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Dans cette partie on cumule deux difficultés (c'est pour
cela que je conseille aux élèves d'apprendre
plutôt l'évolution des équoïdés comme
exemple d'évolution animale plutôt que celle des
hominoïdés):
- les difficultés propres à la paléontologie
liées à sa dimension historique et non
expérimentale
- les difficultés propres à l'étude de l'homme :
« Le primat de l'anthropologie n'est pas une forme
d'anthropomorphisme, mais une condition de
l'anthropogénèse » selon les propos de G.
Canguilhem (L'expérimentation
animale). On ne peut pas parler de l'homme sans définir
l'homme. Dire que l'homme n'est qu'un animal évolué
c'est déjà définir l'homme et donc faire de
l'anthropologie. Essayer de retrouver l'histoire de l'homme et plus
encore sa préhistoire nécessite de poser avant tout la
question de la définition de l'homme.
Existe-t-il une définition de l'homme qui soit
paléontologique et qui n'englobe pas de définition
philosophique ? Je ne le crois pas. Toute paléontologie
humaine est une anthropologie. La paléontologie humaine est
une paléo-anthropologie. On ne peut probablement pas
séparer les "faits" paléontologiques qui sont les
fossiles (et leur datation expérimentale) d'avec leur
interprétation ; et pourtant c'est ce que nous allons essayer
de faire au moins dans un premier temps parceque, sinon, la
paléontologie n'est pas accessible à l'enseignement et
reste le domaine de spécialistes, seuls capables
d'interpréter les fossiles.
Comme je manque singulièrement de compétence (je ne suis pas anthropologue) pour interpréter les données des paléontologistes qui sont souvent déjà fort interprétées, je ne peux guère faire autre-chose que de la compilation. Par contre, et c'est le privilège de tout homme, je peux me permettre de critiquer la philosophie de tel ou tel auteur. Même si mes jugements ne sont ni définitifs ni encore moins une référence, c'est mon devoir de pédagogue que de proposer des arguments de discussion. Voici mes sources : L'environnement au temps de la préhistoire, Josette Renault-Miskovsky, Masson, 1991 ; Le livre de la vie, collectif sous la direction de Stephen Jay Gould, chapitre 6 : l'évolution humaine, Peter Andrews et Christopher Stringer, Seuil, Science ouverte, 1993 ; Le singe, l'Afrique et l'homme, Yves Coppens, Fayard, le temps des sciences, 1983 ; Les premiers habitants de l'Europe, collectif, Laboratoire de Préhistoire du Musée de l'Homme, Muséum d'Histoire Naturelle, 1981 ; L'évolution biologique humaine, Jean Chaline, P.U.F., Que sais-je ?, 1982 ; L'évolution du vivant, Pierre-Paul Grassé, 1978, Ed. Albin Michel, Paris ; L'évolution humaine, Roger Lewin, Seuil, Sciences, 1991 ; Nouveau regard sur l'origine de l'homme, Anne Dambricourt-Malassé, La Recherche, 286, avril 1996, 45-51 ; Origine et destinée de l'homme, Jean Piveteau, Masson, Abrégés, 1983 ;Précis de Zoologie : Vertébrés, tome 3 : Reproduction, biologie, évolution et systématique ; Oiseaux et Mammifères, Pierre-Paul Grassé, Masson, 1977 ; Les origines de l'humanité, Dossier Pour La Science, Hors-Série, janvier 1999.
Une définition de l'homme, due à Linné, 1758 : animal rationale, loquens, erectum, bimanum. Elle ne cerne bien sûr pas l'"animal". A ce sujet, quelques remarques ont été proposés avec les élèves des classes de seconde : l'homme et le kangourou (ces remarques me paraissent de plus en plus dérisoires et je serai très intéressé par des discussions avec des collègues qui ont réussi à trouver d'autres formulations pédagogiques).
Le classement de l'homme parmi les Primates est aussi assez discuté. Voici une classification assez ancienne issue de Grassé (Précis de Zoologie, Masson, 1977):
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Primates |
Tarsiens |
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Lémuriens |
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Simiens |
Platyrhiniens membres antérieurs très longs, arboricoles, narines écartées et orientées vers l'extérieur |
Cebus (dont le singe capucin), Alouatta (singe hurleur), Ateles (singe-araignée), Saimiri, Callithrix (ouistiti).... |
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Catarhiniens (singes de l'Ancien Monde) arboricoles, narines rapprochées et tournées vers le bas, queue non préhensile |
Cynomorphes |
Cercopithécidés |
Macaca, Papio (Babouin), Cercopithecus, Colobus (Colobe, singe à fourrure) |
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Anthropomorphes "grands singes" queue absente, membres antérieurs plus longs que les membres postérieurs |
Hylobatidés (Gibbons) |
Hylobates (gibbons vrais) |
|||
Pongidés |
Pongo (Orang-outan), Pan (Chimpanzé), Gorilla |
||||
Hominiens |
homme |
Les avis des anthropologues différent : P-P. Grassé
affirmait : « La race ne peut être
considérée que d'un point de vue biologique ; ni les
frontières d'une nation, ni de langue, ni la religion
n'entrent en ligne de compte. » (Précis de Zoologie,
Masson, 1977, t.3, p. 309). A l'inverse, de nombreux scientifiques se
basant, bizarrement à mon sens, sur des ressemblances
génétiques, refusent à la notion de race tout
fondement biologique (voir à ce sujet le chapitre de bioéthique
: la dignité de la personne humaine n'est pas fondée
par la biologie). De même, on qualifie un peu vite de
racistes (au sens péjoratif courant) tous les propos
visant à distinguer des groupes de populations sur toutes
sortes de critères, culturels ou biologiques. Du point de vue
culturel, la notion de race persiste, souvent remplacée par
nos élèves en ethnie, et tribu (toi,
quelle est ta tribu ?). Faut-il parler de lignée ? Une fois
encore le biologiste est bien mal armé sans une
anthropologie.
Ma position est claire : l'homme se distingue par sa nature
(ontologique), fondamentalement différente de l'animal car
elle la transcende. Du point de vue paléontologique, tout
comme on peut trouver des traces de vie, qui appartiennent à
l'histoire, on trouve des traces d'homme. On est dans le domaine de
la paléo-anthropologie et non dans le domaine d'une
science expérimentale. La diversité des opinions
relève de la libre recherche de la vérité
même si toutes les opinions ne se valent pas.
Du point de vue biologique voici quelques points qui distinguent
l'homme des autres primates :
* l'allongement de la période ftale et de la
croissance postftale. Cette caractéristique
embryologique est considérée comme responsable
biologiquement de la structure familiale si forte et lieu de
l'éducation qui permet en quelque sorte à chaque
homme nouveau-né de commencer la où l'humanité
s'était arrêtée avant sa naissance
(mémoire universelle).
* la capacité à conquérir la terre et même
son système planétaire
* la capacité à créer un outil qui
prolonge ses facultés naturelles (outil manuel mais aussi
intellectuel ... comme le livre, imprimé ou numérique
est une forme de mémoire de l'humanité...)
* la capacité à tisser des liens entre tous les hommes,
qui se considèrent ainsi comme une partie d'une seule
entité, l'humanité
* les capacités psychiques connues sous le nom de
raison, pensée et de volonté, mais encore
d'amour...
D'après Jean Piveteau (article "hominisation de l'E.U.) « L'hominisation, c'est-à-dire l'introduction dans l'histoire de la vie du phénomène humain, n'est point l'apparition d'une espèce nouvelle, mais celle d'une forme nouvelle de la vie. L'enveloppe humaine de la biosphère est du même ordre de grandeur que la biosphère elle-même. L'humanité n'est pas une partie de la vie, mais l'équivalent, l'homologue de la vie. (...) Événement d'une portée considérable qui ne peut être comparé qu'à celui de l'apparition de la vie sur le globe. Vitalisation de la matière il y a plus de trois milliards d'années, l'hominisation de la vie il y a sans doute plus de deux millions d'années, tels sont les deux événements qui dominent l'histoire du Cosmos. »
L'ancienne fiche disponible pour les élèves du Maine et Loire qui auraient accès au Muséum d'Angers est placée en archives.
A priori on peut dire que ses méthodes sont les mêmes
que pour toute paléontologie cependant:
- les restes d'hominidés sont dans des couches superficielles
car TRÈS RÉCENTES et donc à la fois accessibles,
parfois assez bien conservées, et très souvent
détruites par l'activité dévorante de
l'homme.
- les hommes fossiles ne forment pas un groupe très important
d'individus et les fossiles humains sont TRÈS RARES.
Sur le terrain les sites, souvent découverts depuis forts
longtemps et fouillés par des amateurs (parfois très
éclairés), sont délimités. La fouille est
entrecoupée de relevés précis qui permettent des
reconstitutions savantes en détruisant le minimum d'indices.
Le but n'étant pas de mettre à jour une pièce
rarissime (donc chère) mais de récupérer le
maximum de données scientifiques exploitables pour se faire
une idée la plus exacte possible du paléoenvironnement
et des habitants.
En laboratoire, on finit de dégager des pièces
particulièrement fragiles qu'il a fallu extraire du terrain de
fouille avec leur gangue, on étudie précisément
les pièces, leur disposition (grâces aux
relevés), on les compare avec les données
bibilographiques. On peut aussi dater les couches
sédimentaires ou les fossiles par des méthodes
de datation expérimentale (dite
absolue) par exemple avec les isotopes du carbone (la période
de décroissance radioactive par radioactivité
«béta moins» du carbone 14 en azote 14 est de 5568
années, ce qui en fait un outil adapté à
datation d'objets d'âge maximal de 40.000 ans).
Je signale l'intéressant article sur l'ADN
fossile humain qui soulève le problème des
contaminations et de la difficultés des
échantillonnages sûrs (Les surprises de l'ADN
ancien, Eric Ceubézy, Christine Keyser et Bertrand Ludes,
La Recherche, 353, mai 2005, 44-47).
Voici quelques critères d'inégale valeur et dont la liste n'est pas exhaustive mais qu'il faut bien considérer lorsque l'on cherche à qualifier un fossile de reste "humain".
(je n'ai pas lu le livre de Leroi-Gourhan, sur "la
main" mais je sais que cela me manque...) :
L'homme est toujours présent dans la définition
actuelle de l'outil que ce soit avec:
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Mais le terme d'outil est aussi utilisé par de nombreux
biologistes pour décrire des éléments
naturels utilisés par les animaux et
souvent modifiés par eux pour être utilisés dans
un but particulier (pierres, bâtons, feuilles,
brindilles...). La fin (fonction) est clairement
démontrée ainsi que le soin pris à leur
réalisation. La transmission de la technique semble se faire
sans apprentissage dans de nombreux cas mais les
interprétations sont très discutées.
Lorsqu'on possède un objet ancien que l'on désire
qualifier d'outil, le travail consiste à déduire
l'usage et surtout les caractéristiques de l'utilisateur
à partir des observations morphologiques (symétrie,
nombre de coups nécessaires à sa fabrication, usure
pouvant supposer une utilisation, finition...) et environnementales
(lieu de découverte, associations avec d'autres objets, traces
de débitage...). Il est cependant clair que l'on est toujours
dans le domaine de l'histoire et non de la science
expérimentale, même si la conviction peut être
encore plus forte que dans le cas d'une hypothèse scientifique
expérimentale démontrée. Une aide non
négligeable est apportée dans les
interprétations par les reconstitutions des techniques de
taille et l'utilisation de moyens sophistiqués d'étude
des outils comme par exemple la microscopie électronique
à balayage qui permet de classer morphologiquement les types
de cassures observés sur un outil en pierre ou en os et de
déterminer avec une certitude (historique) leur origine
(naturelle ou artificielle)...
On classe les outils fossiles par industries qui sont des groupes morphologiques rapportés à des techniques et secondairement à des lieux. On distingue essentiellement
Une remarque importante concernant la
représentatitivité des ensembles lithiques : il n'est
bien sur rien de moins certain que ces outils lithiques n'aient pas
été associés à des hampes et manches
en bois qui n'auraient pas été
conservés. On connaît des traces indiscutables (dans le
sens historique) de travail du bois sur des éclats issus de
sites kenyans datées de -1,5 millions d'années.
Bien évidemment les noms d'outils sont des
interprétations, la terminologie (légende de la figure
ci-dessous) étant empruntée essentiellement au travail
de Mary Leakey.`
Les caractéristiques principales des ces industries sont
:
* la continuité dans le temps : les industries
oldowayennes sont connues en Afrique depuis -2,5 millions
d'années jusque vers -200.000 ans en Extrême-Orient; les
industries acheuléennes sont connues en Afrique et en Europe
depuis -1,5 millions d'années jusque vers -150.000 ans.
* la stabilité des formes et des styles.
Le feu ne laisse que peu de traces étant donné la mauvaise conservation des cendres (éparpillées) et bois carbonisés (dégradation assez rapide). Les premiers foyers incontestables semblent pouvoir être datés de la fin du paléolithique inférieur ( par exemple le Lazaret -200.000 ans ?). Les techniques de datation sont rapidement expliquées dans le court article de Ramiro Javier March et Jean-Laurent Monnier (Pour La Science, Hors-série, janvier 1999, p 89). Ils font remonter l'utilisation du feu à environ 450.000 ans au plus tôt comme à Menez-Drégan (Plouhinec, Finistère), la généralisation n'intervenant que vers 200.000 ans.
Remarque :
Un article récent (Les galets, outils du
Paléolithique, Sophie A. De Baune, Pour la
Science,260, juin 1999, 52-57) montre que si l'on s'est
intéressé quasi exclusivement aux outils
taillés, les outils "naturels" ou façonnés par
des techniques comme le piquetage, le martelage, le raclage et plus
rarement le polissage, et qu'elle nomme galets, peuvent tout
aussi bien être considérés comme de vrais outils
dont les usages peuvent être reconstitués.
On peut dater les changements importants dans les types d'industries aux alentours de -250.000 à -150.000 ans : à la continuité et à la stabilité succède la diversité des styles et la brièveté dans le temps: chaque nouveau style succède à un autre en le remplaçant. On a donc une évolution rapide par succession d'industries. Les noms sont trop nombreux pour être étudiés en classe de terminale, même si les terme d'industrie moustérienne (de Moustier en France) ou de technique Levallois (du site français du même nom) peuvent caractériser la période du Paléolithique moyen (entre -200.000 ans et -40.000 ans) alors que les lames solutréennes (site de Solutré en France) sont caractéristiques du Paléolithique supérieur (de -40.000 ans jusqu'à -16.000 ans) alors que l'on attribue surtout aux magdaléniens (site de La madeleine en France) les représentations artistiques alors qu'ils possédaient aussi une industrie lithique très riche de plus de 100 outils distincts. On peut affirmer que pour cette période, chaque millier d'années apporte des enrichissements non négligeables à la panoplie d'outils lithiques.
Ces images (in Lewin, modifiées) permettent d'illustrer la variété des styles des industries du Paléolithique moyen et supérieur.
Le deuxième point essentiel est que l'on a pour ces
périodes plus récentes des restes
d'éléments en bois et en os. Par exemple les
premières aiguilles à chas sont
rapportées aux solutréens entre -20.000 et -16.000 ans.
Les outils percés en os apparaissent dès le
paléolithique moyen (par exemple sur le site de Roc-en-Pail
dans les vitrines du Muséum d'histoire naturelle d'Angers,
vous pouvez observer un os percé partiellement, associé
à une industrie de type moustérien, pour les niveaux
inférieurs du site). Les outils sculptés, en os
principalement, sont présents dès le
paléolithique moyen mais l'art ne se développe vraiment
qu'avec les magdaléniens qui succédèrent aux
solutréens vers -16.000 ans.
On peut se reporter à l'article de Heidi Knecht : Les armes
de l'homme de Cro-Magnon (Pour La Science,
Hors-série, janvier 1999, p 120-124) pour une description des
techniques de reconstitution d'armes anciennes afin de
préciser les interprétations.
Pour les périodes plus récentes, on a l'habitude en
France de distinguer :
* le Mésolithique (entre -8.000 et -5.000 ans) mais on
connaît des meules et des broyeurs retrouvés à
Shanidar (Irak) et datés de -10.500 ans.
* puis le Néolithique (entre -5.000 et -2.000 ans).
Là encore les datations divergent et certains le font remonter
à -8.000 ans. La forte proportion d'outils en pierre polie au
Néolithique a fait nommer cette période l'"âge
de la pierre polie". Les divisions des la dernière dizaine
de milliers d'années avant Jésus-Christ ne se
justifient pas pour certains auteurs. Il est vrai que la richesse des
découvertes préhistoriques dans la vieille Europe
relativement au reste du monde fait que de nombreuses subdivisions
temporelles et culturelles ont été proposées qui
n'ont certainement pas une valeur mondiale (actuellement, tout le
monde s'accorde pour une origine africaine de la lignée
humaine , puis sa migration en Europe vers -100.000 ans, , en Asie
vers -60.000 ans, puis en Europe de l'ouest vers -40.000 ans, et une
conquête des continents nord puis sud américain en
passant par le détroit de Behring, au plus tôt vers
-35.000 ans (et plus probablement vers -15.000 ans).
C'est pendant le néolithique qu'apparaissent les
premières villes dès -8.000 ans. La tour de
Jéricho (Israël) est datée de -7.500 ans avait un
diamètre de 9 m pour une hauteur de 8,5 m et elle
complétait un rempart de pierre de 5 mètres de haut et
de 1,7 m d'épaisseur. La plus ancienne ville semble être
Çatal-Hüyük à l'est de la Turquie où
l'on relève 12 niveaux d'occupation de -6.500 à -5.600
ans. La ville comptait 6.000 habitants. On circulait de terrasse en
terrasse et on accédait aux maisons rectangulaires, en brique
crue, par une échelle en bois. On note une quarantaine de
"sanctuaires" décorés. On y cultivait le blé et
l'orge et on récoltait le colza, les pistaches et les amandes.
On y élevait des moutons et le chien était
domestiqué.
Les traces les plus anciennes d'agriculture datent d'avant
-7.000 ans dans ce que l'on appelle le croissant fertile :
Les premiers mégalithes (dolmens, menhirs) datent
d'environ -6.000 ans en Europe.
Le premier métal travaillé semble avoir
été le cuivre dès -8.000 à -7.000
ans au Proche-Orient. Les premiers fours trouvés en Roumanie
et au Proche-Orient semblaient pouvoir atteindre 1000°C et sont
datés de -6.000 ans. Des pièces artisanales de cuivre
très diversifiées sont trouvés des -5.000 ans en
Perse, en Palestine, en Turquie et en Europe.
Le bronze (10 à 15% d'étain en plus du cuivre)
semble apparaître vers -5.000 ans et permettre la fabrication
d'armes de guerre comme l'épée, du fait de sa
dureté et de son aptitude à être
moulé.
Le fer apparaît vers -2.200 à -2.000 ans
(âge du fer) selon certains auteurs alors que classiquement on
attribuait son travail aux Hittites, au centre de la Turquie, pas
avant -1000 ans.
Certains parlent pour cette période de la fin du
néolithique de Protohistoire.
L'apparition de l'écriture (ou plutôt des
écritures) marque la fin de la préhistoire et le
début de l'histoire (au sens de la période
historique et non au sens où nous l'entendons en
géologie de "science du passé"). Elle remonterait
à environ -3.300 ans pour l'écriture cunéiforme:
(système proto-sumérien (Uruk) et système
proto-élamite (né à Suse). Les
hiéroglyphes égyptiens les plus anciens dateraient de
-3.200 ans, date de l'unification des royaumes du nord et du sud par
Namer et du début des 30 dynasties égyptiennes. Le plus
ancien alphabet connu est celui du Sinaï qui date de -1500 ans
environ, suivi de l'alphabet cunéiforme consonantique
sémitique de Ugarit vers -1400 puis de l'alphabet
linéaire phénicien vers -1100 ans. L'alphabet grec avec
voyelles date de -800 ans avant Jésus-Christ. Il reste des
écritures non déchiffrées comme celle de la
civilisation de l'Indus datée de -2.300 ans.
Comme pour tous les fossiles, chaque pièce osseuse fossilisée a été rattachée à un genre et à une espèce. Bien évidemment les interprétations divergent d'autant plus que certaines découvertes sont limitées par exemple à une dent, ou à une demie-mâchoire ou à un fragment de crâne... les découvertes de squelettes complets et en place sont évidemment rarissimes.
Pour ce programme de terminale il est évident que nous ne pourrons avoir qu'un aperçu très sommaire des théses paléontologiques en présence, nous nous limiterons donc à des exemples qui ne sont peut-être pas les plus significatifs mais qui sont ceux qui sont repris par les manuels d'enseignement français. Dans la lignée des hominidés nous nous limiterons aux trois genres habituellement décrits Australopithecus, Paranthropus et Homo. L'année 2001 deux nouveaux genres ont été créés: Orrorin (qui signifie homme originale en langue Tugen, parlée dans le centre-ouest du Kenya) et Kenyanthropus (l'homme kenyan), sans compter la reconsideration du genre Ardipithecus qui avait auparavant été classé avec les australopithèques (voir par exemple la brève de La Recherche: Un ancêtre en chasse un autre, p 14, 345, septembre 2001). On pourra lire dans le dossier de La Recherche, 345, septembre 2001, l'article de Ron J. Clark: De nouveaux genres fossiles, p 29-33 et surtout le passionnant article de Claudine Cohen: Nos ancêtres dans les arbres, p 33-37 qui démonte bien des présupposés masqués lors de la construction des arbres généalogiques humains.
Il est clair que, à ce stade du cours,
le genre Homo n'est qu'un
genre paléontologique, ce n'est pas un homme au
sens anthropologique. (J'emploierais ici exclusivement le
terme d'homme pour désigner l'homme actuel, sinon je lui
donnerai le nom de genre paléontologique et
éventuellement celui de son espèce).
Au niveau des espèces du genre Homo, nous nous
limiterons aux quatre espèces classiques :
habilis, erectus,
neandertalensis et sapiens,
même si elles sont controversées . Je renvoie par
exemple à la théorie d'Anne
Dambricourt (paragraphe 3.d5) pour des
avancées modernes non conformes au paradigme dominant.
Les australopithèques au sens large
(australopithécinés) sont
exclusivement africains mais si les premiers spécimens ont
été trouvés dès 1925 essentiellement en
Afrique du Sud puis en Tanzanie, les spécimens les mieux
étudiés et répertoriés selon des
méthodes très strictes sont ceux du Kenya, enfin les
plus nombreux découverts récemment viennent d'Ethiopie,
même si des spécimens originaux du Tchad ont fait
beaucoup parler d'eux (Australopithecus barelgazahi....).
Deux genres au moins sont actuellement délimités :
Australopithecus et Paranthropus. Les
crânes des deux genres se distinguent aisément (voir
schémas). Les capacités crâniennes varient de
façon très importante selon les reconstitutions mais
peuvent être encadrées par les valeurs 430 et 600 cm3.
La taille des Australopithecus devait être proche du
mètre alors que celle des Paranthropus devait atteindre
1,5 m.
Vers les années 1980, les découverte de Laetoli
(Tanzanie, gorges d'Olduvai), d' Etiopie (Hadar et Omo...) puis du
Kenya (Baringo) dans des couches datées de près de -3
millions d'années, ont été rapportées
à un nouveau genre : Australopithecus
afarensis dont le squelette assez complet
nommé Lucy en est le représentant le plus connu. Cette
espèce présente des caractères très nets
qui la rapprochent du genre Homo tout en ayant un âge et
des caractères indiscutables qui permettent de la classer
parmi les australopithécinés.
Les australopithèques robustes sont plutôt
regroupés actuellement dans le genre Paranthropus (in
Chaline, 1982) :
on notera essentiellement la crête osseuse au sommet du
crâne de Paranthropus qui n'existe pas chez les
Australopithecus.
Le squelette de Lucy (1974, Taïeb et Johanson, Hadar - Ethiopie)
pour lequel on a inventé une nouvelle espèce :
Australopithecus afarensis.
Vous noterez le petits nombre de fragments crâniens (peu
épais et découverts en surface du gisement), la
mandibule (robuste, en V (vois plus bas) et portant plusieurs dents),
des éléments des membres supérieurs et
inférieurs, quelques vertèbres et des côtes leur
correspondant, le sacrum, l'os iliaque gauche, l'humérus
droit, le fémur gauche et l'astragale. La première
prémolaire (PM1 voir plus bas) ne montre pas de denticule
interne sans pour autant être unicuspide comme chez les grands
singes. Le sacrum, de par sa morphologie et ses proportions, est
étonnamment proche du genre Homo.
La découverte du premier fossile rapporté au genre
Homo a été faite par Eugène Dubois
à Java en 1891 : une calotte crânienne et une
troisième molaire supérieure droite que l'on rapporta
au genre Pithécanthrope ou singe-homme, depuis plutôt
classé dans l'espèce Homo erectus.
C'est L. Leakey et son équipe qui a proposé en 1964
l'existence d'un Homo qui aurait coexisté avec les
australopithèques : l'Homo habilis. Ses
caractères seraient la station érigée, la marche
bipède, le bras plus court que la jambe, le pouce opposable,
la forte capacité crânienne (de 600 à plus de
1600 cm3), une région frontale sans constriction
rétro-orbitaire exagérée, une région
supra-orbitaire variable avec ou sans torus sus-orbitaire, une face
prognathe à orthognathe, mais jamais concave, l'arcade
dentaire arrondie, la première prémolaire
inférieure bicuspide, les autres dents très variables
mais moins larges que chez l'australopithèque. Des
spécimens indiscutables furent longs à découvrir
(années 1970) mais on distingue maintenant plusieurs formes
(et même espèces) du fait des ressemblances de certains
spécimens avec les australopithécinés (voir
l'arbre phylétique dans la synthèse à la fin du
cours).
En Europe, aucun fossile aussi âgé n'a été
découvert. Les traces d'industries anciennes datées de
plus de 1,8 Ma furent d'abord découvertes à Chilhac
dans le Massif Central français en 1974. On en connaît
de plus récentes dans toute l'Europe. Les plus anciennes
découvertes fossiles d'Europe sont datées de 600.000
à 400.000 ans environ et sont très réduites :
fragment de dent de Prezletice (Tchécoslovaquie), canine de
Vergranne (Jura), mandibule de Mauer (Allemagne),...Leurs
caractéristiques rendent les interprétations
très difficiles.
Les Homo sapiens, souvent qualifiés d'hommes modernes,
sont parfois encore regroupés dans une seule espèce
scindée en deux sous-espèces qui ont coexisté
entre 80.000 et 30.000 ans : neanderthalensis, aujourd'hui
disparue et sapiens, qui serait l'homme actuel. De nos jours
on a tendance à séparer les deux espèces, voir
même à proposer des genres différents (Homo
neandertalensis et Sapiens sapiens). En Europe les deux
espèces sont franchement distinctes et semblent n'avoir que
très peu coexisté alors que les différences sont
moins nettes en Asie et en Orient. L'homme de Néanderthal
(grotte de Feldhoffer près de Dusseldorf) à
été découvert en Allemagne dans la vallée
de la Néander au début du XIXème siècle,
mais c'est souvent le squelette très complet découvert
dans la grotte de la Chapelle-aux-Saints en France, en
Corrèze, qui sert de référence. L'Homo
sapiens est connu en Europe depuis 30.000 ans. Le fossile le plus
célèbre est l'homme de Cro-Magnon, découvert en
1868 à l'occasion de travaux de terrassements entrepris pour
la construction de la ligne de chemin de fer Agen-Périgueux.
Cinq sépultures, quatre adultes et un foetus étaient
alors retrouvés dans un niveau aurignacien au lieu-dit
Cro-Magnon dans la commune des Eyzies-de-Tayac, devenue la capitale
de la préhistoire de Dordogne.
A signaler l'article passionnant de Ofer Bar-Yosef et Bernard
Vandermeersch (Les hommes modernes au Moyen-Orient, Pour la
Science, Hors-Série, janvier 1999, p 102-108) où
les auteurs ont étudié tout un ensemble d'habitations
et de techniques associés à des fossiles
rattachés à Homo sapiens et datés par des
méthodes comme la thermoluminescence et la résonance
paramagnétique nucléaire, entre -80.000 et -100.000 ans
(la datation isotopique par le carbone 14 ne permet pas de remonter
au delà de 40.000 ans). Leur thèse est une origine
extérieure des néandertaliens venus d'Europe vers
100.000 ans et une origine des sapiens au Moyen-Orient. Mais
les fossiles restent peu nombreux même s'ils sont
associés à des sépultures, des traces d'ocres
que l'on retrouve sur l'outillage, et aussi de la découverte
d'un os hyoïde interprété comme
élément essentiel du larynx permettant un language
articulé pour un des squelettes trouvé à Kebara
(voir plus bas).
Homo sapiens
neandertalensis Homo sapiens
sapiens Homo neandertalensis Homo
sapiens Sapiens
sapiens
Deux sous-espèces ou deux espèces ou deux genres
différents
Il existe de nombreux travaux réalisés à partir de spécimens anciens, dont la provenance est connue avec précision et qui ont déjà été étudiés, mais qui sont réinterprétés dans le cadre de théories plus modernes. Une de ces théories qui m'apparaît intéressante et celle proposée par Anne Dambricourt-Malassé (Nouveau regard sur l'origine de l'homme, La Recherche, 286, avril 1996, 45-51). Par l'étude de la dynamique crânio-faciale chez l'embryon et en association avec les résultats des spécialistes de l'orthopédie dento-maxillo-faciale (Marie-Josèphe Deshayes), cette chercheur du Muséum d'Histoire Naturelle propose de retrouver des formes géométriques stables dans le crânes des fossiles, tout comme on est amené à le faire chez l'enfant. En effet de nombreuses anomalies de croissance de la face chez l'enfant peuvent être expliquées par des différences de développement relatif de certaines parties du visage, elles-mêmes modélisées grâce à des outils mathématiques (forme géométrique passant par des points spécifiques du visage). Elle propose ainsi le réexamen des fossiles d'hominidés et leur classement en trois genres: Australopithecus, Homo et Sapiens. Une de ses idées est l'interprétation des différences entre la forme des crânes de ces genres d'hominidés par des vitesses de croissance différentes à des stades embryonnaires particuliers. Voir quelques liens plus récents ci-dessus.
La bipédie se caractérise par au moins deux
éléments incontournables :
* la position de l'articulation du genou "verrouillée en
extension" en position debout pour permettre l'alignement des os de
la jambe et de la cuisse et soulager ainsi les muscles d'une bonne
partie du poids du corps (pour se rendre compte de l'importance du
phénomène, il suffit d'essayer de se tenir debout les
genoux légèrement pliés... l'effort est vite
insupportable). Ce genou comporte des modifications au niveau de
l'articulation (cartilages et formes de os), des muscles et des
tendons, jusque dans la composante de fibres élastiques qui
différent chez l 'homme et le chimpanzé par
exemple.
* en position de marche le centre de gravité passe sur la
jambe d'appui, ce qui oblige à un déhanchement plus ou
moins important en fonction de l'alignement du centre de
gravité du corps et de l'angle de la cuisse par rapport au
genou. Plus l'angle est réduit, plus le déhanchement
est important. Il est quasiment nul chez le chimpanzé mais
semble, du moins pour les reconstitutions proposées par
Napier, avoir à peu près la même valeur pour
certains australopithèques et pour l'homme. Certains auteurs
pensent que le déhanchement des australopithèques
était quasiment nul. Pour cette caractéristique le
développement des muscles de la cuisse (muscles abducteurs
glutéaux) est essentiel.
***Mais la bipédie est bien sûr le résultat de
très nombreux caractères anatomiques et physiologiques.
En voici quelques-uns : position de la tête par rapport
à la colonne vertébrale (trou occipital situé
plus en avant), incurvation de la partie inférieure de la
colonne vertébrale, raccourcissement et élargissement
du pelvis, inclinaison du fémur augmentée par rapport
à un axe horizontal passant par la hanche, profonds
remaniements musculaires, irrigation des membres, essentiellement de
la partie supérieure du corps modifiée
(voir dans le cours sur la pression
artérielle en
spécialité les modifications de pression lors de
changements de position), remaniement des surfaces
articulaires, aplatissement du pied avec position du gros orteil
parallèle aux autres doigts.
Certains auteurs, au vu de la complexité et de l'harmonie de
telles modifications préfèrent parler de tendance
évolutive à la bipédie, dont certains traits
peuvent être décelés, à différents
moments, chez différents fossiles de la lignée des
grands singes.
On peut aussi signaler les empreintes relevées par Mary Leakey
en 1980 à Laetoli en Tanzanie qui ont été
datées de -3,7 Ma et interprétées comme des
pistes de divers animaux fossilisées dans des cendres ; on
retrouve ainsi l'éléphant, des bovidés, la
hyène, des lagomorphes (lièvre africain), le
rhinocéros, la girafe et même une pintade ; mais bien
sûr ce sont les traces attribués à un couple de 2
hominidés qui sont les plus remarquables. Elles indiqueraient
que la bipédie ait été acquise à cette
époque pour les hominidés à qui l'on rapporte
les traces de pas : Australopithecus afarensis.
La mâchoire et les dents sont des fossiles de loin les plus fréquents des Mammifères et pour autant des hominidés. Ceci est probablement du à la dureté des dents. La formule dentaire adulte est remarquablement homogène entre les grands singes et l'homme : 32 dents soit 2 incisives, une canine, deux prémolaires et trois molaires (une prémolaire supplémentaire par demie-mâchoire pour les singes du nouveau monde, soit 36 dents au total).
Quatre principaux aspects de la dentition peuvent être examinés :
Vue basale des crânes d'un Chimpanzé, d'un Paranthrope et d'un Homme actuel (in Grassé, 1977, modifié) permettant d'apprécier deux caractères essentiels observables sur les crânes bien conservés : la forme générale de la mâchoire et la position du trou occipital.
Les coupes au niveau des zones d'attachement des deux demi-mandibules
(symphyses mandibulaires) montrent
- en grisé, l'extension
des racines des incisives et des canines, nettement plus
importantes chez le Gorille que chez Homo sapiens et
intermédiaire chez cet Homo erectus
- souligné en rouge la
présence du menton chez le seul
Homo sapiens. (in Grassé, 1977)
Ces données sont bien sûr très fragmentaires et étudiés superficiellement mais elles ont pour but de montrer que l'étude des fossiles est toujours un travail très délicat, minutieux, et où les conclusions ne sont jamais définitives.
Le language (on pense à la définition de
l'homme de Linné : loquens) ne se fossilise pas. Mais
le raisonnement simple que l'on peut faire est que si l'on
détermine quelles sont les structures (anatomiques)
nécessaires à l'articulation d'un language parlé
ACTUELLEMENT, on peut considérer que ces structures
déterminaient le language parlé par le passé.
C'est en quelque-sorte le principe de l'actualisme mais non pas au
niveau de la causalité expérimentale mais
comportementale, psychologique en quelque sorte. Le premier
élément nécessaire à l'acquisition d'un
language signifiant est le développement de certaines aires du
cerveau. C'est une des justifications des études sur les
moulages endocrâniens. Le problème est que la
compréhension psychologique de la fonction du language est
encore loin d'être complète pour l'homme. Appliquer les
théories dans leur état actuel aux hominidés,
semble souvent un peu précipité.
Le deuxième point est la position du larynx, en position
beaucoup plus basse chez l'homme adulte que chez les singes et les
bébés jusqu'à 1,5 à 2 ans (la position de
l'adulte du larynx n'est atteinte chez l'enfant que vers 14 ans, ce
qui est nettement postérieur à l'usage de la parole !).
Les données fossiles sont rares. Les interprétations
qui ont été faites tendant à retrouver une
position haute du larynx chez les australopithècinés et
une position plutôt intermédiaire chez Homo.
(pour des éléments de discussion je
vous renvoie à des articles récents par exemple dans le
Dossier "Les langues du monde", Pour le Science,
Hors-série, octobre 1997)
Les moulages endocrâniens réalisés à partir des reconstitutions sont essentiellement dépendants de l'état de conservation des fossiles. Comme il est extrêmement rare d'avoir un crâne complet, l'estimation des volumes (capacités crâniennes), à partir de sable que l'on coule dans le crâne dont les fragments sont réassemblés et où l'on complète les parties manquantes, et la réalisation de moulages restent toujours très incertaines. D'autre part une estimation est toujours dépendante du sexe, de l'âge, et de variations individuelles, qu'il est bien sûr très difficile de cerner sur des fossiles. Il faut savoir que par exemple pour Homo sapiens neandertalensis, espèce pour laquelle on a de loin le plus de fossiles, on possède guère plus de 14 squelettes complets, 26 crânes complets, 3 calvaria (?), 4 calottes, 136 fragments crâniens ou de la face, 71 mandibules et 31 fragments de mandibules...(année 1991).
Les reconstitutions de la cabane acheuléenne du
Lazaret, non loin de la Méditerranée, et d'âge
rissien (environ 200.000 ans) apporte la certitude (historique) que
ses habitants maîtrisaient, en plus de la taille (industrie
acheuléenne), le feu (présence de foyers) et
construisaient des abris avec des poteaux de soutènement. Le
plan reconstitué laisse supposer une véritable
organisation de l'espace rapportée à une structuration
sociale du "clan". De nombreux petits coquillages marins ont
été interprétés comme issus du varech
ramassé sur la côte toute proche et servant à
confectionner des litières. Les ossements des pattes de loup
semblent aussi être disposés assez
systématiquement dans ces zones de litières, ce qui
fait supposer qu'elles étaient recouvertes de peaux de
loup.
Il est bien certain que le fait que l'essentiel des
découvertes d'habitat d'âge paléolithique soit
situées dans des cavernes, vient sans doute du fait que ces
lieux sont les plus propices à la conservation de structures
mobiles et cela ne veut pas dire que les hominiens du
paléolithiques vivaient dans ces cavernes, du moins ni en
majorité, ni en permanence.
On date habituellement l'apparition de l'art de -35.000 ans. Mais la datation de peintures rupestre est très difficile et son incertitude dépend énormément du climat. C'est peut-être ce qu'il explique, en plus de l'effort de recherche de cet type d'ouvrages, que la majorité des peintures pariétales se trouvent au Sud de la France, en Allemagne et au nord de l'Espagne. Les études stylistiques de l'Abbé Breuil ou de Leroi-Gourhan sortent du cadre de notre étude. Il me paraît par contre très intéressant de souligner combien ces études sont au carrefour des sciences de l'homme (anthropologie (avec une incontournable philosophie), sociologie, histoire des populations et des techniques...) et des sciences expérimentales appliquées à la préhistoire (datations, analyse chimique, analyse palynologique...). Je me sens tout à fait incompétent.
Les sépultures sont décrites assez
tardivement mais si j'ose une remarque naïve : l'homme enterre
ses morts pour accélérer leur décomposition. Il
est donc probable que l'on ne puisse pas trouver des
sépultures issues des touts premiers groupements humains, ou
plutôt que les fossiles les plus anciens d'individus enterrant
leurs morts ne soient pas ceux des sépultures.
Les sépultures sont classiquement associées aux
néandertaliens. Mais il est certain que cette association est
trop générale. Il serait plus exact de dire : les
sépultures trouvées contiennent des ossements
classés dans les sous-espèces neandertalensis
et sapiens.
Annexe:
L'étude sommaire des singes fossiles est rendue
obligatoire du fait de certains sujets de bac qui reposent sur une
comparaison homme-singe. Cette comparaison entre deux espèces
actuelles ne peut avoir d'intérêt que pour poser des
questions mais certainement pas pour donner des arguments ou conclure
sur une filiation comme les manuels scolaires nous en donnent parfois
le désastreux exemple. Pour une classification des primates
voir tableau ci-dessus.
Quelques grandes lignées chez les catarhiniens fossiles d'après Lewin (Lévolution humaine, Seuil, 1991, p 168, modifiée) |
On notera les grands vides des archives fossiles, qui s'expliquent certainement en partie par la mauvaise fossilisation de ces espèces qui vivaient en milieu forestier. On pourra aussi mettre en évidence des périodes de diversification alternant avec des périodes de stase. Cependant les fossiles sont très peu nombreux et les genres mal définis. |
Trois grands points ressortent de l'étude des catarhiniens
fossiles:
- les fossiles de catarhiniens ont été retrouvés
dans des zones différentes (Afrique du Nord, Eurasie et
quelques spécimens en Afrique de l'Est) de celles
occupées par les catarhiniens actuels (Afrique sub-saharienne
et Sud-Est asiatique);
- parmi les catarhiniens actuels, les cercopithécidés
(petis singes) sont beaucoup plus abondants et variés (15
genres et 65 espèces) que les grands singes (gibbons et
anthropomorphes): 5 genres et une douzaine d'espèces; alors
que pour les fossiles on trouve une distribution inverse;
- l'originalité des espèces fossiles qui partagent les
caractères de plusieurs espèces actuelles et
présentent des originalités anatomiques qui allaient
probablement de pair avec des originalités comportementales,
bien difficiles à reconstituer.
Munis des critères présentés dans la partie précédente, quelles sont les associations qui ont été trouvées et comment ,actuellement, voit-on l'origine de l'homme ? Il s'agit maintenant de discuter de la superposition éventuelle de l'Homo, genre paléontologique et de l'homme, animal rationnel.
Pour certains paléoanthropologues la question ne se pose peut-être même pas, ils utilisent les critères retrouvés sur les fossiles de la lignée humaine comme ils les utiliseraient pour un autre animal. Le meilleure outil pour une telle approche est sans doute la méthode cladistique qui compare deux groupes frères sans chercher à construire un arbre et moins encore à trouver une ancêtre commun (voir phylogénies, 4b).
Rien ne permet à un élève de terminale, pas plus qu'à un enseignant du secondaire, de démêler l'écheveau des idées préconçues, des arguments falsifiés du fait des batailles pour les crédits, voire même des idées sectaires, qui fourmillent dans le domaine de la paléonthropologie. Ce n'est pas avec les documents fournis dans des manuels de terminale que l'on peut approcher l'homme ancestral.
Quelques questions afin de poser le problème: doit-on
rechercher l'apparition brutale d'une espèce qui ait toutes
les caractéristiques de l'homme ou peut-on imaginer que chacun
des traits humains que l'on espère retrouver chez les fossiles
puisse apparaître séparément dans des
lignées différentes et à des moments
différents ?
L'homme est unique mais certaines caractéristiques ne
sont-elles pas partagées par d'autres lignées ? Il ne
s'agit pas de discuter du monogénisme (origine unique de
l'homme) mais de l'apparition des différents
caractères. Cette démarche est celle qui
prédomine, me semble-t-il, chez les paléontologues ces
dernières années. Plutôt que de trouver un
caractère unique indissociable de la spécificité
humaine, pourquoi ne pas définir un ensemble de
caractères qui puisse apparaître dans différentes
lignées à des moments différents et dont seul
l'homme présente la totalité ?
On a pris ainsi successivement l'outil, puis la bipédie, puis
capacité crânienne et plus récemment la
morphologie obtenue à partir des moulages endocrâniens,
puis le feu, les sépultures et surtout l'art, quand ce ne sont
pas les très hypothétiques interprétations
concernant le language.
Pourtant, cette vision me semble être une erreur de
raisonnement : peut-on imaginer du point de vue anthropologique
un homme qui ne soit pas homme mais presque homme. La nature humaine
est-elle unique ou présente-elle des degrés ? Pour moi
la réponse est claire, soit nous avons un squelette d'homme,
qui était comme moi, qui pensait, qui aimait, qui était
assoiffé de connaissance...même si on peut imaginer que
ses techniques étaient un peu frustes... , soit nous n'avons
pas un homme. Pour moi il n'y a pas de superposition de l'homme et du
genre paléontologique Homo. On est loin d'avoir
trouvé ni une date, ni un critère, ni un lieu. Mais on
a des idées. La différence est pour moi ontologique et
je ne crois pas que la science historique paléontologique
puisse un jour nous fournir autre chose que des hypothèses.
Pourquoi imaginer un changement fossilisable, une manifestation
extérieure d'une différence métaphysique ? Il
est par contre légitime de chercher à reconstituer
l'histoire des hominidés et se rapprocher ainsi de plus en
plus de l'histoire de l'homme. Je précise bien que ces
opinions n'engagent que moi. En tout cas je ne pense pas qu'elles
soient moins acceptables que des opinions tout à fait
différentes que je respecte.
On en revient donc au point de départ : qu'est-ce que l'homme ? Quels en sont les traits fossilisables ? Le feu, la sépulture et l'art me semblent des points incontournables comme l'agriculture ou la chasse à l'aide d'outils fabriqués, et bien entendu l'écriture, mais les associations entre ces productions - toujours interprétées - et les squelettes sont d'une part très incertaines et d'autre part les datations expérimentales réalisées se font toutes avec une incertitude expérimentale qui est rarement estimée justement ou même précisée (réouverture du système notamment, ce qui grève la méthode d'une incertitude absolue comme nous l'avons vu). Je rappelle aussi que, même pour des temps proches, l'actualisme reste une hypothèse.
Ainsi, à mon sens (selon l'anthropologie qui a ma préférence) on s'oriente actuellement vers une origine de l'homme, associée A LA FOIS : à un squelette d'Homo sapiens (ou de Sapiens, espèce paléontologique), à l'usage du feu, à l'art, la réalisation de sépultures, des techniques lithiques évoluées mais non figées (très variables selon les sites), une bipédie complète, un language articulé...., avec un berceau plutôt situé en Orient vers 100.000 ans au plus tôt qui aurait envahi ensuite l'Europe et les autres parties du monde en y chassant les néandertaliens et autres Homo qui y habitaient.
Encore un texte que je recopie de L'évolution du vivant de Pierre-Paul Grassé (p 114-115) afin d'illustrer par le style assez direct et sûr de lui de l'auteur, une vision plus globalisante de l'hominisation « Les Hominiens, très tôt, cessaient d'être arboricoles , si tant est qu'ils le furent jamais (la seule considération de l'anatomie du pied suffit pour rendre douteuse la supposition de l'arbricolisme ancestral), augmentaient la taille de leur cerveau, marquant une forte allométrie majorante par rapport aux autres parties du corps, et sa complexité, notamment dans le néopallium (hémisphères cérébraux) qui, avec ses milliards de neurones aux dendrites en forêt, devient un organe doué de propriétés nouvelles, se différenciant chez le jeune enfant par stimulation sociale. En même temps, le squelette et la musculature se modifiaient de telle sorte que de quadrupède l'attitude devenait bipède (migration du trou occipital sous le crâne, réduction du massif facial, courbure de la colonne vertébrale, élargissement du bassin, plantigradie totale...) et que les membres antérieurs n'exerçaient plus la fonction locomotrice, assurée par les seuls membres postérieurs. Les modifications du cerveau, tant qualitatives que quantitatives, ont été le grand thème de l'évolution des Hominiens qui, de la sorte, n'ont pas échappé à la règle de la spécialisation à laquelle sont soumis tous les rameaux zoologiques d'ordre secondaire. Elles nous ont conféré la conscience et la raison d'où est née la liberté de décision. Elles ont rendu possible et inoffensive la perte des conduites innées et automatiques, et nous ont donné le pouvoir de nous adapter à une infinité de circonstances, sans nous engager dans la voie stérilisante de la spécialisation organique ou fonctionnelle. ... En fait, l'hominisation n'est rien d'autre que l'évolution d'une lignée secondaire et buissonnante dont les perfectionnements, il n'est pas de terme plus adéquat, du cerveau et de la main, sont des caractéristiques les plus marquantes, comme la monodactylie et l'hypsodontie pour les Equidés. Depuis cent mille ans, Homo sapiens (...) demeure physiquement stable.»