Méthode
"La méthode scientifique" ou "méthode expérimentale" ou "méthode hypothético-déductive"
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(anciens commentaires d'actualité) |
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Elle se déroule en 4 temps:
On notera que les théories scientifiques ou les modèles, même les plus enracinés dans les esprits, et considérés dès lors comme des évidences, sont toujours susceptibles d'être invalidés par une seule et unique expérience contradictoire. C'est la modestie du scientifique: se soumettre au réel, à l'expérience.
Munis de cette méthode expérimentale nous explorons la nature : nous sommes des naturalistes. Mais le temps nous manque et nous sommes amenés à utiliser les résultats d'autres expérimentateurs. C'est aussi l'étape nécessaire par laquelle doivent passer les élèves : ils doivent étudier les résultats des autres avant de pouvoir eux-mêmes expérimenter. La démarche expérimentale se transforme alors en analyse.
L'analyse expérimentale est une interprétation
critique d'une expérience réalisée selon la
méthode expérimentale.
Elle peut se faire à partir de la description
compléte d'une expérience
(schémas, résultats...) ou d'un texte, ou d'un
graphique.
Remarque : la plupart du temps il manque de nombreuses données dans la description de l'expérience et aucune critique n'est possible, on doit faire confiance à l'expérimentateur, ce qui n'est pas un comportement scientifique.... Ce qui est compréhensible dans des livres scolaires l'est par contre beaucoup moins pour des revues scientifiques. C'est pourtant le premier intérêt d'une publication : rendre accessible à la critique une expérience qui doit pouvoir être de nouveau réalisée par d'autres.
Le problème peut aussi être formulé en ces termes : doit-on former les élèves à la méthode expérimentale ou à l'analyse ou aux deux ? L'analyse est une technique assez littéraire et contrairement à ce que l'on pourrait penser, je crois pouvoir affirmer, de par mon expérience d'enseignant, que nombre d'élèves, vraiment doués pour l'analyse, ne sont pas du tout de bons expérimentateurs et inversement. Les qualités sont différentes pour les deux types de démarche.
Un exemple pour montrer la différence entre une démarche expérimentale et analytique : les abeilles et les fleurs
Il existe une blague qui circule depuis fort longtemps mais qui illustre assez bien un certain type de raisonnement erroné:
Vous prenez une puce qui, comme chacun sait, possède 3 paires de pattes, comme tous les Insectes. Vous lui dites bien fort "saute !"... elle saute. Vous lui enlevez une patte et recommencez l'expérience: "saute !"...elle saute. Vous passez à la seconde patte puis à la troisième et ainsi de suite. Vous ôtez enfin la cinquième patte et criez "saute !", péniblement la puce, sur une patte, se traîne et... réussit à sauter. Dernière et triomphale étape, vous ôtez la dernière patte et hurlez "saute !"... malgré toute sa bonne volonté, la puce ne saute pas. Conclusion de cette expérience: lorsqu'on lui ôte toutes ses pattes, une puce devient sourde.
L'analyse de la blague n'est peut-être pas inutile: le comique vient essentiellement de l'hypothèse expérimentale qui n'est pas affirmée au début d'où un quiproquo: l'hypothèse de celui qui expérimente (audition) n'est pas la même que celle de l'auditeur (saltation). Sans compter les conditions expérimentales (non stéréotypées) et le stimulus déclencheur du saut (voix non signifiante et non causale) ou même du côté anthropomorphique de la relation (volonté de l'animal).
Est-il une loi plus ancrée actuellement dans les
mentalités que celle de l'absence de
génération spontanée? On peut la formuler
ainsi: tout être vivant est issu d'un autre être
vivant. Autrement dit, si l'on observe le développement
d'un être vivant (génération), on doit trouver un
organisme dont il est issu. Un organisme ne peut se former tout seul,
sans être issu d'un autre. Il n'y a pas d'autoassemblage de
l'être vivant à partir de la matière. Si l'on y
réfléchit quelque peu, ce postulat, acquis
chèrement à la fin du 19ème siècle, est
plus ou moins remis en cause par nombre de personnes qui,
aujourd'hui, repoussent le problème dans le temps mais aussi
au niveau du développement.
Il s'agit des innombrables scénarios sur l'apparition de la
vie et de l'extraordinaire diversification des êtres vivants au
cours des temps géologiques. Certaines personnes, qui se
gausseraient si quelqu'un leur affirmait avoir réussi à
créer une cellule vivante à partir de l'assemblage de
molécules chimiques et d'énergie, ne sont pas du tout
gênés pour affirmer, qu'à un moment donné,
il a bien fallu que cela se fasse. Il est clair que si le
problème est posé dans l'actuel il doit être
posé dans les mêmes termes pour le passé. Sinon
il y a une croyance non affirmée en un hasard créateur.
Si quelqu'un dit "il a bien fallu que cela arrive une fois", il est
passé du côté des partisans de la
génération spontanée. Reculer
l'événement dans un passé inaccessible à
l'expérience ne change rien au problème philosophique
(voir les pages sur la science et l'article
de Pierre Lazlo dans La Recherche qui y est cité; on a jamais
réussi à assembler une cellule in vitro, même si
les coacervats et autre liposomes apportent des données
intéressantes sur l'architecture des cellules). On peut citer
ainsi Pierre Paul Grassé : «La
génération spontanée que notre logique nous
impose a été un phénomène historique par
excellence ; impossible aujourd'hui, elle s'est pourtant produite sur
la terre , encore dans sa jeunesse ou sur une autre planète,
hors de notre système solaire, une seule fois et cela a suffi
pour lancer l'aventure de la vie dans le cosmos»
(L'évolution du vivant, Albin Michel, 1973, p 154). Plus loin
encore, on pourrait citer Ernest Haeckel : «Mais quiconque se
fera des organismes une idée réellement logique et
conforme aux lois naturelles, ne saurait considérer ces formes
ancestrales primitives, si extrêmement simples, comme le
résultat d'un acte créateur surnaturel ; il ne saurait
voir là autre chose qu'un fait de génération
spontanée (archigonie ou generatio
spontanea) » (Histoire de la création des
êtres organisés d'après les lois naturelles,
Ernest Haeckel, troisième leçon, p 44, C.
Reinwald et Cie, libraires-éditeurs à Paris, 1874 ).
Pour soutenir le débat sur un plan métaphysique on peut
s'appuyer sur le principe de non-contradiction qui, de bon sens
certain, empêche le "moins" de donner naissance au "plus". La
réalité ontologique d'une bactérie actuelle,
tout comme celle de l'homme, ne peut être incluse dans une
cellule initiale sans soutenir le principe philosophique selon lequel
un être imparfait, non infini et non éternel, peut
donner naissance à d'autres êtres plus parfaits que lui
et les maintenir dans l'être, alors que lui-même n'est
plus...
Quelques rappels historiques (extrait pour beaucoup de "Microbiologie", Prescott, Harley et Klein, De Boeck Université, 1995) :
<<Francesco Redi (1626-1697) réalisa une série d'expériences sur la viande en décomposition et la capacité à produire spontanément des asticots. Redi mit la viande dans trois récipients. Le premier n'était pas couvert, le second était couvert de papier et le troisième d'une fine gaze qui pouvait écarter les mouches. Celles-ci déposaient leurs ufs sur la viande non couverte et les asticots se développaient. Les deux autres morceaux de viande ne produisaient pas spontanément d'asticots. Cependant les mouches attirées par le récipient couvert de gaze pondaient leurs ufs sur la gaze; mais ceux-ci ne produisaient pas de larves. Ainsi la production d'asticots par la viande était due à la présence d'ufs de mouche et la viande ne générait pas spontanément des asticots comme on le pensait précédemment.>>
<<La découverte des micro-organismes par van Leeuwenhoek (1632-1723), loin de clore le débat, le relance: pour les partisans de la génération spontanée, les micro-organismes, à l'inverse des grands organismes apparaissent par génération spontanée... Les expériences du prêtre anglais John Needham (1713-1781) non concluantes, furent suivies de celles du prêtre et naturaliste italien Lazzaro Spallanzani (1729-1799) qui scellait des flacons de verre et les plaçait dans l'eau bouillante pendant 3/4 heure; il n'y avait pas de développement des micro-organismes tant que les flacons restaient fermés. Mais les défenseurs de la génération spontanée rétorquèrent que le chauffage de l'air dans les flacons détruisait sa capacité à maintenir la vie >>(ce qui n'était pas faux; en fait ces personnes étaient d'accord avec les interprétations de l'expérience, c'est le support de la vie qu'ils imaginaient être autre qu'une forme bactérienne). Les expériences de Théodore Schwann ( 1810-1882) qui stérilisa l'air par passage dans un tube chauffé au rouge, puis de Georg Friedrich Schroder et Théodor von Dush qui stérilisèrent l'air par filtration à travers une ouate, n'entraînèrent pas la conviction des foules. C'est Louis Pasteur (1822-1895) qui reprit les mêmes expériences en les complétant et emporta l'adhésion générale. Enfin, c'est John Tyndall (1820-1893) qui démontra l'action directe des germes bactériens. <<Ferdinand Cohn (1828-1898) découvrit l'existence d'endospores bactériennes résistantes à la chaleur.>>
On a, à la relation de ces étapes historiques, la nette impression que c'est une problème d'expérimentation et d'observation qui limite les conclusions. Si l'on repousse la taille de l'être vivant jusqu'où arrive-t-on ? Pour obtenir des conditions stériles nécessaires à l'établissement d'un témoin, il est indispensable d'avoir un échantillon dont on a tué toute forme de vie. Mais que veut dire tuer un être vivant alors que l'on a du mal à définir la notion même d'être vivant lorsque l'on repousse les limites de taille vers l'infiniment petit ?
Si l'on prend le cas actuel des prions et de la vache folle on est revenu 100 ans en arrière: on cherche à prouver que seul un agent peut provoquer une maladie, ce qui est louable. Mais le problème n'est pas vraiment le même à y regarder de près. Le prion est une protéine et non une cellule, ce n'est donc pas un organisme vivant (ceci se discute mais je le ferai dans le cours). Il ne se reproduit pas mais provoque un dérèglement dans le fonctionnement d'une cellule. Les méthodes de purification sont insuffisantes pour affirmer que l'on n'injecte pas autre chose que la protéine suspecte. Bref, on est arrivé aux limites de la méthode. Il est peut-être bon de revenir aux postulats de Koch (1843-1910), toujours actuels: une maladie est causée par un micro-organisme (ou agent de la maladie) si (postulats résumés à partir de sa publication de 1884 à l'occasion de ses travaux sur la transmission de la maladie du charbon): 1. le micro-organisme est présent dans chaque cas de la maladie, mais absent des organismes sains; 2. le micro-organisme suspect est isolé et cultivé en culture pure; 3. la maladie se développe lorsque le micro-organisme isolé est inoculé à un hôte sain; 4. le même micro-organisme est à nouveau isolé de l'hôte rendu ainsi malade. Il suffit de lire les compte-rendus d'expériences sur les prions pour voir où le bât blesse; si les techniques ne permettent pas d'isoler un agent il faut alors modestement penser que cet agent n'est qu'hypothèse. Le battage médiatique a empêché le débat scientifique. Les articles de La recherche sont, ce me semble, un bon indicateur du débat. Lorsqu'aux cas cliniques se mêlent les statistiques et les intérêts économiques il est prudent de ne plus parler de science.
En fin de compte, la génération spontanée au sens de Louis Pasteur a été définitivement abandonnée mais elle tente de resurgir par des moyens détournés.
C'est dans le domaine de la géologie historique que l'on trouve le plus d'erreurs de ce type; un exemple:
La présence de couches rouges de fer oxydée (fait) datées de 2 Ga (interprétation) est expliquée par la libération d'O2 dans l'atmosphère (théorie).
Bordas, livre de TS, p 286:."Un certain nombre d'indices géologiques montrent qu'atmosphère et hydrosphère ne deviennent oxydantes que... vers -2 milliards d'années. Ce n'est que lorsque les substances réductrices présentes dans le milieu ont été oxydées, que du dioxygène libre en excès a pu apparaître".
Il est significatif et grave, il me semble, de présenter la présence de couches rouges de fer oxydé comme des preuves de la validité de la théorie. C'est un raisonnement trompeur. Les interprétations faisant déjà appel à une théorie sont réutilisées comme des preuves d'une autre, voire de la même, théorie. Le raisonnement se mord la queue. Les faits géologiques sont les roches et non la teneur de l'atmosphère primitive en dioxygène qui est pure spéculation.
L'exemple précédent met en évidence qu'il existe une réelle distinction entre les sciences expérimentales qui cherchent à comprendre l'organisation du réel actuel et celles qui s'appliquent à reconstituer le passé. Pourquoi ne pas reprendre le terme ancien d'histoire naturelle qui comprendrait à la fois la géologie dans sa dimension historique : l'histoire de la terre et l'évolution ou l'histoire de la vie.
La géologie n'utilise pas vraiment la démarche expérimentale ou du moins pas avec la même dimension du temps. Il est d'usage de parler de modèles. Le géologue de terrain, naturaliste, observateur pour employer un terme cher à certains amis, récolte, mesure, analyse, compare (il utilise alors les sciences expérimentales, notamment la chimie et la physique). Il construit alors un modèle: ce modèle est comparable à l'hypothèse expérimentale des autres sciences mais, comme il s'affine au fur et à mesure des résultats des expériences, il est en fait putôt comparable à la théorie scientifique. La différence vient ensuite des expériences et des observations qui permettent de valider ou non le modèle. Le temps se mesure ici en millions ou en milliards d'années. Un modèle de géodynamique comme celui de la formation d'un marge continentale ne peut être testé par quelques expériences décisives ; il faudra de nombreuses années d'observations contradictoires, de critiques pour discuter de la validité de ce modèle. En fin de compte, l'acceptation du modèle par la communauté scientifique repose plus sur un consensus plus ou moins conscient que sur une démonstration expérimentale. Un modèle qui ne rend plus compte de la réalité (par exemple le modèle géosynclinal) est petit à petit abandonné. Je pense donc que l'on peut affirmer que la géologie est bien une science expérimentale bien qu'elle présente ses hypothèses sous forme de modèles et que la durée des ses observations et de ses expériences est singulièrement allongée par rapport aux autres sciences expérimentales.
Les géologues ont toujours été conscients et n'ont cessé d'enseigner, que toute reconstitution du passé et donc la validité de la plupart de leurs modèles, reposait sur le principe de l'actualisme ou principe des causes actuelles. On peut l'énoncer simplement ainsi: les lois expérimentales actuelles peuvent être extrapolées au passé. La causalité mise en évidence dans une expérience actuelle (qui repose donc sur le réel en acte) reste donc valable par le passé.
Pour ce qui concerne ce que l'on appelait la géologie historique, on observe maintenant un éclatement en plusieurs domaines ayant chacun une dimension historique: la stratigraphie, la paléontologie,... etc. Il n'est donc plus vraiment nécessaire de parler de géologie historique qui appartient désormais à l'histoire des sciences...Je propose dans le cours de "géologie" de TS de parler d'écologie historique comme le proposent de nombreux écologistes...
Par contre, lorsque plusieurs spécialistes des sciences de la vie et de la terre (paléontologues, sédimentologistes, géochimistes, généticiens, embryologistes....) s'associent pour s'efforcer de reconstituer l'histoire de la vie, on pourrait croire qu'il y a vraiment émergence d'une nouvelle science naturelle, pas toujours très expérimentale par ailleurs. L'étude de l'histoire des êtres vivants a d'abord été le propre des paléontologues car la dimension historique d'une science comme l'embryologie ne me paraît pouvoir être comprise que dans le cadre d'une théorie de l'évolution. On en est donc revenu au problème des géologues qui ont du concilier cette dimension historique de leur science. C'est au tour des autres sciences. Il s'agit donc de développer la dimension historique de la génétique, de la biochimie, de l'embryologie, de l'anatomie, de l'écologie... Est-il besoin d'en faire une science à part ? Cela ne me semble pas utile mais je ne suis pas sûr d'avoir réaison. Par contre, il est souhaitable que les géologues insistent pour bien faire accepter aux nouveaux venus dans l'étude de l'histoire naturelle que tous leurs modèles reposent sur le principe de l'actualisme et ne pourront être testés par l'expérience comme des hypothèses classiques.
Il me semble donc préférable que la dimension
historique, évolutive, soit étudiée par chaque
science expérimentale particulière sans séparer
les conclusions obtenues par chacune pour en faire une science de
l'évolution. Il n'est pas certain que l'on puisse imaginer un
modèle qui soit accepté à la fois par les
embryologistes, les paléontologues, les biochimistes...
Je reviens (27/03/99) sur ces lignes et je crois que finalement je
vais essayer de me lancer dans quelquechose qui ressemble assez
à ce que je croyais impossible, voir inutile... voir dernier
chapitre du cours de terminale S...
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(anciens commentaires d'actualité) |
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