un mouvement en SVT, comme il est fréquent de le faire en physique, on ne se place plus seulement dans le plan des positions (x=f(t)) (qui permet d'embrasser la cinétique d'un seul coup d'œil) mais dans l'espace des phases où l'on ajoute le paramètre vitesse (v=dx/dt). La dynamique est alors représentée par une trajectoire dans l'espace (x(t),v).


3.2 - De l'intérêt de l'espace des phases
où les dynamiques sont représentées par des trajectoires (ou orbites)

Remarques:
* Pour que la dynamique soit représentée par une trajectoire dans l'espace des phases il faut que le mouvement soit idéalement stable (attention c'est le mouvement qui est stable et pas le système). Si l'on sort de cette hypothèse et que la position d'un système dans l'espace des phases n'est connue qu'approximativement, il faut avoir recours à une dynamique statistique qui sort de notre propos.
* on peut aussi assimiler les paramètres de l'espace des phases aux degrés de liberté du système. Plus le système présente de degrés de liberté, plus la dimension de l'espace des phases est grande.


L'espace des phases est défini théoriquement comme un espace abstrait qui permet de définir complètement l'état d'un système à partir de la connaissance des coordonnées de ce système dans cet espace (article "turbulence" EU).
La dimension de l'espace des phases varie de 2 (un plan), pour des systèmes très contraints, à l'infini, pour des systèmes qui nous paraissent être non déterministes. On remarquera que le terme espace des phases fait judicieusement penser au diagramme des phases (qui représentent l'état d'un corps pur dans un espace à 2 dimensions: pression et température; typiquement trois phases principales sont possibles: liquide, solide et gazeuse). Le diagramme des phases d'un corps pur et bien une représentation de l'état thermodynamique d'un corps dans son espace des phases.
Pour un système dynamique ponctuel (réduit arbitrairement à un point) l'espace des phases est un espace à 2 ou 3 dimensions avec pour paramètres la position (qui nécessite un ou deux paramètres selon le type de mouvement) et la vitesse.
L'espace des phases est particulièrement intéressant car ses coordonnées sont des variables dynamiques indépendantes du système. C'est un espace où les trajectoires peuvent être traitées géométriquement.


Un attracteur est défini comme une zone de l'espace des phases où le système se trouve après un temps infini: c'est un état asymptotique pour la fonction associée à la dynamique du système.

Pour un système donné il peut exister plusieurs attracteurs, dépendant de la zone de l'espace des phases à laquelle appartient la condition initiale. On appelle bassin d'attraction d'un attracteur l'ensemble des conditions initiales (portion de l'espace des phases) qui y conduisent. Une bifurcation du système correspond au passage d'un bassin d'attraction à un autre, et donc d'un attracteur à un autre.


Pour une étude mathématique complète voir l'exemple du pendule simple qui est traité intégralement dans l'Encyclopedia Universalis au chapitre Systèmes dynamiques différentiables (1. Le pendule sans frottement, un système hamiltonien). Le niveau est celui d'un élève d'une classe préparatoire scientifique. Pour une étude préliminaire plus ludique je vais abondamment utiliser ci-après les pages de Lucien Dujardin (avec son accord).
Un exemple d'utilisation d'espace des phases en SVT est notamment le travail de Madame Dambricourt-Malassé sur la dynamique crânio-faciale humaine appliquée aux crânes fossiles de la lignée humaine (voir un
essai de présentation dans l'ancienne page sur les modèles, mais les modèles mathématiques sont dans des publications spécialisées auxquelles je n'ai pas eu accès, voir bibliographie).

* Une dynamique, c'est un mouvement.
Si la dynamique cesse, le mouvement s'arrête et l'état du système devient stationnaire.
Une dynamique stable présente des caractéristiques qui n'évoluent pas dans le temps. Mais la dynamique peut être différente selon les échelles de temps considérées. Un phénomène très lent peut être considéré comme stable sur un bref intervalle de temps.


En mathématiques une fonction linéaire est une fonction dont la représentation graphique est une droite. En dynamique les systèmes linéaires sont des systèmes obéissant à des équations aux dérivées partielles linéaires c'est-à-dire qui sont de la forme dxi/dt=∑(j=1,n) ai,j(t) xj + bi(t) (formant un système différentiel linéaire). En utilisant une notation matricielle on peut écrire dx/dt=A(t).x + b(t), avec la matrice A(t)=(aij(t)) et les deux vecteurs x = (x1,...,xj,..., xn) et b(t)= (b1,...,bj,..., bn). On retrouve en effet l'équation d'une droite dans l'espace (x1,...,xj,..., xn, dx1/dt, ...,dxi/dt,...,dxn/dt) qui est l'espace des phases.
Par extension on parle d'équations différentielles linéaires du second ordre pour des équations de la forme d2x/dt2 + a(t) dx/dt + b(t) x + c(t) = 0.
Une fonction non linéaire a une représentation graphique qui est pas une droite. La dynamique d'un système non linéaire obéit à une équation différentielle de la forme dx/dt = f(x, t); où x est un vecteur de Rn, f est une fonction (non linéaire) continue à valeur dans Rn et t une variable réelle




a - L'oscillateur linéaire non amorti,
un système dynamique périodique stable




Ce premier cas le plus simple va nous permettre de définir les outils mathématiques.
L'oscillateur linéaire (qui peut être amorti ou non) présente des mouvements qui se limitent à une seule dimension (linéaire, x étant défini par exemple par la distance du mobile à l'origine) et la cinétique est représentée dans le plan (t,x) par une sinusoïde. (C'est la même contrainte que pour un pendule sans frottement dont la position peut être représentée par un angle par rapport à la position de repos mais la trajectoire dans le plan des oscillations est alors un cercle).


Dans le plan des oscillations la trajectoire est une droite. L'espace des phases est alors un plan (produit d'une droite par une droite) (alors que c'est la surface d'un cylindre (de dimension 2 comme le plan) dans le cas du pendule, produit d'un cercle (de dimension 1) par une droite).

L'applet de Lucien Dujardin (http://perso.wanadoo.fr/ l.d.v.dujardin/regul/ osc_lin.html) est exploitée de façon pédagogique par l'auteur. Je la reprends ici.



Le point G représente une masse oscillante
(par exemple attachée à deux ressorts et coulissant le long d'un axe horizontal), idéalement sans frottement.




Déplacez le point G avec le bouton de la souris enfoncé pour initier le mouvement; observer ensuite les oscillations en relâchant le bouton.

(le vecteur vitesse est dessiné en bleu)


La trajectoire du mobile (G) est un segment de droite dans le plan des oscillations. x est défini par la position du mobile par rapport à la position de repos (0). x0 définit à l'instant t0 la position initiale (et donc l'énergie communiquée au mobile).


Dans le plan des oscillations la trace est peu commode car la même position est occupée à des instants différents. On cherche donc à utiliser un espace paramètré par le temps. On peut utiliser ce que l'on peut appeler le plan des positions (t,x).

La trajectoire du mobile (G) est une sinusoïde dans le plan des positions (t,x). Cette représentation met en valeur le caractère périodique du mouvement.



Dans le plan des phases (x,v) la trajectoire devient un cercle. C'est la courbe intégrale ou l'orbite du mouvement (c'est une courbe géométrique orientée). L'ensemble des orbites (ou courbes intégrales) dans l'espace des phases est appelé portait de phase. Une propriété essentielle des orbites est de ne pouvoir s'intersecter. Nous ne représenterons qu'une seule orbite possible. Pour voir sa trace utilisez dans le cadre ci-dessous la même applet de L. Dujardin (étendue).




Espace des phases (ici un plan)

une trajectoire possible moyenne a été représentée

la dynamique périodique est stable et présente la forme d'un cycle (attracteur cyclique)


Si l'on représente géométriquement l'ensemble des trajectoires possibles on a la forme suivante:

L'énergie initiale (p) communiquée au mobile (G) est conservée (système conservatif) puisque les frottements sont considérés comme nuls.


La caractéristique d'un tel système (voir ci-dessus) est la représentation de la morphologie (x, amplitude des oscillations) ou (x, position extrême du mobile) en fonction d'un paramètre de contrôle (p), ici l'énergie communiquée au mobile (proportionnelle à x0). C'est donc une figure voisine de la précédente mais dans un plan et avec l'axe des p horizontal. La morphologie est stable, pour un niveau d'énergie donnée. Cette morphologie est qualifiée de pli.

Remarque1 :
je précise bien que cette démarche est fort différente d'un mécanicisme. C'est plutôt un vitalisme géométrique, une voie structurale (voir paragraphe 1.2 de la page sur les niveau d'organisation du vivant) qui s'oppose à la voie réductionniste.

Remarque 2: ce système est non dissipatif car, idéalement, il ne perd aucune énergie ni sous forme de chaleur ni sous forme de frottement. Un système non dissipatif peut soit diverger dans l'espace des phases soit présenter une dynamique stable (ici une dynamique périodique avec un attracteur de type cycle), soit enfin avoir un comportement chaotique. On va maintenant s'intéresser à une système dissipatif.



Les équations du mouvement sont accessibles à un élève de terminale S (et même de première S). Pour une approche ludique vous pouvez aussi utiliser l'applet "Oscillateur harmonique" de l'Encyclopedia Universalis (version 10) qui montre la similitude du mouvement circulaire uniforme d'un point et de l'oscillation harmonique d'une masse accrochée à un ressort.

  • dans le plan des oscillations la cinétique n'est pas accessible.
  • dans le plan des positions la cinétique est sinusoïdale:
    x(t) = x0sin(
    wt+j). C'est l'équation horaire du mouvement avec w la pulsation et j la phase du mouvement.
  • pour calculer la trajectoire dans le plan des phases il est judicieux d'employer les coordonnées paramètrées: x(t) = x0sin(wt+j). On a donc et v(t) = dx/dt= x0 d(sin(wt+j)))/dt = x0w cos(wt+j). On a sin2(wt+j) + cos2(wt+j) = 1, soit, si w = 1, x2+v2= (x0)2, ce qui est bien l'équation d'un cercle de rayon R (R=x0) dans le plan (x,v). On a ainsi une équation différentielle que l'on peut noter (avec x'=v) x'2+x2-R2 = 0. On peut utiliser la dérivée seconde pour essayer de simplifier encore la formule (et retomber sur une forme linéaire: l(x)=ax+b). En effet d2x(t)=x0w d(cos(wt+j)))/dt = - x0w sin(wt+j) = - x0w x(t)/x0 = - w x(t) et donc d2x(t) + w x(t) = 0 soit x" + w x = 0.
    C'est un résultat très général, abondamment utilisé par les physiciens, que de décrire le mouvement par une équation différentielle.
  • L'interprétation dynamique qu'en font les physiciens repose sur la théorie des forces et notamment des forces de gravité avec principalement l'équation de Newton: F=mg> (F représentant la somme de toutes les forces s'appliquant au système, m étant la masse du système (ici le pendule oscillant), et g> signifiant le vecteur g, accélération qui est égal ici à d2x/dt2 ou dv/dt).
    En supposant le mobile isolé, sans frottement (donc sans perte d'énergie) la seule force qui s'applique au système et dont on tient compte est la force de rappel (F) qui est proportionnelle à la position du mobile. On peut donc écrire son expression comme étant F=-kx (où k est une constante); d'où l'équation -kx=mg> soit -k.x=m.d2x/dt2 ou d2x/dt2 = -k.x/m ou dv/dt = -k.x/m.
    On a donc un système de deux équations:
    v=dx/dt
    dv/dt=-kx/m, où k est un coefficient (de rappel) et m la masse du pendule;
    Cette deuxième équation est interprétée comme l'équivalence entre l'énergie cinétique (à gauche) et l'énergie potentielle (à droite) du système.
    Ceci est une équation différentielle du second degré (ce qui fait sortir du programme de terminale S) qui peut aussi être écrite
    x"+(k/m) x = 0 (en notant x"= d2x/dt2). Mais on sait la résoudre (lui trouver des solutions générales). Ce fût le travail fondateur d'Henri Poincaré en 1881 que de remplacer la recherche des solutions purement analytiques dans le champ complexe par une interprétation géométrique dans le champ réel (ce que l'on peut appeler de la géométrie analytique).
    On remarque que cette équation différentielle est équivalente à l'équation générale obtenue pour une orbite circulaire avec
    w = k/m, pulsation de l'oscillateur.

Lucien Dujardin présente (http://perso.wanadoo.fr/ l.d.v.dujardin/ regul/ VdP_index1.html) un modèle analogique électrique d'un système oscillant dans l'espace (q,i), q étant la charge électrique d'un condensateur (C) et i le courant passant dans le montage (le circuit comporte une self (L) et un condensateur). Vous pouvez aussi vous référer à l'article "oscillateurs" de l'Encyclopedia Universalis. L'oscillateur harmonique simple obéit à l'équation différentielle q"+q/(L.C) = 0. On a donc encore une fois la même équation différentielle. avec cette fois w = 1/(L.C).



L'intérêt de géométriser le mouvement et d'utiliser l'espace des phases et donc que l'on peut s'affranchir de la nature du système. Les caractéristiques géométriques de la dynamique s'appliquent aussi bien à un système mécanique qu'à un système électrique. Il n'y a qu'un pas à franchir pour affirmer que l'on peut aussi l'appliquer à un système biologique. Il a plusieurs systèmes biologiques qui me paraissent présenter des mouvements oscillants non amortis (ne serait-ce que la contraction d'une fibre cardiaque, mais je pense aussi à des structures moléculaires membranaires oscillantes imaginées par les biochimistes...) mais on a pris l'habitude de considérer que comme tout système mécanique connu les frottements ne sont pas négligeables et qu'il y a donc obligatoirement un mécanisme d'apport d'énergie pour entretenir le mouvement. Cette vision est peut-être en train de changer car on observe maintenant des systèmes qui semblent avoir un frottement nul (c'est la suprafriction ou frottement inférieur à la limite mesurable; voir Vers le frottement zéro, Jean-Michel Martin, Pour la Science, 334, août 2005, pp62-67). Dois-je spécifier que la physique de la friction entre systèmes moléculaires intracytoplasmiques ou membranaires est encore inaccessible ? Rien n'interdit de poser, macroscopiquement l'hypothèse du frottement zéro dans certains systèmes biologiques. Bien évidemment, considérer la fibre cardiaque comme un oscillateur non amorti n'apporte pas grand-chose de premier abord (nous allons y revenir) mais c'est la démarche qu'il faut retenir: comprendre c'est mathématiser le comportement et expliciter analogiquement (ici mécaniquement) un phénomène.


EN COURS
Présentation de la contraction périodique d'un muscle lisse comme oscillateur linéaire non amorti.

On a pris l'habitude de rapporter l'état physiologique de la fibre à la mesure de la différence de potentiel entre l'intérieur de la fibre (microélectrode intracytoplasmique) et le milieu extérieur. Typiquement la fibre oscille entre deux états : repos et excité. Les deux états ne sont pas du tout de même durée. La contraction musculaire peut être modélisée par un cycle catastrophique que nous aurons l'occasion de revoir (voir par exemple l'article d'Ivar Ekeland en attendant). Mais on peut utiliser d'autres variables pour ne considérer que la périodicité du système qui doit obéir à l'équation différentielle x"+wx=0.




b - L'oscillateur linéaire amorti,
un système dynamique stable qui tend vers un état stationnaire

L'intérêt du système oscillant amorti est que c'est un système dynamique stable tendant vers un état stationnaire au sens où il tend naturellement à revenir à sa position de repos après une perturbation. Ce qui est très important pour tous les phénomènes de régulation. J'utilise à nouveau ici le travail de Monsieur Dujardin.



Le point G représente une masse oscillante à oscillations amorties, par exemple avec frottement.




Déplacez le point G avec le bouton de la souris enfoncé pour initier le mouvement; observer ensuite les oscillations en relâchant le bouton.

(le vecteur vitesse est dessiné en bleu)


La trajectoire du mobile (G) est encore un segment de droite dans le plan des oscillations. e désigne la diminution de l'amplitude du mouvement liée à l'amortissement.


La trajectoire du mobile (G) est une sinusoïde amortie dans le plan des positions (t,x).

Remarque:
tout système dissipatif (qui perd de l'énergie sous forme de chaleur ou de frottement...) présente une dynamique qui soit converge vers un état stable caractérisé part un attracteur dans l'espace des phases, soit est de type
chaotique. La forme de l'attracteur caractérise la dynamique: un point fixe, un cycle... Mais les attracteurs peuvent être très nombreux (voir en nombre infini), les limites entre attracteurs peuvent être d'une très grande complexité. Enfin, il existe des attracteurs dont la forme est très compliquée, voire inaccessible. On connaît notamment des attracteurs étranges ou attracteurs chaotiques que l'on associe à ce que certains appellent le chaos déterministe (dans la mesure où le chaos apparent résulte d'une dynamique modélisable).




Dans l'espace des phases,
une
trajectoire possible a été représentée


La dynamique tend vers un point, elle est caractérisée par un attracteur de type point fixe.


La caractéristique d'un tel système (voir ci-dessus) est la représentation de la morphologie en fonction d'un paramètre de contrôle, ici l'énergie communiquée au mobile (proportionnelle à x0). La morphologie, amplitude des oscillations au bout d'un temps "infini", est toujours identique, c'est le point stationnaire. La caractéristique est ici une droite de pente nulle. En fait, le paramètre de contrôle est inopérant.





 c . un système dynamique expérimental linéaire
à caractéristique modulable
On peut construire un système dynamique expérimental qui conjugue les propriétés des deux systèmes précédents à l'aide d'un paramètre supplémentaire opératoire. Pour reprendre l'exemple du pendule, on peut considérer un pendule amorti (avec frottement) mais aussi accéléré (par exemple pour lequel on puisse communiquer une impulsion modulable à chaque passage en un point fixe... comme le coup d'archet sur la corde vibrante). On peut donc maintenir à volonté soit des oscillations amorties (système dissipatif), soit accélérées (système conservatif ou entretenu; à la limite on peut compenser exactement les frottements). Les équations sont complexes et les mathématiques déjà ardues dans le cas général.
(voir EU, Systèmes dynamiques différentiables, 3 - bifurcations de cycles-limites et auto-oscillations)



Le système obéit à l'équation différentielle: q"+ q'. (r-R0)/L + q/L.C = 0.
L'applet trace directement l'orbite en pointillés dans l'espace des phases (q,q'), soit (q,i) puisque i = q' = dq/dt.
Dans la partie supérieure (rectangle gris) on peut suivre les oscillations de la valeur de q (matérialisée par le point G) en fonction du temps

Un exemple d'applet avec commande externe
est proposé par Lucien Dujardin sur sa
page "Montage à résistance négative" (figure 3).

+

L'oscillateur électronique représenté permet, en faisant varier la résistance (R0) du système, d'obtenir des orbites :

  • convergentes (R0< r = 5); l'énergie apportée au système n'empêche pas l'amortissement des oscillations et le système tend vers un point stationnaire (attracteur ponctuel),
  • circulaires stables (R0= r = 5); l'énergie apportée compense les "frottements", l'équation différentielle du système devient q"+q/L.C=0, ce qui est le système étudié ci-dessus en a (attracteur périodique cyclique),

ou divergentes (R0> r = 5); un excès d'énergie est fourni au système (pas d'attracteur mais au contraire un point fixe qui joue le rôle de répulseur). +




La caractéristique du système ne peut être tracée que dans un espace à 3 dimensions...




d - un système dynamique non linéaire
avec cycle limite à la suite d'une bifurcation de Hopf


Le système précédent n'est pas vraiment utilisable comme modèle dynamique du vivant. Un système divergent n'est pas très conseillé pour un être vivant. Tout comme un système qui présente un attracteur ponctuel, du moins dans les cas les plus courants (il faut une stabilité mais pas un état stationnaire). Pour éviter que le système ne puisse diverger, un des moyens les plus employés en dynamique est l'introduction d'un terme en (x2-1) à la place de (r-R0), ce qui rend l'équation différentielle du système non linéaire. Comme il faut de plus que la perturbation soit faible pour ne pas amortir le système il faut ajouter un petit facteur (µ) au terme en (x2-1). La plus étudiée des équations différentielle de ce type est l'équation de Van der Pol (1920) :

d2x/dt2 + µ (x2-1) dx/dt + x = 0

où µ est un (petit) paramètre.


Dès les années 1880, Henri Poincaré avait montré que toute courbe intégrale du champ défini par équation différentielle d'ordre 1 sur la sphère soit aboutit à un point critique (nœud, selle, etc.), soit devient asymptotique à une courbe fermée tangente au champ, qu'on appelle cycle limite.
L'apparition d'un cycle limite par déstabilisation d'un équilibre est appelée dans la littérature bifurcation de Hopf (bifurcation d'Andronov chez certains auteurs russes).

Si l'on reprend l'exemple précédent dans le domaine électrique comme l'a fait Lucien Dujardin on obtient ce que l'on appelle le circuit de Van der Pol (couplage inductif d'une triode et d'un circuit résonnant - voir en a pour un circuit résonnant, c'est-à-dire oscillant non amorti), ce qui est l'exemple le plus classique de relation courant - tension de forme non linéaire. Il est décrit par l'équation:

d2x/dt2 + e (x2 - 1) dx/dt + x = 0, e > 0
où x est lié à la tension aux bornes de l'inductance et
e dépend des différents paramètres du circuit.

On montre que ce système admet une bifurcation menant à un cycle limite. Ce phénomène est connu en électronique sous le nom d'auto-excitation.



L'équation différentielle de l'applet de Lucien Dujardin est de la forme: q" + e ((q/q0)2 - b) q' + q = 0

Deux applets identiques sont affichées pour pouvoir comparer les trajectoires avec des paramètres différents.
Attention, elles sont assez sensibles au contrôle de la position initiale de G. Rechargez la page pour initialiser les applets.
Dans la partie supérieure (rectangle gris) on peut suivre les oscillations de la valeur de q (matérialisée par le point G) en fonction du temps
(
e est petit et n'est pas modifiable dans l'applet)






 EN COURS

L'idée neuve de René Thom est d'appliquer à la topologie le théorème de Morse (« on peut approcher toute fonction numérique de classe Cm à n variables par des fonctions dont les points isolés sont des points critiques (la dérive s'annule en ces points) et pour lesquels la dérivée seconde est une forme bilinéaire associée à une forme quadratique non dégénérée») qui devient la raison profonde de la stabilité de la singularité représentée par le cycle limite.
Thom a ensuite étendu cette observation à la stabilité de toutes les formes naturelles comme les formes vivantes (théorème parfois apellé de transversalité qui étend le théorème de Morse à toute application de Rn vers Rp).


Extrait de Thom, 1968f4;p 9-10, (Topologie et signification, 1968, 4. L'Age de la Science, 4, 1968. Réédité comme chapitre 10 in MMM1, 1974, p. 193-228. Réédité comme section 2 du chapitre 10 in MMM2,1980, p. 167-192)



Expliquons notre modèle sur un exemple simple, celui de l'oscillateur linéaire :
Soit m un point matériel sur un axe Oq, dont le mouvement est défini par une force de rappel proportionnelle à l'élongation

(1) q" = - w2q

L'axe Oq est notre espace substrat E (on dira aussi espace externe).
Introduisons comme espace interne I un axe Op, et identifions la coordonnée interne
wp au moment cinétique q du point m. Alors l'équation différentielle du second ordre (1) s'identifie dans le plan Opq au système différentiel :

p' = wq
q' = - wp

dont les trajectoires sont les cercles H = p2 + q2 = R2 centrés à l'origine.
Si nous perturbons légèrement ce système, en lui appliquant des forces extérieures, en modifiant la force de rappel..., etc. (mais sans introduire de frottement, en restant à l'intérieur des systèmes conservatifs) le système perturbé sera caractérisé par une nouvelle fonction H1(p, q) voisine de H(p, q). Or, un théorème classique
(Note 5 : Il s'agit ici d'un théorème classique de Marston Morse. Voir M. Morse the Calculus of Variations in the large. American Mathematical Society, Colloquium Publications. Vol. 18. New York, 1934) nous apprend que la fonction H1 va présenter elle aussi un minimum quadratique voisin de 0, tout comme H, et par suite l'aspect qualitatif du nouveau système, décrit par une famille de courbes fermées concentriques, sera en tout point semblable à celui du système non perturbé.


C'est finalement la nature algébrique de la singularité

H = p2 + q2

qui assure l'unité et la stabilité du phénomène vibratoire, au milieu des perturbations incessantes dues à l'univers qui l'entoure. Et c'est ici que nous retrouvons Héraclite ; la physique actuelle nous offre une vision du monde tout à fait compatible avec le panta rei, le mobilisme universel : l'Univers n'est qu'une bouillie d'électrons, de protons, de photons..., etc., tous êtres à propriétés mal définies en perpétuelle interaction. Comment cette bouillie peut-elle s'organiser, à notre échelle, en un monde relativement stable et cohérent, bien loin du chaos quantique et mécaniste que la théorie nous suggère ? Bien que certains physiciens prétendent que l'ordre de notre monde est une conséquence inéluctable du désordre élémentaire, ils sont encore bien loin de pouvoir nous fournir une explication satisfaisante de la stabilité des objets usuels et de leurs propriétés qualitatives. (Comment le pourraient-ils d'ailleurs, alors que les fondements mêmes de leur théorie sont si mal assurés ?) Je crois qu'à cet égard un certain renversement d'optique est nécessaire ; il est illusoire de vouloir expliquer la stabilité d'une forme par l'interaction d'êtres plus élémentaires en lesquels on la décomposerait : comme pour notre oscillateur linéaire de tout à l'heure, la stabilité d'une forme, ainsi que d'un tourbillon dans le flot héraclitéen de l'écoulement universel, repose en définitive sur une structure de caractère algébrico-géométrique (comme la singularité quadratique H = p2 + q2 ), dotée de la propriété de stabilité structurelle vis-à-vis des perturbations incessantes qui l'affectent. C'est cette entité algébrico-topologique que nous proposons d'appeler - en souvenir d'Héraclite - le logos de la forme.»




Pour illustrer pédagogiquement cette notion on peut prendre un exemple:
dans un espace muni d'une dynamique de rotation une forme qui serait un disque centré sur le centre de rotation du système pourrait être (sous certaines conditions) STRUCTURELLEMENT stable alors qu'une forme différente, comme un parallélépipède par exemple, serait habituellement instable.


On peut maintenant s'intéresser non plus aux dynamiques continues mais aux changements entre dynamiques: aux discontinuités (ou singularités); par exemple dans le cas de l'oscillateur linéaire à caractéristique modulable.


3.3 Les singularités, point de concentration de la dynamique sous-jacente (qui peut être redéployée à partir d'eux dans des cas simples)

EN JACHÈRE 2007


Vers une typologie des régulations, René Thom, 1985, 5. In Concepts and Formalizations in the Control of Breathing, J. Demongeot et al. (eds.), Manchester University Press, 1987.

Voir article "Thermodynamique: processus irréversibles non linéaires": modèle de la glycolyse et de l'agglutination des acrasiales Dictyostelum ...modèle de Chemostat de Monod et Szilàrd présenté par L. Dujardin.


Extrait de Prédire n'est pas expliquer, René Thom, 1991, Eshel, Paris, dans la collection «La Question» dirigée par Émile Noël;

« Mais les singularités apparaissent lorsque l'on soumet en quelque sorte l'espace à une contrainte. La manche de ma veste, si je la comprime, je fais apparaître des plis. C'est une situation générale. Cela ne relève pas de la mécanique des matériaux. J'énonce en réalité un théorème abstrait : lorsqu'un espace est soumis à une contrainte, c'est-à-dire lorsqu'on le projette sur quelque chose de plus petit que sa propre dimension, il accepte la contrainte, sauf en un certain nombre de points où il concentre, si l'on peut dire, toute son individualité première. Et c'est dans la présence de ces singularités que se fait la résistance. Le concept de singularité, c'est le moyen de subsumer en un point toute une structure globale.»


Quelques différences entre la Théorie des catastrophes et les statistiques


théorie des catastrophes

statistiques


on associe à un nuage des points expérimentaux (x,y,...; u,v,...) des fonctions lisses de variables réelles les plus simples possibles F(x,y...,u,v...)


on associe à un nuage de points expérimentaux (y,x) une fonction de distribution (droite de régression, courbe de Gauss, fonction exponentielle, aire....)

le lien entre y et x n'est défini que dans l'espace d'observation mais on ignore totalement le lien entre les paramètres dans un autre espace...


fonctions propres : loi de comportement INTERNE du système

fonction de répartition : loi de comportement externe du système


avec les mots de René Thom (Paraboles et Catastrophes, p 82) « toute statistique amène évidemment à un nuage de points mais les espaces où sont placés ces points n'ont pas de groupes d'équivalence qui agissent d'une manière transitive en chaque point comme le groupe euclidien dans l'espace ordinaire. Les variables de contrôle ont souvent une nature ontologique radicalement différente.» ou encore (p 85, en faisant référence à la caverne de Platon) « la théorie des catastrophes suppose (...) que les choses que nous voyons sont seulement des reflets et que pour arriver à l'être lui-même il faut multiplier l'espace substrat par un espace auxiliaire et définir dans cet espace produit l'être le plus simple qui donne par projection son origine à la morphologie observée.»

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chaos

(d'après EU - des applets intéressantes sur les phénomènes chaotiques sont proposées dans la version 10)


D'une façon intuitive le chaos se réfère à toute phénoménologie indescriptible.

René Thom n'est pas le dernier à critiquer l'emploi un peu trop fréquent du mot chaotique dans un sens très différent du précédent et qui pourrait s'énoncer comme étant un "comportement" qui se caractérise par une "divergence des orbites dans l'espace des phases". Lorsqu'il apparaît dans un système habituellement à l'équilibre on parle de sensibilité aux conditions initiales (SCI). David Ruelle et Floris Takens ont montré en 1971 que la dépendance aux conditions initiales ne pouvait apparaître que dans un système dynamique ayant au minimum trois fréquences indépendantes (ce qui revenait à dire trois variables ou trois degrés de liberté).


En effet, dans un espace à deux dimensions, cette divergence entraînerait soit l'extension des trajectoires à l'infini, soit leur recoupement (ce qui ne peut avoir lieu, dans le premier cas, parce que les valeurs prises par les variables restent bornées et, dans le second cas, parce que la nature déterministe du phénomène interdit que les trajectoires se croisent). Il faut donc au minimum un espace de variables à trois dimensions pour que les trajectoires puissent diverger sans exploser à l'infini ou se couper. Assimilant le nombre de variables indépendantes à celui du nombre de degrés de liberté, on arrive à la conclusion qu'un système dynamique non linéaire ayant au minimum trois degrés de liberté peut devenir chaotique. L'exemple le plus simple est celui du pendule ou de l'oscillateur forcé par un « champ » périodique extérieur.



Imaginons, en effet, un pendule non linéaire entretenu en oscillation à sa fréquence propre f1 ; c'est un système à deux degrés de liberté : position et vitesse. S'il reste isolé, il ne peut devenir chaotique. Influençons son mouvement de manière périodique, par exemple en soumettant son axe à une oscillation de fréquence f2. Le système devient bipériodique (on dit aussi quasi périodique) mais, surtout, il a acquis un troisième degré de liberté: la phase de l'oscillation extérieure. C'est un fait que le système peut, maintenant, devenir chaotique et, en effet, pour certaines valeurs de l'amplitude du forçage extérieur, des mouvements désordonnés apparaissent.

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