Questions fondamentales
(pour lesquelles il n'y a
pas forcément une seule réponse...).
Qu'est-ce que la vie ?
Comment classer les êtres vivants et quelle
est la place de l'homme parmi eux ?
Comment et pourquoi étudier l'histoire de
la vie ?
retour accueil, planning
PE1, planning PE2
Ces questions reposent directement sur des options philosophiques
et il est certain qu'elles ne sont pas à poser telles quelles
aux enfants. Il ne s'agit pas ici de proposer une démarche
uniforme mais de vous faire réfléchir à ces
questions qui sous-tendent votre approche de la discipline.
Qu'est-ce que la vie ?
La vie est un phénomène qui nous est donné
- que l'homme n'a jamais réussi à reproduire - qui
se donne mais peut se prendre et qui est sans aucun doute un
mystère.
Les réponses philosophiques à cette question sont
variées depuis l'acte d'être
aristotélicien à la conscience bergsonienne en passant
par la volonté de puissance de Nietzsche ou
l'être-conscience immanent d'Hegel.
Les biologistes ont pris l'habitude de regrouper le
phénomène vital sous trois grandes fonctions que
tout être vivant doit présenter (à un moment
donné de son cycle de vie et pas forcément pour tous
les individus d'une espèce..., ce sont des possibles, des
propriétés qui ne sont pas toujours utilisées
par l'individu): les fonctions de nutrition, de
reproduction et de relation.
D'autres formulations ont été proposées
récemment, mais elles sont à mon avis inacceptables. Si
vous y êtes confrontés, nous en discuterons.
Si vous le voulez bien, je préfère parler de travail
du vivant. C'est une formulation pédagogique dans le sens
où la richesse du mot travail, due sans aucun doute à
son étymologie et à ses sens divers, permet d'englober
les multiples aspects du vivant. Donc :
la vie est un travail.
On distingue ainsi:
- le travail de nutrition :
tous les êtres vivants doivent prendre de l'énergie
et de la matière dans le milieu pour l'utiliser pour leur
croissance et leur survie.
- le travail de reproduction
: tous les êtres vivants ont une capacité à se
multiplier (même s'il elle n'est pas exploitée par
tous les individus), elle peut se faire seul (solitairement : la
multiplication asexuée) ou entre deux individus
(reproduction sexuée).
- le travail de relation :
tous les êtres vivants ont des relations avec le milieu
extérieur et entre eux : les êtres vivants
développent tous une composante sociale.
Pour des détails je vous renvoie aux pages
présentées à l'adresse (http://perso.libertysurf.fr/pst/fc1.htm).
Deux aspects méritent d'être
détaillés.
- Les mécanismes du vivant:
la vie au travail
Les mécanismes du vivant peuvent être
expliqués en terme d'information et de matière. La
composition chimique (dynamique car celle-ci change dans le temps)
de chaque être vivant est sous la dépendance d'une
certaine information. Où se trouve cette information ? On
peut considérer qu'il y a trois grands types d'information
qui concourent au maintien de la cellule en vie,
c'est-à-dire au travail de le vie:
- l'information génétique, contenue dans
l'ADN. Chez les procaryotes, elle est assez peu
structurée (habituellement sous la forme d'un chromosome
circulaire décondensé et de petites boucles: les
plasmides) et se trouve dans l'unique compartiment cellulaire
où elle est cependant directement accessible. Chez les
eucaryotes, elle est protégée dans le noyau (et
pour partie dans les chloroplastes et les mitochondries).
L'information génétique est composée de
gènes, sous-unités fonctionnelles de l'ADN qui
codent pour une chaîne polypeptidique ou un produit
fonctionnel comme un ARN non messager (ribozyme par exemple).
L'information génétique est
protégée, manipulée, reproduite
(dupliquée), structurée par de nombreux
éléments cytoplasmiques: histones, enzymes (comme
le complexe de l'ADN polymérase...), ribozymes,
ribosomes...
- l'information cytoplasmique dirige l'ensemble du
métabolisme et de l'activité cellulaire
(mouvement...) et renferme la mémoire cellulaire. En
effet, la composition chimique et l'organisation structurale du
cytoplasme sont le reflet de l'histoire individuelle de la
cellule. C'est cette personnalité cellulaire qui est
enregistrée dans le cytoplasme sous forme de
mémoire.
- l'information extracellulaire provient du milieu
extérieur et des cellules voisines. Cette information
représente les interactions sociales des cellules d'un
même feuillet embryonnaire, d'un même tissu, d'un
organisme pluricellulaire entier ou d'un individu avec d'autres
individus au sein d'une population ou encore d'une population
au sein d'un écosystème. Chaque organisme
réagit en permanence à ces informations
extérieures: on peut dire qu'il évolue.
Il est entendu que le terme d'information n'est
certainement pas indifférent et que l'on ne peut
s'empêcher, lorsque l'on parle d'information, de penser
à quelquechose de matériel qui serait le support de
cette information (à la manière de l'information
électronique, magnétique,
électro-magnétique ou optique des innombrables
images qui circulent à la surface de notre planète).
Il existe plusieurs théories de l'information sur le
vivant. La théorie encore soutenue officiellement de nos
jours et qui propose que la totalité (ou même la
majorité) de l'information concernant un être vivant
se trouve dans l'ADN s'est révélée être
une impasse et doit être abandonnée. Le but de ce
cours n'est pas de proposer une théorie de
l'information.
Je signale cependant un ouvrage qui, encore peu connu, pourrait
intéresser ceux qui, parmi vous, ont une formation de
biologiste : Comment les cellules construisent l'animal,
Rosine CHANDEBOIS, 1999, Phénix éditions
(www.librissimo.com),
Paris : R. Chandebois, professeur d'embryologie
expérimentale qui a beaucoup travaillé sur les
anomalies de développement chez l'embryon humain, y
présente sa théorie du vivant avec des illustrations
vraiment accessible à tous...
- L'évolution du vivant: le
travail de la vie
Le titre est un peu tiré par les cheveux mais
qu'est-ce que l'évolution si ce n'est le déroulement
de la vie dans le temps et donc le résultat du
travail du vivant ? Il n'y a aucune raison d'imaginer que les
mécanismes de l'évolution sont différents des
mécanismes du vivant actuel. Je ne veux pas discuter ici de
telle ou telle théorie mais juste poser des jalons, sachant
que, dans le domaine d'une science historique et non plus
expérimentale, on peut toujours raconter une histoire mais
il est difficile de prétendre posséder l'histoire.
Quelques questions:
- La vie a-t-elle été un
phénomène constant ? N'a-t-elle pas
présenté des accélérations ou des
ralentissements ?
- L'évolution est-elle terminée ou se
continue-t-elle ?
- Puisque les fossiles présentent des variations
discontinues (on n'arrive pas à retrouver
d'espèces intermédiaires entre tous les groupes
étudiés qui permettraient de passer d'un groupe
à l'autre), l'évolution ne s'est-elle pas aussi
faite par paliers brusques, voir très brusques
?
- Quelle science expérimentale peut, mieux que
l'embryologie, retrouver les mécanismes de
l'évolution, s'ils sont encore à
l'uvre
Comment classer les êtres vivants et
quelle est la place de l'homme parmi eux ?
Il est surprenant pour un biologiste de voir que même les
nouveaux documents d'application des programmes de l'école
primaire gardent l'ancienne distinction
animaux-végétaux. Plus surprenant encore pour certains
de les voir y ajouter l'homme, bien séparé des deux
groupes précédents. Personnellement je souhaiterais
dépasser la première dichotomie
animal-végétal. Par contre, placer l'étude de
l'homme en dehors du plan strictement biologique, me semble aller
dans le sens de la pluridisciplinarité du professeur des
écoles. Il me paraît difficile de parler
d'éducation civique à un moment donné et,
l'instant d'après, lors d'une séance de biologie,
ramener strictement l'homme à son être biologique :
l'éducation à la santé, à la vie sociale,
à l'environnement, sont des parties intégrantes de
l'enseignement sur l'homme vivant.
Quelle classification donner à l'école primaire
?
Étant donné le coût des outils d'observation
comme une loupe binoculaire et d'un microscope, il est certain qu'il
n'est pas courant d'en disposer à l'école. Cependant,
ne serait-il pas souhaitable d'envisager un tel investissement qui
peut être couplé à une caméra vidéo
numérique branchée sur un écran de
télévision (l'investissement pour une loupe binoculaire
et une caméra numérique représente environ 6.000
francs). Avec un magnétoscope vous pouvez aussi enregistrer
les observations et les visionner à nouveau plus tard. Cet
outil est déjà extrêmement performant dans les
classes secondaires et mérite d'être diffusé dans
les écoles primaires. On est beaucoup plus proche du
réel qu'avec un ordinateur, avec un coût
équivalent. Vous pourrez ainsi observer des objets vivants ou
non jusqu'à 0,05 mm (soit 50 micromètres) environ avec
une loupe binoculaire, ce qui vous permet d'atteindre de nombreux
organismes unicellulaires et jusqu'à quelques
micromètres avec un bon microscope, ce qui vous ouvre le monde
des bactéries.
C'est pourquoi je vous recommande :
- au moins une classification en quatre groupes si vous
n'avez pas de microscope en précisant que cette
classification ne concerne que les êtres vivants qui sont
accessibles par les moyens d'observation de la classe:
* groupe des microorganismes: les plus petits des
êtres vivants (qui engloberaient les deux règnes des
procaryotes et des unicellulaires), seuls ou en groupes (colonies
dont certaines sont très "resserrées" comme chez les
algues vertes)
* groupe des champignons
* groupe des plantes
* groupe des animaux
- mais il me semble préférable, surtout si vous
disposez d'un microscope, de présenter les 5 règnes
proposés actuellement: bactéries -
protistes - champignons - plantes -
animaux. Nous verrons des manipulations simples qui mettent
en évidence chacun de ces groupes, même si toutes
leurs caractéristiques ne sont pas observables, bien
évidemment;
Pour l'homme, n'hésitez pas: conformément aux
programmes, et en marge de la stricte description biologique, osez
ajouter un sixième groupe (règne de l'Homme
ou hominien) qui pour moi présente un type de
travail supplémentaire: le travail de la raison (j'ai
déjà cité la raison comme indispensable à
l'élaboration des hypothèses et au jugement des
expériences, elle est donc inséparable de la
méthode expérimentale), de l'esprit, qui est
abstraction, usage de la volonté libre et des facultés
de l'intelligence. Ce travail est ce que j'aimerai appeler la vie
intérieure.
Pour information, je signale que la classification des
êtres vivants la plus utilisée actuellement est
celle de Whittaker et comporte 5
règnes et dont voici une
présentation un peu personnelle basée sur la
division du travail :
|
- Les
procaryotes
(règne des Procaryotes ou Monères)
sont les plus "simples" des êtres vivants
formés (car les virus, prions et autres
molécules éventuellement encapsulées
ne réalisent aucun travail ; on ne les classe donc
pas parmi les êtres vivants).
- Du point de vue de la
matière et de l'information (ou plutôt de
l'expression de cette information), la cellule
procaryote, rudimentaire, est un modèle
privilégié pour étudier
l'information génétique. Le
modèle bactérien, pour être le
plus simple, ne doit pas être extrapolé
aux organismes plus complexes pour lesquels
l'information génétique n'est plus aussi
simplement exprimée par la cellule.
Peut-être pourrait-on considérer que la
genèse de la forme d'une bactérie est
due à l'expression de ses gènes, ou
plutôt de certains de ses gènes par
l'intermédiaire d'un cytoplasme rudimentaire.
Cette expression du génome par le cytoplasme
peut être aisément modifiée par
des interactions du milieu avec la cellule
bactérienne. Ces modifications (mutations par
exemple) sont alors transmises à une population
(clone). Mais il est aussi possible que les
interactions entre cellules d'un même clone ou
entre bactéries d'espèces
différentes soient aussi essentielles à
la survie de ces bactéries (voir
infra).
- Du point de vue fonctionnel, les
bactéries possèdent une
compartimentation (division du travail dans l'espace)
rudimentaire: le travail de nutrition est
assuré par l'ensemble de la cellule. La cellule
est perpétuellement en train de se reproduire
si les conditions de milieu le permettent (division
temporelle du travail de reproduction) par
scissiparité qui est le seul
mécanisme observé actuellement et qui
fait suite à une duplication de tous les
éléments de la cellule. Enfin le travail
de relation est assez simple: se déplacer
(flagelle, glissement, mouvements
amaoeboïdes)..., recevoir ou émettre des
messages chimiques, électriques,
magnétiques... Mais du point de vue social les
bactéries ont un rôle essentiel dans
nombre de mécanismes impliquant des organismes
pluricellulaires. Il suffit de considérer leur
rôle dans les maladies humaines ou dans des
processus alimentaires maîtrisés par
l'homme. La forme habituelle de croissance
bactérienne, l'unité de vie, est
plutôt la colonie bactérienne que
l'individu isolé. On rapporte même que
des bactéries seules ne peuvent pas être
maintenues en vie. Elles ne se maintiennent en vie que
si elles se reproduisent. La spore de
résistance est une forme de survie dans des
conditions de milieu défavorable et fait
plutôt partie du travail de relation
plutôt que de reproduction. Il est à
noter que la conjugaison bactérienne, si
elle est limitée à l'échange de
seul ADN ne peut être vu comme une reproduction
mais doit plutôt être
considéré comme une relation. On peut
citer à ce sujet une théorie qui
présente les virus comme des particules
informatives qui réalisent une communication
entre cellules eucaryotes.
- Les unicellulaires
eucaryotes forment le deuxième
groupe (règne des Protistes) qui est de
loin le plus varié au niveaux de ses
modalités de travail.
- Du point de vue de la
matière et de l'information, la cellule
eucaryote est déjà nettement plus
complexe et variée que la cellule
bactérienne dans ses structures et ses
métabolismes: il suffit de voir les
innombrables formes qui colonisent tous les milieux
aqueux mais aussi d'autres êtres vivants, comme
le font de nombreux parasites. Une idée
fréquemment évoquée concerne la
limitation de taille des unicellulaires. Du fait des
distances et de l'indispensable coordination du
travail entre les différents compartiments, la
cellule présente une taille limite de l'ordre
de quelques centimètres. On notera aussi les
intéressantes remarques de R. Chandebois sur la
taille du noyau qui doit stocker de plus en plus
d'information génétique du fait de
l'augmentation du nombre de gènes (Le
gène et la forme, p 197) et sur l'exosquelette,
présenté comme une solution au maintien
de la forme de la cellule, ou encore sur la
comparaison entre le noyau reproducteur plus petit et
le noyau végétatif dont la taille
devient très importantes lors de la
complication des structures..
- Du point de vue fonctionnel, la
division (spatiale) du travail entre les
différents compartiments est possible
grâce à l'apparition de membranes
internes.
- Le travail de nutrition peut
être réalisé par des
organites (mitochondries et chloroplastes,
peut-être issus de parasites
"esclavagisés" par la cellule eucaryote) ou
des surfaces membranaires
spécialisées.
- Le travail de reproduction
devient plus limité dans le temps et on
observe deux grandes modalités de la
reproduction: une reproduction binaire, que
certains ont vu comme une photocopie mais qui est
à l'heure actuelle beaucoup plus
considérée comme source de variations
du fait des anomalies de duplication et de
séparation observées. Elle est
souvent considérée comme intervenant
de préférence dans un milieu
favorable mais il est possible que l'on en vienne
à la considérer de plus en plus comme
une reproduction-croissance-colonisation du milieu
qui est le mode de reproduction le plus courant.
Cette division se déroule selon le
mécanisme de la mitose. Mais il
existe des modalités très
variés de cette division et de nombreuses
mitoses sont atypiques chez les unicellulaires
(persistance de l'enveloppe nucléaire,
absence de fuseau de division... etc.). Il est
peut-être aussi important de noter que de
nombreuses mitoses se déroulent
successivement puis simultanément chez un
même individu, ce qui permet de produire de
nombreuses cellules filles à partir d'une
cellule mère (bourgeonnement,
schizogonie...). La seconde modalité est la
reproduction sexuée. Elle
était considérée jusqu'alors
comme intervenant dans des conditions
défavorables et tendant à
mélanger les caractères des
individus. Elle était donc source de
diversité (génétique
sous-entendu car souvent présentée de
façon beaucoup très
réductionniste comme un mécanisme de
brassage intrachromosomique (crossing-over) et
interchromosomique (séparation
aléatoire des chromosomes homologues
à l'anaphase de 1ère division).
Actuellement il est possible que l'on
considère plutôt cette modalité
comme un mécanisme de réparation, de
maintien des caractères de l'espèce.
D'une part parce que la fusion cytoplasmique
réalisée à la
fécondation permet un
réassortiment du stock d'organites
cellulaires et d'autre part parce que la
méïose suivie de la caryogamie
permet un réassortiment des allèles
de l'espèce et donc en fait un maintien de
ces caractères alors qu'une variation
allèlique (une mutation par exemple) sera au
contraire cachée, mélangée, et
très probablement supprimée (soit par
réparation lors de la phase S, soit par des
mécanismes cytoplasmiques variés de
régulation du génome) lors de la
reproduction sexuée. Il est essentiel de
noter que seuls quelques unicellulaires ont des
cycles de vie complets bien documentés. Chez
de nombreuses espèces (je crois même
pouvoir dire la plupart), une partie du cycle est
ignorée, seule la reproduction
asexuée étant connue la plupart du
temps. Mais il est évident qu'étant
donné la taille des ces organismes les
études expérimentales qui doivent
être basées essentiellement sur des
observations (cultures en laboratoire notamment de
façon à étudier l'influence
des paramètres du milieu) seront difficiles
et restent une source d'enthousiasme pour le
biologiste qui doit encore garder son pouvoir
d'émerveillement, à l'instar du
philosophe, devant la nature.
- Enfin le travail de relation
peut être assez élaboré du fait
des nombreuses structures assurant la
mobilité des Protistes, du nombre de
substances chimiques et signaux produits dont on
commence à peine l'étude et des
espèces présentant une vie coloniale
assez originale (Amibes acrasiales par exemple).
Là encore, la richesse des types de
communications entre cellules est encore loin
d'être totalement appréhendée.
Les Protistes sont nettement inféodés
au milieu aquatique, y compris lorsqu'ils sont
parasites ou symbiotes. On notera que les algues
vertes sont classées dans les Protistes.
Elles formes des structures planes et cylindriques,
ramifiées ou non, qui sont
considérées comme des colonies
serrées et non comme les tissus d'un unique
individu.
- Les trois autres groupes sont des
pluricellulaires et
eucaryotes.
- Du point de vue matériel
chaque cellule à un comportement
déterminé par trois types d'information:
l'information génétique, l'information
cytoplasmique et l'information extracellulaire. C'est
l'ensemble de l'organisme qui possède les
propriétés du vivant et qui
réalise le travail. L'information
génétique est morcelée,
répétée, chevauchante... sans
parler de sa manipulation extrêmement complexe
par le cytoplasme. Dans une cellule
différenciée, l'information
génétique est, pour sa quasi
totalité, définitivement
réprimée. On est loin du modèle
bactérien. L'information cytoplasmique
représente la mémoire cellulaire, le
trajet dans le temps et l'espace de la population
à laquelle cette cellule appartient. Le
développement de l'organisme à partir
d'une cellule uf représente le processus
le plus passionnant du vivant. L'information
extracellulaire, qui n'est pas à
négliger, même dès le stade de
l'uf (maturation au sein des organes sexuels
femelles par exemple), coopère aussi à
l'élaboration du plan d'organisation de
l'individu.
- Pour les trois autres groupes
(règnes) formés d'organismes
composés de nombreuses cellules, le travail est
divisé et réparti
(hiérarchisation) entre organes
(regroupés en fonctions), puis tissus,
eux-mêmes composés de cellules qui se
différencient. Le travail de la vie est
fortement divisé. Ce qui fait jouer aux
fonctions de coordination (travail de relation interne
à l'organisme) un rôle essentiel. Avec
les pluricellulaires apparaît la notion de
milieu intérieur qui, protégé des
variations du milieu extérieur, permet à
l'organisme pluricellulaire de vivre en milieu hostile
(aérien par exemple).
- Le troisième groupe
(règne des Mycètes ou
Champignons) comprend, classiquement
désormais, tous les organismes
hétérotrophes composés de cellules
eucaryotes à paroi chitineuse. Leurs
métabolismes originaux, leurs cycles de
reproduction souvent trigénétiques, leur
association fréquente sous forme de mycorhizes aux
racines de végétaux supérieurs,
justifient cette classification à part. Ils
constituent en quelque sorte des colonies de cellules
adjacentes, parfois communicantes (mycéliums
siphonés) qui mettent en commun leur
différents types de travail mais sans
réaliser des structures communes (sauf l'appareil
reproducteur). Les mycétes restent tributaires du
milieu aquatique ou pour le moins très humide et
ne résistent au milieu sec que sous forme de
spores de résistance.
- Le quatrième groupe
(règne des Plantes ou
végétaux) comprend des organismes
autotrophes eucaryotes à paroi pecto-cellulosique.
Le travail de nutrition est dominé par le
mécanisme de la photosynthèse qu'il ne faut
pas uniquement regarder au niveau moléculaires
(pigments et métabolisme chloroplastique) mais
aussi au niveau de la compartimentation dans l'espace et
le temps (plantes CAM et C4) ou encore au niveau de la
phyllotaxie (disposition des feuilles au niveau de la
tige). Une fois encore il ne faudra pas oublier que c'est
l'ensemble de l'organisme qui réalise le travail,
même si la tâche est répartie en
plusieurs sous-tâches au sein de la plante. Le
travail de reproduction est parfois original, les
mécanismes de reproduction asexuée et
sexuée étant extrêmement
diversifiés. Une des grandes originalité
structurale des végétaux étant le
communication cytoplasmique des cellules par les
plasmodesmes qui en fait une mode original de travail de
relation. La plante est une société
cellulaire dont les communications se font soit par voie
apoplasmique (paroi et méats) soit par voie
symplasmique (cytoplasme et plasmodesmes) soit encore par
réseaux spécialisés (phloème
et xylème). La plante est résolument
tourné vers le milieu aérien comme en
témoigne le port dressé
réalisé par l'élaboration des troncs
chez la plupart des espèces
arborescentes.
- Le cinquième groupe
(règne des Animaux) comprend les organismes
hétérotrophes eucaryotes sans paroi. Le
travail de nutrition est dominé par la respiration
cellulaire mais les modalités de nutrition sont
très nombreuses. Le travail de reproduction peut
se faire par reproduction asexuée ou
sexuée. Par contre le travail de relation
présente des originalités certaines: il n'y
a pas que le déplacement qui se fait dans tous les
milieux y compris dans l'air, milieu qui paraît de
prime abord le plus hostile à la vie, il y a aussi
le développement de nouveaux modes de
communication comme les signaux et langages animaux de
plus en plus sophistiqués, ainsi que des
systèmes de communication chimique comme celui qui
intervient dans les mécanismes immunitaires. Enfin
la hiérarchisation du travail des
différents groupes cellulaires devient de plus en
plus nette et culmine avec le tissu nerveux
centralisé représenté par
l'encéphale des vertébrés
mammifères. Les sociétés animales
hiérarchises sont aussi un exemple
particulièrement frappant de travail de relation
très développé.
|
Remarques philosophiques... où l'on
retrouve la séparation
réalisme-idéalisme:
Les critères de classification sont très nombreux mais
n'ont pas tous la même valeur. Tous les classements ne sont pas
égaux. Certains sont plus éclairants que d'autres. Il
est mal vu de nos jours de parler d'ordre et pourtant mettre en ordre
est quelquechose de très naturel.
La question est donc de savoir si c'est l'homme qui classe par sa
raison, les êtres vivants n'étant pas
ordonnés par eux-mêmes, ou si c'est l'homme qui
découvre l'ordre à partir de sa raison.
Étant donné l'attitude réaliste de modestie face
au réel adoptée jusqu'ici, il me semble
nécessaire d'affirmer que c'est à l'homme de
découvrir l'ordre des êtres vivants. Il est
alors faux de prétendre qu'imaginer un ordre dans la vie est
une émanation de la pensée humaine (idéalisme).
Le réel est ordonné, la vie est ordonnée. Elle
s'oppose au désordre, elle se maintient dans l'être. Ce
qui est folie de la raison (et orgueil) est au contraire d'imaginer
que les choses ne sont que parce que l'homme les voit ou les classe.
Le biologiste ne peut pas être nominaliste. Il est chaque jour
confronté au réel qui s'impose à lui. On en
revient toujours à cette attitude de modestie face au
réel.
Simultanément avec la recherche et la mise en forme des
critères unificateurs qui ordonnent l'ensemble des êtres
vivants, l'homme cherche à classer et à nommer chaque
être vivant. Le nom permet de faire référence
à la classification. Par la mémoire des noms la
connaissance du monde vivant progresse. On continue sans cesse
à l'heure actuelle de nommer de nouvelles espèces.
Dénombrer les espèces demande donc que l'on se penche
auparavant sur la notion d'espèce. Cela sort du cadre de ce
cours mais c'est un problème majeur en biologie.
Comment et pourquoi étudier
l'histoire de la vie ?
Il existe une réelle distinction entre les sciences
expérimentales qui cherchent à comprendre
l'organisation du réel actuel et celles qui s'appliquent
à reconstituer le passé. Pourquoi ne pas reprendre le
terme ancien d'histoire naturelle, même si l'on en
change le sens, qui comprendrait à la fois la géologie
dans sa dimension historique : l'histoire de la terre et
l'évolution ou l'histoire de la vie.
Dans l'histoire naturelle, si l'objet est conservé
(la nature) la méthode change : nous ne sommes plus
dans une science expérimentale mais dans une science
historique. Je prend le terme d'histoire au sens
de science des événements passés et non dans le
sens restreint des événements ayant eu lieu depuis
l'avènement de l'écriture, les périodes plus
anciennes étant désignées sous le vocable de
préhistoire.
On bute sur la notion de temps. Voici quelques pistes concernant
les êtres vivants et la géologie :
- Le temps et les êtres vivants :
Un être vivant naît, croît, vit et meurt.
Un être vivant dépend donc du temps mais
perçoit-il ce temps ? Et s'il le perçoit,
tous les organismes le perçoivent-ils de la même
manière ? Quelle signification le temps a-t-il pour une
bactérie qui vit 20 minutes et donne naissance à
deux cellules filles ? Un petit animal qui a une durée de
vie d'une année perçoit-il la longue saison
hivernale comme le fait un animal qui peut vivre plusieurs
dizaines d'années ? On aimerait répondre que chaque
organisme a sa propre mesure du temps (perçue ou non) en
fonction de sa propre durée de vie, de sa propre
capacité de mouvement (car le temps est indubitablement
lié au mouvement).
Si l'on fait appelle à la
métaphysique on distingue le temps
individuel, propre à chaque être, qui
dépend de sa capacité de changement, et le
temps abstrait qui est en quelque sorte causé
par le mouvement de l'être changeant. C'est ce temps
abstrait que l'on peut mesurer, comparer, diviser.
On retrouve ce double aspect dans notre observation du vivant :
d'une part la dimension du temps propre à chaque être
vivant qui est essentiellement sa durée de vie (les
temps individuels sont multiples) et d'autre part le temps
abstrait qui est utilisé par l'homme (le temps abstrait
est unique, fragmentable...). On mesure donc une durée
par rapport à ce temps abstrait unique. En effet, du
point de vue expérimental, le temps est une grandeur
physique (variable) mesurable par le mouvement : on mesure
habituellement la durée du mouvement (unité
internationale : la seconde : s), la fréquence d'un
mouvement périodique (c'est-à-dire
répétitif, cyclique) : nombre
d'événements par unité de temps (la
période étant la durée d'un
événement unité).
Il n'en reste pas moins que la question de la perception du temps
reste posée pour tout organisme. Si l'homme perçoit
le temps et l'abstrait, il n'est par contre pas du tout
évident que tout organisme puisse le faire.
On peut donc définir plusieurs
temps multiples en fonction des
caractéristiques du vivant :
* le temps de vie qui fait référence
à la durée de vie moyenne de
chaque organisme : en règle très
générale, plus un animal est grand, plus il
a une durée de vie importante
* le temps de nutrition ou temps
métabolique ou encore temps
physiologique : sans rentrer dans des calculs
intéressants mais qui sortent très
nettement du domaine de ce cours (voir Schmidt-Nielsen, p
199 et s), on peut s'aider de quelques
considérations prises chez les animaux : plus un
animal est petit, plus il vit à un rythme rapide :
un cur de musaraigne bat 1000 fois par minute et
celui de l'éléphant 30 fois, mais si l'on
regarde leur durée de vie ( 2-3 ans et 50-60 ans
respectivement), ils vont finalement avoir très
approximativement (30/1000 à comparer avec
2-3/50-60) le même nombre de battements cardiaques
pendant la totalité de sa vie. Le
métabolisme aussi présente une
signification différente pour un petit animal,
incapable de faire de grandes réserves et qui doit
s'alimenter sans cesse alors qu'un plus gros animal peut
jeûner ou passer la mauvaise saison sans avoir
à réduire trop son métabolisme ou
à migrer vers des zones où la nourriture
reste abondante: par exemple une nuit (de jeûne)
pour un colibri nécessite une réduction
importante de son métabolisme.
* le temps de reproduction : une bactérie
typique qui vit 20 min et donne naissance à deux
cellules filles, ne survit pas au processus de
reproduction, sa vie s'y consomme entièrement: son
temps de vie n'est déterminé que par cet
acte qui met un terme à sa vie. C'est aussi le cas
de presque tous les unicellulaires qui ne survivent pas
aux processus de mitose multiples (schizogonie) ou de
méiose qui intéressent l'ensemble de la
cellule mère (quoique j'ai des preuves que ce
n'est pas le cas chez certains foraminifères
benthiques). Pour les organismes pluricellulaires, un
individu peut présenter plusieurs phases de
reproduction avant de mourir. Plus l'organisme devient
complexe moins le phénomène de reproduction
semble affecter sa vie même, plus l'organisme
survit à l'acte reproducteur. Le temps de
reproduction n'est plus le temps de vie (durée)
mais une période... Il y a aussi les temps de
croissance et les temps de développement
(embryogenèse, gestation par exemple...) qu'il
faudrait considérer ...
* le temps de relation : c'est bien sûr le
déplacement (ne trouvez-vous pas que la vie
s'accélère avec l'âge ? Plus vous
devenez âgé plus vous trouvez qu'autour de
vous les choses vont vite, votre propre rythme diminue et
vous trouvez que le rythme de l'univers
s'accélère...). La vitesse de
déplacement est reliée à la taille
et donc aussi à la durée de vie de
l'organisme. Parcourir 1 cm (soit 10.000 fois sa taille)
pour une bactérie de 1 µm et à une
vitesse de 50µm par seconde (50 fois sa taille)
peut-il être comparé au déplacement
d'un homme de 5 kilomètres à une vitesse de
90 km/h ? Mais dans les relations il y a aussi tout ce
qui est communication et les rythmes. Je rapporte avec
plaisir le mot de Stravinsky : «au commencement
était le rythme» (cité dans
Précis de Physiologie, doin) car je suis
persuadé que de fructueuses comparaisons
pourraient être faites (ou ont été
faites et me sont inconnues) entre la musique et la vie
(l'harmonie musicale, au-delà des vibrations de
l'air et des membranes émettrices ou
réceptrices, touche le cur de l'homme et la
vie n'y est pas indifférente...). On peut aussi
citer la distinction entre rythmes circadiens (de
période voisine de 24 heures, basée sur
l'alternance jour nuit et donc sur la rotation de la
terre...), rythmes infradiens, de plus basse
fréquence (et de période plus longue) et
supradiens, de plus haute fréquence (et de
période plus courte) : l'adaptation de l'organisme
à son milieu passe aussi par l'adéquation
de ses propres rythmes avec ceux du milieu.
|
- Le temps en géologie:
Le point essentiel à retenir est que la
détermination de l'âge d'un objet géologique
peut être soit une
datation
expérimentale (que l'on qualifie à tort
d'âge absolu) et donc donnée avec une
incertitude, soit une datation logique, reposant
dans ce cas sur un certain nombre de principes
(exposés par exemple dans le
cours
de spécialité de terminale
S).
Comme la méthode est difficile à résumer en
quelques mots je renvoie à la page ci-dessus mais retenez
que toute datation isotopique (par la loi de décroissance
radioactive d'un isotope par exemple) se fait avec des
incertitudes expérimentales (liées aux
mesures des concentrations en isotopes) mais surtout avec une
incertitude absolue liée au postulat selon lequel le
système (dans lequel on mesure l'isotope) n'a eu, depuis sa
fermeture aucun apport ni départ d'élément
mesuré (on dit que le système ne s'est pas rouvert,
ce qui peut, dans la réalité, être
causé par exemple par une augmentation de
température et par l'arrivée de fluides...).
Il existe donc toujours en géologie du passé, un
point de départ incontournable
: l'actualisme.
Encore est-il nécessaire de préciser ce
que l'on entend par cette notion: que considère t-on ? la
durée des phénomènes, la fréquence, la
vitesse ? ou la validité des lois, ou la
réalité du passé qui n'est plus mais qui a
été ? Selon les formulations il y a de profondes
différences. Je n'ai pas fait de recherches historiques
approfondies mais il est tout à fait possible que la
formulation de ce principe ait beaucoup évolué et
que la définition que j'en donne ne soit pas
acceptée par tous (si je ne me trompe c'est d'abord le
catastrophisme de Cuvier qui a dominé
(révolutions subites) et a été
remplacé par l'uniformitarisme de Lyell et de Lamarck
(théorie du développement continu) pour finalement
déboucher sur cette présentation moderne d'un
principe philosophique plus ancien qui dépasse de loin la
querelle catastrophisme-uniformitarisme. Voici une formulation qui
me convient et que me paraît incontournable:
Une formulation de l'
actualisme ou du
...principe des causes
actuelles
|
Les lois
expérimentales
(actuelles, vérifiables, donc toujours
soumises à l'expérience...)
étaient aussi valables par le
passé.
|
Le principe des causes actuelles nous permet de dire que les
causes de l'évolution sont actuellement décelables
car actuellement en jeu. Je précise : les causes et
non pas forcément les mécanismes, dans le
sens où il peut très bien y avoir eu des
étapes dans l'évolution qui sont passés et ne
se reproduiront plus. Ce sur quoi il est nécessaire de
s'accorder c'est sur la causalité et donc sur la
validité des lois expérimentales par le
passé. Les lois expérimentales découvertes
actuellement s'appliquaient par le passé.
En énonçant ce principe le scientifique sait qu'il
fait reposer sa connaissance sur un principe raisonnable mais qui
n'est pas scientifique dans le sens où il n'est pas
démontrable expérimentalement. Toute discussion de
la validité de ce principe reste dans le cadre d'une
discussion scientifique mais se fait non pas avec les outils du
scientifique mais avec ceux du philosophe.
L'uniformitarisme est une version très
différente qui stipule que les mécanismes actuels
sont les mêmes que par le passé. Il ne s'agit plus
des causes mais des phénomènes eux-mêmes, de
leur vitesse...on y oppose le catastrophisme qui lui
préfère des mécanismes différents.
Aucun de ces deux principes n'est utile pour le géologue
(je veux dire qu'aucun n'est indispensable, et qu'on peut donc les
rejeter comme principes).
Remarque:
La terre peut-elle être séparée des êtres
vivants qu'elle contient ? N'est-ce pas une vue de l'esprit que
d'imaginer une terre primitive azoïque ? Actuellement les
êtres vivants occupent toutes les enveloppes superficielles. On
va jusqu'à trouver des bactéries (vivantes ?) dans des
roches profondes jusqu'à 2,8 km (voir par exemple l'article :
"les micro-organismes de l'intérieur du globe", James
Fredrickson et Tullis Onstott, Pour la Science, 230, décembre
1996, 90-95 , qui citait déjà 9.000 souches
bactériennes lithotrophes profondes...). Les limites
physico-chimiques des conditions de vie semblent sans cesse
s'élargir et il me semble que l'on a quasiment aucun milieu
sur terre (dans cette mince - à l'échelle de la
planète - pellicule que l'on appelle biosphère)
où l'on a pu mettre en évidence des êtres
vivants.
Ainsi il est important de comprendre que les processus
géologiques sédimentaires sont tous dépendants
des êtres vivants.
Certains scientifiques se sont lancés dans un modèle de
terre-vivante (Gaïa), la terre formant alors un être
vivant, le cosmos étant susceptible de contenir d'autres
êtres vivants.....(je vous renvoie, si
cela vous intéresse à quelques lignes à ce sujet
dans le cours
de géologie pour les terminale
S).
Ainsi le terme évolution est pris dans ces pages au sens
moderne d'histoire de la vie.
L'évolution c'est
l'histoire de l'écosystème terrestre.
Qu'est-ce que la vie ?
Comment classer les êtres vivants et quelle
est la place de l'homme parmi eux ?
Comment et pourquoi étudier l'histoire de
la vie ?
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