Dans la voix parlée, l'usage veut
que l'on distingue l'émission des sons
vocaliques (exprimés sous forme de voyelles),
basée sur une dominante laryngée, et qui
constitueront les formants de la voyelle, et
l'émission des sons consonantiques plus
diversement réalisée par les
éléments supérieurs de la zone
bucco-pharyngée. D'après certains auteurs
comme Abraham Molès, l'émission des sons
vocaliques conférerait un caractère
esthétique au discours (intonation,
mélodie), tandis que l'émission des sons
consonantiques dégagerait son contenu
sémantique (résonance). Cependant les
recherches dans le domaine de la psycho-accoustique auditive
permettent de penser que la perception et l'identification
des sons du langage par les centres nerveux s'effectuent
globalement et que, pour le décodage de
l'énoncé, la forme générale de
l'ensemble (Gestalt) importe davantage que l'analyse des
éléments.
La mécanique
fonctionnelle
Il est classique de diviser l'appareil phonateur de l'homme
en trois segments: la soufflerie pulmonaire, qui alimente la
fourniture acoustique du son glottique; le larynx, qui
détermine la hauteur du son fondamental émis;
les résonateurs, dont dépendent les
modulations du son laryngé, qui sont
constitués par les différentes portions du
pavillon cervico-facial ou pharyngo-buccal.
- la soufflerie pulmonaire
L'émission de sons prolongés et durables se
fait pendant la phase d'expiration, ce qui
nécessite son maintien et son contrôle, le
débit inspiratoire s'en trouvant alors
diminué. La seule commande volontaire possible est
la musculature de l'abdomen. Cette sangle abdominale, qui
maintient en place les viscères abdominaux,
refoule le diaphragme (par l'intermédiaire de ces
viscères) et chasse l'air avec toute la
progressivité désirable.
- Le larynx
Le larynx est constitué d'une série de
cartilages superposés. L'inférieur
apparaît comme un anneau différencié
de la trachée, fermé en arrière par
une plaque verticale qui lui donne l'aspect d'une
chevalière. Au bord de ce chaton, deux petites
pyramides (aryténoïdes) glissent et pivotent;
elles servent de point d'attache postérieur aux
cordes vocales. Celles-ci s'insèrent en avant dans
l'angle d'un volumineux cartilage
(«thyroïde») en forme de bouclier ou de
proue de navire, dont la saillie antérieure prend
le nom de «pomme d'Adam».
En basculant sous ce bouclier, l'anneau cricoïdien
entraîne avec lui les pyramides
aryténoïdiennes; ainsi, les deux points
d'attache des cordes vocales s'éloignent, assurant
leur mise en tension; les muscles tenseurs sont les
cricothyroïdiens.
D'autres muscles interviennent pour écarter ou
rapprocher les pyramides, par conséquent ouvrir ou
fermer la glotte. Le système nerveux comprend deux
branches du nerf pneumogastrique: le laryngé
supérieur, qui assure la tension des cordes
à l'aide d'une boucle sensitivo-motrice, et le
laryngé inférieur, qui s'adresse à
tous les autres muscles.
- Rôle des cordes
vocales
Le fonctionnement des cordes vocales est
interprété actuellement en terme de
myoélasticité périodique passive
avec un simple contrôle nerveux. L'émission
période de sons étant due à une
rupture d'équilibre entre le sphincter glottique
maintenu fermé par les tenseurs et abducteurs,
d'une part, et la pression sous-glottique
commandée par la remontée du diaphragme,
d'autre part. L'augmentation de cette pression force le
barrage glottique et laisse échapper une
bouffée d'air; la pression s'étant de ce
fait abaissée, les muscles sont ramenés
à leur position initiale d'occlusion par leur
propre élasticité et le
phénomène se reproduit ainsi
périodiquement. A cet automatisme
myoélastique (théorie myoélastique
complétée: A. Fessard,
B. Vallancien, J. Perello) s'ajoute le
rôle du contrôle dévolu à l'arc
réflexe sensitivomoteur du nerf laryngé
supérieur, ainsi que les phénomènes
aérodynamiques impliqués par le
rétrécissement glottique, qui provoquent
une brusque fermeture par aspiration de la
muqueuse.
- Rôle des
résonateurs
Les résonateurs sont formés essentiellement
du pavillon pharyngo-buccal, auquel il faut adjoindre la
possibilité d'une participation des cavités
nasales lorsque le voile du palais est
abaissé.
Le pharynx inférieur, séparé de la
bouche par les piliers amygdaliens, constitue un premier
résonateur ; la cavité buccale,
grâce à sa cloison mobile, la langue, peut
être considérée comme constituant
deux résonateurs, auxquels il faut adjoindre
parfois le résonateur labial.
On doit donc décrire dans ce pavillon des parois
fixes (maxillaire supérieur, paroi
postérieure du pharynx et éventuellement
fosses nasales) et des parois mobiles (voile du palais,
isthme du gosier, langue, maxillaire inférieur,
lèvres). Ces résonateurs tapissés de
muqueuses sont peu amortis, leurs fréquences
propres dépendront de leur volume, de leurs
orifices et de leur couplage. Cela permettra une
combinaison importante d'émissions
phonémiques (Roman Jakobson).
La parole et la voix
Le vibrateur laryngé de par sa nature et son
fonctionnement n'engendre pas des ondes sinusoïdales,
mais se comporte comme un générateur de
signaux rectangulaires. Si l'ouverture glottique
s'établit progressivement, la fermeture est toujours
un accolement brutal des muqueuses des lèvres
vocales. On obtient ainsi des impulsions successives, dont
la fréquence détermine le son fondamental. Ce
son de base est naturellement riche en harmoniques.
Les résonateurs auront pour rôle d'exercer un
tri parmi ces partiels en créant un filtrage. La
combinaison de deux ou trois de ces premières
harmoniques donnera naissance à un son vocalique.
Le son consonantique s'apparente davantage au bruit, soit
d'explosion (plosives ou occlusives), soit
d'écoulement par frottement (fricatives), soit de
sifflement (sifflantes), soit de roulement (vibrantes), etc.
Cette combinaison de bruits et de sons complexes,
répartie judicieusement, donnera naissance aux
phonèmes puis aux mots.
La voix chantée est due à la
possibilité d'utiliser le larynx comme un instrument
à vent et relève de l'extrême souplesse
de l'organe vocal, de son ajustement avec les
résonateurs et de la mobilité de sa
musculature.
Dans le chant, l'exécution de la gamme en
montée se fait à partir d'une position basse
du larynx où les muscles sont ramassés,
où les cordes sont épaissies et où
elles s'accolent sur toute la hauteur de leur paroi interne.
Il s'ensuit que l'importance de la masse, à laquelle
s'ajoutent la longueur totale vibrante des rubans vocaux et
l'accroissement dimensionnel de la cavité
sus-glottique, favorise les sonorités graves.
En montant la gamme, le chanteur élève le
larynx, les cordes étirées s'amincissent, la
profondeur d'accolement diminue, le volume du
résonateur sus-jacent aussi. Le son, pour toutes ces
raisons, tend à s'élever en
fréquence.
Mais cette montée a des limites et, lorsque les
cordes parviennent à une tension excessive, le son
devient détimbré, criard. C'est
l'émission en voix ouverte des chanteurs, qui est
fortement déconseillée parce que disgracieuse
et dangereuse. La technique du passage aidera à
franchir ce cap pour retrouver une position plus
adaptée dans un nouveau registre dit «de
tête», où le son pourra sans effort et
sans altération être à nouveau
émis. D'après H. Lullies, cet exercice
serait rendu possible par un blocage de la partie externe
des cordes, dû à la contraction des muscles
périphériques et qui autoriserait une
détente du reste de la musculature sans
relâchement de la tension des rubans vocaux,
excepté dans leur portion marginale. Cette reposition
du larynx permettrait d'accéder à un registre
supérieur.
Grâce à ce mécanisme, le bord des cordes
entre seul en vibration. Parfois même la longueur de
la corde vibrante est réduite par suite d'un
accolement provoqué de leur partie postérieure
(J. Tarneaud).
Les sons émis avec ce mode vibratoire sont de timbres
très différents des sons de poitrine ouverts
de même hauteur: ils sont moins volumineux, moins
sonores et plus stridents (R. Husson).
Paul Moore réserve le nom de «processus
d'amortissement» à ce mécanisme
musculaire qui produit l'élévation de la
hauteur tonale. Pour lui, il serait dû à la
réduction de l'unité de masse et à un
accroissement de la tension interne de la corde vocale.
En résumé, au moment du passage, il se produit
une contraction du faisceau le plus externe de la corde
vocale, qui se trouve ainsi immobilisé, diminuant
d'autant la partie interne dont la masse réduite
demeure libre de vibrer à un régime plus
élevé. Cette contraction d'une des couches
musculaires pour faciliter le relâchement de l'autre a
reçu confirmation expérimentale sous forme
d'un couplage de deux ondes électromyographiques
recueillies sur les cordes vocales lors de l'excitation du
nerf laryngé supérieur (A. Fessard,
B. Vallancien).
Problèmes cliniques et
thérapeutiques
- Exploration fonctionnelle
La connaissance du mécanisme de la fonction
phonatoire du larynx a été rendue possible,
depuis les années 1960, grâce à la
multiplicité de techniques modernes qui ont permis
de capter l'intimité du processus de la vibration
laryngée de l'homme. Parmi les plus
précieuses de ces méthodes, il faut citer
celles qui utilisent le procédé
endoscopique (celui-ci, avec l'aide du cinéma,
délivre une étude au ralenti avec
enregistrement de la trace oscilloscopique sur le bord du
film) ou encore la radiocinématographie avec
enregistrement sonore synchrone et la
magnétoscopie. Enfin, la
strobocinématographie avec asservissement de la
lumière par le son immobilise l'image glottique
sur une phase déterminée.
Citons aussi les procédés
électroniques, parmi lesquels
l'électromyographie, la glottographie, la
transillumination glottique (B. Sonneson),
l'ultrasonographie, et d'autres qui demeurent encore du
domaine du laboratoire, telles la
photokinétographie (A. Fessard,
B. Vallancien) ou la cinédensigraphie
(Marchal, B. Vallancien). Mais ces diverses
techniques ont l'inconvénient de
n'intéresser chacune qu'un des paramètres
qui interviennent dans le mécanisme vibratoire des
cordes vocales.
Le larynx, en effet, est un organe caché qui se
livre difficilement à l'investigation,
protégé par les différents
cartilages qui le composent; les contours de ses tissus
mous sont difficilement visibles aux rayons X. Le
larynx étant placé au-dessus du pharynx et
en connexion étroite avec les voies respiratoires
inférieures, son exploration endoscopique ne peut
s'exécuter sans entraver les conditions
d'émission normale des sons. Seuls les
procédés utilisant des capteurs externes
permettent une étude du comportement physiologique
de cet organe dans toutes ses possibilités de
réalisation vocale.
D'autre part, ces méthodes ont
l'inconvénient d'être aveugles. Ainsi une
pratique tend maintenant à se
généraliser dans les laboratoires: celle de
l'analyse des enregistrements synchrones obtenus à
partir de plusieurs capteurs afin de comparer à
tous moments les variations des graphiques des
différents tracés. Cette méthode
pluriparamétrique, en temps réel, semble
être la plus valable et la plus sûre pour
autoriser des conclusions sur le mode vibratoire du
larynx (laboratoire de l'U.E.R., «Phonation et
recherches sur le langage», Institut de
phonétique de Paris).
Au total, depuis 1950, les progrès des techniques
électrobiologiques ont fourni un grand nombre de
données concernant les problèmes
posés par le geste phonatoire chez l'homme. S'il
demeure encore quelque obscurité sur le
mécanisme intime d'émission des sons du
larynx, une meilleure connaissance de son fonctionnement
permet de nos jours d'opposer aux désordres
fonctionnels une thérapeutique
rééducative plus logique et plus
efficace.
- Orthophonie
La phonation repose sur une utilisation correcte et
souple des différents organes concernant la
production du son:
- La coordination
pneumo-phonique.
La respiration doit être costo-diaphragmatique
afin de permettre un soutien efficace de la voix, sans
efforts de la partie supérieure du thorax.
Ensuite, une bonne synchronisation respiration-voix
est nécessaire pour une émission vocale
souple et détendue. La voix doit être
émise sur l'expiration; les temps d'inspiration
correspondront à la ponctuation: virgules,
points dans le discours, soupirs dans la phrase
chantée. Un geste respiratoire adapté
permet au sujet de parler sans essoufflement ni
reprises bruyantes. Enfin, une bonne utilisation du
souffle permet d'obtenir l'intensité
désirée.
- La hauteur .
Celle-ci dépend de la longueur des cordes
vocales, de la capacité respiratoire et des
dimensions des cavités de résonance.
Certaines dysharmonies organiques constituent une
gêne au bon fonctionnement du larynx, à
savoir: de grandes cordes vocales avec un thorax
étroit et de petites cavités de
résonance; ou, inversement, de petites cordes
vocales, une capacité pulmonaire importante et
de grandes cavités de résonance. Il
faudra donc obtenir que le sujet s'adapte pour le
mieux aux conditions organiques qui lui sont
imposées et trouve la hauteur qui lui permet
d'émettre une voix claire, sans effort, dans
une position relativement détendue.
- Les cavités de
résonance.
Une bonne utilisation des résonateurs sera un
facteur déterminant de l'esthétique de
la voix: coloration, richesse du timbre. Il faut
éviter ou corriger les différents
troubles de la résonance, notamment la voix
dite «dans le masque», souvent trop nasale,
avec une articulation serrée et un larynx trop
haut placé (nasillement), ou encore la voix
trop gutturale, écrasée, avec une
résonance située principalement dans la
partie inférieure du pharynx.
Une bonne résonance de la voix permet d'obtenir
des modulations naturelles et une voix «qui porte
loin» sans effort.
Indications
La rééducation vocale est
indiquée dans un certain nombre de cas
pathologiques: parmi ceux-ci, les plus
fréquemment rencontrés sont les
dysphonies fonctionnelles. Elles sont surtout la
conséquence des professions dans lesquelles la
voix est un instrument de travail; enseignants,
avocats, hommes politiques, standardistes,
réceptionnaires, acteurs, chanteurs, etc.,
qu'il s'agisse d'émettre dans le bruit une voix
d'intensité normale ou de parler devant un
auditoire plus ou moins important, ou encore en plein
air.
Même lorsque le contact avec le public n'est pas
nécessaire, une voix mal placée est
une source de fatigue nerveuse et son retentissement
psychologique sur le sujet est souvent important.
Inversement, une «belle voix», émise
sans effort et capable d'intensité, donne une
grande assurance à l'individu et constitue un
atout précieux dans sa vie
sociale.
- Pathologie de la phonation
- nodules
On rencontre les nodules chez deux types de sujets:
les enfants et les femmes, surtout chanteuses en
tessiture aiguë (particulièrement soprano
coloratur). Ils sont le résultat d'une mauvaise
utilisation du larynx dans la phonation des sons
aigus.
Pour le traitement, tout dépend de
l'ancienneté, de l'importance du nodule et des
troubles vocaux qu'il occasionne.
Chez l'enfant, le nodule, qui apparaît comme le
résultat d'un malmenage vocal, ne doit jamais
être traité chirurgicalement, mais
uniquement à l'aide d'un traitement
orthophonique qui consistera à obtenir une
respiration correcte pour une adaptation à une
émission vocale équilibrée. Il
faut bien savoir du reste que ces altérations
de la corde vocale chez l'enfant sont peu
structurées, sujettes à des variations,
et régressent souvent au cours du
développement du sujet.
Chez l'adulte, si le nodule est récemment
apparu, le traitement orthophonique sera entrepris
d'emblée pour deux raisons: un équilibre
vocal normal constitue une sorte de massage
thérapeutique, qui suffit dans certains cas
à faire disparaître les modifications de
la muqueuse; ce traitement orthophonique constitue un
exercice préparatoire et prophylactique pour
une cicatrisation correcte, dans les cas où la
chirurgie pourrait devenir
nécessaire.
- Polypes
Les polypes, petits bourgeons de la muqueuse, se
distinguent du nodule par leur forme, leur
unilatéralité et leur
variété ).
La plupart du temps, c'est à partir d'un
exsudat sous-muqueux que l'irritation chronique ou
l'allergie contribue à la formation du
polype ; ou bien encore, il apparaît comme
le reliquat de poussées aiguës de
laryngite chronique démateuse
inflammatoire qui ne rétrocèdent
qu'incomplètement, laissant au sujet un simple
enrouement. Il est important de reconnaître si
la tumeur est bénigne, car elle peut être
le départ d'une
dégénérescence, et l'examen
histologique est nécessaire.
Le papillome multiple et récidivant de l'adulte
et de l'enfant (papillomatose), qui peut
apparaître dès la première
enfance, est grave, car la pullulation des polypes
peut déterminer une obstruction des voies
respiratoires. L'évolution en est
décevante, nécessitant souvent une
trachéotomie. Les interventions chirurgicales
itératives ne donnent qu'un répit, et
laissent un larynx cicatriciel avec lequel il est
parfois difficile de rééduquer
convenablement la voix du patient.
- Eversion ventriculaire
L'éversion ventriculaire est due à une
inflammation importante de toute la muqueuse du
ventricule et de la partie supérieure de la
corde vocale. C'est au cours d'une laryngite chronique
qu'elle se constitue. La muqueuse du ventricule vient
faire hernie au-dessus de la corde vocale, sous forme
d'une masse gélatineuse en vessie de poisson.
La voix devient enrouée, comme cassée.
Le traitement sera d'abord pharmacodynamique, par
pulvérisation de vaso-constricteurs
destinés à décongestionner la
muqueuse et à faire rétrocéder
les dèmes; s'il ne suffit pas, le
galvanocautère déterminera une
rétraction de la muqueuse dans la huitaine qui
suit. Là aussi, le traitement orthophonique
devra compléter la thérapeutique pour
éviter le retour des accidents.
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