Spécialité SVT (suite)
Les thèmes sont traités dans un ordre qui tient compte de l'avancée du cours en enseignement commun...
Thème 1 (quaternaire), Thème 2 (géologie), Thème 3 (génétique), Thème 4 (neurophysiologie), retour cours


Thème 3 :
Applications et implications des connaissances modernes en génétique humaine

remarques liminaires // le caryotype // bioéthique // le génie génétique // thérapie génique

 2. Le génie génétique : de l'empreinte génétique à la recherche d'un gène (et revoilà la FISH)
Référence : Biologie moléculaire de la cellule, B. Alberts et al., 1995, 3ème édition, Médecine-Sciences, Flammarion

On a actuellement tendance à désigner par "technologie de l'ADN recombinant" les techniques de manipulation de l'ADN mises au point à partir des années 1970 et de réserver le terme de génie génétique aux manipulations génomiques appliquées. (on notera que le terme "génie génétique" est nettement moins péjoratif que "manipulation génétique"). Le génie génétique est un ensemble de techniques permettant de former de nouvelles combinaisons d'ADN susceptibles d'être insérées dans une cellule vivante et y être exprimées.

Voici un aperçu très simplifié des principales techniques regroupées sous le terme de technologie de l'ADN recombinant :
Technologie de l'ADN recombinant... quelques techniques

couper-coller

endonucléases ou endonucléases de restriction ou enzymes de restriction (voir ci-dessus) ainsi que ligases

séparer-séquençer

La méthode diffère totalement selon la longeur de la molécule d'ADN que l'on veut séquençer.

  • la cartographie de restriction : l'action d'une (ou de plusieurs) enzyme(s) de restriction sur des molécules d'ADN données fournit un ensemble de fragments de tailles variées qui dépend de la séquence de l'ADN coupé. Les fragments (dits "fragments de restriction" d'une taille de quelques milliers à quelques dizaines de milliers de paires de nucléotides) peuvent être séparés et leur taille évaluée. Ce qui permet, par comparaison de l'action de plusieurs enzymes de restriction, l'établissement de ce que l'on appelle une carte de restriction. On peut donc penser que deux cellules possédant la même information génétique auront exactement la même carte de restriction. De la même manière, deux cellules de fonction identique mais prise chez deux individus différents, sont supposées avoir des cartes de restriction différentes mais voisines.
  • l'électrophorèse sur gel : le gel de polyacrylamide permet de séparer des molécules d'ADN de moins de 500 nucléotides qui ne différent que par un seul nucléotide. On utilise des gels d'agarose pour des molécules de plus grande taille et enfin la méthode d'électrophorèse sur gel d'agarose en champ pulsé pour des molécules d'ADN de très grande taille (millions de paires de nucléotides). La coloration des fragments d'ADN est réalisée soit au bromure d'éthidium, fluorescent en lumière ultra-violette lorsqu'il est lié à l'ADN, ou le 32P radioactif (de type béta) que l'on doit auparavant incorporer aux groupements phosphate de la molécule d'ADN ce qui implique sa réplication...
  • la méthode chimique et la méthode enzymatique de séquençage rapide de l'ADN ; la méthode chimique combine un marquage par le 32P radioactif, une destruction modérée de l'une des 4 bases, et une séparation par électrophorèse sur gel. La méthode enzymatique repose sur l'utilisation de l'ADN à séquencer comme matrice pour réaliser une copie marquée (radioactivement ou chimiquement) de la séquence recherchée, suivie par un ajout contrôlé de nucléotides un par un et une séparation sur gel de chaque fragment en cours d'allongement. C'est cette dernière méthode qui est surtout utilisée dans les automates (voir par exemple Biologie moléculaire de la cellule, pp297-298).

dénaturer-renaturer-hybrider

la dénaturation réversible (séparation des deux brins de la molécule d'ADN par rupture des laisons hydrogène) est la plupart du temps réalisée par simple chauffage modéré (60°C), la renaturation étant spontanée dès retour à une température plus basse. On peut hybrider (c'est-à-dire associer artificiellement) des brins d'ADN venant de molécules différentes mais aussi des molécules d'ARN avec des brins d'ADN ou encore des brins d'ARN. C'est encore l'hybridation mais cette fois c'est son caractère spécifique qui est employé pour l'hybridation d'une sonde (courte séquence marquée radioactivement (sonde chaude) ou non (sonde froide, par exemple sonde fluorescente, voir FISH ci-dessus...)...) avec une séquence d'ADN ou d'ARN complémentaire au sein d'un grand nombre de molécules d'acides nucléiques.

Les techniques de Northern et Southern blot appliquées respectivement aux molécules d'ARN et d'ADN simple brin permettent de visualiser rapidement l'hybridation entre une sonde radioactive et des acides nucléiques simple brin séparés par électrophorèse sur gel et transférés par effet buvard sur une feuille de nitrocellulose. On qualifie de "Western blot" une technique assez similaire à partir de protéines.

La technique qui permet de réaliser des "empreintes génétiques" est une technique comprenant une dénaturation, une digestion par des endonuclésases puis l'hybridation par une sonde radioactive multilocus (très peu spécifique) suivie d'une électrophorèse sur gel. On récupère ainsi un cliché qui est utilisé comme une sorte de carte d'identité génétique. On peut essayer de mettre en évidence ce que l'utilisation de cette technique présente comme hypothèses :

  • chaque personne posséde une empreinte génétique (en fait une carte de restriction-hybridation par la sonde multilocus) qui lui est propre et qui est la même pour chacune des ses cellules et qui n'évolue pas dans le temps. Cette affirmation n'est qu'un postulat, même si il est hautement probable dans la plupart des cas étudiés ;
  • ce qui suppose aussi pour la technique elle-même que l'action des enzymes de restriction est toujours la même, qu'elle coupe SANS ERREUR, toujours au même endroit si le génome est identique. De la même manière l'hybridation doit se faire de façon TOUJOURS IDENTIQUE....

On voit aisément que ce qui peut être présenté avec une INCERTITUDE raisonnable pour une détermination qui n'est pas aussi grave, n'a pas la même signification lorsqu'il s'agit de l'utiliser comme PREUVE pour condamner un prévenu. Comme toute mesure il faut absolument présenter le résultat avec une incertitude, aux jurés d'apprécier ensuite l'utilisation qui doit en être faite.
Il est certain que l'évaluation de cette incertitude n'est pas chose aisée mais il faut s'y essayer.
C'est le même raisonnement que l'on doit faire en recherche de paternité. La présentation des incertitudes évaluées le plus honnêtement possible pour toutes les mesures expérimentales est en quelquesorte le garant de la crédibilité des scientifiques. Il n'est pas rare que l'on parle de certitude alors qu'il s'agit de convictions puisqu'il existe toujours une incertitude expérimentale.

multiplier (cloner !)

la multiplication d'une séquence d'ADN était auparavant conditionnée par son insertion dans un vecteur d'insertion (virus ou plasmide) que l'on introduisait à son tour dans un vecteur de multiplication (Bactérie ou cellule eucaryote comme la levure) qui, en se multipliant, reproduisait la séquence d'ADN insérée (génie génétique). Maitenant on utilise de plus en plus une amplification enzymatique par l'ADN polymérase extraite d'une bactérie thermophile. C'est notamment la technique de la PCR (polymérisation en chaîne de l'ADN).

génie génétique

  1. isolement "du" gène, en fait d'une séquence d'ADN (essentiellement représentée par l'utilisation des enzymes de restriction... voir ci-dessus)
  2. insertion dans un vecteur d'insertion (virus ou plasmide bactérien) qui est aussi apellé "chimère" ou plutôt recombiné (ADN recombinant) (utilisation des enzymes de type ligases)
  3. transformation (ou transfection ou encore transduction...) d'un hôte en vecteur de multiplication par insertion du vecteur modifié (phase d'amplification) (et techniques du criblage des transformants...)
  4. expression de la séquence insérée et amplifiée

Il me semble bien difficile de présenter vraiment ces méthodes de façon accessible à un élève de terminale sans faire appel à des notions assez complexes sur la structure du génome et surtout sur la régulation de son expression. Il me paraît dérisoire de vouloir expliquer une technique d'hybridation de sonde radioactive alors qu'un élève de TS ne sait même pas que les gènes eucaryotes sont morcelés en introns et exons.

En fait ces techniques évoluent très vite et deviennent de plus en plus complexes et chères au point qu'elles m'apparaissent parfois tellement éloignées du vivant que je me demande ce que l'on peut en tirer.
Quand on en arrive enfin aux applications médicales, il y a de quoi être étonné par les affirmations un peu trop optimistes concernant les découvertes et applications du génie génétique soit au diagnostic soit à la thérapie. Nous allons essayer de présenter quelques exemples en les documentant le plus possible (c'est un travail de longue haleine qui ne pourra qu'être ébauché cette année avec ce cours).

2.1 Qu'est-ce qu'une maladie génétique ?
Une maladie est un désordre physiologique. Il peut avoir une cause externe: agent infectieux, radiations... ou une cause interne : malformation congénitale elle-même due à une cause externe infectieuse ou non (choc...) , anomalie chromosomique (cause ?), anomalie génétique ... On est en pleine recherche de causalité et les réponses ne sont pas toujours simples, ni définitives.

  1. Une maladie génétique doit impliquer un ou plusieurs gènes.
    La maladie est d'ordre phénotypique, elle se caractérise par de symptômes variés. Mais une maladie n'a pas forcément une cause unique (on dit "monofactorielle"). Elle peut être "plurifactorielle". Plus précisément , des causes différentes peuvent causer des symptômes identiques, tout comme des symptômes différents peuvent être dus à une cause unique (ce que les mathématiciens formulent sous le terme de relation bijective si je ne me trompe pas). Vouloir isoler toutes les causes d'une maladie ou l'attribuer à une cause unique me semble parfois être un manque de modestie. Par contre il est évident que l'on a fortement progressé dans les causes des maladies pour lesquelles on ne connaît pas d'agent (pris au sens large voir immunologie).
  2. Les maladies génétiques ne doivent pas avoir d'agent infectieux connu. Certaines maladies sont plutôt des malformations, conséquences d'anomalies du développement, elles-mêmes pouvant avoir une cause infectieuse (toxoplasmose chez la mère pendant les premières semaines de gestation par exemple) ou non (simple choc traumatique par exemple au cours de l'embryogénèse). De la même manière, les anomalies chromosomiques ont probablement leur cause dans des erreurs de développement au cours des premières divisions embryonnaires. Si l'anomalie chromosomique est clairement associée aux symptômes, il reste à découvrir les causes de cette anomalie. Enfin il existe des maladies pour lesquelles le facteur génétique est prouvé. Mais il est entendu que le facteur n'est pas LA cause. On peut les appeller maladies génétiques si l'on reste conscient que l'anomalie matérielle, détectée au niveau d'un gène, reste une conséquence, dont il faut rechercher la causalité : quels mécanismes cellulaires ont provoqué le maintien de cet ADN anormal ? Il est plus étonnant de voir qu'une anomalie de séquence de l'ADN n'a pas été réparée mais au contraire transmise à des descendants, plutôt que de voir un arrêt de développement d'une cellule au génome muté ou une réparation d'un ADN anormal. Peut-être pourrait-on dire que l'extra-ordinaire n'est pas la santé mais bien la permanence d'une anomalie.
    Enfin, dans la majorité des cas la transmission héréditaire est bien établie, mais l'anomalie génétique est inconnue (pas de gène connu avec certitude), et plus encore, le lien entre les gènes marqueurs suceptibles d'être à l'origine de la transmission héréditaire, et les symptômes sont inconnus.
  3. Théoriquement donc, une maladie génétique idéale doit être une maladie dont la cause première (directe) et unique est une altération de la séquence d'un gène (ou de plusieurs gènes) où une altération de l'expression d'un gène (ou de plusieurs gènes).

Nous allons essayer de présenter ces idées à partir d'exemples, plus ou moins détaillés.

2.2 Des exemples parfois considérés un peu rapidement comme simples : la drépanocytose et les thalassémies ou plutôt les hémoglobinopathies
Quelques références (sickle cell disease = anémie falciforme en anglais):
* Les thalassémies, Marc-Alain THOMAS, Biologie-Géologie (Bulletin de l'APBG), 4-1989
* Les pages de l'INSERM sur l'hémoglobine : http://www.im3.inserm.fr/hemoglobine/ avec notamment une petite BD sympathique sur la drépanocytose : http://www.im3.inserm.fr/hemoglobine/SOS_Globi.html mais aussi des pages plus complexes avec par exemple un beau modèle d'HbS: http://www.im3.inserm.fr/hemoglobine/HbDrepanocytose.html

On y trouve aussi des liens avec des pages en anglais plus complexes encore... http://globin.cse.psu.edu/
http://www.cjp.com/blood/entry/home.morph mais ces sites sont destinés au grand public.
Les sites français sur l'anémie falciforme peuvent être trouvés par le serveur de la faculté de médecine de Rouen: http://www.chu-rouen.fr/ssf/pathol/anemiecellulefalciforme.html
on peut y trouver des liens par exemple avec une initiative au bénin : http://www.aupelf.fr/benin_ct/rec/rahimy/rahimy.htm
ou le site de l'APIPD: Association Pour l'Information et la Prévention de la Drépanocytose: http://orphanet.infobiogen.fr/associations/APIPD/APIPD.html
Pour une recherche plus exhaustive on peut utiliser le serveur Orphanet : http://orphanet.infobiogen.fr/Site/formulaires/maladies/Paturl.stm?Pat=xxx&pat_id=125&numpage=1&comp=6&page=s&numpage1=0&comp1=-1&page1=s
une des pages médicales en anglais les mieux documentées : http://www.mc.vanderbilt.edu/peds/pidl/hemeonc/sickle1.htm
L'adresse la mieux documentée que j'ai utilisé est : http://www.ncbi.nlm.nih.gov/htbin-post/Omim/dispmim?141900... plus de 1000 références d'articles sur les 477 variants alléliques de l'hémoglobine des chaînes béta....par exemple... mais il y a une multitude d'autres informations à trouver au sein d'une impressionnante base de données du NIH sur le génome humain, facilement accessible...


Quelques données compilées à partir des sites internet :

Les différents types d'hémoglobine :
L'hémoglobine (Hb) est une grosse molécule protéique de 64000 daltons constituée de 4 sous-unités contenant chacune une protéine : la globine associée à un hème (protoporphyrine III) contenant un atome de fer ferreux capable de se lier à l'O2. Les chaînes de globine peuvent différer : on en connaît principalement 4 nommées a, b, g, d ; voici les principales associations normales :
Les hémoglobines normales
2 chaînes b

gène situé sur le chromosome 11 (bande 11p15.5)

2 chaînes g

gène situé sur le chromosome 11 - diffère de la chaîne b par un unique acide aminé, glycine ou alanine, en position 136

2 chaînesd

deux gènes Ag et Gg situés sur le chromosome 11

2 chaînes a

synthèse gouvernée par au moins deux gènes situés sur le chromosome 16 à peu de distance l'un de l'autre (3700 paires de bases) ; un individu sain posséde donc 4 gènes a, 2 par chromosome 16

aa/bb = a2/b2 = HbA1, hémoglobine majeure
aa/gg = a2/g2 = HbF, hémoglobine foetale
aa/dd = a2/d2 = HbA2, hémoglobine majeure
% chez un adulte
>97%
absente sauf anomalies
<3%

hémoglobines anormales mais composées de chaînes normales de globines

hémoglobine Barts = Hb Bart = g4

les seuls gènes fonctionnels ou présents sont les gènes g, la molécules d'Hb comporte 4 chaînes g est est assez peu efficace

hémoglobine H = Hb H = b4

les seuls gènes fonctionnels ou présents sont les gènes b, la molécules d'Hb comporte 4 chaînes b est est assez peu efficace

On peut se demander si cette présentation n'est pas faussée : les chaînes de globine citées ne sont probablement pas les Hb normales mais les Hb européennes (et américaines suite aux émigrations). Etant donné les innombrables variants fonctionnels (allèles ou encore haplotypes qui ne provoquent aucune défiscience) aussi bien des chaînes a que b , il me semble de plus en plus judicieux de parler plutôt de variation allèlique lié au polymorphisme des populations.


Les techniques récentes permettent d'une part de séparer des hémoglogines différent très légèrement (par électrophorèse sur différents supports et dans différentes conditions d'acidité par exemple (cellulose acetate/citrate agar), par recherche du point isoélectrique ou encore par HPLC (High Performance Liquid Chromatography)...), d'autre part de rechercher directement sur l'ADN de cellules (comme des globules blancs), même mortes, la présence de tel ou tel allèle ; mais les deux démarches ne sont pas du tout équivalentes : dans la recherche électrophorétique on cherche les molécules d'Hb effectivement synthétisées par l'individu alors que dans la recherche génétique on s'intéresse à des gènes qui ne sont pas exprimés dans les cellules étudiées...je vous rappelle que les hématies n'ont plus d'ADN et que les érythroblastes de la moëlle osseuse qui contiennent encore de l'ADN ne sont pas accessibles facilement.

Hémoglobinopathies
(Il est hors de question de recenser ici les 476 allèles connus pour le gène de la chaîne b de l'Hb (je n'ai pas de chiffre pour la chaîne a mais les allèles connus sont aussi très nombreux); encore moins signaler toutes les associations possibles, ni les innombrables formes cliniques associées. Il s'agit juste d'une petite présentation pour montrer la complexité des interprétations qui parfois masquent les présupposés)

Remarque : une confusion peut intervenir du fait de l'appellation hémoglobine qui désigne souvent la molécule compléte d'Hb avec ses 4 chaînes de globine et groupements prosthétiques à Fe mais parfois aussi uniquement une des chaînes de globine. Par exemple HbS peut aussi bien signifier une molécule d'Hb avec 2 chaînes alpha, une chaîne béta et deux une chaîne S, ou 2 chaînes alpha et 2 chaînes S. On peut aussi utiliser la notation HbS dans le premier cas et HbSS dans le second.

anomalies génétiques s.s. ou hémoglobinoses
(modification des gènes entraînant la synthèse d'une chaîne d'hémoglobine anormale)

modifications de la chaîne a

l'HbG-Philadelphia (Hb G-Phil) est un variant de la chaîne a présentant une migration identique à l'HbS. Elle n'a AUCUNE conséquence fonctionnelle ni clinique.

l'hémoglobine Constant Spring (Hb CSpr) présente une chaîne a allongée de 28 à 31 acides aminés. A l'état hétérozygote, elle ne provoque aucune manifestation clinique.

modifications de la chaîne b

hémoglobine S ou HbS ou aS/aS ou a2/aS : substitution de la valine (Val) à la place de l'acide glutamique (Glu) en sixième position.

hémoglobine C ou HbC ou aC/aC ou a2/aC : substitution d'une lysine (Lys) à la place de l'acide glutamique (Glu) en sixième position.

hémoglobine E ou HbE ou aE/aE ou a2/aE : substitution d'une lysine (Lys) à la place de l'acide glutamique (Glu) en vingt-sixième position. A l'état hétérozygote, il n'y a pas de conséquences physiologiques. A l'état homozygote, elle provoque une anémie hémolytique légère.

l'hémoglobine O-Arab correspond à une substitution de la lysine (Lys) à la place de l'acide glutamique (Glu) en 121ème position de la chaîne b. A l'état hétérozygote, elle ne provoque aucun symptôme. A l'état homozygote, elle provoque des manifestations cliniques voisines de l'HbS.

quelques groupes classés en fonction de leurs propriétés éléctrophorétiques... seuls quelques exmples sont donnés

les HbD migrent à la même position que l'HbS sur acétate de cellulose mais migrent avec l'HbA sur un gel d'agar- acide citrique. On connaît de nombreuses substitutions variées d'aa pour les chaînes b de ce groupe.

les HbJ comprennent 58 hémoglobines dont la plupart ne provoquent aucun signe clinique

le groupe HbN contien 6 Hb de mobilité électrophorétique intermédiaire entre celle du groupe HbJ et celle de l'HbH

thalassémies
= absence ou diminution de synthèse d'une ou de plusieurs des chaînes de la globine (du grec thalassa = la mer... car les thalassémies se recontrent essentiellement dans les populations autour du pourtour méditerranéen mais aussi en Afrique centrale, en Asie et en Océanie)

a thalassémies

phénotype hématologique
signes cliniques
nom de la maladie
et interprétation génotypique usuelle
  • 100% d'HbA1 normale chez l'adulte
  • 1% à 2% d'Hb Bart (g4) à la naissance

sujet sain

Porteur silencieux... !!!! (très mauvaise appellation)
comme il n'y a pas de maladie, on ne doit pas qualifier cette éventuelle anomalie génique de thalassémie : génotype suspecté :
-a/aa

  • 100% d'HbA1 normale chez l'adulte
  • 5% à 10% d'Hb Bart (g4) à la naissance

anémie discrète ou minime

Thalassémie mineure
a+ thalassémie : la synthèse des chaînes a persiste (thalassémie modérée) : génotypes suspectés :
--/aa ou -a/-a

  • >70% d'HbA1
  • 10 à 30% d'HbH (b4)
  • <5% d'Hb Bart (g4)

anémie hémolytique, très nette augmentation du volume de la rate (splénomégalie)

Hémoglobinose H
a+ thalassémie : la synthèse des chaînes a persiste (thalassémie modérée) : génotype suspecté :
--/-a

 
  • <80 à 90% d'Hb Bart (g4) à la naissance
  • je ne sais pas quelles sont les autres molécules d'Hb présentes mais il serait très important de le savoir....HbF ou HbA1 ?

enfant mort-né ou nouveau-né mourant

Anasarque foeto-placentaire
ao thalassémie : la synthèse des deux chaînes a est absente (thalassémie létale) : génotype suspecté :
--/--

b thalassémies

  • >5% d'HbA2 (a2/d2)
  • <95% d'HbA1 (a2/b2)
  • persistance légère de l'HbF

souvent asymptomatique mais parfois : pâleur, jaunisse (ictère: couleur jaune de la peau due à la présence de pigments biliaires dans le sang et les tissus), augmentation discrète du volume de la rate, aumentation du nombre d'hématies mais de plus petite taille que la normale

thalassémie mineure ou intermédiaire
b+ thalassémie : la synthèse des chaînes b persiste (thalassémie modérée)

  • 5 à 15% d'HbA2 (a2/d2)
  • 15 à 60% d'HbF
  • faible taux à absence d'HbA1

augmentation du volume de la rate et du foie, anémie sévère, infections à répétition, retard de croissance, anomalies morphologiques des hématies (anisocytose, poïkilocytose)

maladie de Cooley
bo thalassémie = pas de synthèse de chaînes b (thalassémie létale : les malades ne dépassent pas spontanément l'âge de 20 ans)
ou b+ thalassémie = la synthèse de chaînes b persiste faiblement

  • 20 à 40% d'HbF
  • faible taux ou absence d'HbA1 et HbA2

pas d'anémie mais polyglobulie (HbF a une affinité supérieure pour l'O2 que l'HbA, l'organisme compense alors la faible distribution d'O2 au niveau des tissus par une formation accrue d'hématies de plus petite taille = microcytes)

persistance de l'HbF
Hereditary Persistence of Fetal Hemoglobin (HPFH)
associée à une bo thalassémie = pas de synthèse de chaînes b ou à une b+ thalassémie = la synthèse de chaînes b persiste faiblement avec ou non synthèse des chaînes d

  • Hb anormale (forme Lepore) formée par une séquence N-terminale de globine d reliée à une séquence C-terminale de globine b

anémie minime ou nulle à l'état hétérozygote,
anémie grave à l'état homozygote

hémoglobine Lepore

résulte d'une délétion d'une partie de chromosome située entre les deux gènes qui sont situés tous deux sur le chromosome 11. Cette délétion est souvent interprétée comme résultant d'un crossing-over inégal...

Les associations entre les hémoglobinoses et les thalassémies sont innombrables et je renonce à essayer de les classer. La question est en fait de savoir si la recherche des allèles des gènes de la globine mène à quelquechose. En tout cas il est clair que, à part la présence d'HbS et la persistance d'HbF, il semble bien qu'aucun allèle déterminé par électrophorèse ne peut être utilisé pour le diagnostic d'une hémoglobinopathie...(voir par exemple "Phenotypic Variation in Sickle Cell Disease: An Analysis" by Errol L. Fields, Undergraduate Student, Harvard University)

En conclusion :
je propose ici une interprétation qui n'engage que moi et qui est peut-être simpliste.
Plus on cherche à préciser la variabilité des chaînes de l'Hb dans les différentes populations mondiales, plus on en arrive à démontrer un polymorphisme de séquence qui n'empêche pas du tout un fonctionnement normal de la molécule, au pire on observe de très légères anémies qui seraient passées totalement inaperçues sans les techniques modernes et l'engouement pour le séquençage, faisant en quelque sorte partie de la variation physiologique individuelle.
Par contre il existe de véritables maladies associées à l'hémoglobine : d'une part la drépanocytose, dont l'origine génétique est clairement établie mais n'est peut-être pas (probablement ?) la seule origine, et d'autre part tout un groupe de maladies regroupées sous le terme de thalassémies et correspondant à des variations du niveau de synthèse des différentes chaînes de l'Hb. Pour ces maladies la composante génétique est loin d'être claire ou même prouvée. Leur association éventuelle à des variants génotypiques des chaînes de globine ne permet pas d'en améliorer la compréhension.


Quelques étapes de l'historique de la drépanocytose:
... cette maladie est connue dans les pays d'Afrique de l'ouest sous les noms de "chwechweechwe" (tribue Ga), "nwiiwii" (tribue Faute), "nuidudui" (tribue Ewe),et "ahotutuo" (tribue Twi).
... en ce qui concerne la littérature des pays industrialisés, voici les traces historiques :
1910 - description par James B. Herrick de la présence d'hématies en faucille (sickle cells) chez un malade venant des Indes
1927- Hahn et Gillespie montrent la relation entre la forme des hématies et la faible teneur en dioxygène du sang
1940 - Sherman propose l'hypothèse d'une hémoglobine anormale à partir de l'observation de la birefringence des hématies
1949 - Linus Pauling et ses collègues relient la maladie à la présence d'une hémoglobine anormale qui peut être mise en évidence par électrophorèse.
1956 - Vernon Ingram, séquence l'hémoglobine anormale et trouve que l'acide glutamique en position 6 de la chaîne b de l'hémoglobine normale a été remplacé par la valine. Depuis, plusieurs autres varaiants (mais toujours nommés HbS) présentant en plus de ce changement d'autres substitutions, ont été trouvés.
1995 - l'hydroxyurée est le seul médicament disponible pour empêcher les complications et les crises douloureuses dues à l'anémie falciforme (réduit les conséquences sévères chez l'adulte de 50%) : c'est un produit cytotoxique (qui n'est pas sans effets secondaires à long terme...) qui tend à augmenter, même chez l'adulte, la production d'hémoglobine foetale.

La drépanocytose en France :
D'après le site www de l'INSERM : des études épidémiologiques récentes ont démontré que les hémoglobinopathies sont, en Région Parisienne, un problème de santé public. La fréquence de ces maladies est particulièrement élevée parmi les populations antillaises et celles d'origines africaine ou asiatique : Aujourd'hui en Ile-de-France :

La drépanocytose ou anémie falciforme est une anémie (diminution du nombre de globules rouges) dont la cause semble être bien ciblée : certaines hématies (drépanocytes) présentent une forme en faucille (falciforme = en forme de faucille) ou en croissant, elle-même due à la présence d'hémoglobine anormale notée HbS (S=sicklémique) par opposition à l'hémoglobine normale HbA.


une hématie normale :
un beau disque biconcave de 7 µm de diamètre

une hématie falciforme

Cette hémoglobine anormale est susceptible de former, surtout à basse pression d'oxygène, et donc au niveau des tissus (là où l'hémoglobine se décharge de son dioxygène et se charge en dioxyde de carbone), des assemblages fibreux par précipitation dans le cytosol de l'hématie (la solubilité de l'HbS correspond à 4% de la solubilité de l'HbA). Ces précipités d'HbS rigidifient l'hématie et diminuent sa capacité de déformation indispensable notamment à son passage dans les capillaires les plus fins. Il s'ensuit des "bouchons" d'hématies qui ralentissent la circulation. Des douleurs apparaissent, notamment au niveau des articulations. Certains organes, mal irrigués, sont susceptibles d'être endommagés. La maladie conduit à une mortalité juvénile très importante, avant 20 ans (87% est le chiffre donné pour les Etats-Unis). Les hématies déformées ont une durée de vie courte et sont détruites rapidement au niveau du foie, ce qui entraîne l'anémie.

Du point de vue moléculaire, l'Hb adulte posséde à 97% deux chaînes a et deux chaïnes b (voir ci-dessus). Par électrophorèse d'une goutte de sang hémolysée (on fait éclater les hématies pour libérer l'Hb), on peut mettre en évidence la présence d'un ou deux types d'hémoglobines. On distingue donc deux cas : à l'état hétérozygote (en anglais : sickle trait), il n'y a aucun symptôme clair (ce n'est pas aussi simple en fait et il semble qu'il y ait en fait quelques signes d'anémie mais très variables selon les individus), on peut parler de porteur sain ou asymptômatique (HbAS) ; à l'état homozygote (en anglais : sickle disease ou Hgb SS disease) la maladie est sévère et entraîne une mortalité importante mais là encore il existe une énorme variabilité individuelle, certains patients drépanocytaires sont à peine malades et on en connaît même qui survivent au-delà de 70 ans alors que plus de 80% des malades n'atteignent pas 60 ans...(voici les chiffres trouvés sur le site de Vanderbilt University Medical Center : 8% des noirs américains sont porteurs ce qui donne une fréquence de 1 naissance sur 625 présentant une maladie HbSS chez les noirs américains)

Maladie et traitement :
Les enfants drépanocytaires sont nettement plus exposés que les autres enfants à des infections au cours des premières années de leur vie. Le dépistage post-natal précoce permet un traitement de fond par antibiotiques de type penicilline (de 2 mois à 5 ans) qui diminue de 85% l'occurence des maladies infectieuses les plus sévères.

Les complications dues essentiellement aux obturations de vaisseaux par les hématies anormales sont les suivantes : douleurs, bleus, infections à répétition, ulcères aux jambes, lésions osseuses, lésions au niveau des reins et du foie ainsi que des yeux, anémie et retards de croissance.
Les éléments cliniques à surveiller chez les patients drépanocytaires sont les suivants : fièvre, douleur de poitrine, essouflement, fatigue, maux de tête inhabituels, toute faiblesse subite ou perte de connaissance, un gonflement abdominal, une douleur qui résiste aux médicaments habituels de famille, érection douloureuse persistante, tout changement dans la vision....
Les traitements les plus utilisés et recommandations courantes sont les suivants: traitement vitaminique par prise quotidienne d'acide folique (folate) afin de stimuler la formation de nouveaux globules rouges, la prise quotidienne de pénicilline jusqu'à 6 ans pour éviter les infections graves, boire beaucoup d'eau (8 à 10 verres par jours pour un adulte), éviter les réchauffements ou les refroidissements trop importants, éviter les efforts excessifs et le stress, beaucoup se reposer...
En cas de crise, souvent très douloureuse, on peut effectuer des transfusions d'hématies saines qui empêchent la déformation des hématies anormales et surtout bloque la production de nouvelles hématies anormales. Un chélateur du fer est alors administré pour éviter l'accumulation sanguine de fer.

Des essais de transplantations de moëlle osseuse (un des seuls dons de tissus autorisés du vivant du donneur) ont été réalisés avec succès sur une centaine de patients, essentiellement en Europe. Il semblerait que les résultats soient encourageants... le problème essentiel étant le rejet de la moëlle transplantée qui intervient malgré le respect de la compatibilité HLA.

Diagnostic :
* l'addition de Na-meta bisulfite au sang permet de détecter quantitativement la présence d'HbSS et HbAS sans pouvoir les séparer.
* l'électrophorèse de l'Hb permet une détermination en groupes d'"anomalies" (voir plus haut) et notamment de séparer l'HbAS et l'HbSS
* l'utilisation de fragments de restriction (méthode RFLPs = restriction fragment length polymorphisms) et la PCR permettent la recherche de certains allèles du gène de la béta globine à partir de très peu de cellules sanguines prélevées par exemple chez le foetus mais ces méthodes sont coûteuses.
Remarque : je répète ma remarque faite plus haut mais elle me paraît très importante : avec la méthode électrophorétique on cherche les molécules d'Hb effectivement synthétisées par l'individu alors que dans la recherche génétique on s'intéresse à des gènes qui ne sont pas exprimés dans les cellules étudiées...je vous rappelle que les hématies n'ont plus d'ADN et que les érythroblastes de la moëlle osseuse qui contiennent encore de l'ADN ne sont pas accessibles facilement.

Quelques techniques récentes...
(les données suivantes viennent du site : http://www.ncbi.nlm.nih.gov/htbin-post/Omim/dispmim?141900 (attention fichier de plus de 800 Ko) ;
je ne suis pas à l'abri d'une erreur de compréhension de la langue anglaise....je vous invite donc à consuter le site)

Analyse des fragments de restriction (obtenus par l'action d'endonucléases) de l'ADN de cellules foetales :
une première méthode a été mise au point par Saiki et colaborateurs en 1985 (Saiki, R. K.; Scharf, S.; Faloona, F.; Mullis, K. B.; Horn, G. T.; Erlich, H. A.; Arnheim, N. : Enzymatic amplification of beta-globin genomic sequences and restriction site analysis for diagnosis of sickle cell anemia. Science 230: 1350-1354, 1985) combine 2 techniques : una amplification enzymatique (environ 220.000 fois) de la séquence d'ADN contenant notamment les gènes de la béta globine, suivie d'une digestion enzymatique et une hybridation en solution d'une sonde oligonucléotidique marquée radioactivement. Cette technique est rapide (moins d'une journée) et peut être réalisée à partir de moins d'un microgramme d'ADN.
Les mêmes auteurs proposent en 1988, une amélioration de la technique (Saiki, R. K.; Chang, C.-A.; Levenson, C. H.; Warren, T. C.; Boehm, C. D.; Kazazian, H. H., Jr.; Erlich, H. A. : Diagnosis of sickle cell anemia and beta-thalassemia with enzymatically amplified DNA and nonradioactive allele-specific oligonucleotide probes. New Eng. J. Med. 319: 537-541, 1988) avec amplification sélective d'un segment du gène de la béta globine grâce à l'utilisation d'amorces d'oligonucléotides et d'ADN polymérase, suivie d'une hybridation avec des sondes oligonucleotidiques marquées par la peroxidase du Raifort. Les sondes hybridées étant détectées par simple test colorimétrique.
La technique la plus connue est celle proposée par Embury et colaborateurs en 1987 (Embury, S. H.; Scharf, S. J.; Saiki, R. K.; Gholson, M. A.; Golbus, M.; Arnheim, N.; Erlich, H. A. : Rapid prenatal diagnosis of sickle cell anemia by a new method of DNA analysis. New Eng. J. Med. 316: 656-661, 1987) qui consiste, toujours après une amplification enzymatique de l'ADN spécifique de la béta globine, en l'hybridation d'une sonde radioactive d'ADN d'une séquence homologue à une partie de la séquence du gène A de la béta globine. Les ADN hybrides sonde-gène sont alors digérés successivement par deux endonucléases de restriction. La différence d'un seule paire de base entre le gène A et le gène S de la béta globine suffit à affecter la digestion des hybrides et les fragments de restrictions radioactifs peuvent être séparés par électrophorèse et mis en évidence par autoradiographie. La méthode est suffisamment sensible et rapide pour réaliser un test prénatal en moins d'une journée. Le même test peut être utilisé pour le diagnostic d'une hémoglobinopathie C.

Cette dernière technique est, je crois, décrite approximativement à la page 15 aussi bien du livre des éditions Bordas que Nathan de TS spécialité SVT. Elle me paraît excessivement compliquée et difficile à maîtriser pour un élève de TS..... Un enseignant du secondaire n'ayant pas un accès facile à l'article cité plus haut (périodique médical : New Eng. J. Med. )...le choix de cet exemple me paraît peu judicieux.

La liaison génotype-phénotype :
Le gène modifié HbS codant pour la chaîne béta de l'Hb semble bien être seul à l'origine de la maladie. Tous les symptômes semblent pouvoir être reliés à l'anomalie de l'Hb. Il y a donc bien une relation directe entre le génotype et le phénotype. On a donc bien ici une maladie génétique , ou même une maladie génique. Cependant, il faut souligner la variabilité individuelle. Il est important de souligner que CETTE VARIABILITE INDIVIDUELLE N'EST PAS DUE A UNE VARIABILITE GENOTYPIQUE. Avec la même anomalie génique les symptômes sont très variables, même si ils restent tous explicables. C'est bien l'organisme entier qui exprime ou régule l'expression du génome. Il n'y a donc pas qu'une maladie mais bien différentes formes de maladies suite à une défiscience génique. La causalité entre un défaut au niveau de l'information génétique et une maladie au niveau de l'organisme entier semble ici assez bien établie mais son expression phénotypique est modulée par chacun.
Dans le sens inverse, est-il possible, à partir du phénotype de la maladie d'en déduire le génotype ? Certainement pas de façon simple. Les anomalies de l'Hb sont innombrables et la plupart du temps asymptômatiques. Il est même difficile de supposer qu'il existe une forme normale et des formes anormales, la variation allèlique est telle que l'on est en droit de considérer comme suspecte la détermination d'un gène supposé ancestral. Elle ne me semble pas possible actuellement.
D'autre part, il est possible que l'on posséde plus d'une paire de copies fonctionnelles du gène de la chaîne béta de l'Hb. Ce qui rend bien la détermination du génotype à partir du phénotype aléatoire. Lorsqu'il a été mis en évidence, l'allèle HbS est toujours exprimé. A l'état hétérozygote, il ne provoque pas vraiment de symptômes, on le qualifie donc de récessif mais ceci est à mon avis dangereux car ce terme fait référence à un caractère héréditaire et non à un allèle déterminé par des méthodes moléculaires. Le gène est porté par le chromosome 11, un autosome.
Du point de vue de la transmission héréditaire on est non pas dans le cas d'un caractère dont on connaît les lois de transmission héréditaire et dont on recherche le support matériel mais bien dans le cas inverse, celui d'une anomalie génotypique, c'est-à-dire d'un caractère matériel (voir remarques liminaires) qui est transmis selon les lois de la cytologie mises en évidence à partir des chromosomes. Ce n'est qu'a posteriori que l'on peut le qualifier de mendélien. Il n'est donc pas très judicieux de dire que l'on a un caractère mendélien autosomal récessif. La démarche a été inversée par rapport à l'analyse statistique de la transmission des caractères héréditaires. Ce cas, réel, ne justifie pas pour autant la validité de l'hypothèse de support génétique des caractères mendéliens pour tous les autres caractères étudiés, surtout chez l'homme.

Au sujet de la liaison drépanocytose-paludisme :
Il est d'usage de dire qu'il existe un lien entre la présence d'une hémoglobine HbS (au sens de HbAS) et la répartition mondiale de l'agent du paludisme (malaria en anglais) : Plasmodium falciparum. On trouve facilement dans la littérature la carte d'extension de la drépanocytose il y a une vingtaine ou une dizaine d'années superposée celle de la répartition du parasite à cette époque (par exemple la figure 5 de la page du cours de génétique des populations de l'université de tours: http://www.univ-tours.fr/genet/gen12ch8bec6.htm). La relativement bonne superposition permettant d'émettre l'hypothèse que l'allèle HbS est favorisé dans les populations où sévit le parasite (sélection du milieu) et est donc conservé dans ces populations malgré le handicap qu'il produit à l'état hétérozygote et surtout son caractère létal à l'état homozygote.
* Les facteurs génétiques de résistance au paludisme (voir "Le paludisme", production APBG-fiche8) actuellement mis en évidence (surtout dans les zones d'endémisme bien évidemment) sont

* le rôle sélectif de la présence de l'allèle HbS à l'état hétérozygote a fait l'objet de calculs simples qui peuvent être l'occasion d'une première approche des problèmes de génétique des populations.

La loi de Hardy-Weinberg ou équilibre de Hardy, Weinberg et Chetverikov (voir d'abord le manuel scolaire de TS de l'éditeur Nathan, p 55 et, pour plus de renseignements j'ai apprécié l'ouvrage Analyse génétique moderne, Griffiths, Gelbart, Miller et Lewontin, De Boeck Université, 2001 qui, comme son introduction le présente, étaye l'affirmation "l'ADN d'abord" ,mais qui est un livre assez intéressant car il dépasse les raisonnements simplistes habituels, sans être révolutionnaire du fait du postulat de départ...). Cette loi (qui est plutôt une propriété d'une population théorique) énonce que, dans une population sans aucune cause de changement, la proportion des gamètes d'un individu est la même à toutes les générations et dépend uniquement de la ségrégation indépendante des allèles lors de la méïose. Ainsi pour un gène présentant deux allèles s'excluant l'un l'autre la proportion d'un allèle étant p pour les gamètes des deux sexes, la fréquence des homozygotes pour cet allèle est p2. De la même manière pour l'autre allèle de fréquence q, avec une fréquence d'homozygotes de q2. Les hétérozygotes ayant donc une fréquence de 2pq. On suppose que p+q=1, c'est-à-dire que ces allèles sont les seuls possibles et qu'ils s'excluent mutuellement (allèles d'un même gène). Toujours dans ce modèle mathématique les probabilités que chaque parent donne l'un ou l'autre des allèles sont indépendantes et donc la probabilité qu'un enfant possède deux allèles de tel ou tel type est donc bien le produit des probabilités qu'il obtienne cet allèle de l'un des parents et l'autre de l'autre parent. Lors d'une seconde génération la fréquence du premier allèle se trouve être la somme de la fréquence de l'allèle chez les homozygotes (qui donnent toujours cet allèle soit une probabilité de p2) et de la fréquence où cet allèle est donné par les hétérozygotes soit la moitié de 2pq soit pq (ils donnent avec une probabilité de 1/2 soit le premier allèle soit le second). On a donc une probabilité de p2+pq=p(p+q)=p. De même, les deux allèles étant logiquement des événements incompatibles dans les gamètes, q=1-p. On retombe donc bien sur les proportions allèliques des gamètes parentaux. Comme on peut recommencer le même raisonnement pour la génération suivante, on a donc conservation de la fréquence de l'allèle au cours des générations, quelque soit cette fréquence.

D'où le terme d'équilibre ou encore de panmixie qui désigne le fait que les allèles dans la population sont à la même fréquence que chez un seul individu, ce qui a pour conséquence, par exemple, que la fréquence est la même chez le père que chez la mère.

tableau "des gamètes" ou de "fréquence allèlique des gamètes"

avec p+q=1

gamète mâle
allèle A1

fréquence p

allèle A2

fréquence q

gamète femelle
allèle A1

fréquence p

homozygote A1 //A1

fréquence p2

hétérozygote A2//A1

fréquence pq

allèle A2

fréquence q

hétérozygote A1 //A2

fréquence pq

homozygote A2 //A2

fréquence q2

Voici un petit tableau présentant des fréquences différentes pour les deux allèles mais qui ne changent pas selon les générations, si la population est en équilibre de Hardy-Weinberg.

populations
population initiale PAS en équilibre
populations en équilibre dès la première génération
fréquence des homozygotes A1//A1
fréquence des hétérozygotes A1//A2
fréquence des homozygotes A2//A2
p = fréquence de l'allèle A1

(fréquence des homozygotes A1//A1 )+ 1/2 (fréquence des hétérozygotes A1//A2)

q = fréquence de l'allèle A2

(fréquence des homozygotes A2//A2) + 1/2 (fréquence des hétérozygotes A1//A2)

fréquence des homozygotes A1//A1

p2

fréquence des hétérozygotes A1//A2

2pq

fréquence des homozygotes A2//A2

q2

1
0,3
0,0
0,7
(0,3)+ 1/2 (0,0) = 0,3
(0,7)+ 1/2 (0,0) = 0,7
(0,3)2 = 0,1
2(0,3)(0,7) = 0,4
(0,7)2 = 0,5
2
0,2
0,2
0,6
(0,2)+ 1/2 (0,2) = 0,3
(0,6)+ 1/2 (0,2) = 0,7
3
0,1
0,4
0,5
(0,1)+ 1/2 (0,4) = 0,3
(0,5)+ 1/2 (0,4) = 0,7
Pour des fréquences allèliques très différentes dans les populations de départ, on trouve la même fréquence dans les 3 populations au bout d'une seule génération s'il y a panmixie et donc un équilibre.

Remarque: ce modèle est cependant très THÉORIQUE et même irréaliste dans la mesure où il n'y a pas une population parentale dont on connaît la distribution allèlique mais une population réelle, statistiquement définie, pour laquelle on cherche les lois héréditaires. Dans ce cas une population est ou n'est pas à l'équilibre. Or elle ne peut atteindre l'équilibre que s'il y a déjà panmixie, ce qui est déjà un équilibre. Cette loi ne peut donc rendre compte de la manière dont l'équilibre est atteint. Elle ne peut que valider l'hypothèse d'une stabilité.

Si l'on applique cette loi à notre exemple avec les 5 allèles (A, S, C, E, O-arab) pour le gène de la chaîne ß de l'hémoglobine et que l'on généralise à n allèles (Ai) on obtient, avec p+(i=1,n) qi = 1

  • une fréquence d'homozygotes A//A de p2
  • une fréquence d'hétérozygotes A//Ai de 2pqi
  • une fréquence d'homozygotes Ai//Ai de qi2

Ainsi la fréquence de l'allèle A sera à la seconde génération p2 + 1/2 p(i=1,n) qi = p(p+(i=1,n) qi)=p. On a donc aussi un équilibre du même type.

allèle A

fréquence p

allèle A1

fréquence q1

allèle A2

fréquence q2

...
allèle Ai

fréquence qi

...
allèle An

fréquence qn

allèle A

fréquence p

homozygote A//A

fréquence p2

hétérozygote A1//A

fréquence pq1

hétérozygote A2//A

fréquence pq2

...
hétérozygote A//Ai

fréquence pqi

...
hétérozygote An//A

fréquence pqn

allèle A1

fréquence q1

hétérozygote A1//A

fréquence pq1

homozygote A1//A1

fréquence q12

hétérozygote A1//A2

fréquence q1q2

...
hétérozygote A1//Ai

fréquence q1qi

...
hétérozygote A1//An

fréquence q1qn

allèle A2

fréquence q2

hétérozygote A2//A

fréquence pq2

hétérozygote A1//A2

fréquence q1q2

homozygote A2//A2

fréquence q22

...
hétérozygote A2//Ai

fréquence q2qi

...
hétérozygote A2//An

fréquence q2qn

...
...
...
...
...

...
...
allèle Ai

fréquence qi

hétérozygote A//Ai

fréquence pqi

hétérozygote A1//Ai

fréquence q1qi

hétérozygote A2//Ai

fréquence q2qi

...
homozygote Ai//Ai

fréquence qi2

...
hétérozygote Ai//An

fréquence qiqn

...
...
...
...
...

...
...
allèle An

fréquence qn

hétérozygote An//A

fréquence pqn

hétérozygote A1//An

fréquence q1qn

hétérozygote A2//An

fréquence q2qn

...
hétérozygote Ai//An

fréquence qiqn

...
homozygote An//An

fréquence qn2

D'autres critiques à l'encontre de cette loi qui possède des postulats logiques qui ne prennent pas en compte la dimension biologique:
- la répartition des allèles dans les cellules sexuelles: les séparation des allèles (anaphase de la première division de méïose s'il n'y a pas de crossing-over et anaphase de la seconde division s'il y a recombinaison) est un phénomène toujours identique à lui-même : les gamètes n'ont qu'un seul allèle et un de ceux pris dans le génotype du modèle. Alors qu'il peut y avoir des méioses anormales et des allèles nouveaux ou absents (mutations, délétions...). Cette répartition des allèles sont des événements liés dont la somme des fréquences est égale à 1.
- la réunion des deux allèles parentaux lors de la fécondation correspond à un événement pour lesquel le choix d'un allèle pour un gamète et d'un autre pour l'autre gamète sont des événements indépendants. On a donc une probabilité d'avoir la réunion de deux allèles portés par chacun des gamètes égale au produit des probabilités que chaque gamète porte cet allèle (union au hasard). Certes le choix du conjoint ne repose pas sur son génotype (ensemble des allèles exprimés), mais certains allèles sont exprimés dans les gamètes et donc certains allèles ne sont pas portés par des gamètes viables et fécondants. De même la panmixie peut être compréhensible pour une population limitée (expérimentale) comme celle d'organismes en culture, mais cette hypothèse devient plus difficile à soutenir dans une population humaine. En effet, des choix ethniques ou culturels font que les allèles ne circulent pas si librement que cela dans les populations humaines. Pour des populations animales on pourrait mettre aussi en avant des biais de reconnaissance basés sur le comportement, l'émission de signes colorés, odorants ou visuels...
D'autres critiques touchent cette fois l'utilisation de cette loi: le principal postulat de cette loi: la panmixie, va de pair avec la stabilité des fréquences des allèles au sein de la population panmictique. Si l'on pense qu'il y a variation allèlique et que l'on compare la répartition des allèles d'une population réelle à celle d'une population théorique en équilibre de Hardy-Weinberg on fait une erreur car aucune population réelle humaine ne me paraît à l'équilibre du fait des critiques ci-dessus. On ne peut donc comparer les chiffres réelles de la variation à une population figée. Il faut trouver un modèle de la variation et chercher à le tester. Il est à mon avis faux de dire que cette loi montre le maintien de la variation génétique. Elle est en quelque sorte le modèle a contrario d'une population SANSVARIATION.


Pour ce qui est de calculs plus complexes qui essayent de formaliser les écarts à cet équilibre, on eut se plonger dans l'ouvrage (Analyse génétique moderne, ch 17 et 18) ou visiter les pages très pédagogiques de l'université de Tours qui sont assez accessibles (http://www.univ-tours.fr/genet/gen12ch8b.htm). Vous pourrez y trouver un lien avec des petits logiciels téléchargeables à partir des sites du département américain de l'éducation (en américain). Mais attention le cours de génétique des populations que l'on y trouve n'est pas du tout complet et il est préférable de se reporter à l'ouvrage cité.
* une petite remarque concernant les présentations simplifiées qui sont faites de la pression sélective sur l'allèle HbS par le parasite:
la persistance de l'allèle HbS, invalidant pour une population, est justifiée, statistiquement, grâce à certaines approximations. Mais la principale et première hypothèse reste que l'allèle HbS, dans une population sans pression sélective particulière, disparaît progressivement. Un allèle létal à l'état homozygote tend statistiquement à disparaître dans la population. Cette affirmation n'est pas aussi neutre qu'elle y paraît. Le fait d'éliminer des homozygotes ne modifie la proportion d'hétérozygotes que si les fécondations se font au hasard avec des allèles présentant la même fréquence que les proportions théoriques portées par les gamètes issues de la méïose (théorie de la panmixie).

2.3 La mucoviscidose est-elle vraiment une maladie génétique ? Probablement pas !
(cystique fibreuse ou cystic fibrosis en anglais)
le but n'est pas ici de donner une réponse tranchée (ne jamais oublier que derrière ce mot ils y a de nombreux enfants malades et leur famille) mais de faire réfléchir un élève de terminale...
Références
: La mucoviscidose, Georges Travert, Biologie-Géologie (Bulletin de l'APBG),n°3-1988, 563-579 dont je reprends quelques idées.
Quelques sites internet :
* en français, la base de données du CHU de Rouen : sur les pneumopathies : http://www.chu-rouen.fr/ssf/pneumopathfr.html et plus spécialement la mucoviscidose : http://www.chu-rouen.fr/ssf/pathol/mucoviscidose.html; ou Rennes: http://www.med.univ-rennes1.fr/etud/pediatrie/mucoviscidose.htm
* en anglais par l'intermédiaire d'Ophanet (liste générale un peu longue à charger de 700 Ko : http://orphanet.infobiogen.fr/Site/formulaires/maladies), le site du NIH : pour la mucoviscidose (CF) http://www3.ncbi.nlm.nih.gov/htbin-post/Omim/dispmim?219700 et pour le gène (CFTR : cystic fibrosis transmembrane conductance) impliqué dans la CF et ses 120 allèles référencés: http://www3.ncbi.nlm.nih.gov/htbin-post/Omim/dispmim?602421

La mucoviscidose ou fibrose cystique du pancréas est la plus fréquente des maladies qualifiées de génétiques et potentiellement mortelles dans les populations européennes.Deux points essentiels :
* On en ignore toujours la cause (on «ignore totalement» (je cite G. Travert, en 1988) le lien entre les gènes liés héréditairement à la maladie et les symptômes cliniques). Je pense que l'on peut affirmer que ce n'est pas une maladie génétique au sens utilisé pour la drépanocytose. Le lien héréditaire est certain mais pas la causalité génique.
Actuellement c'est le gène CFTR (cystic fibrosis tranmembrane conductance : qui code notamment pour une protéine intervenant dans la perméabilité membranaire au chlore mais aussi au sodium) qui présente 120 allèles répertoriés qui a été proposé depuis 1989 par Kerem et ses collaborateurs (Kerem, B.; Buchanan, J. A.; Durie, P.; Corey, M. L.; Levison, H.; Rommens, J. M.; Buchwald, M.; Tsui, L.-C. : DNA marker haplotype association with pancreatic sufficiency in cystic fibrosis, Am. J. Hum. Genet. 44: 827-834, 1989) : la mutation initialement découverte est une délétion du codon 508 (CTT) conduisant à l'absence d'une phénylalanine dans la chaîne polpypetidique (mutation delta-F508). Cette mutation est présente chez 40% à 80% des malades, selon les études. Etant donné le coût des tests il est évident que cette mutation n'a pas été recherchée chez des populations saines...
Voici par exemple un résumé de deux articles qui font référence sur la question et un petit texte sur une découverte récente: un petit exercice de compréhension anglaise...(venant de la base de données Medline)

The relation between genotype and phenotype in cystic fibrosis--analysis of the most common mutation (delta F508), Kerem E, Corey M, Kerem BS, Rommens J, Markiewicz D, Levison H, Tsui LC, Durie P., N Engl J Med 1990 Nov 29;323(22):1517-22
(Department of Genetics, Hospital for Sick Children, Toronto, ON, Canada).
BACKGROUND AND METHODS. Both the clinical manifestations of cystic fibrosis and the genotypes of patients are heterogeneous, but the associations between the two are not known. We therefore studied blood samples from 293 patients with cystic fibrosis for the presence of the most common disease-causing mutation (delta F508) on chromosome 7 and compared the results with the clinical manifestations of the disease.
RESULTS. The prevalence of the delta F508 allele in the cohort was 71 percent; 52 percent of the patients were homozygous for the mutation, 40 percent were heterozygous, and 8 percent had other, undefined mutations. The patients who were homozygous for the mutation had received a diagnosis of cystic fibrosis at an earlier age and had a greater frequency of pancreatic insufficiency; pancreatic insufficiency was present in 99 percent of the homozygous patients, but in 72 percent of the heterozygous patients and only 36 percent of the patients with other genotypes. The patients with pancreatic insufficiency in all three genotype groups had similar clinical characteristics, reflected by an early age at diagnosis, similar sweat chloride values at diagnosis, similar severity of pulmonary disease, and similar percentiles for weight. In contrast, the patients in the heterozygous-genotype and other-genotype groups who did not have pancreatic insufficiency were older and had milder disease. They had lower sweat chloride values at diagnosis, normal nutritional status, and better pulmonary function after adjustment for age.
CONCLUSIONS. The variable clinical course in patients with cystic fibrosis can be attributed at least in part to specific genotypes at the locus of the cystic fibrosis gene.

Correlation between genotype and phenotype in patients with cystic fibrosis, The Cystic Fibrosis Genotype-Phenotype Consortium.N Engl J Med 1993 Oct 28;329(18):1308-13
BACKGROUND. Cystic fibrosis is the most common lethal autosomal recessive disorder among whites. Seventy-two percent of patients with this disease are homozygotes or compound heterozygotes for eight mutations of the cystic fibrosis transmembrane conductance regulator gene on chromosome 7: delta F508, G542X, R553X, W1282X, N1303K, 621 + 1G-->T, 1717-1G-->A, and R117H. We studied the relation between genotype and phenotype in patients from 14 countries.
METHODS. Each of 399 patients who were compound heterozygotes for delta F508 and one other mutation was matched with the delta F508 homozygote of the same sex who was the closest in age from the same center. A paired analysis was performed of the following outcome variables: age at diagnosis, sweat chloride concentration, growth percentiles, pulmonary-function values, chest-film score, pseudomonas colonization, nasal polyps, pancreatic sufficiency, pancreatitis, diabetes mellitus, meconium ileus, distal intestinal obstruction syndrome, rectal prolapse, cirrhosis, and gallbladder disease.
RESULTS. The compound heterozygotes having the genotype R117H/delta F508 clearly differed from the age- and sex-matched delta F508 homozygotes: they more often had pancreatic sufficiency (87 percent vs. 4 percent, P < 0.001), were older when the diagnosis was first made (mean [+/- SD] age, 10.2 +/- 10.5 vs. 2.5 +/- 4.3 years; P = 0.002), and had lower sweat chloride concentrations (80 +/- 18 vs. 108 +/- 14 mmol per liter, P < 0.001). There were no statistically significant differences between delta F508 homozygotes and other compound heterozygotes with regard to any variable tested.
CONCLUSIONS. Prenatal and prognostic counseling for patients with the R117H/delta F508 genotype should include the likelihood that they will have long-term pancreatic sufficiency. Patients with the other genotypes should expect the early onset of pancreatic insufficiency. For none of the genotypes studied can predictions be made about the occurrence of common complications or the severity or course of pulmonary disease.

Allèle n°119 du gène CFTR: SWEAT CHLORIDE ELEVATION WITHOUT CYSTIC FIBROSIS [CFTR, SER1455TER] Mickle et al. (1998) identified a 6.8-kb deletion and a nonsense mutation (ser1455 to ter; S1455X) in the CFTR gene of a mother and her youngest daughter with isolated elevated sweat chloride concentrations. Detailed clinical evaluation of both individuals found no evidence of pulmonary or pancreatic disease characteristic of CF. A second child in this family had classic CF and was homozygous for the 6.8-kb deletion, indicating that this mutation caused severe CFTR dysfunction. CFTR mRNA transcripts bearing the S1455X mutation were stable in vivo, implying that this allele encoded a truncated version of CFTR missing the last 26 amino acids. Loss of this region did not affect processing of transiently expressed S1455X-CFTR compared with wildtype CFTR. When expressed in CF airway cells, this mutant generated cAMP-activated whole-cell chloride currents similar to wildtype CFTR. Preservation of chloride channel function of the S1455X-CFTR mutation was consistent with normal lung and pancreatic function in the mother and her daughter. The study indicated that mutations in CFTR can be associated with elevated sweat chloride concentrations in the absence of the CF phenotype, and suggest a previously unrecognized functional role in the sweat gland for the C-terminus of CFTR.
A mutation in the cystic fibrosis transmembrane conductance regulator gene associated with elevated sweat chloride concentrations in the absence of cystic fibrosis, Mickle, J. E.; Macek, M., Jr.; Fulmer-Smentek, S. B.; Egan, M. M.; Schwiebert, E.; Guggino, W.; Moss, R.; Cutting, G. R. , Hum. Molec. Genet. 7: 729-735, 1998


A mon avis il est donc très peu prudent de parler de maladie génétique.

* Maladie toujours fatale chez le nourisson il y a 50 ans, la mucoviscidose est désormais, grâce aux progrès de la médecine curative (mais aussi prédictive du fait de l'amélioration de la fiabilité et de la précocité du diagnostic), une maladie chronique évoluant au cours de l'enfance, et, de plus en plus souvent, dans l'âge adulte.

* Un article à lire: Pascale Fanen: «Un traitement pharmacologique restaure le gène déficient», La Recherche, 370, décembre 2003, 26-27 d'après M. Wischanski et al., NEJM, 349, 1433, 2003); on sait que les antibiotiques de type aminoglycosides sont susceptibles de supprimer l'effet des codons stop insérés prématurément par mutation dans un ARN codant pour une chaîne polypeptidique. Cet effet à été testé avec la gentamycine chez des patients atteints de mucoviscidose, homozygotes ou hétérozygotes pour le gène de la protéine CFTR. Seuls ceux présentant au moins une mutation de type stop (ce qui concerne 2 à 5% des mutations du gène considéré) on connu une nette amélioration de la perméabilité membranaire au chlore des cellules de leur épithélium nasal après 2 semaines de traitement antibiotique (pulvérisation nasales).

Gentamicin-Induced Correction of CFTR Function in Patients with Cystic Fibrosis and CFTR Stop Mutations
Michael Wilschanski, M.D., Yaacov Yahav, M.D., Yasmin Yaacov, B.Sc., Hannah Blau, M.D., Lea Bentur, M.D., Joseph Rivlin, M.D., Micha Aviram, M.D., Tali Bdolah-Abram, M.Sc., Zsuzsa Bebok, M.D., Liat Shushi, M.Sc., Batsheva Kerem, Ph.D., and Eitan Kerem, M.D., NEJM, 349, 1433, 2003
ABSTRACT
Background Mutations in the cystic fibrosis transmembrane conductance regulator (CFTR) gene containing a premature termination signal cause a deficiency or absence of functional chloride-channel activity. Aminoglycoside antibiotics can suppress premature termination codons, thus permitting translation to continue to the normal end of the transcript. We assessed whether topical administration of gentamicin to the nasal epithelium of patients with cystic fibrosis could result in the expression of functional CFTR channels.

Methods In a double-blind, placebo-controlled, crossover trial, patients with stop mutations in CFTR or patients homozygous for the F508 mutation received two drops containing gentamicin (0.3 percent, or 3 mg per milliliter) or placebo in each nostril three times daily for two consecutive periods of 14 days. Nasal potential difference was measured at base line and after each treatment period. Nasal epithelial cells were obtained before and after gentamicin treatment from patients carrying stop mutations, and the C-terminal of surface CFTR was stained.
Results Gentamicin treatment caused a significant reduction in basal potential difference in the 19 patients carrying stop mutations (from &endash;45±8 to &endash;34±11 mV, P=0.005) and a significant response to chloride-free isoproterenol solution (from 0±3.6 to &endash;5±2.7 mV, P<0.001). This effect of gentamicin on nasal potential difference occurred both in patients who were homozygous for stop mutations and in those who were heterozygous, but not in patients who were homozygous for F508. After gentamicin treatment, a significant increase in peripheral and surface staining for CFTR was observed in the nasal epithelial cells of patients carrying stop mutations.
Conclusions In patients with cystic fibrosis who have premature stop codons, gentamicin can cause translational "read through," resulting in the expression of full-length CFTR protein at the apical cell membrane, and thus can correct the typical electrophysiological abnormalities caused by CFTR dysfunction.

Cet exemple montre à mon avis l'intérêt que l'on a à comprendre la liaison génotype-phénotype comme une notion ouverte d'une capacité d'expression centrée sur la cellule vivante (voir cours de 1èreS).

2.4 Un exemple original d'application des connaissances modernes en génétique : l'ataxie de Friedreich
Cet exemple est tiré d'un article de La Recherche: " Du génome de la levure aux maladies humaine", Françoise Foury, La Recherche, 316, janvier 1999, 40-42.
Le niveau de l'article étant un peu élevé pour un élève de terminale, je me permets d'en faire un résumé, mais il est bien évident que ce texte n'engage que moi et qu'il n'est peut-être pas exempt d'erreurs de compréhension. Je vous recommande vivement la lecture de l'article original.

Au passage une remarque :
L'évolution est présentée comme un phénomène explicatif autorisant à comparer les séquences de molécules actuelles d'êtres vivants actuels et d'en déduire des rapprochements dans le passé... l'idée n'apporte rien à l'article. On peut, et l'on doit à mon sens, se contenter de faire des homologies entre molécules en se référant à l'unité du vivant actuel qui n'a rien d'hypothétique. Dans cette étude le facteur évolutif n'existe pas : il n'y a pas de temps qui serait mesuré par des molécules fossilisées...je laisse la question pour la fin de l'année dans le cours sur l'histoire de la vie.

La maladie :
l'ataxie de Friedreich (si vous voulez avoir quelques données grand public sur la maladie vous pouvez consulter par exemple la page suivante: http://www.cam.org/~acaf/AF.html ) est une maladie héréditaire atteignant un individu sur 50 000 environ et qui se manifeste généralement au cours de l'adolescence par des dégénérescences des neurones à longs axones, situés dans les ganglions de la racine postérieure des nerfs rachidiens et du cervelet. Les symptômes débutent le plus souvent vers 13 ans, voire plus tôt. L'évolution progressive est plus rapide au début mais diffère d'un ataxique à l'autre. Elle entraîne des handicaps physiques graves (troubles de la marche et de l'équilibre, incoordination des membres supérieurs, élocution difficile, faiblesse musculaire conduisant inéluctablement vers l'invalidité) et est souvent associée à une cardiomyopathie (anomalie du muscle cardiaque). Une association, l'AFAF (Association de l'Ataxie de Friedreich) a été créée en 1980 et essaye de rapprocher les malades et d'aider à la lutte contre la maladie.
La recherche d'une liaison génétique :
En 1996, un article publié dans la revue scientifique Science (V. Campuzano et al., 1996, Science, 276, 1709), présente la découverte (par une équipe de l'Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire de Strasbourg) d'un gène codant pour une petite protéine de 210 acides aminés (la frataxine) comme étant LE gène associé à cette maladie. La maladie est alors présentée aux malades comme étant une maladie génétique qui se transmet selon le mode autosomal récessif. Pour qu'un enfant soit atteint, ses deux parents doivent être porteurs du gène défecteux. Cette affirmation est encore une fois un peu rapide : pour plus d'informations et pour trouver les références des articles originaux, consultez par exemple : http://www3.ncbi.nlm.nih.gov/htbin-post/Omim/dispmim?22930 . La défiscience en frataxine (3 à 25% selon les patients) semble d'avantage être un symptôme génétique plutôt qu'une cause...La répétition du premier intron de la frataxine, considérée comme l'anomalie génétique à l'origine de la maladie n'a été étudiée que chez quelques personnes du fait de la rareté de la maladie. La causalité est encore très discutée par la dizaine d'équipes dans le monde qui travaille sur le sujet.
On ignore alors le rôle de cette protéine dont la séquence ne permet pas d'imaginer la fonction. Par contre on connaît des séquences voisines chez les organismes les plus étudiés du point de vue génétique en laboratoire : un vers (le nématode Caenorhabditis elegans, dont le génome vient lui aussi d'être entièrement séquencé en décembre 1998...), deux levures (champignons) et une plante : Arabidopsis thaliana. Il est clair que étant donné la complexité et le coût des études génétiques, le nombre d'organismes étudiés est extrêmement limité. En fait ce résultat signifie, je pense, qu'il existe des homologues de la séquence de cette protéine chez les eucaryotes dont on a séquencé une bonne partie du génome. Pour les procaryotes et les autres eucaryotes chez qui on ne l'a pas trouvée, soit elle n'existe pas, soit elle n'est pas encore séquencée (seules les séquences qui codent pour un produit déterminé sont référencées et facilement accessibles : les séquences auxquelles on a pas (encore) donné de sens représentent la majorité de l'ADN)...

Une approche originale pour détecter le rôle de la frataxine :
En 1996 le génome complet de la levure de bière, Sacharomyces cerevisiae, est séquencé et disponible sur base de données. On recherche alors le gène homologue de la frataxine et l'on découvre un gène voisin, localisé sur le chromosome IV de la levure et codant pour une protéine de 174 acides aminés. Ce gène posséde les caractéristiques d'un gène codant pour une petite protéine mitochondriale. On va donc chercher, in vivo, chez la levure à connaître le rôle de ce gène.
Pour cela on déléte (détruit) le gène dont on cherche à connaître le rôle. On observe que les souches de levures délétées présentent un dysfonctionnement des mitochondries : respiration diminuée et tendance à perdre leur ADN mitochondrial.
En même temps une corrélation est faite entre les le dysfonctionnement mitochondrial et l'émission de radicaux libres, grâce au travail de l'équipe de Strasbourg sur une autre maladie génétique dont les symptômes cliniques sont identiques à ceux de l'ataxie de Friedreich mais dont la cause supposée est une défiscience en vitamine E (la vitamine E est connue pour protéger les membranes cellulaires de l'oxydation par les radicaux libres produits notamment par la respiration cellulaire).
La souche délétée (pour le gène de la levure homologue de celui de la frataxine humaine) est particulièrement sensible à la présence de fer dans le milieu de culture : dans un milieu additionné de sulfate de fer, les délétants forment des petites colonies blanches dont la couleur est associée à la perte de l'ADN mitochondrial. Or on sait que le fer est un composant essentiel de nombreuses molécules intervenant dans la respiration mitochondriale mais il est aussi une source de radicaux libres toxiques pour la mitochondrie. Les souches délétées présentent 10 à 20 fois plus de fer libre que les souches normales. Voilà donc toute une série d'hypothèses concernant le gène délété.
En ce qui concerne la frataxine, les premiers résultats sont venus de la technique d'immunofluorescence qui a permis de préciser la localisation strictement mitochondriale de la frataxine humaine (H. Koutnikova et al., 1997, Nature Genet., 16, 345).
En 1997, a été mise en évidence une alteration significative des protéines à fer chez des patients atteints de la maladie de Friedreich.
Une approche de génie génétique plus classique :
Parallélement à cette approche réalisée grâce au séquençage du génome de la levure, une technique plus classique avait donné des résultats similaires publiés simultanément en 1997 (M. Babock et al., Science, 276, 1709). Des mutants de la levure exigeant un milieu additionné en fer étaient connus. On intégre alors des gènes variés provenant de souches de levure sauvages (se développant sur un milieu minimum sans ajout de fer). Les levures transformées qui ont intégré un gène suceptibles d'intervenir dans l'utilisation du fer sont alors sélectionnées (criblage des transformants) par culture sur un milieu carencé en fer. L'un de ces mutants s'est révélé porter un gène homologue à celui de la frataxine humaine.

En conclusion : Qu'apporte cette étude ? Peut-on souscrire à ce que l'auteur propose à la fin de son article : utiliser le génome des organismes chez lequel celui-ci est séquencé pour retrouver, à partir des séquence homologues, le rôle de gènes dont la fonction est inconnue chez l'homme ou d'autres organismes ?
Cette corrélation me semble d'autant plus fondée qu'elle "marche". Par contre l'interprétation me semble plus sujette à caution. Les homologies mises en évidence démontrent l'unité moléculaire et fonctionnelle du vivant actuel. Un point c'est tout. Quand aux techniques employées, elles restent très sophistiquées et coûteuses. Enfin, le problème posé par l'analyse de la causalité de la maladie reste entier. L'ataxie de Friedreich reste polyfactorielle et le déficit en frataxine n'est probablement qu'un symptôme génétique pour l'instant.

Texte de présentation de la maladie à l'adresse internet : http://www.cam.org/~acaf/AF.html ... une vision beaucoup plus vaste peut-être mais qui reste dans le ton de l'idéologie dominante puisque l'idée d'un gène à l'origine de la maladie n'est pas remise en cause :
«En 1996, on a découvert le gène de l'ataxie de Friedreich. On sait maintenant qu'il contrôle la production d'une substance nécessaire au bon fonctionnement des protéine nommée frataxine. On constate un déficit en frataxine de l'ordre de 3% à 25% par rapport à la normale. La frataxine se situe à l'intérieur de chaque cellule dans des petites structures appelées mitochondries qui sont le siège de la respiration cellulaire. Elles permettent à la cellule de fonctionner. A quoi sert la frataxine? elle empêche l'accumulation de fer dans les mitochondries. C'est donc dire que s'il y a un déficit en frataxine il existe nécessairement un excès de fer. Cet excès de fer est stocké dans les mitochondries et on en retrouve également dans le coeur. Ce dernier fait est intéressant quand on sait que la maladie cardiaque est très fréquente chez 90% des personnes souffrant d'ataxie de Friedreich. Les causes des troubles cardiaques qui y sont associées ne sont pas clairement établies. Mais il n'est pas interdit de penser que les perturbations biochimiques causées par le déficit en frataxine soient en cause. Dans des cultures de cellules, les agents chélateurs du fer (qui captent le fer et permettent de l'évacuer) sont-ils efficaces pour éliminer l'excès de fer des mitochondries et corriger les défauts observés dans les cellules d'AF ? C'est là une des nombreuses questions à laquelle on cherche une réponse. De plus, il semblerait que d'autres anomalies génétiques soient en cause dans le gène. C'est pourquoi les chercheurs continuent à explorer ce gène en détail pour bien comprendre tous les mécanismes susceptibles d'en troubler le bon fonctionnement. Les chercheurs travaillent présentement à mettre au point un modèle animal de l'AF, à savoir, des souris déficientes en frataxine. Au cours des dernières années, grâce aux études menées sur des souris, des chercheurs ont réussi à mettre au point un premier "cocktail" qui permet aux patients atteints de la maladie de Friedreich d'avoir une qualité de vie meilleure par amélioration de la respiration. Les chercheurs continuent à tester des molécules spécifiques individuellement afin d'en connaître les propriétés précises sur le comportement des modèles animaux. Ils s'engagent aussi vers des essais de thérapies de substitution qui comporteraient plusieurs substances. Il semble de plus en plus évident que dans l'avenir les thérapies de substitution seront basées sur des cocktails de substances judicieusement choisies pour leurs effets spécifiques. Les recherches vont bon train et nous sommes très confiants d'obtenir des résultats positifs. Evidemment les recherches sont très dispendieuses et nous comptons sur votre générosité pour pouvoir poursuivre les travaux.»

3. La manipulation génomique : de la thérapie génique au clonage humain
Le terme de manipulation génomique présente une connotation péjorative voulue. Quelle sont les données modernes de la génétique et de la biologie moléculaire qui changent réellement quelquechose au discours médical ou expérimental sur l'homme ? A mon avis, aucune. Le respect que tout homme, et le scientifique le premier, doit à une autre personne, n'est en rien modifié. Seulement les concepts doivent être adaptés. Il est trop facile de dire, et c'est souvent un aveu d'ignorance, que "maintenant, avec ce que l'on sait du génome et avec les capacités techniques que l'on a de modifier celui-ci, ... tout est possible". Quelle ineptie. Il n'est pas facile de dresser un bilan réaliste des progrès récents car le recul manque toujours mais on peut s'y essayer maladroitement (et de façon bien évidemment personnelle):

Thérapie génique
(dossier La Recherche, 315, décembre 1998, pp 51-75)

Le but

modifier un gène dont on pense que la déficience est la cause d'une maladie

Un postulat

la maladie considérée n'est due qu'à la déficience d'un gène unique : c'est une maladie génétique ou plutôt génique

Les techniques

in vivo : on injecte directement au malade un nouveau gène que l'on s'efforce d'intégrer spécifiquement aux cellules dont les gènes sont déficients, soit directement au niveau d'une tumeur (in situ), soit dans tout l'organisme. Le gène injecté est contenu dans un vecteur soit naturel viral (particule virale dont on a remplacé une bonne partie du matériel génétique par l'ADN que l'on souhaite insérer) soit artificiel (capsule lipidique). Le vecteur doit ensuite pénétrer dans les cellules cibles (uniquement les cellules susceptibles de posséder le gène déficient en cours d'expression), s'y intégrer et y être exprimé et remplacement du gène déficient.

ex vivo : on prélève des cellules chez le patient, on les modifie génétiquement (là encore par un vecteur), on les multiplie, puis on les réinjecte. On espère alors qu'elle se multiplient et remplacent les cellules déficientes.

Les enjeux

1. médicaux : soigner des maladies dont on est quasiment certain que l'origine est strictement génique

2. économiques : les sociétés qui se placeront les premières sur le marché envisagent des bénéfices fabuleux et le prouvent par leurs investissements et leurs stratégies de recherche qui n'ont rien de philanthropiques (lire un article de Catherine Ducuet : Quand les entreprises jouent au meccano", La Recherche, 315, décembre 1998, 64-68 ; qui donne le vertige par les chiffres et les motivations sous-tendues par toutes ces sociétés). A ce sujet lire aussi l'article sur l'AFM (association française contre les myopathies) et ses laboratoires (le Généthon, laboratoire de cartographie du génome humain, et le tout nouveau Institut de Myologie) : L'AFM, un acteur de troisième type, Catherine Ducruet, Michel Callon et Vololona Rabeharisoa, La Recherche, 315, décembre 1998, pp 69-71; où l'on découvre quelques chiffres des sommes distribuées par l'association de malades aux sociétés privées à but lucratif (78 millions de francs versés à Transgène (dont le président est Alain Mérieux) depuis 1993, 5 millions de francs versés à Oncogène Science depuis 1995 (société américaine) ou encore Rhône-Poulenc...). L'association, qui ne s'en défend pas, au contraire, agit comme un acteur économique dans le but de vaincre la maladie. Elle s'est lancée dans la thérapie génique depuis de nombreuses années. Sa manifestation médiatisée le Téléthon lui rapporte les 3/4 de ses ressources.

Un état des lieux

1. les vecteurs viraux ne sont pas des outils idéals et ils ne sont pas au point : on ne contrôle ni l'efficacité du transfert du gène, ni le ciblage des cellules, ni les effets secondaires...) (voir "Des virus bricolés pour transférer des gènes", W. French Anderson, La Recherche, 315, décembre 1998, pp53-57 ; au ton nettement moins prometteur que l'article de Pour la Science du même auteur en 1995: "La thérapie génique", French Anderson, Pour La Science, 217, novembre 1995, 90-93)

2. les vecteurs artificiels ont montré une réelle efficacité in vitro mais elle s'est révélée très décevante in vivo (voir "La transgénèse sans l'aide des virus", Antoine Kichlet et Olivier Danos, La Recherche, 315, décembre 1998, p 58-60)

3. Les essais cliniques en sont encore à leurs balbutiements, la plupart ne visent qu'à démontrer leur innocuité et n'ont pas de but thérapeutique. En France, ils sont essentiellement dirigés contre le cancer. (Le balbutiement nécessaire des essais cliniques, Pierre Lehn, La Recherche, 315, décembre 1998, p 61-62)

remarques liminaires // le caryotype // bioéthique // le génie génétique // thérapie génique