La science, les sciences ?

Qu'est-ce qu'une science expérimentale ?


La méthode expérimentale - des exemples de séquences - la démarche scientifique à l'école primaire
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Si l'on se réfère au dictionnaire (Petit Robert, 1984), le terme de science a une longue histoire et vient du latin: scientia, ayant pour racine le verbe scire: savoir. Depuis le XVème siècle le terme de science désigne aussi la pratique d'un art ou d'une technique (la science de la guerre par exemple). D'une manière très générale, une science est un ensemble de connaissances ayant un objet déterminé et une méthode propre.

Que sont la biologie et la géologie ?
* de par leur objet elles font partie des sciences de la nature ou sciences naturelles, on dit encore sciences de la vie et de la terre. Leur objet est à la fois le vivant et le non vivant mais en tant qu'élément de la nature. On tend actuellement cependant à séparer les champs disciplinaires et les sciences de la nature non vivante sont scindées en géologie, géochimie, astrophysique et d'une façon plus générale sont essentiellement du domaine de la physique (on doit classiquement inclure la chimie dans les sciences physiques)... Bref, toutes ces délimitations ne sont pas définitives et on assiste certainement en ce début de siècle à une redéfinition des champs disciplinaires.
* de par leur méthode ce sont des sciences expérimentales : elles utilisent la démarche expérimentale (ou méthode expérimentale). En tant que réaliste, je soutiens fermement l'idée que cette démarche est unique et a été explicitée par les philosophes grecs dont Aristote est le chef de file, pour la première fois, du moins pour les traces écrites que l'on en a. Le deuxième philosophe qui a le plus clairement mis en évidence les principes de la méthode expérimentale et que l'histoire a retenu est Saint Thomas d'Aquin, car c'est lui qui a développé le réalisme ontologique (fondé sur l'être) après les grands philosophes grecs. Enfin, la méthode expérimentale est devenue un incontournable au XIXème siècle avec des expérimentateurs extraordinaires comme Claude Bernard, dont personne ne peut ignorer l'ouvrage "Introduction à la méthode expérimentale", si souvent cité, à tort, comme ouvrage fondateur de la méthode. Je vous renvoie d'une part à un tableau de l'histoire des sciences, très incomplet, mais qui pourrait permettre de placer dans le temps quelques grands noms et quelques grandes étapes de l'histoire de la pensée scientifique, et d'autre part à un texte de Georges Canguilhem dans "La connaissance de la vie" dont voici un extrait significatif à mon avis:

Il est d'usage, après Bergson, de tenir l'Introduction à l'Étude de la Médecine expérimentale (1865) comme l'équivalent, dans les sciences de la vie, du Discours de la Méthode (1637) dans les sciences abstraites de la matière . Et c'est aussi une pratique scolaire assez répandue que d'utiliser l'Introduction comme on utilise le Discours à seule fin de paraphrase, de résumé, de commentaire verbal, sans se donner la peine de réinsérer l'un ou l'autre dans l'histoire de la biologie ou des mathématiques, sans chercher à mettre en correspondance le langage du savant honnête homme, s'adressant à d'honnêtes gens, et la pratique effectivement suivie par le savant spécialiste dans la recherche des constantes d'une fonction physiologique ou dans la mise en équation d'un problème de lieu géométrique. Dans ces conditions, l'Introduction parait codifier simplement, tout comme selon M. Bachelard le Discours, « la politesse de l'esprit scientifique.., les habitudes évidentes de l'homme de bonne compagnie ». C'est ce que notait Bergson : « Quand Claude Bernard décrit cette méthode, quand il en donne des exemples, quand il rappelle les applications qu'il en a faites, tout ce qu'il expose nous paraît si simple et si naturel qu'à peine était-il besoin, semble-t-il, de le dire : nous croyons l'avoir toujours su . » A vrai dire, la pratique scolaire veut aussi que l'Introduction soit presque toujours réduite à la première partie, c'est-à-dire à une somme de généralités, sinon de banalités, en cours dans les laboratoires, ces salons du monde scientifique, et concernant aussi bien les sciences physico-chimiques que les sciences biologiques, alors qu'en fait ce sont la seconde et la troisième partie qui contiennent la charte de l'expérimentation en biologie. Enfin et surtout, faute de choisir expressément, pour apprécier la signification et la portée spécifique du discours méthodologique de Claude Bernard, des exemples d'expérimentation proprement heuristique*, des exemples d'opérations exactement contemporaines du seul savoir authentique, qui est une rectification de l'erreur, on en vient, pour n'utiliser que des exemples d'expérimentation de portée didactique, consignés dans les manuels d'enseignement, à altérer involontairement mais profondément le sens et la valeur de cette entreprise pleine de risques et de périls qu'est l'expérimentation en biologie.

Soit un exemple. Dans une leçon sur la contraction musculaire, on définira la contraction comme une modification de la forme du muscle sans variation de volume et au besoin on l'établira par expérimentation, selon une technique dont tout manuel scolaire reproduit le schéma illustré : un muscle isolé, placé dans un bocal rempli d'eau, se contracte sous excitation électrique, sans variation du niveau du liquide. Où sera heureux d'avoir établi un fait. Or, c'est un fait épistémologique** qu'un fait expérimental ainsi enseigné n'a aucun sens biologique. C'est ainsi et c'est ainsi. Mais si l'on remonte au premier biologiste qui a eu l'idée d'une expérience de cette sorte, c'est-à-dire à Swammerdam (1637-1680), ce sens apparaît aussitôt. Il a voulu établir, contre les théories d'alors concernant la contraction musculaire, que dans ce phénomène le muscle n'est augmenté d'aucune substance. Et à l'origine de ces théories qui toutes supposaient une structure tubulaire ou poreuse du nerf, par la voie duquel quelque fluide, esprit ou liquide, parviendrait au muscle, on trouve une expérience qui remonte à Galien (131-200), un fait expérimental qui traverse, invariable jusqu'à nos jours, des siècles de recherches sur la fonction neuro-musculaire : la ligature d'un nerf paralyse le muscle qu'il innerve. Voilà un geste expérimental à la fois élémentaire et complet ; toutes choses égales d'ailleurs, le déterminisme d'un conditionnement est désigné par la présence ou l'absence, intentionnellement obtenues, d'un artifice dont l'application suppose d'une part la connaissance empirique, assez neuve au temps de Galien, que les nerfs, la moelle et l'encéphale forment un conduit unique dont la cavité retient l'attention plus que la paroi, et d'autre part une théorie psychologique, c'est-à-dire métaphysique, selon laquelle le commandement des mouvements de l'animal siège dans le cerveau. C'est la théorie stoïcienne de l'hégémonikon qui sensibilise Galien à l'observation que peut faire tout sacrificateur d'animaux ou tout chirurgien, qui l'induit à instituer l'expérience de la ligature, à en tirer l'explication de la contraction tonique et clonique par le transport du pneuma. Bref, nous voyons surgir notre modeste et sèche expérience de travaux pratiques sur un fond permanent de signification biologique, puisqu'il ne s'agit de rien de moins, sous le nom sans doute un peu trop abstrait de « vie de relation », que des problèmes de posture et de locomotion que pose à un organisme animal sa vie de tous les jours, paisible ou dangereuse, confiante ou menacée, dans son environnement usuel ou perturbé.

*heuristique :(du grec heuriskein = trouver) adj. qui sert à la découverte ; n. f. partie de la science qui a pour objet la découverte des faits. Méthode heuristique : qui consiste à faire découvrir à l'élève ce qu'on veut lui enseigner.
** épistémologie: n.f. (du grec épistemé = science) étude critique des sciences destinée à étudier leur origine logique, leur valeur et leur portée.

Remarques:
je ne suis pas certain que la compréhension de ce texte soit immédiate pour tous, bien au contraire, mais je n'en connaît pas d'autre qui soit plus clair. Je suis convaincu que les principes essentiels de la connaissance scientifique sont là : d'une part, pas d'expérience sans hypothèse, d'autre part, pas d'histoire de science sans histoire des concepts.
Le premier point est assez facile à mettre en œuvre et nous y mettrons une attention particulière. Le second point mériterait une discipline au concours et dans l'enseignement en général. Il est évident que notre rôle se limitera à y faire référence le plus souvent possible et à vous inciter à le mettre en œuvre quand vous serez en poste (d'où aussi l'intérêt de l'esquisse de tableau de l'histoire des sciences que je vous propose).

Remarque:
La science (au singulier) est un terme qui désigne couramment les sciences expérimentales. Par exemple quand on parle "des progrès de la science..." ou "des scientifiques... (par opposition aux littéraires)", on pense aux sciences expérimentales. Parfois certains parlent de sciences exactes par opposition aux sciences spéculatives ou pratiques. Enfin tout dernièrement il est de bon ton de parler de sciences molles (dans lesquelles il y a une incertitude, un aléatoire non mesurable, imprévisible... essentiellement les sciences humaines et les sciences de la vie...mais aussi le politique ou l'économique, dans une acception du mot science la plus large possible) et de sciences dures (les sciences "exactes", pour lesquelles le modèle décrit très fidèlement la réalité : essentiellement les mathématiques mais aussi certains domaines des sciences physiques....) . Derrière ces termes se cachent plus ou moins des options philosophiques diverses.

1. la méthode expérimentale

Elle se déroule en 4 temps:

  1. on pose un problème (la plupart du temps celui-ci se pose à partir d'observations) qui est le plus souvent une question. Cette dernière est malheureusement très souvent confondue avec l'hypothèse.
  2. élaboration d'une hypothèse par induction ou par déduction: il est préférable que cette hypothèse soit formulée comme une affirmation et non comme une question pour éviter de confondre le problème avec l'hypothèse. L'hypothèse est en fait la réponse proposée au problème de la première étape.
  3. réalisation d'une ou plusieurs expériences ou observations pour tester l'hypothèse: chaque expérience doit comporter des conditions expérimentales précises, un témoin et conduire à des résultats qui sont interprétés. Une expérience peut être une observation complémentaire.
  4. jugement sur la validité de l'hypothèse (l'hypothèse est confirmée expérimentalement, validée ou au contraire est infirmée ou invalidée) et déclaration (déduction) d'une affirmation ou loi qui généralise l'hypothèse (cette loi est donc vraie en tant qu'expérimentable, démontrée par l'expérience mais il reste toujours une partie spéculative, incertaine: toute loi peut être invalidée par une unique expérience qui la remet en cause; on peut même aller jusqu'à dire que c'est finalement le propre de toute loi que d'être remis en cause un jour ou l'autre...): les lois sont ensuite regroupées dans des théories scientifiques.

Remarques :
* On utilise beaucoup actuellement le terme de modèle, mais je crois que ce concept recouvre bien la notion de théorie. Et si beaucoup de modèles sont mathématiques (par exemple un modèle permettant une simulation climatique sur ordinateur et conduisant à des prévisions météorologiques... dans la mesure de la validité du modèle utilisé), d'autres modèles peuvent simplement être historiques ou artistiques (pour modéliser la notion de squelette interne-externe on peut faire référence à l'armure des chevaliers, aux tiges de métal insérées dans la mousse de certaines figurines que l'on peut déformer à loisir, ou encore aux planches plus ou moins articulées que l'enfant peut s'attacher le long des bras pour visualiser l'importance des articulations...). Il est certain que le professeur des écoles utilise de nombreux modèles pour illustrer, faire des comparaisons, provoquer une "situation déclenchante"....

* On notera que les théories scientifiques ou les modèles, même les plus enracinés dans les esprits, et considérés dès lors comme des évidences, sont toujours susceptibles d'être invalidés par une seule et unique expérience contradictoire. C'est la modestie du scientifique: se soumettre au réel, à l'expérience.
Et si l'appréhension du réel ne fait pas l'unanimité car de nombreuses philosophies se disputent son interprétation, on retrouve ce terme de modestie, et même celui d'humilité (qui fait référence cette fois à une vertu surnaturelle chrétienne, comme l'orgueil fait référence à un péché, le plus "grand" de tous, dans la morale chrétienne), de façon constante, comme par exemple dans les pages fondatrices de l'expérience pédagogique "La main à la pâte" (Flammarion, 1996), par exemple p 50 ou p 111.

* Un dernier point, plus important dans le secondaire que dans le primaire, mérite d'être cité : si la méthode expérimentale nous permet d'explorer la nature (nous sommes des naturalistes), le temps nous manque et nous sommes amenés à utiliser les résultats d'autres expérimentateurs: la démarche expérimentale se transforme alors en analyse. L'analyse expérimentale est une interprétation critique d'une expérience réalisée selon la méthode expérimentale. Paradoxalement, c'est ce que vous serez amenés à faire en tant qu'étudiants pour préparer vos séquences de classe et apprendre votre métier, même si vous n'aurez pas à faire ce travail avec les enfants.

2. des exemples de séquences

Au titre de votre formation nous allons analyser deux exemples de séquences, non pas pour la séquence elle-même, ce que nous ferons plus tard, mais uniquement en ce qui concerne la démarche scientifique ; en un mot il s'agit de répondre à deux questions : dans cette séquence, que peut-on dire sur la démarche scientifique de l'enseignant ? que peut-on dire sur la démarche scientifique des élèves ?
1. Une séquence issue d'un sujet du concours (Rennes, 1999)
2. Une séquence proposée sur le site internet de "La main à la pâte". consultable à l'adresse : http://www.inrp.fr/lamap/activites/invertebres/chenilles.htm


DOCUMENT 6 : ( 2 pages )
Classe: fin de cycle 2 de l'école primaire

L'enseignant nous donne quelques informations concernant un travail qu'il a conduit dans sa classe dans le cadre des activités scientifiques (découverte du monde).
Quelques phases du travail :

+ Apport par l'enseignant d'un matériel en classe:

un bouquet de capitules de pissenlit au stade "boule blanche" juste avant la dissémination des semences. (voir document 1) .
M = maître ; E = élève

M : Regardez ce que j'ai cueilli ce matin dans mon jardin?
E : C'est pour faire des vœux, il faut souffler tout d'un coup et tout doit s'envoler.
E : Moi aussi, je sais faire. (mime)
Le maître distribue le matériel aux élèves et tous soufflent.
E : C'est comme de la neige.
E : Des parachutes.
M : Savez-vous sur quelle plante on peut trouver ces "boules blanches" ?
Comme les élèves ne connaissent pas la plante concernée, l'enseignant leur propose d'aller sur le terrain où ils font des activités sportives. Là où ils ont peut-être une chance d'en trouver.

+ Sur le terrain : les boules blanches sont nombreuses.

On les trouve sur une plante qui a de grandes feuilles. Le maître donne son nom : c'est un pissenlit. Sur les pissenlits, les élèves découvrent des "boules blanches" mais aussi des "fleurs" jaunes et des "fleurs" blanches. (voir document 1)
E : Les petites fleurs blanches doivent donner les boules parce que le blanc, c'est des parachutes tout serrés. (L'élève a voulu cueillir la "fleur" en tirant sur la partie blanche qui s'est séparée du reste de la plante.)
M : Et les fleurs jaunes, que donnent-elles? Sur le terrain, on n'observe pas de "boules jaunes"!
E : Elles doivent faner et tomber. (Tous les élèves sont d'accord.)
Le maître propose alors de déterrer un pissenlit que l'on mettra dans un pot en classe et l'on pourra ainsi vérifier les hypothèses émises.

+ Observation continue du plant de pissenlit en classe

Découverte
- Les "fleurs" jaunes se transforment en "fleurs" blanches. (La partie jaune fane et tombe, la partie blanche devient alors visible).
- Les "fleurs" blanches donnent bien les boules blanches : Elles s'ouvrent en grand.
- Retour sur les hypothèses émises.

Traces individuelles :
- Dessins d'observation - construction d'une bande chronologique: les transformations de la "fleur" du pissenlit.
- Textes scientifiques ( descriptifs).

* Un problème s'est posé : le devenir des "parachutes"

Les élèves ont eu du mal à rapporter en classe des "boules blanches" entières. Le vent faisait s'envoler un grand nombre de "parachutes".
Les élèves ont vu le rôle du vent dans le transport des "parachutes".

Hypothèse émise :
Si les parachutes tombent sur le sol, ils donneront des petits pissenlits.
Par groupe, les élèves vont expérimenter: "On fait comme dans un jardin."
Matériel : petit pot en verre + terre + eau (pluie) + parachutes (à mettre en surface de la terre comme s'ils étaient tombés tout seuls).
Observations : au bout d'une semaine la germination se produit: on obtient de jeunes plants.
Le maître introduit le terme semence qui remplace le mot "parachute" dans les échanges et les traces.
Traces individuelles : compte rendu de l'expérience ( schéma + texte).

* Synthèse

La vie du pissenlit :
Un jeu d'étiquettes par élève (dessins coloriés des différentes étapes de la transformation observée).
Consigne:
" Rangez les. étiquettes pour raconter l'histoire d'un pissenlit et mettre entre les étiquettes une flèche qui veut dire "devient ".
Les élèves réalisent deux agencements :
- Vignettes alignées dans l'ordre des étapes observées.
- Vignettes disposées dans l'ordre des étapes observées sur un cercle fermé.

En fin de travail, le maître distribue aux élèves un court texte à lire : "le secret du pissenlit" qui les informe que ce qu'ils appelaient fleur, était en réalité un bouquet de fleurs.


Chenilles : déplacement, alimentation et cycle de vie
 

   Activités :

Invertébrés
 

Document de travail

 

Cycle 2

 

Proposition de Jean-Pierre Chevalier

Enseignant

CHEVALIERJp@district-parthenay.fr

École   La Touche

2 rue des écoles

79350 Amailloux

Publication : 1997

Mise en ligne : mai 1998

Résumé : mode de vie des chenilles.

  

 

De nombreuses chenilles pullulent dans le jardin de l'école, dans les haies, ainsi que dans les champs et les jardins environnants. Les enfants ont quelques connaissances ou représentations livresques ou "encyclopédiques" sur les chenilles, pas toujours vraies. A partir de l'observation de ces chenilles, la question s'est posée de comprendre un peu mieux comment elles vivent, de quoi elles ont besoin pour se nourrir, comment elles se déplacent, et ce qu'elles deviennent

Notions scientifiques pour l'enseignant 
Quand un papillon mâle et un papillon femelle se rencontrent, ils peuvent se reproduire. La femelle pond des œufs. A l'éclosion, une petite chenille sort de chaque œuf. Chaque chenille est une larve qui se nourrit beaucoup, grandit grâce à des mues successives. Ensuite cette larve se transforme en chrysalide d'où sortira un papillon: c'est la métamorphose. Il existe diverses espèces de papillons. L'aspect de la chenille dans ses détails est caractéristique de chaque espèce. Toutefois, il existe des points communs entre les différentes chenilles; le corps est formé de trois parties comme chez tous les insectes, la tête, le thorax et l'abdomen: il existe trois paires de vraies pattes (fines) au niveau du thorax et des fausses pattes (épaisses) au niveau de l'abdomen qui aident à la reptation. 

Termes scientifiques 
Œuf, chenille, papillon, tête, thorax, abdomen. 

Objectifs 
Émettre des suppositions. 
Avoir quelques connaissances sur la croissance, le mouvement, sur les diverses manifestations de la vie animale et végétale. 
Connaître les êtres vivants dans leur milieu. 
Connaître le cycle de vie d'un être vivant. 

Durée 
Nombre indéterminé de séances réparties sur deux mois. 


 

Matériel :

Bocaux transparents avec des couvercles 
Des petites boîtes en plastique

 

Démarche pédagogique 

Situation déclenchante 
Les enfants ont ramassé des chenilles, et se sont demandé quoi faire de ces individus nuisibles aux plantations, comment les comprendre un peu mieux; ils ont listé les questions qu'ils se posaient à leur sujet, dans un premier temps. 

Pourquoi changent-elles de forme dans les cocons? 
Pourquoi se transforment-elles en cocon et deviennent-elles papillons? 
Comment font-elles pour sortir du cocon? 
Pourquoi n'ont-elles pas toutes des poils? 
Pourquoi ont-elles beaucoup de pattes? 
Est-ce qu'elles marchent ou qu'elles rampent? 
Pourquoi n'ont-elles pas toutes la même forme? 
Pourquoi vivent-elles sur les feuilles? 
Est-ce qu'elles mangent toutes la même chose? 
Pourquoi mangent-elles la sève des arbres? 
Pourquoi ne prennent-elles pas de pollen? 

Hypothèses faites par les élèves 
Les questions que se posaient les enfants relevaient souvent d'une restitution de connaissances acquises par diverses sources, plutôt que de l'observation, ce qui se traduisait par des représentations parfois assez éloignées de la réalité. Par exemple, un CE2 avait bien compris intellectuellement que la chenille se transformait en papillon, et que le papillon pondait des œufs qui devenaient des chenilles pour donner des papillons; s'il arrivait à bien représenter le cycle, il était tellement convaincu que c'était un cycle qu'il n'arrivait pas à concevoir que la chenille du cycle suivant n'était pas la chenille du cycle précédent; pour lui, c'était toujours la même chenille qu'il y avait entre deux papillons. Il s'agissait de dépasser les connaissances livresques ou les savoirs transmis, par une observation régulière des chenilles et de leurs transformations, tout en procédant par la même occasion à la lecture documentaire des nombreux ouvrages des diverses collections, qui parlent de papillons et de chenilles. 

Expériences proposées par les élèves 
Les enfants ont proposé de les mettre dans des bocaux pour mieux les observer. Le premier bocal n'avait pas de couvercle; sa population ayant émigré du bocal pour s'éparpiller sur le sol de la classe en une nuit, il fut décidé de prendre d'autres bocaux, avec des couvercles. 
Il aurait pu être intéressant de garder des bocaux sans trous d'oxygénation; ce fut impossible, car les enfants ne pouvaient concevoir d'élever des chenilles sans les laisser respirer. 
Pour savoir si elles rampent ou si elles marchent, il fut proposé de les observer, et tout le monde a vu que les chenilles avaient des pattes et qu'elles ne rampaient pas, ce qui reste à infirmer ou confirmer. 
Pour savoir ce qu'elles mangent, il fut proposé de leur donner à manger des feuilles des arbres sur lesquels elles ont été récupérées, d'autres feuilles d'arbres, des fruits. Là encore, il fut difficile d'avoir une démarche "scientifique" d'observation des réactions des animaux avec de l'alimentation différente, car les enfants avaient plus la démarche de faire un élevage que celle d'observer des animaux dans des conditions d'alimentation différentes, ce qui se conçoit en considération de leur âge. 
La collecte fut importante et dura de la mi-mai à la mi-juin, avec des observations qui s'enrichissaient au fur et à mesure des nouvelles espèces de chenilles qui apparaissaient.
 

Observations réalisées par les élèves 
Un papillon récolté dans un bocal y a pondu des œufs, que l'on n'a pas vu se transformer en chenilles, mais qui étaient bien identifiables comme des œufs ; les chenilles se nourrissent de feuilles qu'elles grignotent ; quand elles mangent des feuilles d'arbres, les chenilles laissent des petits tas noirs dans le fond du bocal ; tout d'abord, ces formes furent identifiées comme des œufs de chenilles ; après réflexion, débat, confrontation aux savoirs savants de leur âge, ils en arrivèrent à la conclusion qu'il ne s'agissait pas d'œufs, mais tout simplement de crottes ; des enfants avaient lu que les chenilles muaient quand elles grandissaient ; ils observèrent dans les bocaux des peaux de mue, ce qui aurait été plus difficile à observer dans la nature ; pour les rares bocaux qui ont eu le droit de garder des chenilles (pas longtemps) sans nourriture, il fut observé que les chenilles cherchaient à s'en aller vers l'extérieur, alors que les autres restaient tranquillement à dévorer leurs feuilles sans chercher à aller plus loin ; l'observation de grosses chenilles et de leurs déplacements permit de conclure qu'elles avaient des pattes, alors que certains faisaient l'hypothèse qu'elles rampaient ; la chenille type n'existe pas ; il y a plusieurs sortes de chenilles, de tailles, de couleurs, de formes parfois différentes, entre autres en fonction du lieu sur lequel elles vivent. Quelques chenilles se sont mises en cocon ; nous n'avons pas vu sortir de papillons; cependant les croyances sur leur devenir l'emportaient alors sur l'observation des animaux.

Mot du maître 
L'intérêt de ces séances (difficilement comptabilisables en nombres de séquences car elles ont fait partie de la vie de la classe, aussi bien avant que pendant ou après) a consisté entre autres en la confrontation d'un savoir "savant" des enfants sur les chenilles à un savoir élaboré par la confrontation de l'observation avec la lecture de livres qui étaient toujours présents dans la classe, pendant cette période, pour cette activité. 

Organisation de la classe  
Organisation de la classe. Cette organisation fut diverse au cours des activités. Observation libre des chenilles dans les boîtes et bocaux. Analyse, reprises et échanges en grand groupe. Recherche documentaire en petits groupes. Travail écrit individuel. 

Évaluation 
Dessiner le cycle de vie d'un papillon. 

Documents utilisés 
La littérature enfantine comporte un certain nombre d'ouvrages relatifs aux chenilles et papillons, tels que : 
Découverte Gallimard : De la chenille au papillon  
Bias : Petites bestioles 
Bias : Le cycle de vie du papillon 
Bordas : Le papillon 
Istra : Le papillon 
École des Loisirs : Les papillons 
Gründ : Entrez chez les insectes 
Clin d'úil : La chenille et le papillon 
Circonflexe : Mystérieuses chenilles 
Fleurus : Insectes des champs et des bois 
Nathan : Insectes et petites bêtes 
Nathan : Comment vivent les insectes 
L'Agora : Les papillons 

Prolongements de l'activité 
Un travail de lecture documentaire des diverses collections parlant des chenilles et des papillons permit de savoir pour les CE2 
et certains CE1 bons lecteurs que : 
la chenille change de peau et mue quand elle grandit ; 
les chenilles ne mangent pas n'importe quelle feuille ; 
il existait diverses sortes de chenilles, selon la feuille d'arbre sur laquelle elles se trouvent ; 
la chenille possède des dards épineux, mais inoffensifs ;  
le nombre d'œufs pondus par un papillon est considérable, mais qu'il en est perdu un nombre important avant d'arriver à la génération des papillons suivants ; 
une chenille dévore une aiguille de pin en cinq minutes, et un millier au cours de sa vie ; 
la position de la chenille varie selon la famille de papillons ; 
les chenilles vivent sur les feuilles pour ne pas avoir à se déplacer pour trouver leur nourriture ; 
les chenilles tissent leur cocon avec leur nez ; 

D'autre part, à partir de leurs lectures et de leurs observations, les enfants ont réalisé une carte d'identité des chenilles (du moins 
les CE2), portant sur les points suivants :  
nom de l'animal ; 
habitat ; 
nourriture ; 
couleur ; 
moyen de déplacement ; 
avant, j'étais ; 
bientôt, je serai ; 
écrire cinq lignes pour dire tout ce que tu as découvert sur les chenilles pendant ce travail. 

Enfin, il fut demandé aux enfants de représenter une chenille au début de la période d'observation, ainsi qu'à la fin; le croquis de la fin montrait une chenille correspondant plus à la réalité que le croquis du début de la période d'observation qui relevait plus de la restitution de savoirs "savants" appris dans des livres ou vus à la télévision.

 


Analyse de la démarche scientifique :
Le pissenlit
Les chenilles

Dans la première étape l'hypothèse semble être émise par les élèves : "Elles (les fleurs jaunes") doivent faner et tomber" mais je serais porté à croire que c'est le maître qui, en posant la question "Et les fleurs jaunes, que donnent-elles ?" , a plus ou moins suggéré cette hypothèse.
Dans la deuxième étape on ne sait pas qui émet l'hypothèse : "Si les parachutes touchent le sol, ils doivent donner des petits pissenlits" mais ce qui est plus gênant c'est que dans les deux cas CE NE SONT PAS VRAIMENT DES HYPOTHESES. Une hypothèse n'est pas une prévision (si je fais cela, il va se passer cela). Dans la méthode scientifique il faut proposer une explication, une CAUSE, sinon il n'y a pas de compréhension du phénomène observé. Par exemple il faut dire "les boules blanches sont des fruits qui contiennent des graines qui peuvent germer et donner un nouveau plant de pissenlit". La notion de graine n'est pas issue artificiellement de "l'expérience" qui n'en est pas une (une culture) mais bien présente dans l'esprit du maître (brusquement il change le terme de parachute en semence), de l'examinateur (puisque ces pages ont pour but premier de vous préparer à un concours) et probablement de nombre d'élèves (fin de cycle 2...).

Les objectifs de la séquence sont clairement affichés: réaliser des observations et acquérir des connaissances et ne relèvent pas de la méthode scientifique en tant que telle. L'objectif "émettre des suppositions" est une autre formulation pour faire des hypothèses qui sont des questions ("pourquoi" , "comment", "est-ce que") alors qu'une hypothèse scientifique doit être une AFFIRMATION. On est bien dans le cadre d'une OBSERVATION de la nature et non d'une démarche scientifique au sens strict. De même les "expériences" sont des observations puisqu'elles reposent sur un élevage.

Quand au secret je le trouve bien pauvre... si l'on a comme objectif de faire retenir à l'enfant que chez les Composées on a des inflorescences et non des fleurs simples... le terme de bouquet de fleur n'est pas mieux que fleur. J'aurais préféré fleur, fruit et graine....tous ces termes peuvent être acquis en cycle 1....Ainsi ni le maître, ni les élèves n'ont ici eu de véritable démarche scientifique. Le maître a essayé de faire "redécouvrir" le plus habilement possible la notion de graine, qui n'apparaît pas dans les termes du sujet... ce qui est compréhensible à un plus haut niveau : puisqu'effectivement nous avons chez le pissenlit un fruit-graine ou akène, ce qui oblige à utiliser un terme moyen : semence, mais personnellement je pense que cette distinction est bien pharisaïque. Il est bien plus important que l'enfant acquiert une notion de fruit contenant les graines, même si les différentes enveloppes en sont soudées. Cette distinction est du même ordre que fleur et inflorescence....faisons simple.

Cependant de nombreuses "mini-démarches" scientifiques ont certainement été occasionnées par ce travail : en voici une parmi d'autres : lorsque la question s'est posée (problème) de savoir quel type de mode de locomotion avait telle ou telle chenille, des hypothèses, même non formulées, ont certainement été émises (reptation, marche, glissement...) et l'observation a servi d'expérience et en a réellement eu le statut. De même pour le régime alimentaire ou les mues ou encore l'observations de cocons.

Peut-on imaginer une véritable démarche scientifique avec les élèves sur la reproduction du pissenlit ?
Oui, si c'est vraiment l'enfant qui, seul, propose de mettre à germer ce qu'il pense être des graines.
Finalement, lors de la séquence ci-dessus, la démarche scientifique ne dépasse pas un niveau très élémentaire et comme il est difficile (et peut-être pas souhaitable) d'avoir une pédagogie non directive, n'aurait-il pas été tout aussi profitable de travailler d'abord le concept de graine sans prétendre le faire redécouvrir ? On aurait aussi pu insister sur le mode de transport des graines en observant à la loupe ces graines ou en les pesant...Nous discuterons de cet aspect pédagogique dans le prochain cours mais il est à mon avis très artificiel de prétendre juger de la qualité pédagogique d'une séquence située hors du projet de classe, sans connaître le genre d'élèves, la situation de l'école, la démarche du maître.... Cette séquence n'est certes pas "scientifique" (au sens le plus strict) mais elle a de nombreuses autres qualités.

Cet élevage a donc été l'occasion de nombreuses démarches, réellement scientifiques, mais dont les étapes n'ont pas besoin d'être formulées.

3. la démarche scientifique à l'école primaire

La question de savoir à partir de quel âge une véritable démarche scientifique peut être réalisée par un enfant sans l'aide d'un adulte reste posée.

Dans une classe primaire, la démarche la plus courante est celle qui part de l'observation (même si elle n'est pas réalisée en classe), débouche sur des questions (problèmes) et va jusqu'aux hypothèses. Mais c'est bien la phase suivante expérimentale qui n'est pas conforme à la méthode expérimentale. Les expériences-observations réalisées n'ont pas toujours d'hypothèse clairement exprimée, les hypothèses sont souvent implicites et multiples, les conditions de l'expérience ne sont pas assez bien définies, le témoin est oublié.... etc. Quand aux jugements, étant donné les imprécisions des hypothèses, ils ne peuvent pas non plus être clairement exprimés.

En fait il faut séparer l'apprentissage de la démarche, la confrontation avec la nature: ce que l'on pourrait appeler la pédagogie scientifique, d'avec l'acquisition de connaissances scientifiques. Ce que l'on fait avec les enfants n'est pas l'acquisition de nouvelles connaissances scientifiques, c'est une pédagogie des sciences expérimentales. Leur faire croire, et pire, croire soi-même, que l'on reproduit réellement les conditions d'acquisition de connaissances vraies, scientifiques, confortées par le réel, soumises à l'expérience, reproductibles, est trop ambitieux et trompeur. En fin de compte, l'enfant acquiert-il des connaissances scientifiques à l'aide de cette démarche ? Je ne le pense pas. Il me paraît illusoire de croire que l'enfant acquiert à l'école primaire des connaissances scientifiques par la démarche expérimentale.

Les ébauches de démarche scientifique sont faciles à mettre en œuvre et toujours attrayantes pour les enfants. Même si la formulation n'est pas complète il est sans aucun doute extrêmement profitable de confronter l'enfant à la nature, de le guider dans la mise en forme de ses questions, dans la formulation de ses hypothèses, de lui apprendre à observer, à admirer et à respecter.
Du point de vue didactique, lorsqu'un enfant pose une question du type "Que mange cette chenille ?" ou "Est-ce que ce petit grain noir est une graine ?" il n'a pas une démarche scientifique complète mais son interrogation est excellente, s'étonner n'est-ce pas le début de l'apprentissage de la sagesse ?
Ainsi, on se gardera principalement :
* pour l'enseignant, de confondre une simple observation avec une expérience (dans le sens le plus rigoureux) mais il n'y a à mon avis aucun inconvénient à employer ce vocabulaire avec les enfants par contre c'est plus gênant dans une copie de concours
* de présenter la démarche scientifique comme des solutions proposées en réponse à des problèmes (idéalisme) mais bien dans la vérification d'hypothèses qui sont des affirmations. A ce sujet vous pouvez consulter quelques remarques personnelles sur l'expérience pédagogique de "la main à la pâte". Mais nous aurons bien d'autres occasions d'y revenir.

Tant que l'on ne prétend pas avoir des démarches trop complexes (faire découvrir la notion de graine me semble illusoire par contre l'illustrer est indispensable pour aider l'enfant à mettre en place le concept) et atteindre des objectifs trop élevés (toute connaissance, même scientifique, n'est pas le résultat d'un apprentissage de l'enfant par la méthode expérimentale : apprendre peut être basé sur une relation de confiance envers l'enseignant, ce qui est une de ses grandes responsabilités), les sciences de la nature sont un champ disciplinaire ouvert, formateur, convivial... bref le domaine idéal.

Remarque:
Dans votre programme de formation deux points apparaissent dans ce chapitre : "la construction et la transmission du savoir scientifique" et "des conceptions initiales (représentations premières) aux concepts scientifiques"; ces points sont directement issus des théories de la connaissance, la plupart du temps basées sur une épistémologie idéaliste. Je renvoie donc aux cours de psychologie qui vous seront donnés en SSH. Une fois que vous serez familiers avec ces notions, nous pourrons aborder ces questions dans nos discussions, mais je ne fais pas de cours sur ces sujets car je ne pense pas qu'ils fassent partie de mon domaine de compétence et que, vous l'aurez compris, je ne conçois pas la réalité de la même façon qu'eux (je suis assez fixé sur un réalisme métaphysique comme vous pourrez le constater).
Je suis assez tenté de croire que ce qui manque à votre formation seraient des cours de philosophie (générale et pas uniquement de l'épistémologie et pas uniquement encore une épistémologie idéaliste) plutôt que de la psychologie seule. (Si vous voulez creuser un peu ces notions n'hésitez pas à consulter l'Encyclopédie Universalis qui est une mine notamment aux article réalisme, métaphysique.... utilisez le moteur de recherche du CDROM, il est extrêmement performant).
Par contre il est certainement indispensable que l'on se mette d'accord sur la méthode scientifique qui doit être une, même si l'interprétation de la réalité des résultats obtenus dépendra de la philosophie de chacun. A ce propos, je n'utilise pas le sigle d'OHERIC proposé récemment , et dont on vous parlera peut-être, car je ne pense pas qu'il soit utile. Je vous renvoie à la
méthode expérimentale présentée plus haut dans cette page, dont l'origine remonte au moins aux philosophes grecs. Certains philosophes, en se basant sur leur propre vision de la réalité, tentent de proposer d'autres méthodes permettant d'accéder à des connaissances scientifiques. Changer de méthode modifie de façon certaine le type de connaissance accessible. Ces essais n'ont donc pas leur place à mon avis dans un enseignement scientifique de base. On ne peut pas faire de science expérimentale sans utiliser la méthode expérimentale et celle-ci ne dépend pas de telle ou telle philosophie. C'est une forme de connaissance qui forme un tout. Changer de méthode rend incohérent les nouveaux savoirs avec les savoirs obtenus par la méthode expérimentale. L'interprétation que chaque scientifique fait des résultats obtenus par la méthode (les faits expérimentaux) dépend ensuite de sa philosophie personnelle.
Il est bien certain que la méthode expérimentale n'est pas la seule que vous allez appliquer pour augmenter vos connaissances. Votre métier pluridisciplinaire et évolutif nécessitera de vous familiariser avec bien d'autres types de démarches que la démarche scientifique. Il serait regrettable de vous faire croire que les scientifiques ne sont même pas d'accord entre eux en ce qui concerne leur méthode. C'est faux. Je me répéte encore mais les scientifiques sont d'accord avec la méthode pas avec l'interprétation des résultats. Ce sont des philosophes issus d'autres disciplines qui ont un regard différent sur la science (notamment les épistémologistes dont l'objet est justement la science). Les scientifiques qui réellement font avancer les connaissances scientifiques utilisent tous la même démarche. Les épistémologistes ont par contre bien sûr des visions très différentes de la science.
Vous convaincre d'abandonner l'idéalisme ambiant peut paraître voué à l'échec et pourtant je suis certain que c'est la seule voie qui permette de redonner confiance dans la science. En tout cas il n'est pas souhaitable que l'éducation nationale se contente d'enseigner l'idéologie idéaliste dominante. Vous avez le droit de présenter le réalisme comme fondement de la connaissance scientifique, même s'il n'est vraiment pas à la mode. Voici de la matière pour vos réflexions.

Jean LARGEAUD (Encyclopédia Universalis - article "réalisme")

Le mot «réalisme» a plusieurs acceptions. Le réalisme logique s'oppose au nominalisme, théorie des termes généraux: ceux-ci sont des noms d'entités pour le premier, des abréviations qui désignent collectivement des particuliers pour le second. Le réalisme métaphysique a pour antithèse l'idéalisme, que Berkeley appelle immatérialisme et qui consiste à nier l'existence d'une matière des corps, indépendante de nos perceptions. Le matérialisme, sorte de réalisme physique, comporte un postulat supplémentaire; il identifie matière et réalité sans être capable d'élucider la nature de la matière.

On qualifie indifféremment de réalisme ou d'idéalisme la doctrine platonicienne qui attribue aux idées formes une réalité indépendante, tant des substrats qui les portent que des individus qui en acquièrent une connaissance (du reste imparfaite). On nomme aussi réalisme la transformation d'une entité logique en un réel doué d'existence ailleurs que dans l'esprit d'un sujet connaissant (c'est, d'après Émile Meyerson, le réalisme «au sens que l'on attribuait à ce terme au Moyen Âge».)

Les réalistes affirment que des concepts tels que substance, infini, cause ne sont pas seulement des déterminations mentales ou des produits de l'entendement. Ils admettent parfois, outre une substance universelle, un découpage de cette substance en essences, donnant lieu à des substances particulières (individuation). Les idéalistes (Léon Brunschvicg après Charles Renouvier), qui critiquent les «abstractions réalisées», ne voient pas que la science «réalise» des concepts en supposant des atomes, des électrons, un espace-temps courbe, etc., avant que l'expérience soit en mesure de trouver ces entités dans le monde physique. Ces entités sont d'abord de nature virtuelle (voir les remarques d'É. Meyerson, Du cheminement de la pensée , 1931, II, paragr. 215, p. 356). Les idéalistes estiment les substances inutiles, parce que inconnaissables et indéfinissables, faute de propriétés par quoi les définir: nous ne connaissons que des rapports. Les philosophes réalistes repoussent l'objection en disant que les substances se révèlent par leurs relations. De plus, l'inconvénient de remplacer les substances par les lois se manifeste par des conséquences négatives en épistémologie (l'indétermination des relations, qu'on prétend justifier par une doctrine ad hoc , le conventionnalisme).

En résumé, réalisme et idéalisme sont des thèses sur ce qu'il y a et des doctrines du rapport de la pensée et de la réalité. Pour une métaphysique réaliste, les déterminations de la pensée ne sont pas étrangères aux objets; «les choses et leur pensée s'accordent quand elles sont pleinement actualisées» (Hegel). Une connaissance vraie atteint les choses telles qu'elles sont en soi, et les lois scientifiques ont d'abord leur raison d'être dans la réalité extérieure. Pour l'idéalisme, par exemple kantien, devenu l'orthodoxie des philosophes (et peut-être des savants?), ces lois sont fondées sur les propriétés de l'esprit humain; la pensée s'arrête aux phénomènes, c'est-à-dire que le sujet pensant perçoit des choses moyennant les formes de l'intuition et les catégories. (Les déterminations de l'universalité et de la nécessité, qui sont celles de la connaissance, l'expérience ne les fournit pas; elle ne contient que du variable et du contingent; universalité et nécessité, exprimées en des jugements soit analytiques soit synthétiques a priori, proviennent de la pensée.)

«Pour le réaliste, penser c'est seulement ordonner des connaissances ou réfléchir sur leur contenu» (E. Gilson). En idéalisme, la vérification, si on la cherche ailleurs que dans la cohérence ou la non-contradiction, finit toujours par poser problème, puisque nos normes d'intelligibilité sont les principes de la réalité et que la connaissance est la mesure de l'être réel.

On n'exigera pas de l'une des deux doctrines d'être cohérente avec les prémisses de l'autre; à chacune d'être cohérente avec ses propres principes. Le réaliste est tenté de faire droit à des présupposés idéalistes qu'il croit démontrés ou inévitables. Par exemple, il se demande si les choses sont conformes à la connaissance qu'on en a, alors que, selon sa théorie, c'est la connaissance qui est conforme à la chose.

Second point, les succès des sciences témoignent-ils pour l'idéalisme? En ce qui concerne les mathématiques, il est difficile d'exhiber des exemples de mathématiciens dont la philosophie personnelle a infléchi ou orienté les travaux (L. E. J. Brouwer, H. Weyl, R. Thom), ou exercé une influence sur leurs découvertes. En ce qui concerne la physique, l'impact est plus net. L'idéalisme et le réalisme ont orienté les préférences des chercheurs soit vers les théories prédictives, soit vers les théories explicatives. Mais un pragmatisme latent limite les effets qu'on pourrait attendre d'un choix philosophique. La communauté des physiciens accepte une théorie qui marche, quelle qu'en soit la métaphysique sous-jacente, tant qu'il ne s'en présente pas d'autre qui rende des services équivalents. En science, les présupposés métaphysiques se manifestent surtout à travers la méthode ; les praticiens la regardent comme un sous-produit plutôt que comme un programme a priori. Un instinct réaliste fait considérer que la méthode se déduit de la connaissance, plutôt que la connaissance de la méthode (de même que le droit dérive de l'état des mœurs, non pas l'état des mœurs des institutions juridiques). L'idéologie de l'efficacité s'accorde le mieux avec le succès des sciences, et avec cette partie des sciences qui ressortit au besoin d'action plutôt qu'au besoin de compréhension. (C'est elle que caractérise le jugement «La science ne pense pas»! )

L'idéalisme a contribué à mettre la science sur la voie de la recherche des lois. D'abord, le point de vue des relations, traduites sous forme de fonctions ou de corrélations quantitatives, a éliminé celui des substances. Ensuite, l'idéalisme s'implante quand on croit que les relations sont sans existence hors de l'esprit (Hume, Kant). En principe, les techniques de laboratoire devraient faire obstacle à l'idéalisme. L'obstacle s'affaiblit quant on soutient que les faits scientifiques sont des construits théoriques (E. Le Roy, Duhem). Quand on découvre que les appareils d'observation perturbent les processus observés, on se dit que Kant a raison, que la connaissance engendre son objet ou que l'objet est identique à la connaissance qu'on en a (esse est percipi ).

L'idéalisme est sous-jacent à l'idéologie de l'efficacité. Il attribue à la connaissance le pouvoir de façonner ou de créer son objet: l'omnipotence est à l'horizon. Indirectement, le prestige de la science dans nos sociétés vient de ce qu'elle incarne l'idéalisme. Celui-ci, en débarrassant la scène des problèmes philosophiques de compréhension et de signification, libère les mains pour agir. Berkeley le remarque: «Beaucoup recommander et approuver la philosophie expérimentale» (Cahiers , no 509). L'idéalisme ouvre la porte à la démiurgie: l'homme est le démiurge du monde qu'il connaît; il le connaît autant qu'il le crée. On cite Poincaré: «C'est la connaissance qui est le but, et l'action le moyen.» Pieux hommage. Point besoin de rappeler que la science comporte, depuis l'origine, avec Bacon et Descartes, un activisme orienté vers la conquête de la puissance. C'est l'expression d'une tendance plus profonde et plus générale inscrite dans le désir même de connaître. «L'homme aspire à la connaissance du monde, il aspire à se l'approprier et à se le soumettre, et il faut que la réalité du monde en quelque sorte s'efface, c'est-à-dire s'idéalise devant l'activité humaine» (Hegel). L'idéalisme ne trouverait aucune créance s'il ne correspondait de quelque manière à la nature des organismes qui improvisent, inventent et organisent.

Le réalisme aujourd'hui

À une écrasante majorité, les épistémologues sont idéalistes. Dans l'espace d'un siècle, ils ont sondé tous les problèmes de l'idéalisme, se sont mis en peine de critères de démarcation, de fondements de l'objectivité, de justification du consensus des savants autour de tel ou tel paradigme. À bout de voies, ils finissent par penser que les disciplines scientifiques sont des jeux de langage d'accompagnement pour les techniques expérimentales. Les professeurs partagent cette conviction: «Le philosophe parle de philosophie, le savant des choses.» Ce genre d'aphorisme, ils le soumettent à l'admiration des étudiants, sans en voir la cruauté pour la discipline même qu'ils enseignent.

Parmi les théories physiques récentes, la relativité générale est réaliste. Einstein, voulant expliquer la gravitation, propose un modèle de l'espace-temps physique. La théorie des quanta est d'esprit idéaliste: son formalisme évite le dualisme du continu (l'onde) et du discret (le corpuscule), laissé ouvert par la mécanique ondulatoire; elle évite donc d'avoir à proposer une image du monde. L'espace-substrat de cette théorie est un espace de configuration abstrait; les champs physiques sont représentés par des fonctions de variable complexe sur cet espace et les grandeurs physiques par des opérateurs. Pour rejoindre la réalité, une théorie de la mesure est indispensable. Ce formalisme est sans interprétation directe; on peut seulement en comparer les conséquences avec les résultats expérimentaux.

Des physiciens de mentalité réaliste (Einstein, de Broglie) se sont désintéressés d'une théorie dont le développement s'engageait dans une voie qui leur répugnait intellectuellement. B. d'Espagnat examine en quelle mesure elle est compatible avec le réalisme. Dans la négative, nous connaîtrions de la réalité microphysique ce que définit le consensus des observateurs, donc un réel dépendant de l'existence d'une humanité qui procède à des expériences d'un certain type. Il conclut que la physique quantique est neutre; elle ne donne pas de réalité indépendante et n'interdit pas de penser qu'il y en a une, accessible par d'autres moyens: «un réel voilé». Meyerson était plus affirmatif: «La science entière repose sur le tuf, peu apparent sans doute, puisqu'on a tenté de nier l'existence de cette assise, néanmoins solide et profond, de la croyance à un être indépendant de la conscience.»

Dominique LECOURT - (Encyclopedia Universalis - article "immédiat")

Prenant pour objet les problèmes et les résultats des sciences contemporaines, leur travail réel, Gaston Bachelard, après avoir rejeté les catégories philosophiques traditionnelles des « théories de la connaissance », proclama, dès 1934, la « défaite de l'immédiat ». On ne s'étonnera pas de ce double geste: rejeter les unes, c'était s'affranchir de l'autre. Ce que Bachelard découvrait, c'est que les couples d'oppositions philosophiques sujet-objet, abstrait-concret, etc., ne parvenaient pas à rendre compte des derniers progrès de la microphysique. Partant de ce fait, il lui donna une portée générale: l'enquête historique prouvait que les catégories philosophiques « restaient immuablement étrangères » à la pratique des savants. Selon les philosophes, la connaissance part de l'immédiat: pour les savants, elle rompt avec l'immédiat pour construire &endash; au sens théorique et matériel &endash; son « objet »; selon les philosophes, l'objet qui est dégagé au terme du processus de connaissance peut être saisi par une intuition immédiate de l'esprit; au contraire, pour les savants, l'objet construit est plutôt une « touffe » de problèmes qu'une pensée achevée. Les longues pages où, dans la Formation de l'esprit scientifique , Bachelard s'attache à montrer qu'il existe une « rupture » entre l'immédiat (« l'expérience première ») et la connaissance scientifique, sont justement célèbres. Méconnaître cette rupture, c'est être victime d'un « obstacle épistémologique », c'est annuler l'abîme qui sépare l'expérience vécue de l'expérience théoriquement normée et techniquement ordonnée des sciences physiques. À ses yeux, dans une science, « rien n'est donné, tout est construit ». De ce point de vue, parler, comme Bergson, de « données immédiates de la conscience » est tout simplement un non-sens. « L'esprit scientifique, écrit Bachelard, doit se former contre la Nature, contre ce qui est, en nous et hors de nous, l'impulsion et l'instruction de la Nature, contre l'entraînement naturel, contre le fait coloré et divers. » La nécessité apparaît alors de rectifier la définition de ce que la philosophie appelle traditionnellement le réel . Le « réalisme » de la science ne saurait être que de « seconde position », ce ne peut être qu'un réalisme « en réaction contre la réalité usuelle, en polémique contre l'immédiat  ». « Si d'ailleurs, ajoutait-il dans un de ses derniers ouvrages, on voulait faire le point entre la philosophie du donné et la philosophie du construit, il faudrait souligner, à propos de la philosophie corpusculaire, un véritable effacement de la notion de donné , si traditionnellement reçue dans la philosophie. » Il faut préciser qu'au-delà des philosophies contemporaines de la « conscience », Bachelard entrait par là en polémique avec toute tentative d'élaboration philosophique d'une théorie de la connaissance, en congédiant les catégories de sujet et d'objet, de concret et d'abstrait, etc., comme inopérantes dans le champ des sciences. Il dénonçait comme obstacle l'idée qu'il pouvait y avoir un sujet de la science. Il montrait enfin que le seul sujet de la science n'était que la « cité scientifique », ou encore: « l'union des travailleurs de la preuve ». Dès lors la connaissance ne doit pas être pensée comme « découverte » ou « dévoilement » de la vérité, mais comme production historique et « socialisée » de concepts scientifiques. Que la connaissance soit production , voilà sans doute l'acquis le plus précieux de l'épistémologie bachelardienne. Qu'elle soit travail, indissociablement théorique et technique, sur cette « matière » que devient l'immédiat, voilà qui n'était pas pensable pour la philosophie traditionnelle. Voilà qui brise le cercle philosophique de l'immédiat. De nouvelles tâches s'offrent alors à l'épistémologie: élaborer un concept adéquat de « production scientifique », de « travail », d'« expérimentation », bref, les concepts qui lui permettront de penser l'histoire des sciences.

Résumé de l'article "La notion de réalité" de Clément Rosset
(dans l'Encyclopédie Philosophique Universelle, L'Univers Philosophique, PUF, 1991, p 96-99)

1. Le réel est immédiat: il survient ici et tout de suite et n'autorise aucune prise de distance. Ce qui a pour conséquence
* qu'il ne constitue en rien une expérience: le réel est la seule chose au monde à laquelle on ne s'habitue jamais (ce qui tend à insinuer qu'il y a plus de choses irréelles que de choses réelles et que l'on s'habitue plus facilement aux choses irréelles).
* qu'étant singulier et unique, le réel se dérobe à la réflexion, à la possibilité de le saisir dans un miroir qui en refléterait l'image. La réalité est ce dont on ne perçoit jamais aucun double, sinon par le biais du fantasme et de l'illusion.
D'où une certaine déconvenue façe à ce qui semble n'être qu'une multiplicité de points de vue (à chacun sa réalité...).
2. Une majorité de gens, face à ce caractère insaisissable du réel, le dévaluent, soit en lui opposant une "vraie" réalité ou en décidant que le réel n'a pas d'intérêt. Cette position semble être à l'auteur la suite légitime de la déconvenue face au réel.
3. L'auteur propose un retrournement: et si le réel était suffisant, s'il était le seul qui fût, le seul à suffire au bonheur des hommes ?

Exercice individuel:
Je vous conseille d'aller voir un groupe de les 6 séances proposées, toujours sur le site de la main à la pâte, et intitulé "tous petits, tous différents". Elles ont été encadrées dans leur mise en place par un formateur iufm. Qu'en dites-vous ? N'hésitez pas à réagir directement par mél, si possible d'abord vers le mien (pierre.stouff@bretagne.iufm.fr).


La méthode expérimentale - des exemples de séquences - la démarche scientifique à l'école primaire
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