TD - Mendel, Johannsen et de Vries

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Les réponses sont en vert


1. Le contexte historique

À partir de votre livre (Belin p 110-111...) et du tableau de l'histoire des sciences) essayez de faire la liste des événements antérieurs, contemporains ou postérieurs qui vous paraissent importants.
Vous examinerez notamment:
* la théorie cellulaire
* l'hérédité et la génération
* la méthode expérimentale (peut-on dire, avec votre livre, que Mendel est le premier à utiliser la méthode expérimentale ?)

La théorie cellulaire (1838 et 1858) est largement diffusée à l'époque de Mendel, même si les observations de figures de mitose seront publiées vers 1879 (Flemming). Les publications de Pasteur contre la génération spontanée datent de 1861 et sont donc toutes récentes.
Les
théories héréditaires se répandent à partir de 1860 (avec Haeckel) et sont encore peu connues au temps de Mendel. Ce sont encore les théories de la génération du temps de Lamarck qui dominent.
Les théories évolutives (transformistes) présentées par Lamarck (puis Darwin) datent de près d'un demi-siècle pour les premières et sont donc dans tous les esprits scientifiques. Or Johann Mendel (frère Gregor en religion) a accès à des études universitaires de qualité à l'université de Vienne (1851-1853): mathématiques, physique (il est l'élève de Doppler), chimie, botanique, physiologie végétale, entomologie, paléontologie pour ne citer que les sciences de la nature.
La méthode expérimentale dont l'origine se situe chez les grecs antiques a été fort développée par l'école médiévale dont Saint Albert le Grand et Saint Thomas d'Aquin sont les plus éminents représentants. Elle a été enseignée aux sein des universités et reprise par de nombreux courants philosophiques. L'empirisme continue de se développer en Angleterre et aux États Unis en cette moitié du XIXème siècle. En bon élève de ses maîtres viennois Mendel présente ses résultats selon LA méthode scientifique en usage (voir discussion dans la partie 4).

Sur l'apparition de la notion d'hérédité, je conseille deux articles d'André Pichot:
-
La génétique est une science sans objet, revue Esprit, mai 2001
-
Hérédité et évolution (l'inné et l'acquis en biologie), revue Esprit, juin 1996


2. La méthode de Mendel


frère Gregor
(Johann Mendel)

* justifiez le choix du Pois comme matériel expérimental

* Le pois est une plante à cycle de vie court (quelques semaines), facilement manipulable pour la reproduction et qui surtout présente une autofécondation habituelle.


* que pensez-vous des étapes préparatoires qui durèrent 2 ans ?

* L'obtention de races pures et LE critère essentiel qui a conduit Mendel à ses résultats.


* Expliquez le choix des 7 caractères ou couples de caractères sachant que le Pois possède 7 paires de chromosomes (ce que Mendel ne pouvait savoir) (il me paraît pour cette partie préférable de parler de 7 caractères et chacun formé d'un couple de traits de caractères; le terme plus précis que caractère employé par Mendel semble avoir été "caractères différentiels"; qui désignait un caractère sélectionnable par les hybrideurs (stable et nettement différentiable)...; les "traits" étaient parfois appelés "caractères simples"); à partir du début du XXème siècle on parlera d'allèle

* 7 caractères indépendants, c'est-à-dire avec notre vocabulaire moderne, portés par des chromosomes différents, alors que le Pois en possède 7 paires c'est plus qu'une chance. C'est un choix. Il est probable, sans refaire l'histoire, que les travaux antérieurs menés dans ce grand monastère Saint Thomas de Brno notamment par le supérieur de Mendel, aient permis depuis longtemps de préciser ces fameux couples de caractères qui ont permis à Mendel de devenir célèbre.


* Sur la méthode statistique; combien de croisements doit-on faire pour étudier de façon exhaustive la transmission de 7 caractères à une, deux ou trois descendances ? Peut-on appliquer cette méthode à l'étude de l'hérédité humaine ?

* Il y a 27 (=128) façons de prendre 7 traits de caractères parmi 7 paires. Si l'on considère que les possibilités ne sont pas identiques pour le plant qui fournit les gamètes mâles et celui qui fournit les gamètes femelles, cela fait 128x128 = 16.384 possibilités de fécondations croisées, qu'il faut ensuite suivre sur 1, 2 ou 3 descendances. C'est hors de portée du manipulateur. Aucune analyse statistique de la descendance humaine ne peut être faite.


* formulez l'hypothèse de départ de Mendel

L'hypothèse de Mendel peut être exprimée comme suit: "Des caractères héréditaires sont portés par des particules transmissibles présentes chez les parents".


Remarques:

* la dominance de l'un des traits chez les hybrides mélangeant deux traits de caractère différents était une réalité bien connue des sélectionneurs de races végétales pures. Ce n'est pas Mendel qui l'a établie.


* cette relecture de Mendel appliquant la démarche expérimentale avec UNE hypothèse est bien sûr scolaire et ne rend peut-être pas justice à l'histoire des sciences (voir partie 4). Il est possible que l'hypothèse de Mendel, mal formulée au dire des historiens, ait été que les traits de caractères sont séparés dans les cellules sexuelles (ce qui est connu comme la première loi dédiée à Mendel); ce qui revient à dire que chaque trait de caractère est porté par une particule héréditaire qui est répartie dans les cellules sexuelles à raison d'un seul exemplaire par cellule et qui est réuni dans le descendant.

En tout cas dans son article Mendel écrit: "Diese Veränderungen für je zwei differirende Merkmale zu beobachten und das Gesetz zu ermitteln, nach welchem dieselben in den aufeinander folgenden Generationen eintreten, war die Aufgabe des Versuches", ce qui donne, dans la traduction de Bateson: "The object of the experiment was to observe these variations in the case of each pair of differentiating characters, and to deduce the law according to which they appear in successive generations".

Ce que l'on peut traduire en "Le but de l'expérimentation était d'observer ces variations pour chaque paire de caractères différentiels et de déduire la loi selon laquelle ils apparaissaient au cours des générations".


Plus loin encore on lit: "In the case of each of the 7 crosses the hybrid-character resembles that of one of the parental forms so closely that the other either escapes observation completely or cannot be detected with certainty. This circumstance is of great importance in the determination and classification of the forms under which the offspring of the hybrids appear. Henceforth in this paper those characters which are transmitted entire, or almost unchanged in the hybridization, and therefore in themselves constitute the characters of the hybrid, are termed the dominant, and those which become latent in the process recessive. The expression "recessive" has been chosen because the characters thereby designated withdraw or entirely disappear in the hybrids, but nevertheless reappear unchanged in their progeny, as will be demonstrated later on."

Il désigne par là les caractères différentiels (c'est-à-dire les allèles) et non les caractères, comme étant transmis intacts des parents aux hybrides de première et de seconde génération.


3. Les résultats

La totalité des écrits publiés de Mendel (1 article de 1865-1866 et un article de 1870) est disponible dans une traduction anglaise (de Bateson) et en langue allemande originale à l'adresse: http://www.mendelweb.org/MWtoc.html (et d'innombrables autres sources sur Mendel).

Analyser avec le formalisme de Mendel (particules portant un trait de caractère noté par une lettre) une expérience de monohybridisme (parmi les 7 présentées ci-dessous) et l'expérience de dihybridisme plus bas.

Résultats d'expérience de monohybridisme

(étude de croisement entre deux races pures ne différent que par un seul trait de caractère; les deux traits de caractères étant rapportés à un seul caractère pouvant être présent sous l'un ou l'autre des traits)

Croisement
Caractères des parents
traits de caractères observés en F1 (première génération)

(nombres de fécondations et de plantes issus de la F1 utilisées pour obtenir les graines donnant les plantes de la F2)

Caractères observés en F2 (2ème génération obtenue par croisement des individus de la F1)

(nombre de plants obtenus à partir des graines de type F2)

Rapport entre les deux caractères de la F2
Caractères observés chez les plants issus des graines obtenues en F2

(rapport entre le nombres de plants hybrides et le noms de plants ayant donné des graines présentant les types parentaux) Pour les croisements 3 à 7, 100 graines des F2 présentant le caractère dominant ont été cultivées et 10 graines issues de ces nouveaux plants ont été ensuite cultivées

1

forme des graines: lisse ou ridée

graines lisses

(60 fécondations avec 15 plantes)

5474 graines lisses,
1850 graines ridées
(253 hybrides)

2,96/1
565 plantes issues des graines lisses ont donné 193 plantes à graines lisses et 372 plantes à graines rondes ou lisses dans une proportion de 3:1

(1,93 : 1)

2

couleur des cotylédons: jaune ou vert intense

cotylédons jaunes

(58 fécondations avec 10 plantes)

6022 graines à cotylédons jaunes,
2001 graines à cotylédons verts
(258 plantes)

3,01/1
519 plantes issues des graines à cotylédons jaunes ont donné 166 plantes à graines à cotylédons jaunes seulement et 353 plantes à graines à cotylédons jaunes ou verts dans une proportion de 3:1

(2,13 : 1)

3

coloration des enveloppes des graines: fleurs violet-rouge et enveloppes gris-brun ou fleurs blanches et enveloppes blanches

fleurs violet-rouge et enveloppes gris-brun

(35 fécondations avec 10 plantes)

705 plantes à fleurs violet-rouge et graines à enveloppe gris-brun,
224 plantes à fleurs blanches et graines à enveloppe blanches
(929 plantes)

3,15/1
les graines en enveloppe gris-brun donnèrent 36 plantes dont les graines ne donnèrent à la tour que des graines à enveloppe gris-brun et 54 plantes dont les graines donnèrent soit des plantes avec des graines à enveloppes gris-brun soit des plantes avec des graines à enveloppes blanches
4

forme des gousses mûres: à courbure simple ou contractées

gousses rectilignes

(40 fécondations avec 10 plantes)

882 plantes à gousses à courbure simple,
229 plantes à gousses contractées
(1181 plantes)

2,95/1
29 plantes donnèrent uniquement des gousses à courbure simple et 71 plantes donnèrent des graines qui conduisirent à des plantes soit à gousses à courbure simple soit à gousses contractées
5

couleur des gousses non parvenues à maturité: verte ou jaune vif

gousses vertes

(23 fécondations avec 5 plantes)

428 plantes à gousses vertes,
152 plantes à gousses jaunes
(580 plantes)

2,82/1
40 plantes donnèrent uniquement des plants à gousses vertes et 60 plantes donnèrent soit des plantes à gousses vertes soit des plantes à gousses jaune vif
6

position des fleurs: axiale ou terminale

fleurs axiales

(34 fécondations avec 10 plantes)

651 à fleurs axiales,
207 à fleurs terminales
(858 plantes)

3,14/1
33 plantes donnèrent uniquement des plantes à fleurs axiales et 67 plantes donnèrent des plantes soit à fleurs axiales soit à fleurs terminales
7

longueur des tiges: longue ou courte

tiges longues

(37 fécondations avec 10 plantes)

787 plants à tige longue,
277 plants à tige courte
(1064 plantes)

2,84/1
28 plantes ne donnèrent que des graines qui conduisirent à des plantes uniquement des tiges longues et 72 plantes donnèrent des graines qui conduisirent à des plantes qui avaient soit des tiges longues, soit des tiges courtes.

Tous ces chiffres sont directement issues de la publication originale; on notera que la plupart ne portent pas sur le nombre de graines mais de plantes.


Détails (10 +1(cas extrême) premiers croisements) pour les deux premières séries du tableau précédent


Mendel ajoute un tableau (et uniquement ce tableau) présentant les résultats pour les 10 premiers croisements des 2 premières séries d'expériences et reporte un cas extrême*** pour chacune des séries MAIS IL NE DONNE PAS TOUS SES CHIFFRES, LOIN DE LÀ (on ne connaît pas le nombre de gousses, ni le nombre de graines par gousses, ni bien évidemment le nombre de plants non utilisés pour les comptages ...).

1
2
n° de plante
nombre de graines rondes
nombre de graines ridées
n° de plante
nombre de graines à cotylédons jaunes
nombre de graines à cotylédons verts
1
45
12
1
25
11
2
27
8
2
32
7
3
24
7
3
14
5
4
19
10
4
70
27
5
32
11
5
24
13
6
26
6
6
20
6
7
88
24
7
32
13
8
22
10
8
44
9
9
28
6
9
50
14
10
25
7
10
44
18
***
43
2
***
32
1

Dans la série 1 il a réalisé des fécondations à partir de 15 plants et obtenu 253 plants à partir des graines ce sont donc 10 (+1) des 253 hybrides F2 obtenus qui sont décrits ici. Pour la série 2 ce sont 10 (+1) des 258 hybrides cultivés.

Résultats des expériences de dihybridisme:

Mendel croise deux variétés pures de Pois différant par deux caractères: forme des graines et couleur des graines.
L'une à des graines lisses et jaunes et l'autre des graines ridées et vertes.

Les 15 individus de la première génération (F1) sont tous identiques: les graines sont toutes lisse et jaunes.

Mendel laisse ensuite l'autofécondation se dérouler sur les 15 pieds (F2) puis récolte 556 graines sur les 15 pieds: il obtient:

traits de caractères des graines
nombre de graines
proportion
caractères et nombre de graines obtenus à partir des hybrides de seconde génération

graines lisses et jaunes

315
9,1/16
11 graines avortées, 3 plants stériles, (soit 311 plants ayant donné : 38 plants à graines lisses et jaunes, 65 plantes à graines lisses et jaunes et lisses et vertes, 60 plants à graines lisses et jaunes et ridées et jaunes, 138 plants à graines lisses et jaunes, lisses et vertes, ridées et jaunes et ridées et vertes)

graines lisse et vertes

108
3,1/16
sur 102 plants qui donnèrent des graines 35 avaient des gaines lisses et vertes et 67 des graines lisses ou ridées vertes

graines ridées et jaunes

101
2,9/16
sur 96 plants qui donnèrent des graines 28 avaient des gaines ridées et jaunes et 68 des graines ridées et jaunes et ridées et vertes

graines ridées et vertes

32
0,9/16
30 plants donnèrent des graines dont les caractères étaient identiques à ceux des graines des plants-mère

réponses



Le formalisme est extrêmement simple et correspond à celui que l'on utilise classiquement en classe: chaque trait de caractère est unique dans une cellule sexuelle et réuni chez un hybride (ne pas oublier que Mendel est avant tout un "hybrideur":

* en prenant le croisement 1 par exemple;
un plant fourni des cellules sexuelles portant un trait de caractère qui lui correspond et qui est stable depuis des générations dans cette lignée pure

(L = lisse, dominant sur r = ridée)

 

F1
L
r
rL

100% de graines lisses; tous les hybrides présentent le trait de caractère dominant, mais on sait que que les deux traits sont présents chez lui puisqu'il réapparaît souvent dans la descendance

Puis chaque cellule sexuelle (du pollen ou de l'ovaire) ne comporte qu'un seul des traits de caractères réunis chez l'hybride.

F2
r (1/2)
L (1/2)
r (1/2)
rr
Lr
L (1/2)
rL
LL

soit une probabilité de 1/2 x 1/2 = 1/4 par case soit 1/4 de graines ridées (rr) et 3/4 de graines lisses (rL (ou Lr, ce qui est absolument identique en terme de traits de caractères ) ou LL); les plants "rr" et "LL" sont de lignée pure (2 traits identiques pour le caractère étudié) et les plants "rL" sont des hybrides (deux traits portés en même temps pour le caractère étudié", seul le trait dominant apparaissant). Mendel à estimé le rapport Lr (372) : LL (193) à 1,93 : 1. ce qui est voisin du 2 : 1 théorique.

en prenant les notations suivantes :
(L = lisse, dominant sur r = ridée et J = jaune dominant sur v = verte)

F1
LJ
rv
LrJv
100% de graines lisses et jaunes

F2
LJ (1/4)
Lv (1/4)
rJ (1/4)
rv (1/4)
LJ (1/4)
LLJJ
LLvJ
rLJJ
rLvJ
Lv (1/4)
LLJv
LLvv
rLJv
rLvv
rJ (1/4)
LrJJ
LrvJ
rrJJ
rrvJ
rv (1/4)
LrJv
Lrvv
rrJv
rrvv
soit une probabilité de 1/4 x 1/4 = 1/16 par case soit
* 9/16 de graines lisses et jaunes
* 3/16 de graines lisses et vertes
* 3/16 de graines ridées et jaunes
* 1/16 de graines ridées et vertes

Il y a ((9+3)/16=12/16=3/4) graines lisses et ((3+1)/16=4/16=1/4) graines ridées, tout comme il y a 3/4 de graines jaunes et 1/4 de graines vertes: on voit donc que chaque caractère est transmis de façon indépendante, comme si l'on répartissait des particules héréditaires dans la descendance selon les modalités vues dans le monohybridisme ci-dessus. Autrement dit, la transmission du deuxième caractère n'influence pas la transmission du premier caractère. Les deux caractères sont dits indépendants. Ceci correspond à ce que l'on a ensuite appelé la 2ème loi dédiée à Mendel; mais il est sûr que cette loi n'est pas du tout générale. Mendel devait connaître bien d'autres caractères, en tant qu'hybrideur, qui ne se transmettaient pas de façon indépendante.


Pour estimer la répartition des traits de caractères chez les hybrides de deuxième génération les résultats des cultures de leurs graines permettent de retouver aussi des chiffres voisins des chiffres théoriques:

* graines lisses et jaunes:
LLJJ (1/9 soit 38/311); LLJv (2/9 soit 65/311); LrJJ (2/9 soit 60/311); LrJv (4/9 soit 138/311).
* graines lisses et vertes:
LLvv (1/3 soit 35/102) et rLvv (2/3 soit 67/102)
* graines ridées et jaunes :
rrJJ (1/3 soit 28/96); rrJv (2/3 soit 68/96)
* graines ridées et vertes :
rrvv (1/1 soit tous les 30/30 plants)


4 . Le difficile travail des historiens des sciences: la "redécouverte" des travaux de Mendel, l'énoncé des lois en l'honneur de Mendel et le raz de marée du darwinisme.

Il est navrant de voir des lois attribuées à Mendel qui mélangent parfois les connaissances de Mendel à des connaissances beaucoup plus récentes.

Mais ce n'est rien en comparaison du travail idéologique réalisé dès 1900 pour faire passer en force les idées darwiniennes - ou les thèses contraires - et la téléologie du hasard en science - ou une autre philosophie. Bref, une manipulation de l'histoire qui fait elle-même partie de l'histoire des sciences.


Jan Sapp


Voici quelques idées de Jan Sapp , historien des sciences de l'Université de York à Toronto (Ontario, Canada), concernant les travaux de Mendel (The Nine Lives of Gregor Mendel, 1990, http://www.mendelweb.org/MWsapp.html) qui me semblent pertinentes pour éviter de refaire l'histoire (j'ai été tenté, je l'avoue, par les affirmations fracassantes de certains commentateurs de Mendel, qui, tout compte fait, s'avèrent souvent, manipulées...); la prudence s'impose donc :

Savoir ce que pensait Mendel ou faire un travail d'historien des sciences ?

First, contrary to accepted opinion, Mendel was not trying to discover new laws of inheritance. He belonged to a tradition of hybridists who were examining the possibility that hybridization might be a source of evolution. They were interested in making new species simply out of combinations of existing ones. That is, new species did not result from selection of small hereditary differences as Darwinians would have it, they were formed simply out of the hybridization of existing ones. The central question for Mendel and his fellow hybridists was whether or not hybrids were variable or constant (breed-true). If they were constant they might mark the beginning of new species. Mendel approached this problem with the conception of constant and independently transmitted characters. The laws of inheritance were only of concern to him in as much as they bore on the question of the evolutionary role of hybrids. This program of 19th century hybridists contrasts with that of geneticists at the turn of the century who were not interested in hybridization as a means of speciation, but used hybridization as a means to determine the nature of hereditary variability which in turn provided the fuel for evolution. So Mendel's problematic, the way he understood his work, was different from that of geneticists at the turn of the century (Brannigan 1979, 1981; Olby 1979; Callender 1988). Second, Mendel did not develop the concept of paired hereditary factors equivalent to the alleles of classical geneticists (Olby 1979). Third, Mendel did not enunciate a "law of segregation" which he thought might be applicable to all plant hybrids (Callender 1988). These accounts then provide us with a radically different image of Mendel. Mendel was not the lonely pioneer who ran ahead of his contemporaries, someone who made an intellectual leap so great that its significance could not be understood by them, but rather someone whose work was firmly situated in the context of the mid 19th century research program on hybridization. Only later, at the turn of the century, the meaning of Mendel' work was "misinterpreted" by geneticists to produce the legend of the long neglect.

D'abord, contrairement à l'opinion courante, Mendel ne cherchait pas à découvrir de nouvelles lois de l'hérédité. Il appartenait à une lignée d'hybrideurs qui examinaient la possibilité que l'hybridation soit une source d'évolution. Ils s'efforçaient de fabriquer de nouvelles espèces en combinant tout simplement les espèces existantes. Ce qui signifie que les espèces nouvelles ainsi formées ne résultaient pas de la sélection de petites différences héritables, comme l'auraient supposé les darwiniens, mais qu'elles étaient formées par hybridation des espèces existantes. La question clé pour Mendel et ses collègues hybrideurs était de savoir si les hybrides étaient stables (de lignée pure) ou variables. S'ils étaient stables, ils pouvaient constituer le départ de nouvelles espèces. Mendel a abordé cette question avec l'idée que les caractères étaient transmis de façon indépendante. Les lois de l'hérédité ne l'intéressaient qu'en ce qu'elles touchaient au problème du rôle des hybrides dans l'évolution. Ce projet des hybrideurs du 19ème siècle est fort différent de celui des généticiens qui n'étaient pas intéressés par l'hybridation comme moyen de spéciation mais qui l'utilisaient pour déterminer la nature de la variabilité héréditaire, qui, elle était le vrai moteur de l'évolution. Ainsi, la problématique de Mendel, c'est-à-dire la façon dont il concevait son travail, était différente de celle des généticiens au tournant du siècle (Brannigan 1979, 1981; Olby 1979; Callender 1988). Ensuite Mendel n'a pas développé le concept de l'hérédité des couples de facteurs héréditaires , équivalents aux allèles des généticiens classiques (Olby 1979). Troisièmement, Mendel n'a pas énoncé de "loi de ségrégation" qu'il pensait être applicable à tous les hybrides de plantes (Callender 1988). Ces éléments nous montrent une image radicalement différente de Mendel. Mendel n'était pas le pionnier solitaire qui courait au devant de ses contemporains, quelqu'un qui aurait fait un bond en avant intellectuel si grand que sa signification n'aurait pu que leur échapper, mais était plutôt quelqu'un dont le travail était fermement ancré dans le contexte historique de ce programme de recherche sur l'hybridation du milieu du XIXème siècle. Ce n'est que plus tard, au début du XXème siècle, que la signification du travail de Mendel a été "reinterprétée" par les généticiens pour produire la légende du travail du savant longtemps oublié.


Les travaux de Mendel n'ont pas été considérés comme particulièrement intéressants à son époque

One might throw one's hands up in despair: where is the truth? My objective in this overview is not to try to find the key to unlock the mystery of Mendel's "real" intentions. I am not, the reader may be relieved to know, going to provide a new "definitive" reading of Mendel's work, offer still another reconstruction of his thought process or try to provide further detail of his place in the 19th century. To understand the significance of Mendel's experiments, such an approach would be fruitless. One important generality is already certain, Mendel's experiments were not held to be significant in his day. They are held to be significant only in the Twentieth Century. Moreover, as we shall see, Mendel's place in Twentieth Century science is not determined by his writings of the 1860s. Indeed, in view of the diversity of the accounts about Mendel, it is reasonable to suppose that his writings do not even constrain the diverse interpretations offered. We have to look elsewhere to understand them. How then, has this Austrian monk, and his experiments on garden peas come to move so many people? Again, the answer to this question lies more in the stories written about Mendel and his experiments, than in the stories written by Mendel.

On peut lever les mains au ciel de désespoir : où est la vérité ? Mon objectif dans cette synthèse n'est pas de trouver la clé qui ouvrira la porte du mystère des intentions réelles de Mendel. Je ne vais pas, et le lecteur doit en être rassuré, vous fournir une nouvelle et "définitive" lecture du travail de Mendel, ou encore une autre reconstruction de sa pensée ou même essayer de fournir davantage de faits précis sur sa place dans le 19ème siècle. Pour comprendre la signification des expériences de Mendel, une telle approche serait stérile. Une idée importante et pratiquement certaine est que les expériences de Mendel n'ont pas été considérées comme particulièrement intéressantes à son époque. Elles ne l'ont été qu'au XXème siècle. De plus, comme nous le verrons, la place de Mendel au XXème siècle n'est pas due à ses écrits des années 1860. On peut même dire qu'étant donné la diversité des points de vue sur Mendel, il est raisonnable de penser que ses écrits ne contiennent pas ces diverses interprétations. Comment donc, ce moine autrichien a-t-il pu, avec ses expériences sur les pois de jardin, toucher autant de monde ? Là encore, la réponse à cette question se trouve davantage dans les histoires écrites sur Mendel et ses expériences, que dans les textes écrits par Mendel.


Du mythe du père fondateur à l'histoire de la génétique

I. Making a discover
We begin our exploration of the significance of Mendel's experiments by a discussion of how the story about his discovery, neglect and rediscovery was invented.
...
Any understanding of the significance of Mendel's experiments in biology would have to recognize the importance of "founding father mythologies" in the social and intellectual construction of science.
...
The very fact that Mendel published so little, and that his motives are underdetermined in his papers, has helped his experiments to survive.
...
The significance of Mendel's experiments lies in the diverse ways in which commentators have constructed stories about them and used them in their knowledge making. The strength of these stories, I suggest, changes according to the power relations in the field of genetics and evolutionary biology.

The history of genetics research in the twentieth century is marked by various struggles among competing groups over the direction of, and approaches to, biological research. It is marked by conflicts between experimentalists (geneticists) and non-experimentalists (naturalists and statisticians) over whether or not evolution is continuous or discontinuous; and conflicts between experimentalists (embryologists and geneticists) over whether or not Mendelian genes controlled only superficial characteristics of the organism. We can find all these issues reflected in geneticists' accounts of Mendel's neglect. To follow scientists' reconstructions of Mendel's thought and the reasons for his neglect by the 19th century is to follow some of the central controversies in the development of genetic research in the twentieth century.

I . Faire une découverte
Nous commençons notre exploration de la signification des expériences de Mendel par la considération de la façon dont l'histoire de la découverte de Mendel, ignoré puis redécouvert, à été inventée.
...
Tout effort de compréhension de la signification des expériences de Mendel en biologie doit s'appuyer sur l'importance du "mythe du père fondateur" dans la construction sociale et intellectuelle de la science.
...
Le fait que Mendel ai si peu publié et que ses motivations ne soient pas exposées dans ses articles ont contribué à la survie de ses expériences.
...
L'intérêt des expériences de Mendel repose sur non sur celles-ci mais sur les différentes manières dont ses commentateurs ont construit des histoires qui les racontent, et les ont utilisé dans la construction de leur connaissance. Je pense que la force de ces histoires a évolué avec les relations fortes qu'il existe entre le domaine de la génétique et celui de la biologie évolutive.

L'histoire de la recherche génétique au cours du XXème siècle est marquée par diverses luttes entre certains groupes pour diriger ou influencer la recherche en biologie. Elle est marquée par les conflits entre les expérimentateurs (généticiens) et les non-expérimentateurs (naturalistes et statisticiens), ou encore par la question de la continuité ou de la discontinuité de l'évolution ou des conflits au sein des expérimentateurs (embryologistes et généticiens) au sujet de l'éventuel contrôle des caractéristiques superficielles de l'organisme par les gènes Mendéliens. Nous pouvons trouver toutes ces explications chez les généticiens justifiant l'ignorance dont Mendel aurait été l'objet. Pour suivre les reconstructions scientifiques (scientistes ?) de la pensée de Mendel et comprendre les raisons de sa méconnaissance au cours du 19ème siècle, il suffit de suivre les principales controverses sur le développement et la recherche en génétique au cours du 20ème siècle.


Où l'on comprend que tous les commentateurs de Mendel tirent la couverture à eux

2. Appropriating the Founding Father
...
As mentioned, Bateson and the first generation of Mendelian geneticists were in struggle with non-experimentalists, many of whom believed that Mendelism had little to do with the origin of species.

Appropriating Mendel, Bateson immediately began to tell stories in his scientific papers and books about Mendel's intentions and about how Mendel's work was neglected. Bateson and Saunders (1902:6) suggested that the principle of natural selection " had almost completely distracted the minds of naturalists from the practical study of evolution. The labours of hybridists were believed to have led to confusion and inconsistency, and no one heeded them anymore."
In his book, Mendel's Principles of Heredity, Bateson claimed that like himself, Mendel had worked in virtual conflict with non-experimentalists and Darwinians and that this was partly responsible for Mendel's "neglect" for 35 years.
...
But Bateson went further than Dunn. He not only suggested that Mendel was in virtual struggle with naturalists, he also imposed a non-Darwinian motive on Mendel:

With the views of Darwin which were at that time coming into prominence Mendel did not find himself in full agreement, and he embarked on his experiments with peas, which as we know he continued for eight years. (Bateson 1909: 311)

"Had Mendel's work come into the hands of Darwin" Bateson (1909:316) declared, "it is not too much to say that the history of the development of evolutionary philosophy would have been very different from that which we have witnessed."
Fisher strongly opposed Bateson's interpretation and claimed it was self-interested and held no truth value. Fisher (1936: 117) argued:

Bateson's eagerness to exploit Mendel's discovery in his feud with the theory of Natural Selection shows itself again in his misrepresentation of Mendel's own views. Although he was in fact not among those responsible for the rediscovery, his advocacy created so strong an impression that he is still sometimes so credited.

Fisher, who 'knew' that Mendelism was not opposed to natural selection, believed that Mendel also knew that his work was allied with Darwinism. Those who believed that natural selection was the principal driving force in evolution could share both Mendel and Darwin as common intellectual ancestors.

2. S'approprier le Père Fondateur
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Comme nous l'avons signalé, Bateson et la première génération des généticiens Mendeliens étaient en lutte avec les non-expérimentateurs, qui étaient nombreux à penser que le Mendelisme n'avait pas grand chose à voir avec l'origine des espèces.
En s'appropriant Mendel, Bateson commença immédiatement à clamer dans ses articles scientifiques et dans ses livres quelles étaient les intentions de Mendel et comment le travail de Mendel avait été méconnu. Bateson et Saunders (1902:6) suggérèrent que le principe de la sélection naturelle "avait pour le moins détourné l'esprit des naturalistes de l'étude pratique de l'évolution. Les travaux des hybrideurs furent considérés comme ayant conduit à la confusion et à l'incohérence et que plus personne n'en avait tenu compte." Dans son livre, Les principes de l'hérédité de Mendel, Bateson affirma que, comme lui, Mendel avec travaillé en quasi-conflit avec les non-expérimentateurs et les Darwiniens et que ceci était pour un part la cause de la non reconnaissance de Mendel pendant 35 ans.
Mais Bateson alla encore plus loin que Dunn. Il ne fit pas que suggérer que Mendel était en quasi-conflit avec les naturalistes, mais il imposa une motivation non-darwinnienne à Mendel.

Mendel n'était pas en total accord avec les vues de Darwin qui devenaient alors dominantes, et il se lança dans ses expériences sur les pois, qui durèrent, nous le savons, huit ans. (Bateson 1909: 311)

 "Si le travail de Mendel était arrivé dans les mains de Darwin", déclare Bateson (1909:316), "il n'est pas impossible que le développement de la philosophie évolutive eut été fort différent de celui dont nous sommes témoins".  
Fisher s'opposa fermement à l'interprétation de Bateson en clamant sa partialité et le peu de valeur de ses conclusions. Fisher (1936:117) explique:

L'empressement de Bateson à utiliser les découvertes de Mendel dans sa querelle contre la théorie de la sélection naturelle, se découvre dans son erreur d'interprétation des vues de Mendel. Bien qu'il ne soit pas en fait parmi ceux qui sont responsables de la redécouverte, son plaidoyer à tellement marqué les esprits qu'il est parfois considéré comme tel.

Fisher, qui "savait" que le mendélisme n'était pas opposé à la sélection naturelle, pensait que Mendel savait lui aussi que son travail était en accord avec le darwinisme. Ceux qui pensaient que la sélection naturelle était la force principale qui dirigeait l'évolution peuvent considérer à la fois Mendel et Darwin comme des ancêtres commun intellectuels.


Mendel tricheur ou commentateurs pervers ?

3. Reconstructing Mendel's Data
Since Fisher wrote his paper, "Has Mendel been Rediscovered?" a great deal of attention has been given to the question of whether or not Mendel deliberately fudged his data.
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It was in the course of constructing Mendel as a good Darwinian that Fisher made the claim that Mendel's results were too good to be true, and calculated that in the over-all results one would expect a fit as good as Mendel reported once in 30,000 repetitions. However, this charge was not meant to discredit Mendel; it was meant to celebrate his power of abstract reasoning. Fisher (1936, p. 123) argued that Mendel had his laws in mind before he did his experiments:
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In Fisher's account, the claim that Mendel's data was too good to be true provides testimony to his claim that Mendel had his ideas in mind before doing his experiments.
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One could not evaluate the validity of Mendel's experimental claims on statistical grounds alone. Those who were accomplished in both statistics and and genetic experimentation such as Sewall Wright recognized the limitations of statistical criticisms. As Wright (1966: 173-74) remarked:

I do not think that Fisher allows enough for the cumulative effect on [Chi squared] of a slight subconscious tendency to favour the expected result in making tallies. Mendel was the first to count segregants at all. It is rather too much to expect that he would be aware of the precautions now known to be necessary for completely objective data.... Checking of counts that one does not like, but not of others, can lead to systematic bias toward agreement. I doubt whether there are many geneticists even now whose data, if extensive, would stand up wholly satisfactorily under the [Chi Squared] test.

3. Retrouver les résultats de Mendel
Depuis que Fisher a écrit son article, "Mendel a-t-il été redécouvert ?" , l'attention a été fortement attirée par la question de savoir si oui ou non Mendel a délibérément falsifié ses résultats.
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C'était dans le but de faire fabriquer un Mendel bon Darwinien que Fisher affirma que les résultats de Mendel étaient trop bons pour être vrais et calcula que si l'on voulait obtenir la précision que Mendel rapporte il faudrait 30.000 répétitions de ces expériences. En effet, cette remarque n'était pas faite pour discréditer Mendel mais au contraire pour mettre en avant son pouvoir d'abstraction . Fisher (1936, p 123) affirma que Mendel avait ses lois à l'esprit lorsqu'il fit ses expériences.
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Selon les vues de Fisher, l'affirmation que les résultats de Mendel étaient trop bons pour être vrais, apporte la preuve que Mendel avait des idées arrêtées avant d'expérimenter.
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On ne peut pas juger de la validité des résultats expérimentaux de Mendel uniquement à partir de raisonnements statistiques
[comme celui réalisé par Fisher à l'aide de la méthode du Chi carré]. Ceux qui étaient compétents à la fois en statistique et en expérimentation génétique, comme Sewall Wright, ont reconnu les limites de la critique statistique. Ainsi Wright remarquait (1966; 173-74) :

Je ne pense pas que Fisher tienne suffisamment compte de l'effet cumulatif du [Chi carré], comme légère tendance du subconscient à favoriser les résultats attendus lors des sommations. Mendel a été le premier à compter la totalité des caractères ségrégant. Il est excessif de souhaiter qu'il ai pris des précautions connues maintenant comme nécessaires à l'obtention de données objectives... Faire des pseudo-sommes pour certains résultats et non pour d'autres peut conduire à un biais systématique en faveur de la concordance des résultats avec ce qui est attendu. Je doute qu'il y ai de nombreux généticiens, et même maintenant en face de ces données, même approfondies, qui seraient en accord avec le test de [Chi carré].


Des articles scientifiques conventionnels mais très critiquables

4. The Rhetorical Nature of Scientific Papers
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Although it has been ignored by commentators who have examined Fisher's statistical criticisms of Mendel, Bateson's comments, raised the possibility that all of Mendel's "experiments" were fictitious. He suggested that Mendel could not have had the varieties of plants he described.
Bateson (1909: 350) questioned the authenticity of Mendel's celebrated experiments in a footnote to a passage in the translation of Mendel's experiments he used in his book, Mendel's Principles of Heredity. Mendel, after describing his first seven experiments, opened his subsequent section with the following claim: "In the experiments described above plants were used which differed only in one essential character." Bateson commented:

This statement of Mendel's in the light of present knowledge is open to some misconception. Though his work makes it evident that such varieties may exist, it is very unlikely that Mendel could have had seven pairs of varieties such that the members of each pair differed from each other in only one considerable character.

Fisher fully realized the weight of this criticism.
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"He might, for each cross, have chosen arbitrarily one factor, for which that particular cross was regarded as an experiment, and ignored the other factors." (Fisher 1936: 119) Although this way of analyzing crosses might seem to be wasteful of data, Fisher claimed that Mendel, in fact, "left uncounted, or at least unpublished, far more material than appears in his paper." In other words, he published only enough data that he believed would be sufficient to convince readers of his theory. The second possibility was that: "He might have scored each progeny in all the factors segregating, assembled the data for each factor from the different crosses in which it was involved, and reported the results for each factor as a single experiment." (Fisher 1936: 119) This, Fisher claimed, is what most geneticists would take, unless they were discussing either linkage or multifactoral interaction.
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[] Peter Medawar [] in 1963 posed the question: "Is the Scientific Paper a Fraud?" In raising this question Medawar did not mean that the scientific paper misrepresents "facts", nor that the interpretations found in a scientific paper "are wrong or deliberately mistaken". What he meant was that "the scientific paper may be a fraud because it misrepresents the thought process that accompanied or gave rise to the work that is described in the paper." (Medawar 1963: 377)

Medawar was perhaps the first to emphasize that "The scientific paper in its orthodox form does embody a totally mistaken conception, even a travesty, of the nature of scientific thought." The structure of the "orthodox scientific paper" itself Medawar argued, is telling in this regard. He described the structure of the typical scientific paper in the biological sciences as follows:

First, there's a section called the `introduction' in which you merely describe the general field in which your scientific talents are going to be exercised, followed by a section called `previous work' in which you concede, more or less graciously, that others have dimly groped towards the fundamental truths that you are now about to expound. Then a section on `methods' - that's O.K. Then comes the section called `results'. The section called `results' consists of a stream of factual information in which it's considered extremely bad form to discuss the significance of the results you're getting. You have to pretend that your mind is, so to speak, a virgin receptacle, an empty vessel, for information which floods into it from the external world for no reason which you yourself have revealed. You reserve all appraisal of the scientific evidence until the `discussion' section, and in the discussion you adopt the ludicrous pretence of asking yourself if the information you've collected actually means anything; of asking yourself if any general truths are going to emerge from the contemplation of all the evidence you branished in the section called `results'.

The above description is somewhat of an exaggeration, for certainly many scientific papers do not follow this structure. But we can agree with Medawar that there is "more than a mere element of truth in it." "The conception under-lying this style of scientific writing is that scientific discovery is an inductive process." (Medawar 1963: 377)
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It is also wrong to suggest that "the scientific paper" is a fraud. "The scientific paper" is not a fraud; it is rhetoric.

4. La nature rhétorique des articles scientifiques
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Même si ce fait a été ignoré par les commentateurs des critiques de Bateson sur les statistiques de Mendel, Bateson émit l'idée dans ses commentaires que l'ensemble des expériences de Mendel avaient été inventées. Il suggéra que Mendel n'avait pas les variétés de plantes qu'il a décrit.
Bateson (1909: 350) mis en doute l'authenticité des célèbres expériences de Mendel dans une note en bas de page de la traduction d'un passage de la description des expériences de Mendel qu'il fit dans son livre: Les principes de l'hérédité selon Mendel. Mendel, après avoir décrit ses 7 premières expériences, ouvre la chapitre suivant par cette affirmation: "Dans les expériences décrites ci-dessus les plantes qui furent utilisées ne différaient que par un seul caractère". Bateson commente:

Cette affirmation de Mendel, à la lumière de nos connaissances actuelles, peut donner lieu à des idées fausses. Bien que son travail mette en évidence que de telles variétés puissent exister, il est fort peu probable que Mendel ai eut à sa disposition sept paires de variétés dont le membre de chaque paire n'aurait différé de l'autre membre par un seul caractère visible.

Fisher a parfaitement compris la portée de cette critique.
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"Il a du, pour chaque croisement, choisir arbitrairement un facteur pour lequel ce croisement serait considéré comme une expérience, et ignorer les autres facteurs." (Fisher, 1936: 111). Même si cette manière d'analyser les croisements semble s'accompagner d'un grand gaspillage de données, Fisher affirma que Mendel, en fait "n'étudia pas ou du moins ne publia pas davantage de données que celle qui apparaissent dans ses papiers". En d'autres termes, il ne publia que les données permettant de convaincre ses lecteurs de sa théorie. La seconde possibilité étant que: "il ai pu étudier chaque descendance vis-à-vis de tous les caractères ségrégant, puis rassembler tous les résultats obtenus pour chaque caractère dans les différents croisements où il apparaissait, et reporter ces résultats pour chaque caractère, comme un seule expérience". (Fisher 1936 : 119). Ceci, affirme Fisher, était ce que la plupart des généticiens auraient accepté, à moins de mettre en avant une liaison ou une interaction multifactorielle.
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Peter Medawar en 1963 posa la question : "L'article scientifique constitue-t-il une fraude ?" En posant cette question Medawar ne voulait pas dire que l'article scientifique ne reposait pas sur des "faits", ni que les interprétations proposées dans les articles scientifiques "sont fausses ou délibérément falsifiées". Ce qu'il voulait dire était que "l'article scientifique dans sa forme orthodoxe peut être une fraude car il ne présente pas le processus qui fût à la source ou accompagna la naissance du travail décrit dans l'article". (Medawar 1963: 377)

Medawar fût probablement le premier à mettre l'accent sur le fait que "L'article scientifique, dans sa forme orthodoxe, renferme une conception totalement erronée, et même parfois falsifiée, de la pensée scientifique". La structure même de l'article scientifique orthodoxe, comme Medawar l'affirmait, le dénonce. Il décrivit la structure d'un article scientifique type en science biologique comme suit:

D'abord, il y a une section appelée "Introduction" dans laquelle vous décrivez simplement le domaine scientifique dans lequel vous travaillez, suivi par une section appelée "Travaux antérieurs" dans laquelle vous concédez, avec plus ou moins de bonne volonté, que d'autres ont plus ou moins flirté avec les vérités fondamentales que vous allez maintenant exposer. Ensuite une section "Méthodes" correcte. Vient ensuite la section appelée "Résultats". Cette section est constituée par un flux d'informations factuelles dans lequel il est très mal considéré d'introduire des discussions sur la signification d'un résultat obtenu. Vous devez prétendre que, pour ainsi dire, votre esprit est un réceptacle vierge, un récipient vide, prêt à recevoir toute information en provenance du monde extérieur sans aucune raison que vous auriez décidée. Vous réservez tout critique d'un raisonnement scientifique à la section "Discussion" dans laquelle vous vous prêtez au ridicule simulacre de vous poser la question de savoir si vos résultats ont un sens; ou si, une vérité générale pourrait émerger de la contemplation des preuves que vous avez soigneusement pris soin de bannir de la section "Résultats".

La description ci-dessus, est quelque peu exagérée, du fait que probablement de nombreux articles scientifiques n'ont pas cette structure. Mais nous sommes d'accord avec Medawar qui affirme qu'"il y a plus qu'une simple apparence de vérité dans ce texte". "La conception sous-entendue dans ce style de publication scientifique est que la découverte scientifique est un processus inductif" (Medawar 1963: 377)
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Il est aussi faux de suggérer que "l'article scientifique" est une fraude. L'article scientifique n'est pas une fraude, c'est une rhétorique.


Mendel fait définitivement partie de l'histoire de la génétique

5. Concluding remarks
Mendel's "Experiments on Plant Hybrids" have been shrouded in various myths about individual discovery and social neglect. The central point is not to debunk these myths and dismiss them, but to reveal them, study them and understand how they have been constructed, how they have persisted and how they have been altered since the turn of the century. The prominent place of Mendel's experiments in scientific culture is based on the strengths of these myths, the very diversity of the reconstructions of his thought process, and his role as the founding father of genetics. As with all founding fathers, reconstructing the experiment has been closely intertwined with reconstructing the intentions of the experimenter. Mendel has been cast as an ideal type of scientist wrapped in monastic and vocational virtues. Yet, the moral element of the Mendel legend is not the only thing that has captured scientists' interests. There is much more to the oft-repeated accounts of Mendel's neglect and the reconstruction of his thought process than a construction of an exemplar of scientific virtue- a representation of a scientific ideal. To discard the stories about Mendel's discovery and subsequent neglect as simply moral tales would be to ignore the important rhetorical role of Mendel's experiments in the construction of scientific knowledge.

Since the emergence of genetics, Mendel has become a cultural resource to assert the truth about what it means, not just to be a good scientist, a geneticist, but what Mendelian genetics implies. The divergent accounts of Mendel's neglect reflect the often conflicting social and intellectual interests of Mendel's commentators. To understand geneticists' reconstructions of Mendel's intentions is to understand the divergent and sometimes conflicting definitions of what Mendelian genetics signifies or connotes. The specificity of the accounts themselves is generated as part of the repertoire of rhetorical tools scientists have at their disposal when defending their social and intellectual positions in science. Geneticists' reconstructions of Mendel's true intentions are used to buttress conflicting claims about what concepts can be legitimately associated with Mendelism (continuous or discontinuous evolution for example). We have seen how Bateson and Fisher constructed Mendel and the reasons for his neglect to suit their own intellectual struggles over evolutionary theory. And this same pattern has been repeated over and over again. Representing the foundations of genetics, Mendel's experimental results are used by geneticists to discuss what is legitimate experimental practice, to reflect upon the unconscious biases of experimentalists, and the procedures by which experimental claims can be evaluated. In short, Mendel's experiments are a meeting place where scientists discuss the definition of science itself.

5. Remarques en conclusion
Les "expériences de Mendel sur les hybrides de plantes" ont été enveloppées dans plusieurs mythes au sujet de la découverte individuelle et de la non reconnaissance sociale. L'essentiel n'est pas de contrer cette mythes et les chasser, mais de les révéler, les étudier et comprendre comment ils ont été construits, comment ils ont perduré et ont été modifié depuis le changement de siècle. La place prédominante des expériences de Mendel dans la culture scientifique repose sur la force de ces mythes, sur la foisonnante diversité des reconstructions des processus de pensée de Mendel et sur son rôle comme père fondateur de la génétique. Comme pour tous les pères fondateurs, la reconstitution des expériences s'est étroitement emmêlé avec la reconstitution du chemin de pensée de l'expérimentateur. Mendel a été lacé comme type idéal de scientifique entouré des vertus monastiques et vocationnelles. Cependant les éléments moraux de la légende mendélienne ne sont pas les seuls qui ont attiré l'intérêt des scientifiques. Il y a beaucoup à dire sur les affirmations répétées de la méconnaissance des travaux de Mendel et sur la reconstitution de sa pensée comme un exemple de vertu scientifique - une représentation de l'idéal scientifique. Rejeter les histoires au sujet de la découverte de Mendel et de son oubli, comme des fables morales reviendrait à ignorer l'important rôle rhétorique des expériences de Mendel dans la construction de la connaissance scientifique.

Depuis l'émergence de la génétique Mendel est devenu un élément culturel incontournable pour soutenir la vérité au sujet de ce qu'est non seulement un bon scientifique ou un généticien, mais sur ce que la génétique mendélienne implique. Les divergences concernant la méconnaissance de Mendel reflètent souvent les conflits d'intérêts sociaux et intellectuels des commentateurs de Mendel. Pour comprendre les reconstitutions des intentions de Mendel par les généticiens il faut aussi comprendre les définitions divergentes et parfois opposées des concepts issus de la génétique mendélienne. La spécificité des points de vue eux-mêmes est due notamment à la diversité des outils rhétoriques dont les généticiens disposent pour défendre leur position sociale et intellectuelle en science. Les reconstitutions des véritables intentions de Mendel par les généticiens sont faites pour étayer les points de vue variés sur les concepts qui peuvent être légitimement associés au mendélisme (évolution continue ou discontinue par exemple). Nous avons vu comme Bateson et Fisher on construit la personnalité de Mendel et les raisons de sa non reconnaissance afin de cadrer avec leur propres vues dans leur combat au sujet de la théorie de l'évolution. Et ce même schéma c'est répété de nombreuses fois. En représentant les fondations de la génétique, les résultats expérimentaux de Mendel sont utilisés par les généticiens pour préciser quelle est la pratique expérimentale légitime, pour montrer les biais expérimentaux inconscients des expérimentateurs, et les procédures selon lesquelles les résultats doivent être évalués. En bref, les expériences de Mendel sont le point convergent où les scientifiques trouvent la source même de la définition de la science.

Qu'est-ce la science ?


Quelques points clés

Mendel cherchait à établir des lois d'hybridation.

La "redécouverte des lois de Mendel" par Sutton sera en fait leur intégration dans l'hérédité génétique du XXème siècle. Il est très inexact de parler d'hérédité mendélienne.