Qu'est-ce qu'une cellule ?

Une cellule est un concept*.



Une cellule n'est pas un phénomène ou un mystère (comme la vie),
ni un problème (auquel on trouve des solutions).


Une cellule est l'unité de structure et l'unité de fonction de tout être vivant.


Le concept de cellule est un moyen commode qu'ont trouvé les scientifiques pour décrire la plus petite unité du vivant.


Le concept de cellule est un moyen commode qu'ont trouvé les scientifiques pour décrire la plus petite partie VIVANTE d'un organisme ou la plus petite structure VIVANTE (les molécules, organites et autres composants cellulaires ne sont pas vivants).

Structure de la cellule procaryote
Structure de la cellule eucaryote


une bien belle animation pour les 1èreS
voir aussi
http://www.cerimes.fr/e_ doc/cellule /cellule.htm


Derrière le concept de cellule il y a
- l'unité du vivant (tous les êtres vivants partagent la vie)
- et l'individualité (il n'existe que des individus (êtres) vivants : on ne touche pas du doigt une société, on la pense...)


* un concept est une construction logique qui permet de relier des connaissances (ici, des connaissances scientifiques): c'est une notion qui n'est pas figée mais qui évolue en fonction des découvertes.
Quelques exemples d'autres concepts non scientifiques : table, chaise, arbre, chien...


La théorie**
cellulaire


Toute cellule est issue d'une autre cellule (Dumortier, 1832; Remack, 1852; omnia cellula e cellula, Virchow, 1858).


Tout être vivant est composé de cellules et uniquement de cellules (Buffon, 1750...; Oken 1824; Schwann 1839).


Sources
La théorie cellulaire (Canguilhem) et Encyclopedia Universalis (EU)
http://www.pasteur.fr/recherche/unites/REG/causeries/dates_1800.html
La cellule


illustration Pezzettino, Leo Leonni


Remarque: il faut s'efforcer de ne pas employer "théorie" à la place de "concept" ou "hypothèse" ou "spéculation". Un concept n'est pas figé et évolue. Une théorie ou un paradigme doivent être figés. Un modèle qui évolue devrait changer de nom. Si certains résultats ne sont pas expliqués par une théorie (on dit qu'ils ne cadrent pas avec elle) ce sont des arguments contre cette théorie et non des éléments à inclure dans la théorie.


** Une théorie est un ensemble (± figé***) d'explications à la lumière desquelles on interprète les données expérimentales ; on utilise actuellement plutôt les mots de paradigme (d'après Kuhn, en insistant sur l'aspect social (consensuel) et provisoire) ou de modèle (en insistant sur l'aspect construit par l'homme ou hypothétique-spéculatif).

*** Mais.... la théorie cellulaire représente un cas un peu à part de théorie car elle repose sur un concept (celui de cellule) qui peut évoluer dans le temps et donc la théorie n'est pas vraiment figée.

**** Je précise bien qu'à mon sens il ne s'agit pas de dire que la théorie est vraie ou fausse. Une théorie n'est qu'un ensemble d'explications qui convient ou ne convient pas pour décrire tel phénomène. Une théorie ayant trop de cas où elle ne peut être utilisée est abandonnée. Une théorie ne peut pas être prouvée mais est argumentée. Si les arguments "pour" l'emportent sur les arguments "contre", elle est adoptée ... provisoirement.



quelques données HISTORIQUES... glanées ici et là et données sans la caution d'un historien...

L'origine du nom


le cellule d'un chartreux


cellula = la petite chambre (des moines) en latin

http://cell.sio2.be/introduction/1.php
http://www.cerimes.fr/e_doc/cellule/cellule.htm (voir un peu d'histoire)
EU (microscopie)


Robert Hooke, homme de science, décrit dans Micrographia (1665) un certains nombre d'objets naturels dont un fragment de liège (le liège ou suber n'est qu'un tissu mort , aux parois subérifiées (recouvertes de couches d'un produit complexe imperméable contenant des acides gras) et dont les vides sont remplis par de l'air. Il nomme cellules les petites cavités.




Les premières observations de Galilée en 1615 sont réalisées avec deux lentilles montées. Les observations de Hooke dès 1660 sont faites avec un microscope très peu perfectionné. Mais, habituellement, le premier microscope suffisamment perfectionné, bien que "simple", est attribué à Antonie Von Leeuwenhoek ou à Zacharias Jansen selon les auteurs et daté de 1690 environ.

Des premiers microscopes ... aux multiples observations


Comme souvent les techniques et les connaissances scientifiques (ici principalement des observations) ont progressé ensemble. Des observateurs talentueux ont perfectionné leurs outils.

La théorisation n'est venue qu'ensuite, une fois la moisson de données suffisante, non pas que la théorie procède des faits mais parce que les faits permettent de choisir (et d'adapter) des théories préexistantes. Selon le mot de Canguilhem : «les théories ne procèdent que des théories. antérieures, souvent très anciennes».


Antonie Von Leeuwenhoek , un drapier intéressé par la science, perfectionne ses compte-fils, observe et dessine de nombreux micro-organismes (dans les années 1660) et des spermatozoïdes (vers 1677). Ses microscopes sont de toute petite taille et sont représentés dans de nombreux ouvrages (http://cell.sio2.be/introduction/images/microleeuw.jpg). Ce sont des «microscopes simples», constitués d'un petit globule de verre (de 6 à 7 mm de diamètre) inséré dans une platine métallique de quelques centimètres carrés. L'objet est placé au sommet d'une tige que l'on déplace grâce à une vis à crémaillère. L'ensemble est porté devant l'œil et permet des grossissements de l'ordre d'une centaine de fois.


Robert Hooke utilise à partir de 1660 un microscope de son invention représenté sur de nombreux ouvrages (http://cell.sio2.be/introduction/images/hookscop.jpg). Il peut paraître plus perfectionné que les premiers microscopes de Leueuwenhoek : ce n'est plus un microscope simple mais un microscope composé, constitué d'un objectif et d'un oculaire, montés aux extrémités d'un tube dressé sur un socle. Cependant ces microscopes donnaient des images très déformées du fait notamment de ce que l'on appelle l'aberration chromatique (une distorsion des images due à la composition de la lumière par plusieurs longueurs d'onde); auxquelles s'ajoutaient d'autres déformations du fait de l'usage de deux lentilles.




L'étude des cellules est devenue une branche de la biologie : la cytologie.

Des querelles sur la paternité d'une théorie


Schwann et Shleiden (1939)

Il est d'usage d'attribuer à T. S. Schwann (1839), un zoologiste, la paternité du premier énoncé de la théorie cellulaire ou tout au moins l'emploi du mot: « il existe un principe général pour la production de tous les corps organiques, et que ce principe est la formation de cellules, aussi bien que les conclusions qu'on peut tirer de cette proposition, peut être compris sous le terme de théorie cellulaire» (Mikroskopische Untersuchungen über die Übereinstimmung in der Struktur und dem Wachstum der Tiere und der Pflanzen ,1839) . Cet énoncé fait suite à une correspondance avec botaniste contemporain M. J. Schleiden que l'histoire a donc associé à Schwann.


Omnis cellula e cellula

Le premier axiome de la théorie (toute cellule est issue d'une autre cellule) semble être du au botaniste Charles Joseph Dumortier (1832) qui affirme "toute cellule est issue d'une autre cellule par division binaire". Il proposa cette généralisation à partir de nombreuses observations de divisions chez les algues et les plantes.
En 1852 le polonais Robert Remack (
souvent orthographié Remak, http://www.sciencemag.org/cgi/content/full/298/5602/2331) retrouve ces idées à partir d'observations expérimentales dans l'embryon de poulet et chez le têtard. C'est un neurologiste si l'on se réfère à nombre de ses travaux même si ses centres d'intérêt furent nettement plus variés (par exemple il est cité aussi comme celui qui identifia trois feuillets embryonnaires chez les animaux).
Enfin, c'est Virchow
(orthographié parfois Virchou) qui, en 1858, réalisa un grand effort de clarification des idées erronées venant des chimistes et est connu pour son axiome qui reprend les idées de Remack: Omnis cellula e cellula.


Certains historiens affirment que l'on a faussement attribué cette paternité à Schwann et Schleiden, pour des raisons sociologiques (?). Ces historiens précisent que ces auteurs présentaient la formation des cellules comme le résultat d'un processus de précipitation et de cristallisation (http://www.pasteur.fr/recherche/unites/REG/causeries/dates_1800.html).

Si l'on accepte la définition du mot "théorie" donnée plus haut, comme un ensemble figé d'explications, on peut considérer qu'il a existé plusieurs théories cellulaires avant la formulation générale retenue ici.

Voir La théorie cellulaire (Canguilhem), qui s'appuie sur le travail de Marc Klein, Histoire des 0rigines de la Théorie cellulaire, Paris, Hermann, éd., 1936 ) et Encyclopedia Universalis (EU)



E cellula omnis vivo

La paternité du second axiome de la théorie (tout être vivant n'est formé que de cellules) est plus difficile à déterminer. On peut penser que le texte de Schwann cité plus haut renferme cette idée, même basée sur une interprétation de la continuité cellulaire qui n'a maintenant plus cours (la naissance de la cellule résulterait de la concentration d'une substance organique spéciale, le "cytoblastème").





les limites...

La théorie cellulaire n'est pas toujours utilisable****


Il existe des arguments contre la théorie cellulaire. Par exemple, elle n'est pas toujours adaptée à la description de cellules immenses (fibre nerveuse) ou issues de la fusion de nombreuses cellules (fibre musculaire).


La question principale, qui ne dépend pas de la théorie cellulaire mais qui se rattache à une vision de la vie, est celle de l'individualité : faut-il faire des cellules des parties d'un tout qui serait l'individu ou chaque cellule peut-elle être un élément vivant indépendant ?


Enfin on notera que la théorie cellulaire ne dit rien sur l'apparition de la vie... ou plutôt sur celle de la première cellule. Ce n'est pas une théorie qui prend en compte l'évolution.


Les rejets de cette théorie ont été nombreux. Actuellement il n'existe pas vraiment de théorie qui puisse la remplacer.

Les idées ne sont jamais "pures" et chaque penseur a son bagage de convictions plus ou moins cachées. L'historien des sciences - philosophe n'a pas fini de démêler l'écheveau des fils de l'histoire des idées. Le concept de cellule repose tellement sur les conceptions de la vie, qui peuvent être très diverses que l'on ne peut se passer de la philosophie pour comprendre l'histoire de la théorie cellulaire (voir Canguilhem pour les esprits curieux).



Au-delà de la cellule
(en travaux 11/2007)




Pour faire comprendre ce que pourrait être une autre théorie du vivant qui n'utilise pas le concept de cellule on peut citer les inventions des auteurs de science-fiction dont je ne connais personnellement qu'un exemple : les medichloriens de la série Star Wars (les élèves disent que cela date un peu... cela ne leur parle plus). Il existe d'autres théories non ésotériques à commencer par l'utilisation des phases (voir la page sur l'organisation du vivant).