Comment se nourrissent les organismes ?


Plan

1 la nutrition comme mouvement de matière et d'énergie
2
les types trophiques ou les 2 manières de se nourrir: autotrophie - allotrophie
3
métabolisme et homéostase
4
se diviser pour croître


1

La nutrition est le phénomène de prise, de rejet et de transformation de matière* et d'énergie* par l'organisme vivant.



manger - croître

La nutrition est une des 3 fonctions globales du vivant. C'est un champ dans lequel baigne l'organisme vivant (ou est généré par lui ?) et qui englobe une bonne partie de l'espace qui l'entoure: son milieu nutritif. (Voir fiche Qu'est-ce que la vie ?)

Un peu de physique et de chimie

*Deux concepts issus de la physique (chimie) nous permettre de comprendre la nutrition: matière et énergie.

La question de la nutrition recoupe bien évidemment le problème de la composition chimique de l'être vivant.

* énergie


capacité de travail; force vitale; en physique, elle est exprimée en joules (J) et caractérise la capacité d'un système à modifier l'état d'autres systèmes en interaction avec lui.

* matière


vivante

la matière vivante est celle des êtres vivants. La distinction organique-minéral étant délicate à utiliser (voir ci-dessous) il est préférable d'étudier pour chaque élément et pour chaque substance l'état de la matière dans l'être vivant. Cette présentation diffère de l'habituel regroupement en glucides, lipides, protides qui a fait son temps... à mon sens, même si ces groupes ont leur intérêt.


* l'eau (H2O): gazeuse, liquide, interfaciale (liée à de grosses molécules) (voir page sur l'eau dans la cellule)

* des éléments minéraux, sous forme d'ions, le plus souvent liés à de grosses molécules

* des gaz: CO2, O2, le plus souvent sous forme ionisée (HCO3- et CO32- pour le CO2) ou liées à de grosses molécules transporteuses

* de petites molécules (sous-entendu carbonées): acides, alcools...

* de grosses molécules ou macromolécules (sous-entendu carbonées) qui sont des polymères (voir ci-dessous): glucides complexes (sucres), acides nucléiques, protéines

* les lipides (acides gras et graisses) sont classés à part car ce ne sont pas des polymères mais ils peuvent constituer de grosses structures (gouttelettes, plans ou membranes...).


vocabulaire


Un polymère est une molécule composée de sous-unités identiques (ou monomères) reliées par des liaisons fortes (covalentes)
Des polymères... comme des colliers de perles (chaque perle est un monomère)

2 pages avec des formules te des molécules visualisées avec Jmol
-
acides nucléiques en seconde
- et
biochimie en 1ère S

homopolymères:
les perles sont toutes identiques
(un seul type de monomères)
-O-O-O-O-O-O-O-
ou
-o-o-o-o-o-o-o-o-
deux types d'homopolymères sont possibles avec deux types de monomères

copolymères :
les perles sont de taille différente
(ici 2 types de monomères)
-O-O-o-O-o-o-o-o-O-O-o-O-o-O-o-o-
de très nombreux types de copolymères sont possibles avec deux types de monomères (cela dépend de la longueur du polymère)


Pourquoi il est malcommode et donc déconseillé d'utiliser les termes de matière minérale et organique :


minéral(e)

qui contient des minéraux, composants des roches; s'oppose à organique.

Pour les chimistes la chimie minérale s'intéresse à tous les éléments chimiques autres de le carbone (C); on dit aussi la chimie inorganique.


organique (du vivant)

qui contient des composés du carbone ET que l'on trouve dans les organismes vivants; s'oppose à minéral; en biologie les substances organiques sont classés en glucides, lipides, protides et acides nucléiques: ce sont des CHONPS (composés de C (carbone), H (hydrogène), O (oxygène), N (azote), P (phosphore) et S (soufre)).`

Pour les chimistes la chimie organique au sens large s'intéresse à tous les composés carbonés qu'ils soient ou non issus du vivant. Mais il existe aussi une acception qui rappelle une conception plus ancienne (Lémery 1690) d'une chimie des substances organiques du vivant, ou encore, chimie des substances organiques naturelles.

On ne peut pas dire que le CO2 est une substance minérale. Une plante chlorophyllienne ne se nourrit pas de carbone minéral. Elle ne se nourrit pas uniquement à partir de substances minérales (ni plus ni moins qu'un animal). Elle consomme du carbone oxydé et absorbe des substances minérales avec sa boisson.

  L'eau et ses éléments minéraux dissous est une substance minérale. Mais l'eau dans la cellule n'a plus les propriétés des substances minérales pures. L'eau dans la cellule n'est jamais un solvant (voir page sur la cellule). Il faut donc préciser l'état de l'eau: minérale sous les trois états à l'extérieur de l'organisme, liquide dans la cellule (en très petite quantité), liquide dans les liquides sanguins ou lymphatiques, mais surtout eau interfaciale (plus proche de l'état solide que de l'état liquide): on pourrait parler d'eau intracellulaire mais le terme est vague. La biochimie manque d'outil pour désigner les états de la MATIÈRE VIVANTE.



2

Vivre dans sa nourriture ou la capturer

Il existe deux grands types trophiques: l'autotrophie (se nourrir seul) et l'hétérotrophie (ou plutôt l'allotrophie - se nourrir des autres)


(Pour des extraits de René Thom sur la vie végétative, voir le cours de terminale spécialité sur la diversité des métabolismes)

Les mots "autotrophe" et "hétérotrophe" sont peu à peu devenus synonymes de capacité à se nourrir de carbone de l'air (oxydé) et de nécessité à trouver du carbone sous forme réduite (dans la matière vivante). Il me paraît judicieux de revenir à un sens plus proche de l'étymologie et remplacer hétérotrophe par allotrophe, plus juste.

ne pas utiliser "minéral / organique" - voir ci-dessus


L'autotrophe
vit dans sa nourriture, se laisse pénétrer par elle et se transforme.

L'autotrophe se nourrit seul

(en grec "auto "= seul, c'est-à-dire "ne se nourrit pas des autres êtres vivants")

L'autotrophe se nourrit d'air (pour la matière) et de soleil (pour l'énergie).

(autotrophes, phototrophes selon l'ancien vocabulaire)

Certaines bactéries ont des types trophiques intermédiaires:
* certaines se nourrissent d'air (pour la matière carbonée) et de substances minérales pour l'énergie (oxydo-réduction) (ce sont des autotrophes litho-chimiotrophes)
* d'autres se nourrissent d'autres organismes pour la matière mais utilisent aussi l'énergie lumineuse (ce sont des hétérotrophes organo-phototrophes),
* d'autres enfin, encore plus rares, utilisent le carbone de l'air mais tirent leur énergie de la matière vivante (ce sont des autotrophes litho-organotrophes).

Plantes, nombreux Protistes, certaines bactéries (notamment les Cyanophycées)

L'allotrophe
capture sa nourriture, la mange et l'assimile.

L'allotrophe se nourrit des autres

(en grec "allo"= les autres)

L'allotrophe se nourrit des autres êtres vivants aussi bien pour la matière que pour l'énergie.

(hétérotrophes et chimiotrophes selon l'ancien vocabulaire)

Animaux, Mycètes, nombreux Protistes, nombreuses bactéries


 

Esquisse d'une sémiophysique, Thom, 1988, p 69-71
Cours de Terminale S Spécialité SVT

La morphologie des organismes repose sur le travail de nutrition.

 

* Pour les organismes de petite taille, unicellulaires procaryotes et eucaryotes, la forme globale est une boule (topologiquement), plus ou moins allongée, avec plus ou moins de prolongements et la nutrition demande soit un passage des nutriments ou déchets à travers les structures limitantes (paroi par exemple), soit une déformation de cette limite (phagocytose, exocytose...).
Rq1 - Mais de nombreux unicellulaires ont un mode de vie colonial ou social (qui permet la division du travail) et il faudrait sans aucun doute revoir cette notion à la lumière de recherches présentant de nombreuses bactéries comme des pluricellulaires (voir par exemple les travaux de James Shapiro par exemple : http://shapiro.bsd.uchicago.edu/Shapiro98AnnRevMicro.pdf ). On retrouve alors les distinctions présentées ci-dessous.
Rq2 - On peut aussi citer tous les mécanismes d'échange de molécules entre cellules. La plupart du temps ces échanges sont interprétés en terme d'information, notamment génétique. Il est plus que probable que nombre de ces échanges soient NUTRITIFS. Je pense par exemple aux
nanotubes récemment découverts entre les cellules bactériennes.


 

 

 

 

 

 

 

smileys de http://smileys.inzenet.org/
et
http://www.les-smileys.com/

* Pour les organismes de plus grande taille (pluricellulaires), si la boule reste la forme de base,
- les allotrophes doivent mettre en jeu des dispositifs de capture des proies (tentacules, lacets, filets, pièces buccales...) qui vont de pair avec des organes locomoteurs et sensoriels de plus en plus sophistiqués;

- alors que les autotrophes s'identifient à leur milieu environnant en occupant l'espace, on croissant vers la lumière, ce qui fait que leur forme est ramifiante (leur croissance est dite indéfinie car elle ne semble pas avoir de limite nette dans l'espace). Les botanistes ont depuis longtemps modélisé la croissance des plantes avec des algorithmes basés sur les fractales.


 

 

* Certaines associations symbiotiques renforcent ces idées en montrant comment deux types trophiques peuvent s'interpénétrer: les lichens, associations de mycétes et d'unicellulaires autotrophes conduisent à des formes végétales en lames plus ou moins ramifiées; ou encore les coraux, associations entre des animaux diblastiques allotrophes et des unicellulaires autotrophes conduisent à des "arborisations animales" qui les ont longtemps fait appeler zoophytes.


«... dans l'hypothèse où la lumière agirait directement sur la matière organisée pour en modifier la structure et l'adapter, en quelque sorte, à sa propre forme. La similitude des deux effets s'expliquerait cette fois simplement par l'identité de la cause. L'œil de plus en plus complexe serait quelque chose comme l'empreinte de plus en plus profonde de la lumière sur une matière qui, étant organisée, possède une aptitude sui generis à la recevoir. » (Bergson, l'Évolution créatrice, 1907, p 70)
Ce que Bergson affirme ici de l'apparition des yeux complexes chez les animaux, et qui concerne donc la fonction globale de relation, pourrait se transposer à la nutrition.


Il existe 4 relations trophiques chez les allotrophes

Chez les allotrophes les relations trophiques peuvent être de type consommation (un animal phytophage par exemple mais aussi une bactérie sur un cadavre ou encore un vautour sur une carcasse de mammifère), prédation (capture de proies: capture d'une bactérie par un unicellulaire par exemple; mais aussi d'un nématode (animal) par un mycète; ou encore d'une mouche par une plante carnivore comme une Drosera), parasitisme (un organisme parasite vit de façon obligatoire aux dépens d'un autre, appelé hôte; une tique sur un chien par exemple) ou encore symbiose (une association à bénéfices réciproques; des unicellulaires chlorophylliens avec des mycètes dans les lichens ou des unicellulaires chlorophylliens avec des coraux).



3

Se nourrir est une fonction homéostatique*


Le travail de nutrition assure le maintien (la stabilité) de la forme de l'organisme (c'est-à-dire de sa structure et de sa dynamique).


*homéostase vient du grec homéo (ou homo ) qui signifie identique et stase qui signifie position (voir cours de 1èreS). La propriété d'un système en homéostase est l'homéostasie. Un système homéostatique est un système qui est stable face à de petites perturbations.

La stabilité est une des caractéristiques des dynamiques du vivant. Ce n'est pas le système vivant qui est stable (ou immobile) mais sa dynamique, c'est-à-dire ses fonctions. On dit encore que l'organisme est en équilibre dynamique (qu'il fonctionne), ce qui est le propre d'un système en homéostase.


Le premier principe de dynamique du vivant (ou principe d'homéostasie) affirme qu'un être vivant est un système homéostatique (ou en homéostase) et donc que les fonctions du vivant sont STABLES (résistantes à de petites perturbations).


Si l'on utilise un vocabulaire analogue à celui des économistes ont peut dire que, pour survivre et par la nutrition, l'organisme vivant compense ses pertes de matière et d'énergie et s'autorise un renouvellement de ses structures (toute structure dynamique est en perpétuel renouvellement: ce qui est vrai pour les molécules mais aussi pour les formes - et la forme est vraiment contrainte par le type de nourriture et le mode de nutrition -). Le bilan peut donc s'établir comme une somme de besoins qui doit couvrir les dépenses.
On remarquera que du point de vue physiologique (du fonctionnement) la nutrition comprend la capture de la nourriture (matière et énergie), son assimilation (ses transformations éventuelles) et le rejet des déchets produits. Mais on peut aussi considérer que les systèmes qui assurent le maintien de l'intégrité de l'organisme et que l'on classe souvent dans les systèmes de communication entre cellules font partie de ce travail de nutrition: ce sont certains des mécanismes comme les mécanismes immunitaires.

Avec la formulation des chimistes :
Le métabolisme désigne l'ensemble des transformations de matière et d'énergie de l'organisme.
Le métabolisme regroupe les
flux* de matière et d'énergie qui traversent l'organisme.

 


* pour faire simple on peut dire qu'en physique un flux désigne un courant.

Dans une vision plus biologique:
«Métabolè» en grec signifie «changement».
Le métabolisme c'est le mouvement de la vie.

Si l'on se réfère aux trois dynamiques des 3 grandes fonctions (ou travail) il existe donc :
- un métabolisme nutritionnel,
- un métabolisme relationnel
- et un métabolisme reproducteur.

Ce qui produit le mouvement (ce qui maintient stable les dynamiques) ce sont les fonctions.


"Deviens ce que tu manges". On s'identifie à sa nourriture. Cette réflexion, peut-être anthropomorphique au départ (j'ajouterais que l'homme ne se nourrit pas que de pain mais aussi de parole...), à des prolongements très justes en biologie (René Thom l'emploie principalement pour l'animal qui s'identifie à sa proie: "le prédateur affamé est sa proie"; voir la notion de lacet de prédation dans l'œuvre de Thom; voir aussi Les chemins du sens à travers les sciences, AL, [1984, 9. 3] (1984f9.pdf); auquel on peut aussi ajouter le travail de Philippe LACORRE, Sur un nouveau type de représentation catastrophiste pour les modélisations en biologie et sciences cognitive, Intellectica, 1997/1, 24, pp. 109-140).

manger pour vivre...


La nutrition est la satisfaction d'un besoin.

Si l'on représente le métabolisme comme une dynamique correspondant à une forme dans un espace de grande dimension (voir page sur les modèles), un manque de nourriture est une instabilité. La fonction de nutrition globale peut être approchée, localement (par exemple au niveau d'une cellule), par un potentiel et l'acte de se nourrir par le retour du système à une valeur minimale du potentiel. La nutrition est toujours accomplie lorsque l'organisme minimise son potentiel.

La nutrition allotrophe est une catastrophe de capture: deux actants, le prédateur et la proie, n'en font plus qu'un, à la fin de l'action. Il y a ici le cycle fondamental d'un retour à un niveau stable, antérieur à la capture et à l'assimilation (1967f8.pdf, p3s).



4

Se diviser pour croître :
pour les cellules, se nourrir
conduit souvent à la catastrophe de division

manger (pour se diviser et se diviser) pour croître ...


La nutrition comprend aussi la croissance car elle assure la stabilité de la forme dynamique (la dynamique de l'être vivant est une dynamique de croissance).
Pour un unicellulaire, qui fait partie d'une colonie, la division cellulaire est bien davantage une division de croissance qu'une division de reproduction.
Au niveau des organes d'un pluricellulaire la division cellulaire permet la croissance au cours du développement puis le renouvellement cellulaire à l'âge adulte et pendant les phases de sénescence.
La nutrition englobe donc aussi les mécanismes de contrôle de la croissance cellulaire qui font intervenir en première ligne le système immunitaire. Ce dernier n'est donc pas uniquement orienté vers la défense mais est bien un élément central de l'homéostase au niveau cellulaire.

La division bactérienne et la mitose comme divisions de croissance (voir fiche Comment les cellules se multiplient-elles ? et nouveau cours de seconde)