Nourrir l'humanité - En jachère définitive





À quelques années de la retraite, je m'étais décidé à tenter de rédiger un cours sur cette question qui ne touche la biologie que de façon tangentielle tant la compréhension de la nutrition nécessite une approche originale. J'ai déjà tenté dans une page générale sur la nutrition des organismes (ancien cours de spécialité) d'intégrer quelques modèles de René Thom. Il s'agit ici non seulement d'utiliser ces modèles, mais aussi d'intégrer la notion de développement durable dans ce qu'elle a de particulièrement novateur et prometteur, sans oublier des concepts plus modernes comme celui de la permaculture humaine ou de la transition écologique. Il a aussi fallu attendre de m'engager personnellement dans cette voie d'une alimentation saine pour que je puisse en parler en connaissance de cause.
Cité dans tous les programmes de SVT de cette décennie, le thème global "nourrir l'humanité" est trop ambitieux pour un enseignant de SVT. Pour les domaines où je n'écris qu'en tant qu'invité, je citerai le plus possible les sources.

panorama, cours 1eS



 

Plan : Annexes:
1 - La permaculture humaine
2 - Le régime Seignalet section vide






Sources :
Pour les chiffres et statistiques : http://www.fao.org/faostat/fr/#data/OA
Le charme discret de l'intestin: tout sur un organe mal aimé, Guilia Enders, Actes Sud, 2014 - Un petit ouvrage agréable à lire et grâce auquel j'ai appris de nombreuses choses indispensables.
L'homme microbiotique, Patrice Debré, Odile Jacob, 2015 - des centaines d'anecdotes et des références
Structure des aliments et effets nutritionnels, A. Fardet, I. Souchon, D. Dupont coord., Quae, 2013 : un livre d'articles de spécialistes avec beaucoup de références bibliographiques, mais finalement peu d'éléments exploitables du fait de la trop grande généralité des concepts et de la  forte technicité des exemples (cela montre bien que les recherches sur les aliments sont davantage tournées vers l'industrie agro-alimentaire que vers les sciences du vivant et la physiologie humaine).
Permaculture humaine, Des clés pour vivre la Transition, Bernard Alonso et Cécile Guichon, Editions écosociété, 2016 : une excellente introduction https://www.universitetransition.org/permaculture-humaine-cles-vivre-transition/
http://www.permacultureinternationale.org






Distinction liminaire "animal" / "végétal" ou plutôt "Animaux" / "Plantes" :

La classification du monde vivant qui sépare les végétaux et les animaux est extrêmement ancienne.
Sans faire une étude historique de ce mot, on peut seulement noter qu'Aristote opposait déjà les animaux aux autres êtres vivants, dont les végétaux caractérisés par leur semence, ce qui les identifie aux plantes à graines (Spermaphytes).
Dans son effort sans précédent de dénomination et de classification Linné distinguait classiquement les regna tria naturae - les trois royaumes de la nature- regnum lapideum, regnum vegetabile et regnum animale (le royaume des pierres, le royaume des végétaux et le royaume des animaux). Le terme latin regnum a perdu progressivement sa signification de royaume et a été malheureusement traduit par règne (voir le texte de Lucien Baillaud: http://sfbt.math.cnrs.fr/fr/sfbt/org/baillaud.html); il est incontestablement plus clair de parler de royaumes (kingdom en anglais, reino en espagnol et Reich en allemand) car cela permet notamment des changements de souveraineté dont nous laisserons l'initiative aux spécialistes.

Ces distinctions, du moins pour ce qui concerne l'aspect classificatoire, ne sont plus guère pertinentes aujourd'hui du fait de l'adoption d'une classification phylogénétique en perpétuel changement au gré des découvertes. Les animaux forment peut-être le groupe qui est le plus homogène (équivalent à Métazoaires) et qui a été rapproché des champigons (Mycètes) au sein des Opisthocontes. De l'autre côté, les Plantes restent un groupe classificatoire valable que l'on peut assimiler aux végétaux au sens moderne courant. Les nombreux organismes unicellulaires sont tous éclatés dans des groupes séparés pour lesquels la division animal/végétal n'a plus aucun sens. Chaque fois que cela est possible, il faut donc utiliser les mots "Plantes" et "Animaux" plutôt que "végétaux" et "animaux"; les majuscules signifiant qu'il s'agit d'un groupe classificatoire.
Cependant cette distinction animal/végétal peut s'avérer utile pour des domaines non strictement scientifiques et la philosophie n'a pas renoncé à l'utiliser.



extrait de l'ouvrage consultable sur Gallica-BNF, tome 1 (partie 1), p 5, 12ème édition de Systema Naturae, 1766













1 - SE NOURRIR

Une évaluation moderne des besoins à la lumière de nouvelles connaissances théoriques et physiologiques

1.1 - Nous sommes des allotrophes (hétérotrophes) : se nourrir est un acte social et nous pouvons choisir nos aliments parmi tous les êtres vivants


1.1.1 - Deviens ce que tu manges : un peu de biologie théorique

L'allotrophie est le fait de se nourrir des autres êtres vivants (du grec "allo" = les autres et du grec "trophein"= se nourrir)


Le lacet de prédation de René Thom.

Pour l'homme, se nourrir c'est assimiler les autres. L'homme se nourrit "des autres". On dit qu'il est "allotrophe" - la racine allo = autres, est à mon avis préférable à hétéro = qui signifie plutôt différent. Se nourrissant d'autres êtres vivants -vivants ou morts - c'est un prédateur au sens où toute nourriture devient une proie à capturer et à assimiler par la digestion.

René Thom affirme "le prédateur affamé est sa proie"; voir la notion de lacet de prédation (voir illustration ci-contre) dans l'œuvre de Thom; voir aussi Les chemins du sens à travers les sciences, AL, [1984, 9. 3] (1984f9.pdf); auquel on peut aussi ajouter le travail de Philippe LACORRE, Sur un nouveau type de représentation catastrophiste pour les modélisations en biologie et sciences cognitive, Intellectica, 1997/1, 24, pp. 109-140).
La nutrition allotrophe est une catastrophe de capture: deux actants, le prédateur et la proie, n'en font plus qu'un, à la fin de l'action. Il y a ici le cycle fondamental d'un retour à un niveau stable, antérieur à la capture et à l'assimilation (1967f8.pdf, p3s).

La nutrition est la satisfaction d'un besoin. Un manque de nourriture ou d'eau est une instabilité. La fonction de nutrition globale peut être approchée, localement (par exemple au niveau d'une cellule), par un potentiel et l'acte de se nourrir-boire par le retour du système à une valeur minimale du potentiel. La nutrition est toujours accomplie lorsque l'organisme minimise son potentiel.
Le travail de nutrition assure le maintien (la stabilité) de la forme de l'organisme (structure et dynamique).

La stabilité est une des caractéristiques des dynamiques du vivant. Ce n'est pas le système vivant qui est stable (ou immobile) mais sa dynamique, c'est-à-dire ses fonctions. On dit encore que l'organisme est en équilibre dynamique (qu'il fonctionne), ce qui est le propre d'un système en homéostase. Ce terme vient du grec homéo (ou homo = identique) et stase qui signifie position. La propriété d'un système en homéostase est l'homéostasie. Un système homéostatique est un système qui est stable face à de petites perturbations.


Le lacet de prédation par René Thom (figures extraites de Stabilité Structurelle et Morphogénèse : essai d'une théorie générale des modèles, 1967); Fig 13-1 : le chat mange la souris : catastrophe de capture, Fig 13-2 et 13-3 : projection de la fronce dans le plan (u, v); Fig13-4 : surface F de la fronce de capture ; Fig 13-5 : projection du lacet de prédation dans le plan (a, b) ou (u,v). (Je recommande aussi la représentation de P. Lacorre, Sur un nouveau type de représentation catastrophiste pour les modélisations en biologie et sciences cognitives, Intellectica, 24, 1997/1)

Afin de déterminer le déploiement d'une fonction dans l'espace de régulation il faut s'intéresser à la topologie de la surface de catastrophe, c'est-à-dire le lieu où "il se passe quelque chose". En chaque point de cette surface, la dynamique est sous-tendue, dans la théorie des catastrophes, par un conflit entre attracteurs. Il faut noter cependant que l'on ne peut pas connaître la morphologie de toute la surface étant donné la complexité du vivant et l'indéterminisme associé (certains attracteurs étranges peuvent ne pas être formalisables). On se contente donc de quelques cas simples où la dynamique peut être formalisée.

Dans la catastrophe de nutrition, la partie digestive correspond aux grandes valeurs de u (partie à variation lente où il n'existe qu'un seul et unique attracteur). La digestion est une assimilation de la proie par le prédateur. C'est le devenir de toute nourriture : participer à la matière et à l'énergie du prédateur-consommateur.


Le flux des nutriments entrant dans le milieu intérieur correspond à une dynamique de capture alors qu'un flux sortant correspond à une dynamique de rejet; ces deux dynamiques pourraient correspondent à une catastrophe unique de type fronce qui correspond à la bifurcation d'un attracteur unique (flux net nul ou de référence) en deux attracteurs (chaque minimum stable du potentiel standard est relié à un attracteur, voir ici et  pour le vocabulaire). La fronce est la catastrophe probablement la plus courante pour laquelle quelques applications en biologie ont déjà été présentées (voir page sur les modèles et article d'Ivar Ekeland) : cycle cardiaque, action enzymatique...

Dans la formulation thomienne x désigne le flux, c'est la variable de sortie. Les paramètres de contrôle u, v et w du potentiel standard de la forme F(x) = x4 + u x2 + v x + w doivent donc de préférence refléter l'aspect continu de la nutrition (voir page CTmodel pou des applets et des graphiques). w est inopérant sur la dynamique (il ne modifie que la valeur du potentiel) et ne sera pas considéré.

 


Ensemble de bifurcation de F (équation D(a,b)=0) et sections particulières de F(x,u,v) (cercles) où x prend des valeurs critiques (u =2a et v =4b) - voir page sur les modèles


Pour étudier ce potentiel, on représente habituellement la surface des points singuliers (où critiques) de F où le potentiel présente un minimum stable (ensemble des points où dF/dx = 0). C'est une équation algébrique du troisième degré 4x3+2ux+v = 0 ou x3+ ax+b = 0 (avec a=u/2 et b=v/4) qui possède au moins une racine réelle et au plus trois racines réelles selon la valeur du discriminant D (D=4a3+27b2). Si D < 0, il y a trois racines réelles distinctes, pour D > 0, il n'y a qu'une racine réelle (et deux complexes conjuguées) et pour D = 0, il y a trois racines réelles, mais certaines coïncident (pour D = 0 et a Ç 0 ou b Ç 0, deux racines réelles sont égales et pour D = 0 et a = b = 0, les racines sont toutes trois égales).

Le graphe correspondant à l'équation D(a,b)=0 dans le plan (a,b) est appelé "ensemble de bifurcation" de F. C'est l'ensemble des points (du plan (a,b)) où les "choses changent"; là où la stabilité de F "bifurque" en présentant un ou deux ou trois points de stabilité: ce sont des points de conflit entre régimes stables reliés mathématiquement à des attracteurs (chaque minimum stable est relié à un attracteur). L'ensemble des points de catastrophe est défini qualitativement par l'ensemble des points de conflit entre attracteurs. C'est sa forme qui donne le nom à la catastrophe, ici la fronce.

Une fronce (cusp) dans l'espace (x, a, b) dessinée par l'ensemble des points de catastrophe de la catastrophe élémentaire associée au potentiel standard F = x4 + ux2 + vx


« Proposition [de P. Lacorre] pour une nouvelle représentation du lacet de prédation, dans le repère traditionnel (u,v). Les organes du tube digestif du prédateur sont ajoutés en italiques, comme indicateurs approximatifs de la progression de la proie dans l’organisme du prédateur. Les formes de potentiels pour les points de la trajectoire sont données à la figure suivante.  P. Lacorre, Sur un nouveau type de représentation catastrophiste pour les modélisations en biologie et sciences cognitives, Intellectica, 24, 1997/1) (figures 5 et 6)


Comme figure précédente, mais dans le nouveau repère de contrôle (a,c). Les potentiels globaux (traits pleins) et composants (prédateur = tirets, proie = pointillés) sont montrés pour une sélection de points le long de la trajectoire. Au niveau psychique (resp. biologique), les potentiels composants représentent la self-prégnance (resp. prégnance vitale) du prédateur et l’alter-ego-prégnance (resp. prégnance vitale de la proie, ou prégnance alimentaire). L’étoile matérialise l’attracteur inoccupé, tandis que les saillances du prédateur et de la proie sont représentées par les cercles plein et vide, respectivement.»


CONSÉQUENCES
Ces nouvelles interprétations de biologie théorique tendent à formaliser la fonction de nutrition de façon plus mathématique sans avoir peur - comme ont pu le faire avec efficacité les physiciens avec la notion de force par exemple - de parler de champ de nutrition. Les champs pourraient être rapprochés des prégnances de René Thom.

La salade est ma proie....
Tout être vivant allotrophe déploie donc un champ de nutrition qui s'identifie à la proie et lui permet de l'assimiler. Il y a une profonde similitude entre la proie et le prédateur. Nous avons à nous approprier notre nourriture qui ne doit pas seulement être regardée comme un composé chimique plus ou moins complexe, plus ou moins toxique et plus ou moins nourrissant, mais bien regarder notre proie comme un être vivant que nous allons assimiler, "faire nous-même" (du latin "similis"=semblable).

Que les âmes sensibles se rassurent, lorsque la proie est en cours d'assimilation,  elle se dirige vers l'attracteur commun qui unit le prédateur et sa proie. Ce que certains pourraient confondre avec un acte violent n'est qu'une pente douce vers l'assimilation. Cette assimilation permet la croissance. Nous grandissons en nous nourrissant des autres.

Remarque:
Pour les êtres vivants autotrophes, le rapport à la nourriture est totalement différent puisqu'ils se nourissent "eux-mêmes" (auto-trophes) et non pas "des autres". Ils vivent dans leur nourriture-boisson qui est formée de lumière, d'air et d'eau, qu'ils captent ou plutôt qui les pénètre ou traverse et permets ainsi leur croissance. Voir par exemple les pages sur la nutrition de terminale spécialité.



1.1.2 - Une fois les aliments toxiques éliminés,  les limites d'acceptabilité des aliments sont sociales et culturelles, voire religieuses.








Des comportements alimentaires et des choix de vie discutables.
Est-il préférable d'être végétarien ? A-t-on vraiment besoin de consommer de la viande ? Les laitages sont-ils toxiques à partir d'un certain âge ?
  Ce n'est pas le lieu pour discuter ces questions. Un des dangers consiste à mettre sur le même plan toutes ces tendances alors qu'un interdit religieux n'a pas la même valeur qu'une sensibilité au bien être animal ou un choix personnel d'alimentation à partir de végétaux (autotrophes).
Les réponses sont en nous, mais sortent du champ de la biologie.

Quelques pistes : "végétarianisme", "végétalisme", "véganisme", et tout plein de mots empruntés à d'autres domaines comme "welfarisme", "spécisme", "abolitionnisme", "flexitarisme-flexitarien", "pescevégétarien"... Chacun va bientôt trouver un mot original pour désigner ses propres préférences, alors que la biologie nous unit.
Une série de 16 fiches réalisées pour le ministère de l'agriculture et de l'alimentation : http://agriculture.gouv.fr/16-fiches-pour-mieux-apprehender-les-comportements-alimentaires-de-2025  qui n'évite cependant pas le danger du traitement indifférencié, alors que la raison est notre outil pour hiérarchiser nos pensées.

1.2 - Nous hébergeons et nourrissons un microbiote intestinal qui comprend plus de bactéries et de levures symbiotiques que la totalité de nos propres cellules.

Un microbiote est un ensemble d'êtres vivants microscopiques qui vivent en symbiose avec un autre être vivant.

L'homme comprend un microbiote intestinal et des microbiotes associés à toutes ses muqueuses (zones en contact avec le milieu extérieur) et orifices; peau, nez, trachée, bronches, vagin.... L'ancien mot pour désigner un microbiote était "flore" car il est composé principalement de bactéries qui étaient classées dans les végétaux.

Le microbiote intestinal  - le plus riche en espèces et en nombres d'organismes de tous les microbiotes humains - comprend les trois grands groupes d'organismes du vivant : des procaryotes de types Eubactéries et Archées  et des Eucaryotes (principalement des levures).
Les virus, même s'ils ne sont pas vivants, sont extrêmement nombreux au sein du microbiote.

De nombreuses souches passent par notre intestin, mais peu s’y acclimatent.
80% sont des firmicutes (dont staphylocoques, streptocoques, Lactobacillus…) et des Bactéroïdes (souvent anaérobies et cependant résistantes à la pénicilline). Les 20% restant sont surtout des Actinobacteria et des Proteobacteria.
Les 2/3 des espèces sont spécifiques à chaque individu.
En 2010, fût publiée la première étude métagénomique du microbiome humain à partir des selles de 124 sujets européens avec reconnaissance de 3 millions de séquences (The human microbiome project consortium, Nature 2012, 486, 207-214 et 215-221). On n’hésite pas à parler de superorganisme.

« Il y a plus d’animaux qui s’accumulent sur les dents de chacun de nous que d’êtres vivants dans tous le royaume, en particulier chez ceux qui ne se lavent jamais les dents » Antoni Von Leeuwenhoeck en 1683 à partir d’un prélèvement de plaque dentaire.
 
100 milliards de bactéries dans 1g de selles, soit autant que de cellules dans notre cerveau ! La moitié de la matière des selles est constituée de bactéries.
Luther (vers 1540) était réputé consommer une cuillérée de ses propres selles chaque matin.
Le microbiome (aire de vie comprenant aussi le nez, trachée, bronches, vagin... et les 400 m2 de tractus digestif) est habité par plusieurs centaines de milliards d'organismes et autant de virus.
Les bactéries du microbiote nous fournissent 10% de nos nutriments et autres substances absorbées (contre 90% en provenance directe des aliments).







Il existe plusieurs types de microbiotes intestinaux - que l'on considère comme fixés vers l'âge de 3 ans - qui déterminent grandement nos préférences alimentaires - à moins que cela soit l'inverse. Notre microbiote est pour une grande part hérité de celui de notre mère qui nous l'a transmis lors de l'accouchement* et dépend ensuite de l'allaitement**. La question est de savoir si nous sommes déterminés ou conditionnés par ce microbiote qui nous convient ou s'il nous est possible d'en changer afin de changer de notre alimentation.
Des expériences sur des organismes gnotobiotiques (dont le microbiote est contrôlé) au laboratoire d'écologie microbienne de l'INRA semblent prometteuses et indiquer que l'on peut contrôler son microbiote par des choix alimentaires.
Il est cependant probable que le microbiote puisse influer sur nos désirs alimentaires par le biais d'aa comme la tyrosine ou le tryptophane capables de favoriser la synthèse de neurotransmetteurs cérébraux comme la dopamine ou la sérotonine intervenant sur l'appétit et la sensation de satiété. Nos bactéries seraient capables de nous faire ressentir du plaisir et du désir face à des aliments qui leur conviennent.

Remarques :
*chez les enfants nés par césarienne, le microbiote intestinal mis en place se fait de façon plus hétérogène avec des provenances variées en fonction des personnes qui touchent le nouveau-né et de son environnement. Mais l'hérédité reste déterminante puisque c'est bien la mère qui est la personne la plus souvent au contact de son enfant.
Les bactéries aérobies ou aérotolérantes dominent d’abord, puis une fois le dioxygène intestinal consommé, les anaérobies s’installent (surtout les « bifides », bactéries lactiques formant la « flore bleue » d’Henti Tissier qui les a décrits le premier (1866-1926). Les bactéries semblent sélectionnées d’une part par leur aptitude à se fixer aux sucres du glycocalix des entérocytes et d’autre part grâce à leur capacité à échanger des molécules agissant sur les gènes avec ces mêmes cellules afin de leur faire produire des sucres et d’autres substances qui favoriseront l’installation d’un milieu favorable. Les bactéries du microbiote et les cellules intestinales de l’hôte réalisent en quelque sorte une coadaptation très rapide. Les gènes de cette adaptation sont considérés comme le résultat d’une coévolution. Pourquoi ne pas envisager que les échanges de gènes ont encore lieu à chaque fois ?
** Le lait maternel est extrêmement riche en sucres variés (une trentaine qui dépendant de la mère et des conditions physiologiques) alors que le lait de vache n’en contient que quelques-uns. Ces sucres variés sont appellés facteurs bifides car ils favorisent l’implantation des bactéries bifides. Un retard de développement chez les enfants nourris au lait de vache non « maternisé » pourrait survenir. Les bactéries lactiques, en acidifiant le milieu protègent aussi l’enfant de bactéries pathogènes. Chez les prématurés et nouveau-nés traités par des antibiotiques on observe l’implantation d’un microbiote adhérent avec de nombreux micro-organismes pathogènes.


D'après Giulia Enders (p 224ss), il existe - peut-être et au moins - 3 entérotypes :
- Le groupe à Bacteroïdes dominantes : ces bactéries capables de très nombreuses réactions enzymatiques favorisent aussi bien l'assimilation des sucres que des acides gras ou des protéines. C'est le groupe dominant des amateurs de charcutaille et autres mets carnés. Les bactéries de ce groupe fournissent notamment l'organisme en vitamine nommée biotine.
- Le groupe à Prevotella : cette bactérie est la plus fréquente chez ceux qui sont attirés par une alimentation végétarienne, même si ces bactéries sont présentes dans tous les groupes. Elles sont souvent accompagnées de bactéries du genre Desulfovibrio. La vitamine spécifique de ce groupe est la thiamine (viatmine B1).
- Le groupe à Ruminococcus : ce groupe reste controversé et il pourrait être scindé en plusieurs autres. Ces bactéries consommeraient surtout les sucres des parois végétales et produiraient notamment l'héme qui est le groupe prosthétique de l'hémoglobine.

Le microbiote intestinal possède d'abord un rôle complémentaire à la nutrition au niveau du gros intestin où le processus digestif de nos enzymes propres est pratiquement terminé. Les organismes du microbiote consomment donc les déchets c'est-à-dire les nombreuses molécules délaissées par les enzymes digestives. Elles libèrent ainsi de nouvelles molécules qui sont :
- soit des nutriments (la cellulose des parois végétales est par exemple dégradée par le groupe des bactéries du genre Ruminococcus, alors que l'homme ne possède aucune enzyme de type cellulase capable d'hydrolyser la cellulose et libérer ainsi les glucoses dont elle est constituée),
- soit des vitamines (vitamine K et B12), soit d'autres types de substances bénéfiques qui sont toutes absorbées par la paroi intestinale et qui donc profitent directement à l'hôte humain.
De nombreux sucres et peptides, mal digérés par les enzymes digestives et parfois très toxiques, sont scindés en oses ou, respectivement, en plus petits peptides ou en aa par les bactéries. Certains aa indispensables (que l'homme ne peut pas synthétiser) sont directement synthétisés par des bactéries.
Remarque : les transformations observées dans les fermentations lactiques des aliments (choucroute...) montrent ainsi combien les fermentations bactériennes favorisent la production de substances nutritives et vitamines que l'aliment seul n'aurait pas fourni.

Il existe un important transfert de gènes entre les bactéries du microbiote et les cellules intestinales. En fait, on sait même - grâce à des suivis par fluorescence - que des bactéries du microbiote sont susceptibles de passer la paroi intestinale et d'aller délivrer leurs gènes à des cellules plus éloignées comme les cellules adipeuses ou les hépatocytes. De nombreux mécanismes immunitaires sont impliqués.
On a pu transférer l'obésité d'une lignée de souris à une autre lignée par l'intermédiaire du microbiote. On a retrouvé certains gènes bactériens - considérés comme caractéristiques de l'obésité - dans la nouvelle lignée obèse.
Conséquence principale : nous devons prendre soin du microbiote intestinal. C'est-à-dire qu'une alimentation équilibrée pour l'homme n'est pas seulement celle qui convient à ses propres cellules, mais aussi et d'abord une alimentation qui convient aux hôtes de notre intestin qui ont sans aucun doute évolué avec nous.













1.3 - Les bilans nutritionnels ne doivent pas seulement prendre en compte l'aspect chimique, mais considérer l'aliment comme un tout.

On a commencé à travailler sur les matrices alimentaires. Ce n'est qu'un point de départ, car le travail a surtout été réalisé dans des buts industriels afin de proposer des aliments avec des textures de plus en plus appétantes.













1.4 - L'appareil digestif est notre interface avec le milieu extérieur que nous assimilons : il comporte des éléments nerveux et immunitaires majeurs mal connus. 

Au sein des fonctions de relations l'appareil digestif comprend deux volets encore mal connus : sa composante nerveuse et sa composante immunitaire.
L'intestin, deuxième cerveau.







2 - PRODUIRE

(Quelques pistes sur les nouvelles techniques de production végétale et animale et leur évaluation scientifique (écologique...))

De nombreux auteurs ont dénoncé l'imaginaire véhiculé par l'utilisation des mots "exploitation agricole" qui sous-entendrait le fait d'exploiter la nature et le vivant. Du point de vue étymologique, l'exploitation vient du latin explicitare qui signifie déployer, développer. Le terme exploitation n'a donc pas forcément une connotation de violence faite à la nature. Ils lui préfèrent les appellations de "ferme" (qui viendrait de l'ancien français signifiant "fixer fermement", et qui se référerait donc aux droits du "fermier" par rapport au seigneur et autres propriétaires), étymologie qui n'est guère satisfaisante si l'on désire mettre en avant la nature,  ou encore "domaine agricole" (du latin "agri"=champ et "colere"=prendre soin, qui est donc une étymologie "neutre").

Un écosystème est un groupement d'êtres vivants (formant une biocénose) vivant dans un milieu de vie (ou biotope).
Par analogie, on parle d'agrosystème, écosystème agricole (artificiel au sens étymologie d'ars, artis = art et facere, factus= faire, fait, donc fait de main d'homme), où l'homme apporte des éléments nutritifs (engrais) ou des soins particuliers (les intrants),
cultive ou élève certains organismes et prélève des organismes pour les consommer (les extrants).



écosystème = biotope + biocénose


La démarche actuelle "environnementale " exige que l'on mesure le rendement d'un agrosystème non pas uniquement en comparant les importations artificielles aux exportations artificielles, sans se préoccuper des éléments fournis "gratuitement" par la nature, mais bien en essayant de dresser un bilan global, notamment en termes de surexploitation des richesses du sol ou en termes de pollution de l'environnement. Le respect de l'environnement n'est pas un luxe. Il s'agit sans aucun doute ici d'une bonne mondialisation, celle des responsabilités.
Pour les consommateurs européens, à cette démarche environnementale, qui peut être solidaire, s'ajoute une exigence de sécurité alimentaire (au sens d'inoffensif pour la santé).
Plus l'agrosystème modifie l'écosystème naturel plus le rendement productif est élevé (extrants-intrants) mais plus la biodiversité spécifique (nombre d'espèces vivant dans le biotope) est réduite, ce qui peut induire des dangers en cas d'épidémie (si l'espèce dominante est atteinte, toute la biocénose s'effondre).
Pour augmenter les rendements, on procède aussi à des sélections d'espèces performantes et, depuis la fin du XXème siècle à la culture d'espèces génétiquement modifiées (OGM) dont les gènes artificiellement ajoutés (gènes de résistance à un ravageur, gènes intervenant dans la diminution de la taille de la tige et donc limitant la verse des céréales;..) se sont répandus dans la nature.

La production agricole, tant végétale qu'animale (voir ci-dessus pour ces mots) a pour but de produire de la nourriture pour l'homme.
On ne peut pas inclure dans la production agricole ni l'exploitation forestière (que le bois serve à se chauffer ou à produire divers biens ou éléments de l'habitat...), ni l'exploitation de champs de céréales en vue de la production de bioéthanol et autres dérivés combustibles.

On peut aller nettement plus loin dans la démarche écologique et s’impliquer dans l’agroécologie (une agriculture refuse la société industrialisée et consommatrice) ou la permaculture (qui prône de laisser le plus possible la place à la nature). Voir le film « Demain".
Depuis juin 2007 nous avons en France un ministère du développement durable au carrefour de l'écologie (science de l'"habitat" des êtres vivants, mais qui est parfois confondue avec une politique environnementale alors que l'homme est au centre de l'écologie), du social (qui devrait être centré sur l'homme) et l'économique (de même). Tous ces niveaux étant plus ou moins récupérés par le politique (qui est au service du bien commun). D'une bonne idée, un peu complexe, on a fait le plus souvent un slogan.

























3- PRATIQUES

(Bases scientifiques éclairant certaines pratiques)




































Annexes

1 - La permaculture humaine

La permaculture humaine est une approche systémique qui permet de créer des écosystèmes viables en s'inspirant des lois de la nature


Constat : nous dépensons actuellement plus d'énergie que la terre n'en produit (et ne peut en reconstituer à l'échelle de notre vie)

La prise de conscience de la nécessité absolue d'un changement de comportement vis-à-vis des ressources de la nature est maintenant ancrée dans les pays européens et presque au niveau mondial, notamment au niveau des jeunes générations.

Corolaire :
nous sommes dans une période de TRANSITION ÉNERGÉTIQUE
(
un bon film qui présente la transition énergétique est le documentaire Demain - site internet www.demain-lefilm.com/enseignants).

Empreinte écologique : énergie consommée en "équivalent planète" si tous les habitants de la terre consommaient de la même manière.
(Pour calculer votre empreinte, voir par exemple: http://e-graine.org/calculer_son_empreinte/)
Remarque : cette notion d'empr
einte reste assez floue et les calculs sont assez discutables (voir par exemple une page du CNRS)


Quelques principes philosophiques de la permaculture humaine
- « La Terre est un bien commun (la Terre n'appartient pas à l'homme, mais l'homme à la Terre);
- la vie est abondante et généreuse;
- l'homme peut vivre et être heureux en harmonie avec la Terre;
- il est cocréateur du monde en perpétuelle évolution».


Projet : rendre les écosystèmes humains plus proches de la nature*
Le projet de la permaculture humaine est d'étendre à tous les aspects de la vie humaine la notion de permaculture en initiant des actions durables qui s'inspirent des écosystèmes naturels. Il s'agit ni plus ni moins que de changer le monde pour le rendre à nouveau écologique au sens d'équilibré et juste.
Pour atteindre ce but, les moyens proposés sont :
- multiplier les interactions entre les personnes
- produire plus d'énergie qu'on en consomme
- utiliser des outils les plus simples possibles (peu chers et faciles à réparer)
* à rapprocher du biomimétisme ou biomimicry en anglais.

La permaculture est une approche philosophique, un mouvement, qui consiste à laisser faire la nature (Attention ! Ce mot est très souvent mal compris en français car assimilé de façon réductrice à une technique agricole !). Le néologisme désigne une culture (du latin cultus = "dont on a pris soin") - tant dans son acception agricole que sociale, intellectuelle, artistique et même religieuse, "permanente" (du latin permanens = "qui demeure constamment") - au sens de durable. Un de ses premiers promoteurs à été le japonais Masanobu Fukuoka (La révolution d'un seul brin de paille : une introduction à l'agriculture sauvage, Guy Trédaniel Éditeur, 2015, original en japonais publié en 1975 à Tokyo et relatant plus de 25 années de recherche et d'essais). Le mouvement de la permaculture est maintenant mondial : http://www.permacultureinternationale.org.

Les 3 piliers de l'agir humain permaculturel sont :
- PRENDRE SOIN DE LA TERRE; du sol, des écosystèmes, de l'eau, de l'atmosphère, de la vie (à toutes ses étapes et y compris des créatures invisibles selon les croyances de chacun);
- PRENDRE SOIN DE L'HUMAIN; que chaque personne puisse grandir, évoluer, s'épanouir en conscience; que chacun ait accès à l'abondance de la vie; que le travail soit organisé pour causer le moins de peine possible et pour produire les biens nécessaires;
- PARTAGER ÉQUITABLEMENT LES RESSOURCES ET REDISTRIBUER LES SURPLUS ; sobriété, détachement, partage ...

2 - Le régime Seignalet

  Il y a 100 milliards de bactéries dans 1g de selles (autant de cellules que dans le cerveau, mais elles occupent un bien plus petit volume…).
La plus vieille description du microbiote buccal vient d’Antoni Von Leeuwenhoeck en 1683 à partir d’un pélévement de plaque dentaire : « Il y a plus d’animaux qui s’accumulent sur les dents de chacun de nous que d’êtres vivants dans tout le royaume, en particulier chez ceux qui ne se lavent jamais les dents ».
Les termes "microbiote humain" désignent l’ensemble des bactéries (eubactéries et archées) et des unicellulaires eucaryotes (principalement des mycètes (champignons) de type levures) qui vivent en association avec l’homme, quelque soit leur localisation.
Le microbiome (aire de vie comprenant aussi le nez, trachée, bronches, vagin... et les 400 m2 de tractus digestif) est habité par plusieurs centaines de milliards d'organismes et autant de virus.