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1er volet, 2ème partie du
CRPE de l'académie de
Rennes 1999 (sujet,
corrigé)
La question est la suivante: repérez dans les propos des
élèves A, B, C ce qui est exact et ce qui est inexact
sur le plan scientifique. Justifiez vos choix.
Questions pour guider l'analyse du sujet et du corrigé proposé |
Peut-on juger réellement de l'exactitude des concepts scientifiques abordés dans la discussion ? Ne faut-il pas aussi tenir compte du niveau proposé par les documents ? Et donc du niveau de formulation du cycle de l'école ? |
Comment savoir à partir d'une expression enfantine, ce que l'enfant pense, à compris, est capable de restituer et avec quel vocabulaire ? A quelle science de l'homme fait-on appel ici ? |
Ces deux schémas ont été faits par deux
enfants dont l'âge est inconnu et qui n'ont pas eu de cours
portant spécifiquement sur la digestion ; les indications de
sources sont très incomplètes, la question
réellement posée n'est pas certaine, mais je vous
propose quelque chose du genre:
Représentez l'intérieur de votre corps
(il est possible qu'une silhouette ait été
fournie pour le dessin de droite)... (Tavernier, p 77 )
Cliquez ici pour ouvrir l'image à sa taille maximale dans une nouvelle fenêtre
Questions pour guider l'analyse |
Dans la plupart des cas à quel étape du cours ce type d'activité est-il proposé ? Quel est alors son but ? |
Sur quelle épistémologie repose ce travail ? |
Exemple de corrigé |
||||||||||||||||||||||||||||||||||
Il est d'usage de présenter les évaluations
de productions sous forme d'un tableau indiquant les acquis
et les inexactitudes par rapport aux notions exigibles au
niveau considéré
|
D'abord en ce qui concerne le savoir. Le niveau conceptuel est
forcément limité. La référence sans
ambiguïté est le programme.
Ensuite en ce qui concerne l'analyse de production d'enfant. Une
analyse est bien évidemment du ressort d'une psychologie...
pas forcément d'une psychanalyse.
Pour reprendre les mots de Pierre
Kahn: « Exit le modèle de la leçon de
choses conçue comme leçon d'observation. Dès
l'école primaire, on n'apprend plus des « choses »,
mais des concepts : non plus le système
digestif, mais la digestion ; non plus les fonctions principales de
la vie, mais la construction du concept de vivant. Quant aux
classifications descriptives des trois règnes de la nature,
qui faisaient le corps du cours de sciences du Cours
élémentaire au Cours supérieur, elles perdent
à la fois leur légitimité pédagogique et
leur légitimité
épistémologique.»
Par exemple sur la question du concept cellulaire, il
n'y a pas toujours de réponse tranchée ; pour ceux que
cela intéresse je conseille vivement la lecture du chapitre de
G. Canguilhem sur la théorie
cellulaire qui montre combien les théories philosophiques
sous-jacentes sont variées et comment, de nos jours , un
scientifique peut très bien s'opposer résolument
à cette théorie sans pour autant être
qualifié de non scientifique, ce qui pour beaucoup est
synonyme de charlatan, alors qu'il existe certainement de nombreux
autres modes de connaissances tout aussi certains que la
méthode expérimentale (réfléchissez-y
mais vous acceptez dans votre vie courante et familiale des
connaissances que vous ne remettez pas en cause et qui vous sont
données par d'autres modes de connaissance : il vous est plus
naturel de faire confiance à ceux que vous aimez plutôt
que de mettre leur parole en doute...).
Pour ceux que cela rebute, je précise en
quelques mots ma pensée : il ne vous viendrait certainement
pas à l'idée de mettre en doute l'idée que tous
les êtres vivants sont composés de cellules et que toute
cellule est issu d'une autre cellule ; et pourtant, cette idée
simplificatrice est acceptable pour des organismes unicellulaires
mais dès que l'on s'adresse à des pluricellulaires on
observe des phénomènes curieux comme la division du
cytoplasme en territoires possédant chacun un noyau, ou
encore, de façon plus courante, le fait que les
végétaux supérieurs aient un cytoplasme en
continuité entre la plupart de leurs cellules (par les
plasmodesmes), ou encore la présence de ponts cytoplasmiques
entre les cellules de la lignée germinale mâle chez de
nombreux animaux, dont les mammifères...bref la théorie
cellulaire est bien encore de nos jours une théorie et non un
fait... pour faire un petit tour d'horizon historique et
philosophique, allez donc lire le texte de G. Canguilhem sur la
théorie
cellulaire).
On ne peut pas faire l'économie d'une approche
épistémologique, même si elle reste à un
niveau encore superficiel. L'épistémologie , qui est
étymologiquement le discours philosophique (une science) sur
les sciences (ou sur la connaissance si on accepte le sens plus
large) a toujours accompagné la réflexion
philosophique, depuis les premiers grecs. Pour avoir une idée
de la richesse de la réflexion épistémologique
je conseille la lecture de l'article "épistémologie" de
l'Encyclopedia Universalis écrit par Gilles Gaston GRANGER et
qui se termine par: « Et s'il fallait définir d'un mot
l'épistémologie en lui donnant son acception la plus
large, on pourrait dire qu'elle est le nom donné à tout
essai pour déterminer, aujourd'hui et maintenant, le sens et
les limites de la rationalité de la science.» Mais
l'on entend souvent dans les iufm par épistémologie une
approche bachelardienne (ou plutôt qui se réclame de
Bachelard), ce qui est assez uniformisant. Très souvent on
confond même épistémologie (qui est une approche
philosophique) et didactique (qui est beaucoup plus multiforme et
comporte un volet politique notamment). Quand ce n'est pas purement
de la pédagogie dont on veut parler. Si tant est que
pédagogie et didactique puissent aisément se distinguer
actuellement. Je renvoie à la discussion de la page
précédente.
Voici des éléments pour aborder une réflexion
autour de l'epistémologie..
En quelques phrases choc:
* C'est en termes d'obstacles qu'il faut
poser le problème de la connaissance scientifique.
* Rien ne va de soi. Rien n'est donné. Tout est
construit.
* La pensée scientifique apparaîtra comme une
difficulté vaincue, comme un obstacle
surmonté.
* Ainsi toute culture scientifique doit commencer, comme nous
l'expliquerons longuement, par une catharsis intellectuelle
et affective.
* Déceler les obstacles épistémologiques, c'est
contribuer à fonder les rudiments d'une psychanalyse
de la raison.
Clique ici pou des extraits de "La formation de l'esprit scientifique" par Bachelard où vous trouverez le contexte de ces citations.
Il est clair que si, comme l'affirme Dominique Lecourt, Bachelard a conçu "une épistémologie qui a précisément fait de la difficulté la marque distinctive du travail productif - scientifique et philosophique", ceci n'est pas encourageant étant donné que je dispose de 50 heures pour balayer l'ensemble du programme du primaire en SVT. Ensuite, je dois avouer que je n'aime pas ce qu'écrit Bachelard (peut-être justement parce que je ne le comprends pas trop), tout comme je me méfie grandement de la psychanalyse.
Prenant pour objet les problèmes et les résultats des sciences contemporaines, leur travail réel, Gaston Bachelard, après avoir rejeté les catégories philosophiques traditionnelles des «théories de la connaissance», proclama, dès 1934, la « défaite de l'immédiat ». On ne s'étonnera pas de ce double geste: rejeter les unes, c'était s'affranchir de l'autre. Ce que Bachelard découvrait, c'est que les couples d'oppositions philosophiques sujet-objet, abstrait-concret, etc., ne parvenaient pas à rendre compte des derniers progrès de la microphysique. Partant de ce fait, il lui donna une portée générale: l'enquête historique prouvait que les catégories philosophiques « restaient immuablement étrangères » à la pratique des savants. Selon les philosophes, la connaissance part de l'immédiat: pour les savants, elle rompt avec l'immédiat pour construire &endash; au sens théorique et matériel &endash; son « objet »; selon les philosophes, l'objet qui est dégagé au terme du processus de connaissance peut être saisi par une intuition immédiate de l'esprit; au contraire, pour les savants, l'objet construit est plutôt une « touffe » de problèmes qu'une pensée achevée. Les longues pages où, dans la Formation de l'esprit scientifique , Bachelard s'attache à montrer qu'il existe une « rupture » entre l'immédiat (« l'expérience première ») et la connaissance scientifique, sont justement célèbres. Méconnaître cette rupture, c'est être victime d'un « obstacle épistémologique », c'est annuler l'abîme qui sépare l'expérience vécue de l'expérience théoriquement normée et techniquement ordonnée des sciences physiques. À ses yeux, dans une science, « rien n'est donné, tout est construit ». De ce point de vue, parler, comme Bergson, de « données immédiates de la conscience » est tout simplement un non-sens. « L'esprit scientifique, écrit Bachelard, doit se former contre la Nature, contre ce qui est, en nous et hors de nous, l'impulsion et l'instruction de la Nature, contre l'entraînement naturel, contre le fait coloré et divers. » La nécessité apparaît alors de rectifier la définition de ce que la philosophie appelle traditionnellement le réel . Le « réalisme » de la science ne saurait être que de « seconde position », ce ne peut être qu'un réalisme « en réaction contre la réalité usuelle, en polémique contre l'immédiat ». « Si d'ailleurs, ajoutait-il dans un de ses derniers ouvrages, on voulait faire le point entre la philosophie du donné et la philosophie du construit, il faudrait souligner, à propos de la philosophie corpusculaire, un véritable effacement de la notion de donné , si traditionnellement reçue dans la philosophie. » Il faut préciser qu'au-delà des philosophies contemporaines de la « conscience », Bachelard entrait par là en polémique avec toute tentative d'élaboration philosophique d'une théorie de la connaissance, en congédiant les catégories de sujet et d'objet, de concret et d'abstrait, etc., comme inopérantes dans le champ des sciences. Il dénonçait comme obstacle l'idée qu'il pouvait y avoir un sujet de la science. Il montrait enfin que le seul sujet de la science n'était que la « cité scientifique », ou encore: « l'union des travailleurs de la preuve ». Dès lors la connaissance ne doit pas être pensée comme « découverte » ou « dévoilement » de la vérité, mais comme production historique et « socialisée » de concepts scientifiques. Que la connaissance soit production , voilà sans doute l'acquis le plus précieux de l'épistémologie bachelardienne. Qu'elle soit travail, indissociablement théorique et technique, sur cette « matière » que devient l'immédiat, voilà qui n'était pas pensable pour la philosophie traditionnelle. Voilà qui brise le cercle philosophique de l'immédiat. De nouvelles tâches s'offrent alors à l'épistémologie: élaborer un concept adéquat de « production scientifique », de « travail », d'« expérimentation », bref, les concepts qui lui permettront de penser l'histoire des sciences.
« Le mot «réalisme» a plusieurs acceptions.
Le réalisme logique s'oppose au nominalisme, théorie
des termes généraux: ceux-ci sont des noms
d'entités pour le premier, des abréviations qui
désignent collectivement des particuliers pour le second. Le
réalisme métaphysique a pour antithèse
l'idéalisme, que Berkeley appelle immatérialisme et qui
consiste à nier l'existence d'une matière des corps,
indépendante de nos perceptions. Le matérialisme, sorte
de réalisme physique, comporte un postulat
supplémentaire; il identifie matière et
réalité sans être capable d'élucider la
nature de la matière.
On qualifie indifféremment de réalisme ou
d'idéalisme la doctrine platonicienne qui attribue aux
idées formes une réalité indépendante,
tant des substrats qui les portent que des individus qui en
acquièrent une connaissance (du reste imparfaite). On nomme
aussi réalisme la transformation d'une entité logique
en un réel doué d'existence ailleurs que dans l'esprit
d'un sujet connaissant (c'est, d'après Émile Meyerson,
le réalisme «au sens que l'on attribuait à ce
terme au Moyen Âge».)
Les réalistes affirment que des concepts tels que substance,
infini, cause ne sont pas seulement des déterminations
mentales ou des produits de l'entendement. Ils admettent parfois,
outre une substance universelle, un découpage de cette
substance en essences, donnant lieu à des substances
particulières (individuation). Les idéalistes
(Léon Brunschvicg après Charles Renouvier), qui
critiquent les «abstractions réalisées», ne
voient pas que la science «réalise» des concepts en
supposant des atomes, des électrons, un espace-temps courbe,
etc., avant que l'expérience soit en mesure de trouver ces
entités dans le monde physique. Ces entités sont
d'abord de nature virtuelle (voir les remarques
d'É. Meyerson, Du cheminement de la pensée ,
1931, II, paragr. 215, p. 356). Les idéalistes estiment les
substances inutiles, parce que inconnaissables et
indéfinissables, faute de propriétés par quoi
les définir: nous ne connaissons que des rapports. Les
philosophes réalistes repoussent l'objection en disant que les
substances se révèlent par leurs relations. De plus,
l'inconvénient de remplacer les substances par les lois se
manifeste par des conséquences négatives en
épistémologie (l'indétermination des relations,
qu'on prétend justifier par une doctrine ad hoc, le
conventionnalisme).
En résumé, réalisme et idéalisme sont des thèses sur ce qu'il y a et des doctrines du rapport de la pensée et de la réalité. Pour une métaphysique réaliste, les déterminations de la pensée ne sont pas étrangères aux objets; «les choses et leur pensée s'accordent quand elles sont pleinement actualisées» (Hegel). Une connaissance vraie atteint les choses telles qu'elles sont en soi, et les lois scientifiques ont d'abord leur raison d'être dans la réalité extérieure. Pour l'idéalisme, par exemple kantien, devenu l'orthodoxie des philosophes (et peut-être des savants?), ces lois sont fondées sur les propriétés de l'esprit humain; la pensée s'arrête aux phénomènes, c'est-à-dire que le sujet pensant perçoit des choses moyennant les formes de l'intuition et les catégories. (Les déterminations de l'universalité et de la nécessité, qui sont celles de la connaissance, l'expérience ne les fournit pas; elle ne contient que du variable et du contingent; universalité et nécessité, exprimées en des jugements soit analytiques soit synthétiques a priori, proviennent de la pensée.)
«Pour le réaliste, penser c'est seulement ordonner
des connaissances ou réfléchir sur leur
contenu» (E. Gilson). En idéalisme, la
vérification, si on la cherche ailleurs que dans la
cohérence ou la non-contradiction, finit toujours par poser
problème, puisque nos normes d'intelligibilité sont les
principes de la réalité et que la connaissance est la
mesure de l'être réel.
On n'exigera pas de l'une des deux doctrines d'être
cohérente avec les prémisses de l'autre; à
chacune d'être cohérente avec ses propres principes. Le
réaliste est tenté de faire droit à des
présupposés idéalistes qu'il croit
démontrés ou inévitables. Par exemple, il se
demande si les choses sont conformes à la connaissance qu'on
en a, alors que, selon sa théorie, c'est la connaissance qui
est conforme à la chose.
Second point, les succès des sciences témoignent-ils
pour l'idéalisme? En ce qui concerne les mathématiques,
il est difficile d'exhiber des exemples de mathématiciens dont
la philosophie personnelle a infléchi ou orienté les
travaux (L. E. J. Brouwer, H. Weyl,
R. Thom), ou exercé une influence sur leurs
découvertes. En ce qui concerne la physique, l'impact est plus
net. L'idéalisme et le réalisme ont orienté les
préférences des chercheurs soit vers les
théories prédictives, soit vers les théories
explicatives. Mais un pragmatisme latent limite les effets qu'on
pourrait attendre d'un choix philosophique. La communauté des
physiciens accepte une théorie qui marche, quelle qu'en soit
la métaphysique sous-jacente, tant qu'il ne s'en
présente pas d'autre qui rende des services
équivalents. En science, les présupposés
métaphysiques se manifestent surtout à travers la
méthode ; les praticiens la regardent comme un
sous-produit plutôt que comme un programme a priori. Un
instinct réaliste fait considérer que la méthode
se déduit de la connaissance, plutôt que la connaissance
de la méthode (de même que le droit dérive de
l'état des murs, non pas l'état des murs
des institutions juridiques). L'idéologie de
l'efficacité s'accorde le mieux avec le succès des
sciences, et avec cette partie des sciences qui ressortit au besoin
d'action plutôt qu'au besoin de compréhension. (C'est
elle que caractérise le jugement «La science ne pense
pas»! )
L'idéalisme a contribué à mettre la science sur
la voie de la recherche des lois. D'abord, le point de vue des
relations, traduites sous forme de fonctions ou de
corrélations quantitatives, a éliminé celui des
substances. Ensuite, l'idéalisme s'implante quand on croit que
les relations sont sans existence hors de l'esprit (Hume, Kant). En
principe, les techniques de laboratoire devraient faire obstacle
à l'idéalisme. L'obstacle s'affaiblit quant on soutient
que les faits scientifiques sont des construits théoriques (E.
Le Roy, Duhem). Quand on découvre que les appareils
d'observation perturbent les processus observés, on se dit que
Kant a raison, que la connaissance engendre son objet ou que l'objet
est identique à la connaissance qu'on en a (esse est
percipi).
L'idéalisme est sous-jacent à l'idéologie de l'efficacité. Il attribue à la connaissance le pouvoir de façonner ou de créer son objet: l'omnipotence est à l'horizon. Indirectement, le prestige de la science dans nos sociétés vient de ce qu'elle incarne l'idéalisme. Celui-ci, en débarrassant la scène des problèmes philosophiques de compréhension et de signification, libère les mains pour agir. Berkeley le remarque: «Beaucoup recommander et approuver la philosophie expérimentale» (Cahiers, no 509). L'idéalisme ouvre la porte à la démiurgie: l'homme est le démiurge du monde qu'il connaît; il le connaît autant qu'il le crée. On cite Poincaré: «C'est la connaissance qui est le but, et l'action le moyen.» Pieux hommage. Point besoin de rappeler que la science comporte, depuis l'origine, avec Bacon et Descartes, un activisme orienté vers la conquête de la puissance. C'est l'expression d'une tendance plus profonde et plus générale inscrite dans le désir même de connaître. «L'homme aspire à la connaissance du monde, il aspire à se l'approprier et à se le soumettre, et il faut que la réalité du monde en quelque sorte s'efface, c'est-à-dire s'idéalise devant l'activité humaine» (Hegel). L'idéalisme ne trouverait aucune créance s'il ne correspondait de quelque manière à la nature des organismes qui improvisent, inventent et organisent.
Le réalisme aujourd'hui
À une écrasante majorité, les épistémologues sont idéalistes. Dans l'espace d'un siècle, ils ont sondé tous les problèmes de l'idéalisme, se sont mis en peine de critères de démarcation, de fondements de l'objectivité, de justification du consensus des savants autour de tel ou tel paradigme. À bout de voies, ils finissent par penser que les disciplines scientifiques sont des jeux de langage d'accompagnement pour les techniques expérimentales. Les professeurs partagent cette conviction: «Le philosophe parle de philosophie, le savant des choses.» Ce genre d'aphorisme, ils le soumettent à l'admiration des étudiants, sans en voir la cruauté pour la discipline même qu'ils enseignent.
Parmi les théories physiques récentes, la relativité générale est réaliste. Einstein, voulant expliquer la gravitation, propose un modèle de l'espace-temps physique. La théorie des quanta est d'esprit idéaliste: son formalisme évite le dualisme du continu (l'onde) et du discret (le corpuscule), laissé ouvert par la mécanique ondulatoire; elle évite donc d'avoir à proposer une image du monde. L'espace-substrat de cette théorie est un espace de configuration abstrait; les champs physiques sont représentés par des fonctions de variable complexe sur cet espace et les grandeurs physiques par des opérateurs. Pour rejoindre la réalité, une théorie de la mesure est indispensable. Ce formalisme est sans interprétation directe; on peut seulement en comparer les conséquences avec les résultats expérimentaux.
Des physiciens de mentalité réaliste (Einstein, de Broglie) se sont désintéressés d'une théorie dont le développement s'engageait dans une voie qui leur répugnait intellectuellement. B. d'Espagnat examine en quelle mesure elle est compatible avec le réalisme. Dans la négative, nous connaîtrions de la réalité microphysique ce que définit le consensus des observateurs, donc un réel dépendant de l'existence d'une humanité qui procède à des expériences d'un certain type. Il conclut que la physique quantique est neutre; elle ne donne pas de réalité indépendante et n'interdit pas de penser qu'il y en a une, accessible par d'autres moyens: «un réel voilé». Meyerson était plus affirmatif: «La science entière repose sur le tuf, peu apparent sans doute, puisqu'on a tenté de nier l'existence de cette assise, néanmoins solide et profond, de la croyance à un être indépendant de la conscience.» »
Résumé de l'article
"La notion de réalité" de Clément
Rosset
(dans l'Encyclopédie Philosophique Universelle,
L'Univers Philosophique, PUF, 1991, p 96-99)
1. Le réel est immédiat: il survient ici et tout de
suite et n'autorise aucune prise de distance. Ce qui a pour
conséquence
* qu'il ne constitue en rien une expérience: le réel
est la seule chose au monde à laquelle on ne s'habitue jamais
(ce qui tend à insinuer qu'il y a plus de choses
irréelles que de choses réelles et que l'on s'habitue
plus facilement aux choses irréelles).
* qu'étant singulier et unique, le réel se
dérobe à la réflexion, à la
possibilité de le saisir dans un miroir qui en
refléterait l'image. La réalité est ce dont on
ne perçoit jamais aucun double, sinon par le biais du fantasme
et de l'illusion.
D'où une certaine déconvenue façe à ce
qui semble n'être qu'une multiplicité de points de vue
(à chacun sa réalité...).
2. Une majorité de gens, face à ce caractère
insaisissable du réel, le dévaluent, soit en lui
opposant une "vraie" réalité ou en décidant que
le réel n'a pas d'intérêt. Cette position semble
être à l'auteur la suite légitime de la
déconvenue face au réel.
3. L'auteur propose un retrournement: et si le réel
était suffisant, s'il était le seul qui fût, le
seul à suffire au bonheur des hommes ?
(pour des extraits plus nombreux clicquer ici, notamment si vous désirer mieux cerner la pensée de l'auteur qui est plus complexe que ce que ces simples extraits montrent). Mes commentaires sont en bleu.
« Mais le discrédit actuel du positivisme et du scientisme n'est pas seulement culturel ou idéologique. Il est aussi épistémologique. Le modèle inductiviste de la fabrication de la science est largement battu en brèche, et les attaques viennent de plusieurs fronts.
* L'activité scientifique ne commence pas par
l'observation (je veux quand même
dire qu'il n'y a pas grand monde pour avoir affirmé cela,
même pas Claude Bernard, voir les textes
sur la méthode):
elle commence par une problématisation du réel.
C'est ce que nous apprend notamment Karl Popper dans sa logique de la
découverte scientifique (parue en 1934, mais traduite en
français seulement en 1972). «, La science naît de
problèmes et se finit dans les problèmes »,
écrit Popper. Au schéma classique « observation
-> généralisation -> lois ->
vérification expérimentale » se substitue cet
autre : « problème -> hypothèses ->
contrôle des hypothèses par le truchement de leurs
conséquences vérifiables ». La démarche
scientifique n'est pas une démarche inductive, mais une
activité de résolution de problèmes
procédant selon ce que Popper appelle une «
méthode déductive de contrôle »
(Là encore, je pense que l'auteur n'y a
pas de vision correcte historique de ce qu'est la méthode
expérimentale, je renvoie aux textes
de la page
précédente).
Les observations restent alors, bien sûr, un
élément essentiel de l'activité scientifique,
mais elles ne sont pas initiales : la phase d'observation porte sur
ce qui se produit lors du contrôle des conséquences
vérifiables des hypothèses. Autrement dit, les
observations sont toujours induites par les hypothèses, et
elles ne sont observables qu'au sein des théories qui donnent
sens à ces hypothèses (par exemple, on ne peut «
observer », la structure d'une molécule qu'en se situant
à l'intérieur de la théorie atomique de la
matière). Il n'existe pas d'observable pur qui pourrait
être la base logique du savoir scientifique.
La vieille leçon de choses voit donc invalidée
l'épistémologie de référence qui
contribuait à la justifier. On devine alors les usages
pédagogiques que permet la lecture de Popper : en classe, les
observations ne sont légitimes que si l'élève
sait à quelle explication elles peuvent être utiles,
c'est-à-dire quelle hypothèse elles permettront de
corroborer ou d'invalider et, par conséquent, à quel
problème elles pourront apporter une solution. C'est ce que
résume le pédagogue Gérard Fourez en
écrivant que « observer, c'est structurer un
modèle théorique ». (Un
petit exercice : comptez le nombre de fois où le mot
"observation" apparaît dans la fiche "Chenilles
: déplacement, alimentation et cycle de
vie" sur le site de la Main à
la pâte, présentée à la page
précédente).
* La notion d'obstacle épistémologique, que
nous devons à Gaston Bachelard, notamment dans sa
célèbre Formation de l'esprit scientifique
(1938), et dont la didactique contemporaine des sciences fera son
miel.
L'esprit d'un enfant n'est pas une table rase. Il est
structuré selon une physique, une biologie spontanées,
qui expriment le rapport au réel des enfants. Ou, pour parler
comme les pédagogues, les élèves ont des «
représentations initiales ». Ces représentations
sont toujours des explications implicites du monde; elles peuvent
alors être des causes internes, psychologiques,
d'incompréhension. Tel est, sommairement exposé,
l'obstacle épistémologique selon Bachelard : il induit
des interprétations erronées des problèmes
posés, ou même empêche de les poser, en tout cas
de les poser correctement. Ainsi, les enfants (et ils ne sont pas les
seuls!) attribuent-ils assez communément aux caractères
internes des objets leur capacité ou non à flotter, au
lieu de l'expliquer par une propriété liée
à la pression de l'eau. Une simple exposition du principe
d'Archimède se superposerait à cette
représentation, mais ne la modifierait pas.
L'élève doublerait simplement sa représentation
première d'un savoir scolaire qui ne serait en aucun cas pour
lui un outil intellectuel augmentant sa compréhension des
phénomènes.
Travailler sur les représentations des enfants, et surtout sur les représentations-obstacles ; s'efforcer de provoquer en eux de véritables ruptures épistémologiques qui les obligent à réaménager leur représentation du monde : tel est le nouveau modèle pédagogique qui rompt lui aussi avec l'approche positiviste d'un enseignement des sciences qui procède des « faits » aux « lois », par une généralisation progressive et sans rupture. De ce coup-là non plus, la leçon de choses ne se relèvera pas.
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documents
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Que ce soit dans l'analyse de séquence ou dans
l'analyse de productions d'enfants, il manque toujours
l'essentiel : |
L'analyse est donc bien un
EXERCICE qui permet
à celui qui le pratique de se former et
certainement pas un
JUGEMENT qui viserait à former l'auteur
des séquences ou des production utilisées. |
Cette épreuve est à mon avis strictement
artificielle (un exercice de style) étant donné
les inconnues concernant l'enfant qui a produit ce travail,
ainsi que celles concernant l'environnement scolaire et la
progression choisie par le maître. Je vous conseille donc
surtout LE BON SENS pour apprécier toutes les facettes
(compétences transversales et disciplinaires) du travail
présenté:
* orthographe et écriture ou syntaxe s'il
s'agit d'un texte
* soin et qualités artistiques s'il s'agit d'un
dessin
* concepts scientifiques dans tous les cas
Le but principal de cet exercice est, à mon sens, de vous
entraîner à reconnaître, à partir d'une
production d'élèves, les concepts qui y sont
exprimés, en vous éloignant le l'attitude du censeur
qui juge et note ou de celui qui ne fait que corriger les
erreurs. Il est probable que dans votre pratique courante vous n'ayez
peut-être pas le temps de détailler chaque approche de
chacun des enfants mais cette habitude prise pendant ces
années de formation vous aidera sans aucun doute à
éviter les jugements hâtifs.
L'idée principale peut être exprimée ainsi :
Quel est le concept scientifique
sous-jacent à cette production (on parle
aussi de représentation ou encore de
représentation première, même si les
interprétations de ces notions dépendant des
théories de la connaissance auxquelles vous vous
referez) ? En quoi diffère-t-il du concept
que j'ai souhaité enseigner ? D'où vient
l'éventuel décalage ? Peut-il être
conservé comme source de diversité au sein de la classe
ou bien est-il réellement erroné ?
On peut aussi effectuer l'analyse en terme de
difficulté pour l'enfant (à surmonter)
plutôt qu'en terme d'obstacle ou de représentation
première.
Remarques:
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Les dents n'aiment pas les bombons |
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L'animisme est "une croyance religieuse dans laquelle tous les êtres vivants, et même les objets, disposent d'une âme". Croyez-vous réellement que cet enfant présente autre-chose qu'un obstacle de language ? Ce n'est pas forcément un problème de conception de l'organe vivant. C'est un vocabulaire naturel pour un enfant. Cela prouve peut-être simplement le manque de maturité de son expression (ou encore de sa pensée mais le jugement est plus délicat). Et puis, si cela était vraiment de l'animisme (religion) dans ce cas votre devoir d'enseignant laïc serait de respecter sa croyance et non pas d'essayer de la lui enlever. |
La bouche est faite pour manger |
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Pour quelques explications sur le mot "finalisme" voir plus haut dans cette page. L'emploi du "pour" est ici légitime, approprié. |
dessin d'un bébé en réduction dans un spermatozoïde |
|
le préformisme fait référence
à une théorie philosophique (Haller,
Bonnet...) au XVIIIème siècle selon
laquelle "le germe préexiste à la
fécondation". Les préformistes
étaient qualifiés d'évolutionnistes
par opposition aux épigénistes (dont
Lamarck était), pour qui l'embryon se forme peu
à peu à partir d'un plasma amorphe (voir
évolution). |
Je renvoie enfin aux théories connexionnistes actuelles (Jean-Marie Vigouroux, communication personnelle) selon lesquelles la réactualisation de concepts erronés dans la mémoire proche conduit toujours l'enfant à renforcer ces concepts. Ce qui va tout à fait dans le sens de prudence proposé par R. Tavernier. Si l'enseignant se doit d'essayer d'être fin psychologue, dans le sens où il ne peut négliger la personnalité de chaque enfant, il n'a ni le temps ni les compétences pour faire une analyse psychologique de chaque enfant à toutes les étapes de ses apprentissages. L'analyse de productions d'enfants est formateur, et pour vous un exercice de concours, mais il n'est certainement pas un mode de travail courant à conseiller dans les classes. L'"émergence des conceptions initiales" va dans le même sens et doit être prise avec beaucoup de précautions.
Si la préparation de séquence doit faire l'objet d'un apprentissage professionnel, notamment pour les IPP, il sera surtout utile pour vous, candidats au concours (CRPE: concours de recrutement des professeurs des écoles), de travailler leur analyse. Ces séquences peuvent apparaître dans le deuxième volet (8 points) de l'épreuve écrite d'admission, soit qu'elles vous soient données à l'analyse, soit qu'elles vous soient demandées à la construction.
préparer |
définir un ou des OBJECTIFS |
savoir : formuler les connaissances que l'on désire que les enfants acquièrent par des mots précis, adaptés à leur niveau; ne pas avoir peur d'utiliser du vocabulaire spécialisé ; mais ne pas limiter les connaissances à des définitions, les concepts doivent aussi être précisés, par exemple en terme de fonction. |
savoir-faire : compétences disciplinaires (dessin ou schéma d'observation, dissection, observation à la loupe, conception d'une expérience, d'un montage....) ou compétences transversales (lecture et compréhension d'un texte scientifique, recherche documentaire, rédaction d'un compte-rendu, communication-discussion...) |
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programmer la PROGRESSION |
situation(s) déclenchante(s) prévisibles, susciter et mettre en forme les questions (problèmes si l'on se réfère à une ébauche de démarche scientifique) |
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prévision des activités soit induites à partir d'hypothèses émises par le maître ou les élèves ou provoquées par les événements prévisibles (travaux, sortie...) avec préparation du matériel de la durée approximative de la répartition éventuelle en groupe... |
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prévision de la production qui sera demandée à la classe ou à chacun des élèves : orale (mise en commun), écrite (lignes de compte-rendu et/ou dessin dans la plupart des cas), audiovisuelle (photos, films, panneau, livre, exposition.....) |
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choisir le type et la place (éventuellement la fréquence pour une longue activité) de l'ÉVALUATION |
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Il est conseillé de réaliser un document
écrit de type "fiche de séquence" |
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Dans la plupart des séquences proposées lors du concours ces différentes parties un peu théoriques sont respectées mais par contre il existe des disproportions, des maladresses et surtout des étapes non formulées. A vous de les mettre à jour dans vos analyses de séquences. On vous demande plus de faire un commentaire positif que d'émettre des jugements de valeur parfois hâtifs, même si les formateurs eux-mêmes (dont je fais partie) tombent souvent dans cet écueil. |
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réaliser |
de la souplesse et encore de la souplesse et surtout de
l'attention aux élèves. |
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Pour le concours, seules des indications sur le déroulement de la séquence vous sont données. Elles ne rendent pas compte de l'ambiance et sont souvent idéalisées car une activité est bien souvent morcelée alors qu'elle apparaît artificiellement unifiée lors d'un compte-rendu de séquence. Des indications plus proches du vécu sont données sur le site de La main à la pâte. |
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analyser |
il n'est pas nécessaire de faire une véritable analyse après chaque séquence, mais il est utile de revenir sur le déroulement une fois l'activité terminée, pour apprendre et progresser. Lister les échecs, les lenteurs, les obstacles rencontrés. Ce travail est bien évidemment plus riche en équipe si les séquences ont été réalisées dans des groupes différents. On parle souvent de mutualisation pour désigner ces échanges. Cette activité particulièrement formatrice est couramment pratiquée à l'iufm. |
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L'exercice d'analyse est justement celui qui est demandé lors de l'écrit du concours. Il est de bon ton de proposer des prolongements d'activité ou des améliorations suscitées par la séquence analysée. |
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Dans le vécu, une séquence est beaucoup
plus SOUPLE. Les situations déclenchantes sont
imprévues. Certains maîtres
préfèrent chaque année inventer des
progressions nouvelles à partir de thèmes
choisis en début d'année de façon
individuelle : au "coup de cur" pour une exposition,
une sortie, une compétence particulière d'un
parent... et ils jettent toutes leurs notes en fin
d'année. Ils insistent alors sur le côté
personnel, original de chaque classe et donc de chaque
apprentissage. Cela les aide aussi peut-être à
évoluer et à ne pas sombrer dans la monotonie
d'un métier qui demande sans cesse de renouveler son
énergie. |