2. Le
génie génétique : de l'empreinte
génétique à la recherche d'un gène (et
revoilà la FISH)
Référence : Biologie moléculaire
de la cellule, B. Alberts et al., 1995, 3ème édition,
Médecine-Sciences, Flammarion
On a actuellement tendance à désigner par "technologie de l'ADN recombinant" les techniques de manipulation de l'ADN mises au point à partir des années 1970 et de réserver le terme de génie génétique aux manipulations génomiques appliquées. (on notera que le terme "génie génétique" est nettement moins péjoratif que "manipulation génétique"). Le génie génétique est un ensemble de techniques permettant de former de nouvelles combinaisons d'ADN susceptibles d'être insérées dans une cellule vivante et y être exprimées.
Voici un aperçu très simplifié des
principales techniques regroupées sous le terme de technologie
de l'ADN recombinant :
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couper-coller |
endonucléases ou endonucléases de restriction ou enzymes de restriction (voir ci-dessus) ainsi que ligases |
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séparer-séquençer |
La méthode diffère totalement selon la longeur de la molécule d'ADN que l'on veut séquençer.
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dénaturer-renaturer-hybrider |
la dénaturation réversible (séparation des deux brins de la molécule d'ADN par rupture des laisons hydrogène) est la plupart du temps réalisée par simple chauffage modéré (60°C), la renaturation étant spontanée dès retour à une température plus basse. On peut hybrider (c'est-à-dire associer artificiellement) des brins d'ADN venant de molécules différentes mais aussi des molécules d'ARN avec des brins d'ADN ou encore des brins d'ARN. C'est encore l'hybridation mais cette fois c'est son caractère spécifique qui est employé pour l'hybridation d'une sonde (courte séquence marquée radioactivement (sonde chaude) ou non (sonde froide, par exemple sonde fluorescente, voir FISH ci-dessus...)...) avec une séquence d'ADN ou d'ARN complémentaire au sein d'un grand nombre de molécules d'acides nucléiques. Les techniques de Northern et Southern blot appliquées respectivement aux molécules d'ARN et d'ADN simple brin permettent de visualiser rapidement l'hybridation entre une sonde radioactive et des acides nucléiques simple brin séparés par électrophorèse sur gel et transférés par effet buvard sur une feuille de nitrocellulose. On qualifie de "Western blot" une technique assez similaire à partir de protéines.
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multiplier (cloner !) |
la multiplication d'une séquence d'ADN était auparavant conditionnée par son insertion dans un vecteur d'insertion (virus ou plasmide) que l'on introduisait à son tour dans un vecteur de multiplication (Bactérie ou cellule eucaryote comme la levure) qui, en se multipliant, reproduisait la séquence d'ADN insérée (génie génétique). Maitenant on utilise de plus en plus une amplification enzymatique par l'ADN polymérase extraite d'une bactérie thermophile. C'est notamment la technique de la PCR (polymérisation en chaîne de l'ADN). |
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génie génétique |
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Il me semble bien difficile de présenter vraiment ces méthodes de façon accessible à un élève de terminale sans faire appel à des notions assez complexes sur la structure du génome et surtout sur la régulation de son expression. Il me paraît dérisoire de vouloir expliquer une technique d'hybridation de sonde radioactive alors qu'un élève de TS ne sait même pas que les gènes eucaryotes sont morcelés en introns et exons.
En fait ces techniques évoluent très vite et
deviennent de plus en plus complexes et chères au point
qu'elles m'apparaissent parfois tellement éloignées du
vivant que je me demande ce que l'on peut en tirer.
Quand on en arrive enfin aux applications médicales, il y a de
quoi être étonné par les affirmations un peu trop
optimistes concernant les découvertes et applications du
génie génétique soit au diagnostic soit à
la thérapie. Nous allons essayer de présenter quelques
exemples en les documentant le plus possible (c'est un travail de
longue haleine qui ne pourra qu'être ébauché
cette année avec ce cours).
2.1 Qu'est-ce qu'une maladie génétique
?
Une maladie est un désordre physiologique. Il peut avoir une
cause externe: agent infectieux, radiations... ou une cause
interne : malformation congénitale elle-même due
à une cause externe infectieuse ou non (choc...) , anomalie
chromosomique (cause ?), anomalie génétique ... On est
en pleine recherche de causalité et les réponses ne
sont pas toujours simples, ni définitives.
Nous allons essayer de présenter ces idées à partir d'exemples, plus ou moins détaillés.
2.2 Des exemples parfois considérés un peu
rapidement comme simples : la drépanocytose et les
thalassémies ou plutôt les
hémoglobinopathies
Quelques références (sickle cell disease =
anémie falciforme en anglais):
* Les thalassémies, Marc-Alain THOMAS,
Biologie-Géologie (Bulletin de l'APBG), 4-1989
* Les pages de l'INSERM sur l'hémoglobine :
http://www.im3.inserm.fr/hemoglobine/ avec notamment une petite
BD sympathique sur la drépanocytose : http://www.im3.inserm.fr/hemoglobine/SOS_Globi.html
mais aussi des pages plus complexes avec par exemple un beau
modèle d'HbS: http://www.im3.inserm.fr/hemoglobine/HbDrepanocytose.html
On y trouve aussi des liens avec des pages en anglais plus complexes
encore... http://globin.cse.psu.edu/
http://www.cjp.com/blood/entry/home.morph
mais ces sites sont destinés au grand public.
Les sites français sur l'anémie falciforme peuvent
être trouvés par le serveur de la faculté de
médecine de Rouen: http://www.chu-rouen.fr/ssf/pathol/anemiecellulefalciforme.html
on peut y trouver des liens par exemple avec une initiative au
bénin : http://www.aupelf.fr/benin_ct/rec/rahimy/rahimy.htm
ou le site de l'APIPD: Association Pour l'Information et la
Prévention de la Drépanocytose: http://orphanet.infobiogen.fr/associations/APIPD/APIPD.html
Pour une recherche plus exhaustive on peut utiliser le serveur
Orphanet : http://orphanet.infobiogen.fr/Site/formulaires/maladies/Paturl.stm?Pat=xxx&pat_id=125&numpage=1&comp=6&page=s&numpage1=0&comp1=-1&page1=s
une des pages médicales en anglais les mieux
documentées : http://www.mc.vanderbilt.edu/peds/pidl/hemeonc/sickle1.htm
L'adresse la mieux documentée que j'ai utilisé est :
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/htbin-post/Omim/dispmim?141900...
plus de 1000 références d'articles sur les 477 variants
alléliques de l'hémoglobine des chaînes
béta....par exemple... mais il y a une multitude d'autres
informations à trouver au sein d'une impressionnante base de
données du NIH sur le génome humain, facilement
accessible...
Les différents types d'hémoglobine :
L'hémoglobine (Hb) est une grosse molécule
protéique de 64000 daltons constituée de 4
sous-unités contenant chacune une protéine : la globine
associée à un hème (protoporphyrine III)
contenant un atome de fer ferreux capable de se lier à l'O2.
Les chaînes de globine peuvent différer : on en
connaît principalement 4 nommées a,
b, g, d ; voici les principales associations normales :
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gène situé sur le chromosome 11 (bande 11p15.5) |
gène situé sur le chromosome 11 - diffère de la chaîne b par un unique acide aminé, glycine ou alanine, en position 136 |
deux gènes Ag et Gg situés sur le chromosome 11 |
synthèse gouvernée par au moins deux gènes situés sur le chromosome 16 à peu de distance l'un de l'autre (3700 paires de bases) ; un individu sain posséde donc 4 gènes a, 2 par chromosome 16 |
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hémoglobines anormales mais composées de chaînes normales de globines |
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hémoglobine Barts = Hb Bart = g4 |
les seuls gènes fonctionnels ou présents sont les gènes g, la molécules d'Hb comporte 4 chaînes g est est assez peu efficace |
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hémoglobine H = Hb H = b4 |
les seuls gènes fonctionnels ou présents sont les gènes b, la molécules d'Hb comporte 4 chaînes b est est assez peu efficace |
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On peut se demander si cette présentation n'est pas faussée : les chaînes de globine citées ne sont probablement pas les Hb normales mais les Hb européennes (et américaines suite aux émigrations). Etant donné les innombrables variants fonctionnels (allèles ou encore haplotypes qui ne provoquent aucune défiscience) aussi bien des chaînes a que b , il me semble de plus en plus judicieux de parler plutôt de variation allèlique lié au polymorphisme des populations. |
(Il est hors de question de recenser ici les 476 allèles connus pour le gène de la chaîne b de l'Hb (je n'ai pas de chiffre pour la chaîne a mais les allèles connus sont aussi très nombreux); encore moins signaler toutes les associations possibles, ni les innombrables formes cliniques associées. Il s'agit juste d'une petite présentation pour montrer la complexité des interprétations qui parfois masquent les présupposés) |
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Remarque : une confusion peut intervenir du fait de l'appellation hémoglobine qui désigne souvent la molécule compléte d'Hb avec ses 4 chaînes de globine et groupements prosthétiques à Fe mais parfois aussi uniquement une des chaînes de globine. Par exemple HbS peut aussi bien signifier une molécule d'Hb avec 2 chaînes alpha, une chaîne béta et deux une chaîne S, ou 2 chaînes alpha et 2 chaînes S. On peut aussi utiliser la notation HbS dans le premier cas et HbSS dans le second. |
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(modification des gènes entraînant la synthèse d'une chaîne d'hémoglobine anormale) |
modifications de la chaîne a |
l'HbG-Philadelphia (Hb G-Phil) est un variant de la chaîne a présentant une migration identique à l'HbS. Elle n'a AUCUNE conséquence fonctionnelle ni clinique. |
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l'hémoglobine Constant Spring (Hb CSpr) présente une chaîne a allongée de 28 à 31 acides aminés. A l'état hétérozygote, elle ne provoque aucune manifestation clinique. |
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modifications de la chaîne b |
hémoglobine S ou HbS ou aS/aS ou a2/aS : substitution de la valine (Val) à la place de l'acide glutamique (Glu) en sixième position. |
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hémoglobine C ou HbC ou aC/aC ou a2/aC : substitution d'une lysine (Lys) à la place de l'acide glutamique (Glu) en sixième position. |
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hémoglobine E ou HbE ou aE/aE ou a2/aE : substitution d'une lysine (Lys) à la place de l'acide glutamique (Glu) en vingt-sixième position. A l'état hétérozygote, il n'y a pas de conséquences physiologiques. A l'état homozygote, elle provoque une anémie hémolytique légère. |
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l'hémoglobine O-Arab correspond à une substitution de la lysine (Lys) à la place de l'acide glutamique (Glu) en 121ème position de la chaîne b. A l'état hétérozygote, elle ne provoque aucun symptôme. A l'état homozygote, elle provoque des manifestations cliniques voisines de l'HbS. |
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quelques groupes classés en fonction de leurs propriétés éléctrophorétiques... seuls quelques exmples sont donnés |
les HbD migrent à la même position que l'HbS sur acétate de cellulose mais migrent avec l'HbA sur un gel d'agar- acide citrique. On connaît de nombreuses substitutions variées d'aa pour les chaînes b de ce groupe. |
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les HbJ comprennent 58 hémoglobines dont la plupart ne provoquent aucun signe clinique |
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le groupe HbN contien 6 Hb de mobilité électrophorétique intermédiaire entre celle du groupe HbJ et celle de l'HbH |
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= absence ou diminution de synthèse d'une ou de plusieurs des chaînes de la globine (du grec thalassa = la mer... car les thalassémies se recontrent essentiellement dans les populations autour du pourtour méditerranéen mais aussi en Afrique centrale, en Asie et en Océanie) |
a thalassémies |
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et interprétation génotypique usuelle |
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sujet sain |
Porteur silencieux... !!!! (très mauvaise
appellation) |
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anémie discrète ou minime |
Thalassémie mineure |
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anémie hémolytique, très nette augmentation du volume de la rate (splénomégalie) |
Hémoglobinose H |
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enfant mort-né ou nouveau-né mourant |
Anasarque foeto-placentaire |
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b thalassémies |
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souvent asymptomatique mais parfois : pâleur, jaunisse (ictère: couleur jaune de la peau due à la présence de pigments biliaires dans le sang et les tissus), augmentation discrète du volume de la rate, aumentation du nombre d'hématies mais de plus petite taille que la normale |
thalassémie mineure ou
intermédiaire |
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augmentation du volume de la rate et du foie, anémie sévère, infections à répétition, retard de croissance, anomalies morphologiques des hématies (anisocytose, poïkilocytose) |
maladie de Cooley |
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pas d'anémie mais polyglobulie (HbF a une affinité supérieure pour l'O2 que l'HbA, l'organisme compense alors la faible distribution d'O2 au niveau des tissus par une formation accrue d'hématies de plus petite taille = microcytes) |
persistance de l'HbF |
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anémie minime ou nulle à l'état
hétérozygote, |
hémoglobine Lepore résulte d'une délétion d'une partie de chromosome située entre les deux gènes qui sont situés tous deux sur le chromosome 11. Cette délétion est souvent interprétée comme résultant d'un crossing-over inégal... |
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Les associations entre les hémoglobinoses et les thalassémies sont innombrables et je renonce à essayer de les classer. La question est en fait de savoir si la recherche des allèles des gènes de la globine mène à quelquechose. En tout cas il est clair que, à part la présence d'HbS et la persistance d'HbF, il semble bien qu'aucun allèle déterminé par électrophorèse ne peut être utilisé pour le diagnostic d'une hémoglobinopathie...(voir par exemple "Phenotypic Variation in Sickle Cell Disease: An Analysis" by Errol L. Fields, Undergraduate Student, Harvard University) |
En conclusion :
je propose ici une interprétation qui n'engage que moi et
qui est peut-être simpliste.
Plus on cherche à préciser la variabilité des
chaînes de l'Hb dans les différentes populations
mondiales, plus on en arrive à démontrer un
polymorphisme de séquence qui n'empêche pas du tout un
fonctionnement normal de la molécule, au pire on observe de
très légères anémies qui seraient
passées totalement inaperçues sans les techniques
modernes et l'engouement pour le séquençage, faisant en
quelque sorte partie de la variation physiologique
individuelle.
Par contre il existe de véritables maladies associées
à l'hémoglobine : d'une part la
drépanocytose, dont l'origine génétique
est clairement établie mais n'est peut-être pas
(probablement ?) la seule origine, et d'autre part tout un groupe de
maladies regroupées sous le terme de
thalassémies et correspondant à des variations
du niveau de synthèse des différentes chaînes de
l'Hb. Pour ces maladies la composante génétique est
loin d'être claire ou même prouvée. Leur
association éventuelle à des variants
génotypiques des chaînes de globine ne permet pas d'en
améliorer la compréhension.
La drépanocytose en France :
D'après le site www de l'INSERM : des études
épidémiologiques récentes ont
démontré que les hémoglobinopathies sont, en
Région Parisienne, un problème de santé
public. La fréquence de ces maladies est
particulièrement élevée parmi les populations
antillaises et celles d'origines africaine ou asiatique :
Aujourd'hui
en Ile-de-France :
La drépanocytose ou anémie falciforme est une anémie (diminution du nombre de globules rouges) dont la cause semble être bien ciblée : certaines hématies (drépanocytes) présentent une forme en faucille (falciforme = en forme de faucille) ou en croissant, elle-même due à la présence d'hémoglobine anormale notée HbS (S=sicklémique) par opposition à l'hémoglobine normale HbA.
une hématie normale : un beau disque biconcave de 7 µm de diamètre |
une hématie falciforme |
Cette hémoglobine anormale est susceptible de former, surtout à basse pression d'oxygène, et donc au niveau des tissus (là où l'hémoglobine se décharge de son dioxygène et se charge en dioxyde de carbone), des assemblages fibreux par précipitation dans le cytosol de l'hématie (la solubilité de l'HbS correspond à 4% de la solubilité de l'HbA). Ces précipités d'HbS rigidifient l'hématie et diminuent sa capacité de déformation indispensable notamment à son passage dans les capillaires les plus fins. Il s'ensuit des "bouchons" d'hématies qui ralentissent la circulation. Des douleurs apparaissent, notamment au niveau des articulations. Certains organes, mal irrigués, sont susceptibles d'être endommagés. La maladie conduit à une mortalité juvénile très importante, avant 20 ans (87% est le chiffre donné pour les Etats-Unis). Les hématies déformées ont une durée de vie courte et sont détruites rapidement au niveau du foie, ce qui entraîne l'anémie.
Du point de vue moléculaire, l'Hb adulte posséde à 97% deux chaînes a et deux chaïnes b (voir ci-dessus). Par électrophorèse d'une goutte de sang hémolysée (on fait éclater les hématies pour libérer l'Hb), on peut mettre en évidence la présence d'un ou deux types d'hémoglobines. On distingue donc deux cas : à l'état hétérozygote (en anglais : sickle trait), il n'y a aucun symptôme clair (ce n'est pas aussi simple en fait et il semble qu'il y ait en fait quelques signes d'anémie mais très variables selon les individus), on peut parler de porteur sain ou asymptômatique (HbAS) ; à l'état homozygote (en anglais : sickle disease ou Hgb SS disease) la maladie est sévère et entraîne une mortalité importante mais là encore il existe une énorme variabilité individuelle, certains patients drépanocytaires sont à peine malades et on en connaît même qui survivent au-delà de 70 ans alors que plus de 80% des malades n'atteignent pas 60 ans...(voici les chiffres trouvés sur le site de Vanderbilt University Medical Center : 8% des noirs américains sont porteurs ce qui donne une fréquence de 1 naissance sur 625 présentant une maladie HbSS chez les noirs américains)
Maladie et traitement :
Les enfants drépanocytaires sont nettement plus exposés
que les autres enfants à des infections au cours des
premières années de leur vie. Le dépistage
post-natal précoce permet un traitement de fond par
antibiotiques de type penicilline (de 2 mois à 5 ans) qui
diminue de 85% l'occurence des maladies infectieuses les plus
sévères.
Les complications dues essentiellement aux obturations de
vaisseaux par les hématies anormales sont les suivantes :
douleurs, bleus, infections à répétition,
ulcères aux jambes, lésions osseuses, lésions au
niveau des reins et du foie ainsi que des yeux, anémie et
retards de croissance.
Les éléments cliniques à surveiller chez les
patients drépanocytaires sont les suivants : fièvre,
douleur de poitrine, essouflement, fatigue, maux de tête
inhabituels, toute faiblesse subite ou perte de connaissance, un
gonflement abdominal, une douleur qui résiste aux
médicaments habituels de famille, érection douloureuse
persistante, tout changement dans la vision....
Les traitements les plus utilisés et recommandations courantes
sont les suivants: traitement vitaminique par prise quotidienne
d'acide folique (folate) afin de stimuler la formation de nouveaux
globules rouges, la prise quotidienne de pénicilline
jusqu'à 6 ans pour éviter les infections graves, boire
beaucoup d'eau (8 à 10 verres par jours pour un adulte),
éviter les réchauffements ou les refroidissements trop
importants, éviter les efforts excessifs et le stress,
beaucoup se reposer...
En cas de crise, souvent très douloureuse, on peut effectuer
des transfusions d'hématies saines qui empêchent la
déformation des hématies anormales et surtout bloque la
production de nouvelles hématies anormales. Un
chélateur du fer est alors administré pour
éviter l'accumulation sanguine de fer.
Des essais de transplantations de moëlle osseuse (un des seuls dons de tissus autorisés du vivant du donneur) ont été réalisés avec succès sur une centaine de patients, essentiellement en Europe. Il semblerait que les résultats soient encourageants... le problème essentiel étant le rejet de la moëlle transplantée qui intervient malgré le respect de la compatibilité HLA.
Diagnostic :
* l'addition de Na-meta bisulfite au sang permet de détecter
quantitativement la présence d'HbSS et HbAS sans pouvoir les
séparer.
* l'électrophorèse de l'Hb permet une
détermination en groupes d'"anomalies" (voir plus haut)
et notamment de séparer l'HbAS et l'HbSS
* l'utilisation de fragments de restriction (méthode RFLPs =
restriction fragment length polymorphisms) et la PCR permettent la
recherche de certains allèles du gène de la béta
globine à partir de très peu de cellules sanguines
prélevées par exemple chez le foetus mais ces
méthodes sont coûteuses.
Remarque : je répète ma remarque faite plus haut
mais elle me paraît très importante : avec la
méthode électrophorétique on cherche les
molécules d'Hb effectivement synthétisées par
l'individu alors que dans la recherche génétique on
s'intéresse à des gènes qui ne sont
pas exprimés dans les cellules
étudiées...je vous rappelle que les hématies
n'ont plus d'ADN et que les érythroblastes de la moëlle
osseuse qui contiennent encore de l'ADN ne sont pas accessibles
facilement.
(les données suivantes viennent du site : http://www.ncbi.nlm.nih.gov/htbin-post/Omim/dispmim?141900 (attention fichier de plus de 800 Ko) ; je ne suis pas à l'abri d'une erreur de compréhension de la langue anglaise....je vous invite donc à consuter le site) |
Analyse des fragments de restriction (obtenus par
l'action d'endonucléases) de l'ADN de cellules
foetales : |
Cette dernière technique est, je crois, décrite approximativement à la page 15 aussi bien du livre des éditions Bordas que Nathan de TS spécialité SVT. Elle me paraît excessivement compliquée et difficile à maîtriser pour un élève de TS..... Un enseignant du secondaire n'ayant pas un accès facile à l'article cité plus haut (périodique médical : New Eng. J. Med. )...le choix de cet exemple me paraît peu judicieux. |
La liaison génotype-phénotype :
Le gène modifié HbS codant pour la chaîne
béta de l'Hb semble bien être seul à l'origine de
la maladie. Tous les symptômes semblent pouvoir être
reliés à l'anomalie de l'Hb. Il y a donc bien une
relation directe entre le génotype et le phénotype. On
a donc bien ici une maladie génétique , ou
même une maladie génique. Cependant, il faut
souligner la variabilité individuelle. Il est important
de souligner que CETTE VARIABILITE INDIVIDUELLE N'EST PAS DUE A UNE
VARIABILITE GENOTYPIQUE. Avec la même anomalie génique
les symptômes sont très variables, même si ils
restent tous explicables. C'est bien l'organisme entier qui exprime
ou régule l'expression du génome. Il n'y a donc pas
qu'une maladie mais bien différentes formes de maladies
suite à une défiscience génique. La
causalité entre un défaut au niveau de l'information
génétique et une maladie au niveau de l'organisme
entier semble ici assez bien établie mais son expression
phénotypique est modulée par chacun.
Dans le sens inverse, est-il possible, à partir du
phénotype de la maladie d'en déduire le génotype
? Certainement pas de façon simple. Les anomalies de l'Hb sont
innombrables et la plupart du temps asymptômatiques. Il est
même difficile de supposer qu'il existe une forme normale et
des formes anormales, la variation allèlique est telle que
l'on est en droit de considérer comme suspecte la
détermination d'un gène supposé ancestral. Elle
ne me semble pas possible actuellement.
D'autre part, il est possible que l'on posséde plus d'une
paire de copies fonctionnelles du gène de la chaîne
béta de l'Hb. Ce qui rend bien la détermination du
génotype à partir du phénotype aléatoire.
Lorsqu'il a été mis en évidence, l'allèle
HbS est toujours exprimé. A l'état
hétérozygote, il ne provoque pas vraiment de
symptômes, on le qualifie donc de récessif mais ceci est
à mon avis dangereux car ce terme fait référence
à un caractère héréditaire et non
à un allèle déterminé par des
méthodes moléculaires. Le gène est porté
par le chromosome 11, un autosome.
Du point de vue de la transmission héréditaire
on est non pas dans le cas d'un caractère dont on
connaît les lois de transmission héréditaire et
dont on recherche le support matériel mais bien dans le cas
inverse, celui d'une anomalie génotypique, c'est-à-dire
d'un caractère matériel (voir remarques
liminaires) qui est transmis selon les lois de la cytologie mises
en évidence à partir des chromosomes. Ce n'est qu'a
posteriori que l'on peut le qualifier de mendélien. Il
n'est donc pas très judicieux de dire que l'on a un
caractère mendélien autosomal récessif. La
démarche a été inversée par rapport
à l'analyse statistique de la transmission des
caractères héréditaires. Ce cas, réel, ne
justifie pas pour autant la validité de l'hypothèse de
support génétique des caractères
mendéliens pour tous les autres caractères
étudiés, surtout chez l'homme.
Au sujet de la liaison drépanocytose-paludisme :
Il est d'usage de dire qu'il existe un lien entre la présence
d'une hémoglobine HbS (au sens de HbAS) et la
répartition mondiale de l'agent du paludisme (malaria en
anglais) : Plasmodium falciparum. On trouve facilement dans la
littérature la carte d'extension de la drépanocytose il
y a une vingtaine ou une dizaine d'années superposée
celle de la répartition du parasite à cette
époque (par exemple la figure 5 de la page du cours de
génétique des populations de l'université de
tours: http://www.univ-tours.fr/genet/gen12ch8bec6.htm).
La relativement bonne superposition permettant d'émettre
l'hypothèse que l'allèle HbS est favorisé dans
les populations où sévit le parasite (sélection
du milieu) et est donc conservé dans ces populations
malgré le handicap qu'il produit à l'état
hétérozygote et surtout son caractère
létal à l'état homozygote.
* Les facteurs génétiques de résistance
au paludisme (voir "Le paludisme",
production APBG-fiche8) actuellement mis en évidence
(surtout dans les zones d'endémisme bien évidemment)
sont
* le rôle sélectif de la présence de
l'allèle HbS à l'état hétérozygote
a fait l'objet de calculs simples qui peuvent être l'occasion
d'une première approche des problèmes de
génétique des populations.
2.3 La mucoviscidose est-elle vraiment une maladie
génétique ? Probablement pas !
(cystique fibreuse ou cystic fibrosis en anglais)
le but n'est pas ici de donner une
réponse tranchée (ne jamais oublier que derrière
ce mot ils y a de nombreux enfants malades et leur famille) mais de
faire réfléchir un élève de
terminale...
Références : La mucoviscidose, Georges
Travert, Biologie-Géologie (Bulletin de l'APBG),n°3-1988,
563-579 dont je reprends quelques idées.
Quelques sites internet :
* en français, la base de données du CHU de Rouen : sur
les pneumopathies : http://www.chu-rouen.fr/ssf/pneumopathfr.html
et plus spécialement la mucoviscidose : http://www.chu-rouen.fr/ssf/pathol/mucoviscidose.html;
ou Rennes: http://www.med.univ-rennes1.fr/etud/pediatrie/mucoviscidose.htm
* en anglais par l'intermédiaire d'Ophanet (liste
générale un peu longue à charger de 700 Ko :
http://orphanet.infobiogen.fr/Site/formulaires/maladies),
le site du NIH : pour la mucoviscidose (CF) http://www3.ncbi.nlm.nih.gov/htbin-post/Omim/dispmim?219700
et pour le gène (CFTR : cystic fibrosis transmembrane
conductance) impliqué dans la CF et ses 120 allèles
référencés: http://www3.ncbi.nlm.nih.gov/htbin-post/Omim/dispmim?602421
La mucoviscidose ou fibrose cystique du pancréas est
la plus fréquente des maladies qualifiées de
génétiques et potentiellement mortelles dans les
populations européennes.Deux points essentiels :
* On en ignore toujours la cause (on «ignore totalement»
(je cite G. Travert, en 1988) le lien entre les gènes
liés héréditairement à la maladie et les
symptômes cliniques). Je pense que l'on peut affirmer que ce
n'est pas une maladie génétique au sens utilisé
pour la drépanocytose. Le lien héréditaire
est certain mais pas la causalité génique.
Actuellement c'est le gène CFTR (cystic fibrosis tranmembrane
conductance : qui code notamment pour une protéine intervenant
dans la perméabilité membranaire au chlore mais aussi
au sodium) qui présente 120 allèles
répertoriés qui a été proposé
depuis 1989 par Kerem et ses collaborateurs (Kerem,
B.; Buchanan, J. A.; Durie, P.; Corey, M. L.; Levison, H.; Rommens,
J. M.; Buchwald, M.; Tsui, L.-C. : DNA marker haplotype association
with pancreatic sufficiency in cystic fibrosis, Am. J. Hum. Genet.
44: 827-834, 1989) : la mutation initialement
découverte est une délétion du codon 508 (CTT)
conduisant à l'absence d'une phénylalanine dans la
chaîne polpypetidique (mutation delta-F508). Cette mutation est
présente chez 40% à 80% des malades, selon les
études. Etant donné le coût des tests il est
évident que cette mutation n'a pas été
recherchée chez des populations saines...
Voici par exemple un résumé de deux articles qui font
référence sur la question et un petit texte sur une
découverte récente: un petit exercice de
compréhension anglaise...(venant de la base de données
Medline)
The relation between genotype and phenotype in cystic
fibrosis--analysis of the most common mutation (delta
F508), Kerem E, Corey M, Kerem BS, Rommens J, Markiewicz
D, Levison H, Tsui LC, Durie P., N Engl J Med 1990 Nov
29;323(22):1517-22 |
Correlation between genotype and phenotype in patients
with cystic fibrosis, The Cystic Fibrosis
Genotype-Phenotype Consortium.N Engl J Med 1993 Oct
28;329(18):1308-13 |
Allèle n°119 du gène CFTR:
SWEAT CHLORIDE ELEVATION WITHOUT CYSTIC FIBROSIS [CFTR,
SER1455TER] Mickle et al. (1998) identified a 6.8-kb
deletion and a nonsense mutation (ser1455 to ter; S1455X) in
the CFTR gene of a mother and her youngest daughter with
isolated elevated sweat chloride concentrations. Detailed
clinical evaluation of both individuals found no evidence of
pulmonary or pancreatic disease characteristic of CF. A
second child in this family had classic CF and was
homozygous for the 6.8-kb deletion, indicating that this
mutation caused severe CFTR dysfunction. CFTR mRNA
transcripts bearing the S1455X mutation were stable in vivo,
implying that this allele encoded a truncated version of
CFTR missing the last 26 amino acids. Loss of this region
did not affect processing of transiently expressed
S1455X-CFTR compared with wildtype CFTR. When expressed in
CF airway cells, this mutant generated cAMP-activated
whole-cell chloride currents similar to wildtype CFTR.
Preservation of chloride channel function of the S1455X-CFTR
mutation was consistent with normal lung and pancreatic
function in the mother and her daughter. The study indicated
that mutations in CFTR can be associated with elevated sweat
chloride concentrations in the absence of the CF phenotype,
and suggest a previously unrecognized functional role in the
sweat gland for the C-terminus of CFTR. |
* Maladie toujours fatale chez le nourisson il y a 50 ans, la mucoviscidose est désormais, grâce aux progrès de la médecine curative (mais aussi prédictive du fait de l'amélioration de la fiabilité et de la précocité du diagnostic), une maladie chronique évoluant au cours de l'enfance, et, de plus en plus souvent, dans l'âge adulte.
* Un article à lire: Pascale Fanen: «Un traitement pharmacologique restaure le gène déficient», La Recherche, 370, décembre 2003, 26-27 d'après M. Wischanski et al., NEJM, 349, 1433, 2003); on sait que les antibiotiques de type aminoglycosides sont susceptibles de supprimer l'effet des codons stop insérés prématurément par mutation dans un ARN codant pour une chaîne polypeptidique. Cet effet à été testé avec la gentamycine chez des patients atteints de mucoviscidose, homozygotes ou hétérozygotes pour le gène de la protéine CFTR. Seuls ceux présentant au moins une mutation de type stop (ce qui concerne 2 à 5% des mutations du gène considéré) on connu une nette amélioration de la perméabilité membranaire au chlore des cellules de leur épithélium nasal après 2 semaines de traitement antibiotique (pulvérisation nasales).
Gentamicin-Induced
Correction of CFTR Function in Patients with Cystic Fibrosis
and CFTR Stop Mutations Methods In a
double-blind, placebo-controlled, crossover trial,
patients with stop mutations in CFTR or
patients homozygous for the F508 mutation
received two drops containing gentamicin (0.3
percent, or 3 mg per milliliter) or placebo in each
nostril three times daily for two consecutive
periods of 14 days. Nasal potential difference
was measured at base line and after each
treatment period. Nasal epithelial cells were obtained
before and after gentamicin treatment from
patients carrying stop mutations, and the
C-terminal of surface CFTR was stained. |
Cet exemple montre à mon avis l'intérêt que l'on a à comprendre la liaison génotype-phénotype comme une notion ouverte d'une capacité d'expression centrée sur la cellule vivante (voir cours de 1èreS).
2.4 Un exemple original d'application des connaissances
modernes en génétique : l'ataxie de
Friedreich
Cet exemple est tiré d'un article de La Recherche: " Du
génome de la levure aux maladies humaine", Françoise
Foury, La Recherche, 316, janvier 1999, 40-42.
Le niveau de l'article étant un peu élevé
pour un élève de terminale, je me permets d'en faire un
résumé, mais il est bien évident que ce texte
n'engage que moi et qu'il n'est peut-être pas exempt d'erreurs
de compréhension. Je vous recommande vivement la lecture de
l'article original.
Au passage une remarque :
L'évolution est présentée comme un
phénomène explicatif autorisant à comparer les
séquences de molécules actuelles d'êtres vivants
actuels et d'en déduire des rapprochements dans le
passé... l'idée n'apporte rien à l'article. On
peut, et l'on doit à mon sens, se contenter de faire des
homologies entre molécules en se référant
à l'unité du vivant actuel qui n'a rien
d'hypothétique. Dans cette étude le facteur
évolutif n'existe pas : il n'y a pas de temps qui serait
mesuré par des molécules fossilisées...je laisse
la question pour la fin de l'année dans le cours sur
l'histoire de la vie.
La maladie :
l'ataxie de Friedreich (si vous voulez avoir quelques données
grand public sur la maladie vous pouvez consulter par exemple la page
suivante: http://www.cam.org/~acaf/AF.html
) est une maladie héréditaire atteignant un
individu sur 50 000 environ et qui se manifeste
généralement au cours de l'adolescence par des
dégénérescences des neurones à longs
axones, situés dans les ganglions de la racine
postérieure des nerfs rachidiens et du cervelet. Les
symptômes débutent le plus souvent vers 13 ans, voire
plus tôt. L'évolution progressive est plus rapide au
début mais diffère d'un ataxique à l'autre. Elle
entraîne des handicaps physiques graves (troubles de la marche
et de l'équilibre, incoordination des membres
supérieurs, élocution difficile, faiblesse musculaire
conduisant inéluctablement vers l'invalidité) et est
souvent associée à une cardiomyopathie (anomalie du
muscle cardiaque). Une association, l'AFAF
(Association de l'Ataxie de Friedreich) a été
créée en 1980 et essaye de rapprocher les malades et
d'aider à la lutte contre la maladie.
La recherche d'une liaison génétique :
En 1996, un article publié dans la revue scientifique Science
(V. Campuzano et al., 1996, Science, 276, 1709), présente la
découverte (par une équipe de l'Institut de
génétique et de biologie moléculaire et
cellulaire de Strasbourg) d'un gène codant pour une petite
protéine de 210 acides aminés (la frataxine) comme
étant LE gène associé à cette maladie.
La maladie est alors présentée
aux malades comme étant une maladie génétique
qui se transmet selon le mode autosomal récessif. Pour
qu'un enfant soit atteint, ses deux parents doivent être
porteurs du gène défecteux. Cette affirmation est
encore une fois un peu rapide : pour plus d'informations et pour
trouver les références des articles originaux,
consultez par exemple : http://www3.ncbi.nlm.nih.gov/htbin-post/Omim/dispmim?22930
. La défiscience en frataxine (3 à 25% selon les
patients) semble d'avantage être un symptôme
génétique plutôt qu'une cause...La
répétition du premier intron de la frataxine,
considérée comme l'anomalie génétique
à l'origine de la maladie n'a été
étudiée que chez quelques personnes du fait de la
rareté de la maladie. La causalité est encore
très discutée par la dizaine d'équipes dans le
monde qui travaille sur le sujet.
On ignore alors le rôle de cette protéine dont la
séquence ne permet pas d'imaginer la fonction. Par contre on
connaît des séquences voisines chez les organismes les
plus étudiés du point de vue génétique en
laboratoire : un vers (le nématode Caenorhabditis
elegans, dont le génome vient lui aussi d'être
entièrement séquencé en décembre
1998...), deux levures (champignons) et une plante : Arabidopsis
thaliana. Il est clair que étant
donné la complexité et le coût des études
génétiques, le nombre d'organismes
étudiés est extrêmement limité. En fait ce
résultat signifie, je pense, qu'il existe des homologues de la
séquence de cette protéine chez les eucaryotes dont on
a séquencé une bonne partie du génome. Pour les
procaryotes et les autres eucaryotes chez qui on ne l'a pas
trouvée, soit elle n'existe pas, soit elle n'est pas encore
séquencée (seules les séquences qui codent pour
un produit déterminé sont
référencées et facilement accessibles : les
séquences auxquelles on a pas (encore) donné de sens
représentent la majorité de l'ADN)...
Une approche originale pour détecter le rôle de la
frataxine :
En 1996 le génome complet de la levure de bière,
Sacharomyces cerevisiae, est séquencé et
disponible sur base de données. On recherche alors le
gène homologue de la frataxine et l'on découvre un
gène voisin, localisé sur le chromosome IV de la levure
et codant pour une protéine de 174 acides aminés. Ce
gène posséde les caractéristiques d'un
gène codant pour une petite protéine mitochondriale. On
va donc chercher, in vivo, chez la levure à connaître le
rôle de ce gène.
Pour cela on déléte (détruit) le gène
dont on cherche à connaître le rôle. On observe
que les souches de levures délétées
présentent un dysfonctionnement des mitochondries :
respiration diminuée et tendance à perdre leur ADN
mitochondrial.
En même temps une corrélation est faite entre les le
dysfonctionnement mitochondrial et l'émission de radicaux
libres, grâce au travail de l'équipe de Strasbourg sur
une autre maladie génétique dont les symptômes
cliniques sont identiques à ceux de l'ataxie de Friedreich
mais dont la cause supposée est une défiscience en
vitamine E (la vitamine E est connue pour protéger les
membranes cellulaires de l'oxydation par les radicaux libres produits
notamment par la respiration cellulaire).
La souche délétée (pour le gène de la
levure homologue de celui de la frataxine humaine) est
particulièrement sensible à la présence de fer
dans le milieu de culture : dans un milieu additionné de
sulfate de fer, les délétants forment des petites
colonies blanches dont la couleur est associée à la
perte de l'ADN mitochondrial. Or on sait que le fer est un composant
essentiel de nombreuses molécules intervenant dans la
respiration mitochondriale mais il est aussi une source de radicaux
libres toxiques pour la mitochondrie. Les souches
délétées présentent 10 à 20 fois
plus de fer libre que les souches normales. Voilà donc toute
une série d'hypothèses concernant le gène
délété.
En ce qui concerne la frataxine, les premiers résultats sont
venus de la technique d'immunofluorescence qui a permis de
préciser la localisation strictement mitochondriale de la
frataxine humaine (H. Koutnikova et al., 1997, Nature Genet., 16,
345).
En 1997, a été mise en évidence une alteration
significative des protéines à fer chez des patients
atteints de la maladie de Friedreich.
Une approche de génie génétique plus
classique :
Parallélement à cette approche réalisée
grâce au séquençage du génome de la
levure, une technique plus classique avait donné des
résultats similaires publiés simultanément en
1997 (M. Babock et al., Science, 276, 1709). Des mutants de la levure
exigeant un milieu additionné en fer étaient connus. On
intégre alors des gènes variés provenant de
souches de levure sauvages (se développant sur un milieu
minimum sans ajout de fer). Les levures transformées qui ont
intégré un gène suceptibles d'intervenir dans
l'utilisation du fer sont alors sélectionnées (criblage
des transformants) par culture sur un milieu carencé en fer.
L'un de ces mutants s'est révélé porter un
gène homologue à celui de la frataxine humaine.
En conclusion : Qu'apporte cette étude ? Peut-on
souscrire à ce que l'auteur propose à la fin de son
article : utiliser le génome des organismes chez lequel
celui-ci est séquencé pour retrouver, à partir
des séquence homologues, le rôle de gènes dont la
fonction est inconnue chez l'homme ou d'autres organismes ?
Cette corrélation me semble d'autant plus fondée
qu'elle "marche". Par contre l'interprétation me semble plus
sujette à caution. Les homologies mises en évidence
démontrent l'unité moléculaire et fonctionnelle
du vivant actuel. Un point c'est tout. Quand aux techniques
employées, elles restent très sophistiquées et
coûteuses. Enfin, le problème posé par l'analyse
de la causalité de la maladie reste entier. L'ataxie de
Friedreich reste polyfactorielle et le déficit en frataxine
n'est probablement qu'un symptôme génétique pour
l'instant.
Texte de présentation de la maladie à l'adresse
internet : http://www.cam.org/~acaf/AF.html
... une vision beaucoup plus vaste peut-être mais qui
reste dans le ton de l'idéologie dominante puisque
l'idée d'un gène à l'origine de la maladie n'est
pas remise en cause :
«En 1996, on a découvert le gène de l'ataxie de
Friedreich. On sait maintenant qu'il contrôle la production
d'une substance nécessaire au bon fonctionnement des
protéine nommée frataxine. On constate un
déficit en frataxine de l'ordre de 3% à 25% par rapport
à la normale. La frataxine se situe à
l'intérieur de chaque cellule dans des petites structures
appelées mitochondries qui sont le siège de la
respiration cellulaire. Elles permettent à la cellule de
fonctionner. A quoi sert la frataxine? elle empêche
l'accumulation de fer dans les mitochondries. C'est donc dire que
s'il y a un déficit en frataxine il existe
nécessairement un excès de fer. Cet excès de fer
est stocké dans les mitochondries et on en retrouve
également dans le coeur. Ce dernier fait est
intéressant quand on sait que la maladie cardiaque est
très fréquente chez 90% des personnes souffrant
d'ataxie de Friedreich. Les causes des troubles cardiaques qui y
sont associées ne sont pas clairement établies. Mais il
n'est pas interdit de penser que les perturbations biochimiques
causées par le déficit en frataxine soient en
cause. Dans des cultures de cellules, les agents
chélateurs du fer (qui captent le fer et permettent de
l'évacuer) sont-ils efficaces pour éliminer
l'excès de fer des mitochondries et corriger les
défauts observés dans les cellules d'AF ? C'est
là une des nombreuses questions à laquelle on cherche
une réponse. De plus, il semblerait que d'autres anomalies
génétiques soient en cause dans le gène.
C'est pourquoi les chercheurs continuent à explorer ce
gène en détail pour bien comprendre tous les
mécanismes susceptibles d'en troubler le bon fonctionnement.
Les chercheurs travaillent présentement à mettre au
point un modèle animal de l'AF, à savoir, des souris
déficientes en frataxine. Au cours des dernières
années, grâce aux études menées sur des
souris, des chercheurs ont réussi à mettre au point un
premier "cocktail" qui permet aux patients atteints de la maladie de
Friedreich d'avoir une qualité de vie meilleure par
amélioration de la respiration. Les chercheurs continuent
à tester des molécules spécifiques
individuellement afin d'en connaître les
propriétés précises sur le comportement des
modèles animaux. Ils s'engagent aussi vers des essais de
thérapies de substitution qui comporteraient plusieurs
substances. Il semble de plus en plus évident que dans
l'avenir les thérapies de substitution seront basées
sur des cocktails de substances judicieusement choisies pour leurs
effets spécifiques. Les recherches vont bon train et nous
sommes très confiants d'obtenir des résultats positifs.
Evidemment les recherches sont très dispendieuses et nous
comptons sur votre générosité pour pouvoir
poursuivre les travaux.»
3. La manipulation
génomique : de la thérapie génique au
clonage humain
Le terme de manipulation génomique présente une
connotation péjorative voulue. Quelle sont les données
modernes de la génétique et de la biologie
moléculaire qui changent réellement quelquechose au
discours médical ou expérimental sur l'homme ? A mon
avis, aucune. Le respect que tout homme, et le scientifique le
premier, doit à une autre personne, n'est en rien
modifié. Seulement les concepts doivent être
adaptés. Il est trop facile de dire, et c'est souvent un aveu
d'ignorance, que "maintenant, avec ce que l'on sait du génome
et avec les capacités techniques que l'on a de modifier
celui-ci, ... tout est possible". Quelle ineptie. Il n'est pas facile
de dresser un bilan réaliste des progrès récents
car le recul manque toujours mais on peut s'y essayer maladroitement
(et de façon bien évidemment personnelle):
(dossier La Recherche, 315, décembre 1998, pp 51-75) |
|
Le but |
modifier un gène dont on pense que la déficience est la cause d'une maladie |
Un postulat |
la maladie considérée n'est due qu'à la déficience d'un gène unique : c'est une maladie génétique ou plutôt génique |
Les techniques |
in vivo : on injecte directement au malade un nouveau gène que l'on s'efforce d'intégrer spécifiquement aux cellules dont les gènes sont déficients, soit directement au niveau d'une tumeur (in situ), soit dans tout l'organisme. Le gène injecté est contenu dans un vecteur soit naturel viral (particule virale dont on a remplacé une bonne partie du matériel génétique par l'ADN que l'on souhaite insérer) soit artificiel (capsule lipidique). Le vecteur doit ensuite pénétrer dans les cellules cibles (uniquement les cellules susceptibles de posséder le gène déficient en cours d'expression), s'y intégrer et y être exprimé et remplacement du gène déficient. |
ex vivo : on prélève des cellules chez le patient, on les modifie génétiquement (là encore par un vecteur), on les multiplie, puis on les réinjecte. On espère alors qu'elle se multiplient et remplacent les cellules déficientes. |
|
Les enjeux |
1. médicaux : soigner des maladies dont on est quasiment certain que l'origine est strictement génique |
2. économiques : les sociétés qui se placeront les premières sur le marché envisagent des bénéfices fabuleux et le prouvent par leurs investissements et leurs stratégies de recherche qui n'ont rien de philanthropiques (lire un article de Catherine Ducuet : Quand les entreprises jouent au meccano", La Recherche, 315, décembre 1998, 64-68 ; qui donne le vertige par les chiffres et les motivations sous-tendues par toutes ces sociétés). A ce sujet lire aussi l'article sur l'AFM (association française contre les myopathies) et ses laboratoires (le Généthon, laboratoire de cartographie du génome humain, et le tout nouveau Institut de Myologie) : L'AFM, un acteur de troisième type, Catherine Ducruet, Michel Callon et Vololona Rabeharisoa, La Recherche, 315, décembre 1998, pp 69-71; où l'on découvre quelques chiffres des sommes distribuées par l'association de malades aux sociétés privées à but lucratif (78 millions de francs versés à Transgène (dont le président est Alain Mérieux) depuis 1993, 5 millions de francs versés à Oncogène Science depuis 1995 (société américaine) ou encore Rhône-Poulenc...). L'association, qui ne s'en défend pas, au contraire, agit comme un acteur économique dans le but de vaincre la maladie. Elle s'est lancée dans la thérapie génique depuis de nombreuses années. Sa manifestation médiatisée le Téléthon lui rapporte les 3/4 de ses ressources. |
|
Un état des lieux |
1. les vecteurs viraux ne sont pas des outils idéals et ils ne sont pas au point : on ne contrôle ni l'efficacité du transfert du gène, ni le ciblage des cellules, ni les effets secondaires...) (voir "Des virus bricolés pour transférer des gènes", W. French Anderson, La Recherche, 315, décembre 1998, pp53-57 ; au ton nettement moins prometteur que l'article de Pour la Science du même auteur en 1995: "La thérapie génique", French Anderson, Pour La Science, 217, novembre 1995, 90-93) |
2. les vecteurs artificiels ont montré une réelle efficacité in vitro mais elle s'est révélée très décevante in vivo (voir "La transgénèse sans l'aide des virus", Antoine Kichlet et Olivier Danos, La Recherche, 315, décembre 1998, p 58-60) |
|
3. Les essais cliniques en sont encore à leurs balbutiements, la plupart ne visent qu'à démontrer leur innocuité et n'ont pas de but thérapeutique. En France, ils sont essentiellement dirigés contre le cancer. (Le balbutiement nécessaire des essais cliniques, Pierre Lehn, La Recherche, 315, décembre 1998, p 61-62) |