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Il est surprenant et probablement significatif que le sommeil soit si important dans la vie de chacun d'entre nous (et encore plus peut-être dans la vie d'un enfant) et pourtant si mal connu. Cherchez ce mot dans les index des traités de physiologie humaine et animale... vous serez surpris de ne le trouver que rarement. Cet état physiologique est souvent rattaché au système nerveux seulement alors que sans aucun doute il concerne l'individu entier. Par ignorance, on attribue de façon simpliste au sommeil un simple rôle de débrayage de la sensation (centres nerveux et organes périphériques de la perception ne sont plus en relation directe mais "endormis"). Je n'ai bien évidemment pas de réponse à vous donner si ce n'est une connaissance livresque. Essayons cependant de faire un tour d'horizon.
Le numéro hors série n°3 d'avril 2000 de La Recherche (Le sommeil et le rêve) contient de nombreux éléments que je vais m'efforcer d'intégrer.
Qu'est-ce que le sommeil ?
Actuellement on considère qu'un animal est endormi (homme
compris, mais il est évident que l'étude du sommeil du
cafard est assez ardue -voir "Le sommeil a-t-il
besoin du système nerveux central ?, entretien avec
Irène Tobler, professeur de biologie à l'Institut de
pharmacologie et toxicologie de l'université de Zurich, La
Recherche, HS 3, avril 2000, 12-12) lorsqu'il présente
un certain nombre de caractéristiques, six habituellement
:
- le sommeil doit avoir lieu dans un endroit particulier
- il s'accompagne d'une posture typique
- l'animal est dans un état de quiescence physique
- son seuil de réveil est élevé (un léger
frôlement ne suffit pas à lui faire changer
d'état)
- par contre le passage sommeil-veille doit être rapide
- lorsqu'on prive un animal de l'état qui ressemble à
du sommeil il récupère pendant un temps qui
dépend de la durée de la privation (véritable
phénomène de compensation - contrôle
(regulation en anglais)).
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Le sommeil est souvent défini comme faisant partie des
rythmes biologiques de type ultradien. En effet on a pris
l'habitude de distinguer les rythmes circadiens (de
période voisine de 24 heures, basée sur l'alternance
jour nuit et donc sur la rotation de la terre...), les rythmes
infradiens, de plus basse fréquence (et de
période plus longue) et enfin les rythmes supradiens ou
ultradiens, de plus haute fréquence (et de période
plus courte) : l'adaptation de l'organisme à son milieu passe
aussi par l'adéquation de ses propres rythmes avec ceux du
milieu.
On cite à ce propos le mot de Stravinsky : "au commencement
était le rythme". Innombrables sont les exemples biologiques :
des premiers battements des cellules musculaires cardiaques sous le
contrôle du tissu nodal aux variations cycliques des
concentrations hormonales en passant par la croissance
régulière des lamelles cellulosiques de la paroi des
cellules végétales ou encore la vitesse de changement
conformationnel de certaines protéines membranaires
impliquées dans des transports ioniques... Il
y a sans doute un problème d'échelle à creuser.
Ces rythmes font référence aux temps individuels (temps
de relation en ce qui concerne le sommeil) tout aussi bien qu'au
temps abstrait. Pour ceux d'entre vous qui désireraient
d'autres pistes sur le temps en biologie et en géologie,
consultez la page du cours
de terminale S où j'avais
essayé de regrouper quelques idées à ce
sujet.
De nombreuses expériences ont tenté de mettre en évidence une horloge interne qui déterminerait des rythmes endogènes et qui serait plus ou plus synchronisée avec les rythmes externes, imposés par le milieu. Le facteur synchronisateur le plus efficace serait l'alternance jour-nuit avec une rôle essentiel mis en évidence pour la période de transition lumière-obscurité (et non obscurité lumière).
Si des horloges internes ont bien pu être plus ou moins
mises en évidence elles semblent cependant résolument
multiples et non synchronisées entre elles.
La plus étudiée est sans aucun doute l'alternance
veille(ou vigilance)-sommeil. La première
description du sommeil date de plusieurs dizaines d'années et
semble toujours être reconnue: grâce aux enregistrements
réalisés par des électrodes de surface que l'on
place sur le cuir chevelu
(électroencéphalogrammes ou E.E.C.G), on
distingue une alternance de séquences de sommeil dit
lent (avec un relâchement progressif du tonus musculaire
des muscles squelettiques et un arrêt des mouvements oculaires
; le tracé de l'EECG présente des ondes de forte
amplitude et de fréquence basse) avec des séquences de
sommeil dit paradoxal (tonus musculaire minimal mais mouvement
des yeux extrêmement rapides que l'on peut facilement observer
chez un sujet (ou un chat) endormi à ce stade de sommeil ; les
tracés de l'EECG sont de très faible amplitude et de
fréquence très élevée, tout comme lors
d'une phase d'éveil). On considère habituellement que
cette phase de sommeil paradoxal correspond aux rêves
qui pourraient être en quelque sorte une
répétition des ordres du système nerveux central
en fonction de situations mémorisées ou
imaginées sans qu'il y ai commande motrice : une sorte de
débrayage du système moteur. Les zones
cérébrales impliquées dans le sommeil sont
classiquement situées, comme pour le contrôle de tous
les rythmes biologiques connus, au niveau des noyaux
suprachiasmatiques (NSC) de l'hypothalamus présentant une
activité rythmique intrinsèque que l'on retrouvera dans
les fonctions de reproduction (contrôle des
sécrétions hypophysaires). Certaines substances
chimiques comme la sérotonine ou la mélatonine ont
été suspectées comme essentielles mais on est
loin d'un modèle global. Il semblerait que les centres
contrôlant les deux types de sommeil soient en fait
séparés au sein des NSC.
L'évolution des différentes phases du sommeil au cours
de la vie (in Bordas, 1AB,
1988)
Trois millions de français consomment
régulièrement des hypnotiques. A 3 mois, 7
nourrissons sur 100 ont déjà reçu des
somnifères (sirops....). A 9 mois 16% en consomment
plus ou moins régulièrement. d'après Bordas, 1AB, 1988 |
Tant de questions... et si peu de réponses
A quoi sert le sommeil ? Réparation
métabolique, tissulaire, repos nerveux... ? Certains vont
jusqu'à affirmer que la période de croissance et de
synthèse est justement celle du sommeil, je n'ai pas lu
beaucoup de données scientifiques étayant cette
hypothèse (il semblerait (Bordas 1AB,
1988) qu'on ait, pendant la nuit, un pic de divisions
mitotiques des cellules de l'épiderme et des lymphocytes, des
pics très nets d'hormones de croissance et d'hormones
liées à la reproduction...), par contre de nombreux
autres paramètres ont des maxima diurnes (température,
pression artérielle, division des globules blancs
polynucléaires, activité cérébrale
estimée à partir de l'E.E.C.G...).
La méthode la plus employée pour essaye rde comprendre
la fonction du sommeil reste l'étude des conséquences
de la privation de sommeil.
Peut-on s'en passer ? Non, des essais inhumains ont été réalisés en ce sens avec des prisonniers de guerre... Les troubles du sommeil sont variés et pas seulement dans le sens des insomnies : il y a aussi des hypersomniaques qui tombent brutalement en sommeil paradoxal, quelques secondes après s'être couchés, et qui vont jusqu'à dormir plus de 20 heures par jour.
Combien d'heures doit-on dormir ? Cela dépend sans aucun doute de l'âge, du sexe, des personnes...5 heures pour Raymond Pointcaré étaient un long somme, 12 heures étaient nécessaires à d'autres grands hommes (Einstein était connu pour réclamer 10 heures)... Il est aussi certain que l'on peut au moins partiellement "rattraper" une nuit d'insomnie....
Remarque
Je signale ici, même si ce chapitre est uniquement
consacré à l'homme, qu'il me paraît
intéressant de souligner les comportements de type sommeil
mais à rythmicité annuelle (saisonnière) et non
plus circadienne : il s'agit de la torpeur et de l'hibernation.
L'état de torpeur englobe tous les états de vie
ralentie chez les animaux, une simple restriction d'activité
ou un véritable sommeil comme dans l'estivation, alors que
l'hibernation au sens strict doit s'accompagner d'une
réelle chute du métabolisme. Le colibri entre en
torpeur chaque nuit qui est à son échelle
extrêmement longue (il vit environ quelques années) mais
des études réalisées avec des balances
électroniques automatiques pesant chaque oiseau venant
s'alimenter à des distributeurs sucrés, ont mis en
évidence le côté réponse à un
stimulus de type déficit en nourriture-mise en veille du
métabolisme sans qu'il y ait de rythme endogène
défini. Par contre, des colibris, comme de nombreuses
chauve-souris, en dehors de la période de floraison des
espèces dont ils se nourrissent, entrent clairement en
hibernation pour des mois lorsqu'ils vivent dans des régions
de latitude élevée.
On s'est aussi aperçu que lorsque les écureuils se
réveillent au cours de leur hibernation (environ tous les 15
jours), de façon régulière, ils se ...mettent
à dormir ! (approfondissement du sommeil lent sur
l'électroencéphalogramme comme après une
privation de sommeil de 4 heures...). On suppose donc que
l'hibernation n'est pas un état de type sommeil mais est
intermédiaire entre l'éveil et le sommeil.
L'étude du sommeil paradoxal et du sommeil lent chez les
anaimaux est bien sûr limitée par la possibilité
d'obtention d'électroencéphalogrammes puisque c'est par
cette méthode que l'on distingue les deux types de sommeil par
comparaison avec l'homme. Dans l'ensemble des espèces
étudiées (très limité) on retrouve les
deux types de sommeil pour les oiseaux et chez les mammifères
vivipares (mais pas chez tous les animaux de ces groupes). Pour les
autres vertébrés les résultats sont encore
très discutés. Il est clair aussi que les durées
des deux types de sommeil chez les espèces chez lesquelles ils
ont été mis en évidence, sont extrêmemnt
variées, pour deux individus de la même espèce
!!!
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