Puisque il est préférable pour un individu pluricellulaire - voir page sur le phénotype- de parler de forme plutôt que de phénotype morphologique, de molécules plutôt que de phénotype moléculaire, de comportement plutôt que de phénotype éthologique... il faut revenir à la notion de caractère qui désigne les traits (du latin tractus = "ce que l'on tire" et donc "ce que l'on déduit" de l'observation raisonnée, notamment de la comparaison) ou éléments visibles ou mieux observables (là aussi dans le sens d'éléments raisonnés) des individus.
Un caractère
héréditaire est un trait
spécifique (au sens de "lié à
l'espèce", voir ci-dessous) de
l'individu pour lequel des différences
héréditaires variées peuvent être
définies. (voir page
sur l'histoire de la
génétique pour une
discussion sur la notion de caractère
héréditaire). Depuis l'avènement de la
biologie moléculaire comme science fédérative le
caractère héréditaire est associé
à l'information génétique, qui reste principale,
même si elle est modulée par les informations
cytoplasmiques et environnementales. On distingue alors:
* les caractères simples pour lesquels l'information
génétique permet à elle seule de décrire
correctement la transmission héréditaire de ces
caractères;
* et les caractères héréditaires
complexes nécessitent d'autres types d'information que la
seule information génétique.
Au contraire, on peut mettre l'accent sur le fait que le terme de caractère possède plusieurs sens en biologie mais tous sont un moyen de désigner la variation ou les différences entre individus (le terme de caractère désigne en français un élément d'une écriture, une marque ou signe distinctif d'un individu). On parlera alors de caractère classificatoire pour désigner les caractéristiques d'un individu qui font qu'on peut le classer dans tel ou tel groupe.
Bien sûr, la biologie moléculaire du gène se
présente comme vision unificatrice.
En voici quelques éléments de raisonnement
simplifiés:
* les espèces sont les seules divisions naturelles du vivant
et une espèce est définie par un pool de
gènes
* les seules classifications modernes sont les phylogénies et
l'évolution des espèces résulte de
l'évolution des gènes
* la transmission des gènes explique à la fois la
transmission des caractères héréditaires au
cours d'une génération mais aussi au cours de
l'évolution et donc les mécanismes évolutifs
sont génétiques.
Ces affirmations sont peut-être un peu caricaturales mais
elles expriment la théorie unificatrice sous-jacente. Elles
peuvent être critiquées une à une.
* la définition de l'espèce (population d'individus
semblables, interféconde, et occupant une niche
écologique) est ouverte à des interprétations
autres que des celles issues de mécanismes
génétiques. Une étude de spéciation
à l'aide de la génétique est riche mais
n'épuise pas le sujet.
* les classifications évolutives utilisent les
caractères des fossiles, seuls à nous donner des
indications sur le temps. La génétique ne peut
s'appliquer aux fossiles qui sont du ressort de la science
paléontologique qui n'est pas expérimentale.
* les mécanismes héréditaires sont ceux de la
transmission stable des caractères de l'espèce et aussi
ceux de la variation nécessaire à l'évolution:
l'hérédité chromosomique n'est pas la seule
théorie, comme nous le verrons dans le
cours de terminale.
Certains caractères sont associés à des
allèles et sous contrôle principalement de l'information
génétique (voir ci-dessous). D'autres caractères
sont sous le contrôle de l'information cytoplasmique. D'autres
caractères sont sous le contrôle principal de
l'information extracellulaire (environnemental par exemple).
Un caractère énoncé au niveau comportemental est
évidemment beaucoup plus difficile à relier à
une information génétique qu'un caractère
biochimique. Certains biologistes sont persuadés que la
composante génétique est principale pour tous les
caractères et recherchent des "gènes du comportement",
ce qui me paraît vain.
On notera que les caractères sont définis pour des
individus (organisme entier). Pour un unicellulaire la relation entre
les trois types d'information (génétique, cytoplasmique
et extracellulaire) est assez facile à mettre en place alors
que pour un pluricellulaire (champignons, plantes ou animaux)
l'expression de chaque type d'information peut être
différente dans différentes populations
cellulaires.
Un caractère peut aussi bien reposer sur une information principalement génétique que sur une information cytoplasmique (mémoire cytoplasmique) ou environnementale (comportement ?), ce qui le différencie du phénotype toujours lié principalement à l'information génétique (voir ci-dessus: en effet les caractères ne seraient toujours phénotypiques que si l'information génétique dominait toute interprétation du vivant...). |
Cette définition est voisine de celle de Lamarck: «un ensemble» ou «une collection d'individus semblables ou presque semblables», «qui furent produits par d'autres individus pareils à eux» (La naissance du transformisme, Lamarck, entre Linné et Darwin, Goulven LAURENT, Collection inflexions, Vuibert/Adapt, 2001, p 19).
Même si actuellement la notion d'espèce est sujette à de nombreux débats, la définition de Mayr de 1989 semble être la plus utilisée, au moins dans l'enseignement: « une espèce est une communauté reproductive de populations (reproductivement isolée d'autres communautés) qui occupe une niche particulière dans la nature » (Mayr, 1989, cité dans l'article "A propos de la notion d'espèce", Louis Allano et Alex Clamens, Biologie-Géologie (Bulletin de l'APBG), n°3-1996, 471-472 ); la notion de niche écologique la plus utilisée actuellement est celle de Hutchinson (1957) : «ensemble des conditions dans lesquelles vit et se perpétue la population».
Si l'on ne considère qu'une hérédité
génétique (tous les caractères
-héréditaires- , simples ou complexes, sont dus, avant
tout, à des gènes hérités des parents)
les caractères de l'espèce, qui est une notion
basée sur une communauté reproductive, sont alors
considérés comme un ensemble de gènes (on dit,
comme en anglais, "pool" de gènes). La barrière
reproductive - c'est ainsi que l'on nomme les éléments
assurant l'isolement reproducteur d'une population - avec les autres
espèces est alors génétique. On a alors une
définition génétique de l'espèce
= ensemble d'individus porteurs d'un pool
génétique particulier et isolé
génétiquement des autres populations.
On peut aussi admettre, comme cela me semble plus que
légitime, que l'hérédité comporte
d'autres facteurs, matériels ou non, que les facteurs
génétiques. Par exemple le cytoplasme, que l'on
découvre comme étant de plus en plus structuré
et donc qui transmet une information de type cytoplasmique qui ne se
réduit pas à une composition chimique mais est une
organisation dans l'espace (voir la page sur la
cellule. On peut aussi citer la transmission
héréditaire par apprentissage des parents aux
jeunes.
L'espèce est un problème qui dépasse le cadre strict de la biologie, surtout si on veut aussi englober les espèces paléontologiques (voir ancien cours de terminale, partie d3 du chapitre 4 sur les phylogénies).