Écosystèmes....

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Cette partie ne peut bien sûr être considérée que comme un volet de culture générale, tout à fait hors programme.
Un article de La Recherche (A l'aube d'une nouvelle écologie ? Patrick Blandin et Donato Bergandi, La Recherche, 332, juin 2000, 56-59) place à nouveau le débat sur le plan philosophique... ce sujet est tout à fait d'actualité. Mais je conseille aussi de revenir à des ouvrages classiques comme par exemple le "Précis d'écologie" de Roger Dajoz (Dunod, 1996) dans lequel ces questions sont abordées dans l'introduction (p 1-4) ou le précis d'écologie générale de R. Barbault (Ecologie générale, Masson, 1997).

Le terme d'écologie vient du grec "oikos" = la maison et "logos"=le discours.
Un écosystème est défini classiquement comme l'ensemble des organismes vivant dans un milieu (dynamique des populations) auquel on ajoute aussi le milieu physique lui-même (dynamique des paysages).
L'écologie moderne a pour objet l'étude des êtres vivants dans leur milieu (y compris l'homme) et pour méthodes non seulement la méthode expérimentale mais aussi les méthodes de nombreuses autres sciences avec lesquelles elle travaille: paléontologie, géographie, économie, philosophie. Elle a une dimension pratique (art) qui en fait aussi une science apppliquée qui a donc une dimension politique et sociale.

La définition de l'écosystème présentée ci-dessus ne considère qu'une dimension spatiale de l'organisation du monde. On peut donc ajouter une dimension temporelle (dynamique), que l'on peut qualifier d' évolutive. C'est notamment par le biais de la notion de milieu que la dimension évolutive est devenue fondamentale (voir par exemple le texte de Canguilhem sur "Le vivant et son milieu").

1. De l'écologie générale à une science du vivant dans son milieu en passant par des considérations pas très scientifiques....

C'est Ernst Haeckel qui, en 1866, utilise pour la première fois le terme d'écologie ainsi défini: « science globale des relations des organismes avec le monde extérieur environnant, dans lequel nous incluons, au sens large, toutes les conditions d'existence ».
Pour essayer de simplifier je pense que l'on peux dire que l'écologie, comme toute science présente un objet et une méthode:
* l'objet est définit comme une niveau supérieur d'organisation du monde terrestre: la biosphère ou l'écosystème terre, ou encore les êtres vivants terrestres dans leur milieu;
* la méthode peut d'abord être expérimentale, ce qui définit une écologie expérimentale (dont les artisans souhaitent parfois être appellés "écologues"). Mais la méthode expérimentale peut-elle réellement appliquée à l'écosystème ? Il semblerait que l'on puisse affirmer que des expériences "écologiques" réalisées sur des populations datent au moins de Gause (1935). Mais il n'en restent pas moins que ces expériences n'atteignent pas vraiment la dimension de l'écosystème qui reste abstraite. La plupart du temps les écologistes (au sens de scientifiques) utilisent abondamment des méthodes statistiques et travaillent essentiellement sur des modèles, souvent élaborés dans d'autres disciplines, qu'ils appliquent à leur objet d'étude. Notamment les modèles évolutionnistes (au sens de transformistes) qui les placent alors dans un tout autre domaine qu'une science expérimentale (voir cours de paléoécologie). Je crains qu'il ne faille se résigner à accepter que cette science soit à cheval sur plusieurs méthodes. Elle est parfois scientifique (au sens d'expérimentale), souvent humaine, parfois politique...mais elle est certainement en train de réunir de nombreuses personnes: des scientifiques, des philosophes, des économistes, des géographes.... qui travaillent ensemble pour une meilleure compréhension du monde vivant où l'homme à désormais une place qui semble plus en harmonie avec les autres êtres vivants; n'est-ce pas là un défi passionnant ?

Si vous désirer vous plonger un peu dans ces questions vous pouvez lire l'article de La Recherche cité plus haut. J'ai personnellement commencé une réflexion encore très décousue sur ce sujet dont voici les premiers balbutiements:

Je reprends par exemple les mots de R. Barbault, dans son précis d'écologie générale : «...la biosphère recouvre partiellement les trois grands compartiments qui composent la terre, la lithosphère, l'hydrosphère et l'atmosphère. ... certains écologues préfèrent utiliser dans ce cas le terme d'écosphère... Que l'on parle d'écosphère ou de biosphère il est clair que les processus écologiques lient étroitement les organismes vivants à leur environnement physico-chimique. Dissocier les êtres vivants de leur milieu est, pour l'écologue, dénué de sens. En écologie, le terme de biosphère est toujours utilisé dans un sens fonctionnel (et non descriptif) ; sa signification est bien celle donnée au concept d'écosphère.» La terre (globe terrestre avec tous ses composants, vivants ou non, dont l'homme fait bien évidemment partie), telle que nous la connaissons, n'est pas peuplée, elle est vivante, c'est un lieu de vie (je joue un peu sur les mots mais je veux simplement insister sur cette profonde interaction terre-êtres vivants).

* Je pense qu'il est intéressant de parler ici rapidement d'une théorie dont certains refusent de parler mais qui n'est peut-être pas inintéressante : considérer la terre comme un être vivant.

La terre vivante : l'hypothèse de Gaïa, ou la géophysiologie

(voir par exemple l'interview de Peter Westbroek : «la terre est-elle un superorganisme ?», La Recherche, 295, février 1997, 100-101 ; ou encore l'"encyclopédie Hachette multimédia : Science interactive" à l'article "Vie"...)

L'hypothèse

La terre est un organisme vivant.

Auteurs

L'idée semble avoir été reprise récemment par James Lovelock sous le terme de Gaïa (Les âges de Gaïa, Lovelock J., 1990, Robert Laffont) mais, comme ce nom est très ancien (philosophies pour lesquelles je n'ai fait aucune recherche) et a été utilisé par des non scientifiques avec des visées très différentes ("philosophie" new age ?), le groupe de scientifiques qui a repris l'idée préfère que l'on parle de l'hypothèse Lovelock ou de géophysiologie. Une société de géophysiologie s'est constituée autour de Peter Westbroek en avril 1997 à Oxford...

Critique personnelle

Pris comme une hypothèse scientifique, ce concept a des implications que certains considèrent comme très intéressantes sur notre compréhension des phénomènes biochimiques et biophysiques mais pour l'instant il n'y a pas de développement très poussé. Il est évident que de nombreux scientifiques considèrent que c'est une hypothèse franchement irréelle et que l'on perd du temps à l'étudier.
Comparer la terre à un être vivant unique demande d'y retrouver les trois types de travail : nutrition, relation, reproduction. Si la nutrition peut éventuellement s'imaginer en terme de matière et d'énergie avec le reste de l'univers, les relations et la reproduction deviennent franchement difficiles à justifier avec un individu unique, à moins que l'on imagine d'autres terres vivantes... Imaginer que la terre est un écosystème unique, le seul écosystème (comme je le fais du moins en partie quand je parle de biogéologie) est tout à fait différent du fait de supposer que cet écosystème forme une unité vivante, un être vivant.
Du point de vue philosophique, il me semble qu'un des plus grands dangers est de nier la personnalité de chaque être vivant. Il me semble inacceptable de faire dépendre la "capacité d'existence" de chaque être vivant à celle d'un tout qui serait la terre vivante. Je ne vois pas comment ne pas déboucher soit sur un panthéisme avec un dieu-terre unique, soit sur un polythéisme avec de nombreux dieux-terres.
Cette hypothèse n'a donc rien à voir avec ce que j'appelle la biogéologie (voir cours de géologie) qui n'est qu'une manière de considérer comme indissociables la vie et le milieu de vie.

* L'évolution c'est l'histoire du vivant, c'est le résultat du travail de la vie.

Il faut donc procéder à une radicale inversion : ce n'est pas la terre qui évolue et les êtres vivants qui s'y développent et s'y multiplient. C'est le milieu qui se construit progressivement grâce au développement des êtres vivants. L'histoire de la terre, c'est l'histoire de la vie. Jamais la vie ne conquiert un milieu vide, les différents milieux apparaissent au fur et à mesure : le mécanisme évolutif c'est la vie. La mesure du temps est celle de la vie et non de la terre. L'histoire de la vie récapitule l'histoire de la terre.
On pourrait aussi formuler cette idée en disant que les déserts n'ont pas existé tant qu'il n'y avait pas d'organismes pour y vivre. Il n'y a pas eu apparition de désert azoïque qui a été colonisé par la vie mais un milieu où la vie devint de plus en plus extrême, un milieu à la vie adaptée à la sécheresse que l'on appelle désert. Dans un désert ce n'est pas la matière minérale qui détermine les conditions physico-chimiques du milieu, ce sont les êtres vivants...
Ce qui revient à dire que la terre est façonnée par la vie. Elle devient terre, telle qu'on la connaît du fait des profondes interactions avec le vivant...


Comment la terre se construit par superpositions de sphères de vie....

Une image : un être vivant dessine une sphère de vie (étape 1) autour de lui par son travail de relation, de nutrition, de reproduction. Les éléments minéraux et les paramètres physico-chimiques font partie de cette sphère. Il est en équilibre dynamique avec eux. Par reproduction, le milieu s'agrandit et correspond à un grand nombre de sphères toutes interpénétrées (2, 3, 4, 5....). L'état actuel de la terre correspond à un instantané de cette ensemble innombrables de sphères de vie interpénétrées les unes dans les autres et ordonnées...

 

* On remarque bien évidemment la profonde ressemblance de cette terre formée de sphères de vie imbriquées avec un organisme vivant pluricellulaire et je ne suis certainement pas le premier à le dire. Les biomes ou grand écosystèmes planétaires correspondraient à des organes ou des tissus. Attention je ne dis pas du tout que le monde vivant forme un seul organisme (voir ci-dessus), je propose juste de considérer qu'actuellement, il a en commun la vie, héritée d'une histoire commune.

En voici quelques étapes :
- la terre n'est pas une boule de feu mais bien un caillou mouillé (entouré de gaz)


Où la terre n'est plus imaginée comme une boule de feu ....
mais comme une boule de matière chaude entourée d'une croûte froide et recouverte d'une pellicule d'eau où naît la vie....

(déjà dans le livre de Claude Allègre de 1985 : "De la pierre à l'étoile" (Fayard), la température maximale de la surface du globe, il y a 4 Ga, est estimée à 70°C...(p 269))
- la vie bactérienne (caillou mouillé grouillant - stade morula terrestre), terre indifférenciée, tectonique de plaques (stade gastrula : mouvements...), émersions, sédimentation (stade bourgeon caudal, delaminations, différenciations)
- vie diversifiée actuelle (stade organisme embryonnaire ou adulte... si l'on pousse trop loin la comparaison, il ne va pas tarder à se reproduire et à essaimer dans l'espace...? A quand la reproduction sexuée ?)...

On a trop en tête un modèle de terre comme elle est actuellement. Si l'on supprime radicalement tout ce que l'on voit de la diversité des milieux, on peut imaginer tout à fait autre chose : un océan primitif, les premiers volcans et/ou peut-être les premiers récifs, première sédimentation le long des pentes, mini-marges continentales, premières plaques...

* C'est ainsi que l'on en revient au problème central du temps. Si l'on suit Bergson sur le temps, il ne faut pas voir de superposition des sphères : il n'y a pas d'addition des temps. Le passé est le passé (il n'est plus), il ne se conserve que dans la mémoire (de l'homme ?). Seul l'instant présent est.


Une représentation de la flèche du temps

 

* L'écosystème devient ainsi au centre de la compréhension de l'homme. On a ainsi pu parler d'écologie extérieure (populationnelle, environnementale, sociale, physiologique) de l'homme comme on peut parler d'écologie intérieure (morale).

* enfin, pour montrer la diversité des réflexions engagées par les biologistes sur l'écologie, je voudrais citer l'article de Mayr sur ce qu'il appelle la pensée populationnelle (Conférence au Collège de France de 1978 par Ernst Mayr extraite de "La biologie de l'évolution", Hermann, 1981, p 87-108), une réflexion philosophique.

2. Les grands défis de l'écologie

A part la compréhension des relations entre les êtres vivants (science expérimentale dans son aspect non évolutif et science "historique" dans ce dernier aspect), basée sur un approfondissement de la connaissance de leur milieu et des interactions des êtres vivants avec celui-ci, l'écologie s'est aussi posée en science appliquée (art, économie, ou encore technique). En effet, en incluant l'homme comme élément clé de l'écologie moderne, elle se propose de nous aider à gérer la biosphère. Je préfère les termes de maîtrise de la nature (maîtrise des ressources naturelles). Certains auteurs parlent de gestion maîtrisée de la biosphère (R. Barbault, Ecologie générale, Masson, 1997).