Cette page est recopiée de l'ouvrage de Georges CANGUILHEM, La connaissance de la vie, Hachette, 1952 (pp 194-212): les commentaires et titres en bleu et les "enrichissements" de style sont personnels et bien sûr les erreurs de copie sont involontaires, étant évident que je conseille au lecteur de se reporter au texte original...
Sans les concepts de normal et de pathologique la pensée et l'activité du médecin sont incompréhensibles. Il s'en faut pourtant de beaucoup que ces concepts soient aussi clairs au jugement médical qu'ils lui sont indispensables. Pathologique est-il un concept identique à celui d'anormal ? Est-il le contraire ou le contradictoire du normal ? Et normal est-il identique à sain ? Et l'anomalie est-elle même chose que l'anormalité ? Et que penser enfin des monstres ? Supposé obtenue une délimitation satisfaisante du concept du pathologique par rapport à ses apparentés, croit-on que le daltonisme soit un cas pathologique au même titre que l'angine de poitrine, ou la maladie bleue au même titre que le paludisme, et qu'entre une infirmité dans l'ordre de la vie de relation et une menace permanente pour la vie végétative il y ait d'autre identité que celle de l'adjectif qui les qualifie dans le langage humain ? La vie humaine peut avoir un sens biologique, un sens social, un sens existentiel. Tous ces sens peuvent être indifféremment retenus dans l'appréciation des modifications que la maladie inflige au vivant humain. Un homme ne vit pas uniquement comme un arbre ou un lapin.
On a souvent noté l'ambiguïté du terme normal qui désigne tantôt un fait capable de description par recensement statistique - moyenne des mesures opérées sur un caractère présenté par une espèce et pluralité des individus présentant ce caractère selon la moyenne ou avec quelques écarts jugés indifférents - et tantôt un idéal, principe positif d'appréciation, au sens de prototype ou de forme parfaite. Que ces deux acceptions soient toujours liées, que le terme de normal soit toujours confus, c'est ce qui ressort des conseils mêmes, qui nous sont donnés d'avoir à éviter cette ambiguïté. (cf. le Vocabulaire philosophique de Lalande). Mais peut-être est-il plus urgent de chercher les raisons de l'ambiguïté pour en comprendre la vitalité renouvelée et en tirer leçon plutôt que conseil.
De l'originalité de l'être
vivant individuel (de l'existence d'un type parfait, d'un genre
absolu et universel...)
Ce qui est en question, au fond, c'est autant l'objet de la
biologie que celui de l'art médical. Bichat, dans ses
Recherches sur la Vie et la Mort (1800) faisait de
l'instabilité des forces vitales, de
l'irrégularité des phénomènes vitaux, en
opposition avec l'uniformité des phénomènes
physiques, le caractère distinctif des organismes ; et dans
son Anatomie générale (1801) il faisait remarquer
qu'il n'y a pas d'astronomie, de dynamique, d'hydraulique
pathologiques parce que les propriétés physiques ne
s'écartant jamais de « leur type naturel » n'ont pas
besoin d'y être ramenées. Dans ces deux remarques tient
l'essentiel du vitalisme de Bichat ; mais comme il suffit, depuis
quelque cent ans, de qualifier une théorie médicale ou
biologique de vitaliste pour la déprécier, on a
oublié d'accorder à ces remarques toute l'attention
qu'elles mériteraient. Il faudra pourtant en finir avec
l'accusation de métaphysique, donc de fantaisie pour ne pas
dire plus, qui poursuit les biologistes vitalistes du XVIIIe
siècle. En fait, et il nous sera facile de le montrer quelque
jour et ailleurs, le vitalisme c'est le refus de deux
interprétations métaphysiques des causes des
phénomènes organiques, l'animisme et le
mécanisme. Tous les vitalistes du XVIIIe siècle sont
des newtoniens, hommes qui se refusent aux hypothèses sur
l'essence des phénomènes et qui pensent seulement
devoir décrire et coordonner, directement et sans
préjugé, les effets tels qu'ils les perçoivent.
Le vitalisme c'est la simple reconnaissance de l'originalité
du fait vital. En ce sens les remarques de Bichat qui lient à
l'organisation vitale, comme un fait spécifique, les deux
caractères d'irrégularité et d'altération
pathologique, nous semblent devoir être reprises de
près.
Il ne s'agit au fond de rien de moins que de savoir si, parlant du vivant, nous devons le traiter comme système de lois ou comme organisation de propriétés, si nous devons parler de lois de la vie ou d'ordre de la vie. Trop souvent, les savants tiennent les lois de la nature pour des invariants essentiels dont les phénomènes singuliers constituent des exemplaires approchés mais défaillants à reproduire l'intégralité de leur réalité légale supposée. Dans une telle vue, le singulier, c'est-à-dire l'écart, la variation, apparaît comme un échec, un vice, une impureté. Le singulier est donc toujours irrégulier, mais il est en même temps parfaitement absurde, car nul ne peut comprendre comment une loi dont l'invariance ou l'identité à soi garantit la réalité est à la fois vérifiée par des exemples divers et impuissante à réduire leur variété, c'est-à-dire leur infidélité. C'est qu'en dépit de la substitution, dans la science moderne, de la notion de loi à la notion de genre, le premier de ces concepts retient du second, et de la philosophie où il tenait une place éminente, une certaine signification de type immuable et réel, de sorte que le rapport de la loi au phénomène (la loi de la pesanteur et la chute du tesson qui tue Pyrrhus) est toujours conçu sur le modèle du rapport entre le genre et l'individu (l'Homme et Pyrrhus). On voit reparaître, sans intention de paradoxe ou d'ironie, le problème, célèbre au Moyen Âge, de la nature des Universaux.
Où Claude Bernard est comme pris en
faute et suspecté de platonicisme...
Cela n'a pas échappé à Claude Bernard qui,
dans ses Principes de Médecine expérimentale (1),
consacre à ce problème de la réalité du
type et des rapports de l'individu au type, en fonction du
problème de la relativité individuelle du fait
pathologique, quelques pages plus riches d'invitations à
réfléchir que de réponses proprement dites.
C'est à dessein que nous invoquons ici Claude Bernard de
préférence à d'autres. Car on sait combien, dans
l'Introduction à l'Etude de la Médecine
expérimentale - et aussi dans ces Principes de
Médecine expérimentale (ch. xv) - Claude Bernard a
déployé d'énergie pour affirmer la
légalité des phénomènes vitaux, leur
constance aussi rigoureuse dans des conditions définies que
peut l'être celle des phénomènes physiques, bref
pour réfuter le vitalisme de Bichat, considéré
comme un indéterminisme. Or, précisément, dans
les Principes (p. 142 et suivantes) Claude Bernard se trouve
amené à constater que si « la vérité
est dans le type, la réalité se trouve toujours en
dehors de ce type et elle en diffère constamment. Or, pour le
médecin, c'est là une chose très importante.
C'est à l'individu qu'il a toujours affaire. Il n'est point de
médecin du type humain, de l'espèce humaine ». Le
problème théorique et pratique devient donc
d'étudier « les rapports de l'individu avec le type
». Ce rapport paraît être le suivant : « La
nature a un type idéal en toute chose, c'est positif ; mais
jamais ce type n'est réalisé. S'il était
réalisé, il n'y aurait pas d'individus, tout le monde
se ressemblerait. » Le rapport qui constitue la
particularité de chaque être, de chaque état
physiologique ou pathologique est « la clef de l'idiosyncrasie,
sur laquelle repose toute la médecine ». Mais ce rapport,
en même temps qu'il est clef, est aussi obstacle. L'obstacle
à la biologie et à la médecine
expérimentale réside dans l'individualité. Cette
difficulté ne se rencontre pas dans l'expérimentation
sur les êtres bruts, Et Claude Bernard de recenser toutes les
causes, liées au fait de l'individualité, qui
altèrent, dans l'espace et le temps, les réactions de
vivants apparemment semblables à des conditions d'existence
apparemment identiques.
Malgré le prestige de Claude Bernard sur les esprits des médecins et des physiologistes, nous n'hésiterons pas à formuler, concernant les réflexions ci-dessus rapportées, quelques remarques restrictives. La reconnaissance des existants individuels, atypiques, irréguliers, comme fondement du cas pathologique, est, en somme, un assez bel hommage, involontaire, à la perspicacité de Bichat. Mais ce qui empêche cet hommage d'être entier c'est la croyance à une légalité fondamentale de la vie, analogue à celle de la matière, croyance qui ne témoigne pas nécessairement de toute la sagacité qu'on lui reconnaît usuellement. Car enfin, affirmer que la vérité est dans le type mais la réalité hors du type, affirmer que la nature a des types mais qu'ils ne sont pas réalisés, n'est-ce pas faire de la connaissance une impuissance à atteindre le réel et justifier l'objection qu'Aristote faisait autrefois à Platon : si l'on sépare les Idées et les Choses, comment rendre compte et de l'existence des choses et de la science des Idées ? Mieux encore, voir dans l'individualité « un des obstacles les plus considérables de la biologie et de la médecine expérimentale » n'est-ce pas une façon assez naïve de méconnaître que l'obstacle à la science et l'objet de la science ne font qu'un ? Si l'objet de la science n'est pas un obstacle à surmonter, une « difficulté » au sens cartésien, un problème à résoudre, que sera-t-il donc ? Autant dire que la discontinuité du nombre entier est un obstacle à l'arithmétique. La vérité est que la biologie de Claude Bernard comporte une conception toute platonicienne des lois, alliée à un sens aigu de l'individualité. Comme l'accord ne se fait pas entre cette conception-là et ce sentiment-ci, nous sommes en droit de nous demander si la célèbre « méthode expérimentale » ne serait pas un simple avatar de la métaphysique traditionnelle, et si nous cherchions des arguments pour soutenir cette proposition nous les trouverions d'abord dans l'aversion, bien connue, de Claude Bernard, pour les calculs statistiques, dont on sait quel rôle ils jouent depuis longtemps en biologie. Cette aversion est un symptôme de l'incapacité à concevoir le rapport de l'individu au type autrement que comme celui d'une altération à partir d'une perfection idéale posée comme essence achevée, avant toute tentative de production par reproduction.
La vie comme ordre de
propriétés, l'anomalie prise comme différence de
vie...
Nous nous demanderons maintenant si, en considérant la
vie comme un ordre de propriétés, nous ne serions
pas plus près de comprendre certaines difficultés
insolubles dans l'autre perspective. En parlant d'un ordre de
propriétés, nous voulons désigner une
organisation de puissances et une hiérarchie de fonctions dont
la stabilité est nécessairement précaire,
étant la solution d'un problème d'équilibre, de
compensation, de compromis entre pouvoirs différents donc
concurrents. Dans une telle perspective,
l'irrégularité, l'anomalie ne sont pas conçus
comme des accidents affectant l'individu mais comme son existence
même. Leibniz avait baptisé ce fait « principe
des indiscernables » plus qu'il ne l'avait expliqué, en
affirmant qu'il n'y a pas deux individus semblables et
différant simplement solo numero. On peut comprendre
à partir de là que si les individus d'une même
espèce restent en fait distincts et non interchangeables c'est
parce qu'ils le sont d'abord en droit. L'individu n'est un
irrationnel provisoire et regrettable que dans l'hypothèse
où les lois de la nature sont conçues comme des
essences génériques éternelles. L'écart
se présente comme une « aberration » que le calcul
humain n'arrive pas à réduire à la stricte
identité d'une formule simple, et son explication le donne
comme erreur, échec ou prodigalité d'une nature
supposée à la fois assez intelligente pour
procéder par voies simples et trop riche pour se
résoudre à se conformer à sa propre
économie. Un genre vivant ne nous paraît pourtant un
genre viable que dans la mesure où il se révèle
fécond, c'est-à-dire producteur de nouveautés,
si imperceptibles soient-elles à première vue. On sait
assez que les espèces approchent de leur fin quand elles se
sont engagées irréversiblement dans des directions
inflexibles et se sont manifestées sous des formes rigides.
Bref, on peut interpréter la singularité individuelle
comme un échec ou comme un essai, comme une faute ou comme une
aventure. Dans la deuxième hypothèse, aucun jugement de
valeur négative n'est porté par l'esprit humain,
précisément parce que les essais ou aventures que sont
les formes vivantes sont considérés moins comme des
êtres référables à un type réel
préétabli que comme des organisations dont la
validité, c'est-à-dire la valeur, est
référée à leur réussite de vie
éventuelle. Finalement c'est parce que la valeur est dans le
vivant qu'aucun jugement de valeur concernant son existence n'est
porté sur lui. Là est le sens profond de
l'identité, attestée par le langage, entre valeur et
santé; valere en latin c'est se bien porter. Et
dès lors le terme d'anomalie reprend le même
sens, non péjoratif, qu'avait l'adjectif correspondant
anomal, aujourd'hui désuet, utilisé couramment
au XVIIIe siècle par les naturalistes, par Buffon notamment,
et encore assez tard dans le XIXe siècle par Cournot. Une
anomalie c'est étymologiquement une inégalité,
une différence de niveau. L'anomal c'est simplement le
différent.
A l'appui de l'analyse précédente, nous voudrions invoquer deux orientations intéressantes de la biologie contemporaine. On sait qu'aujourd'hui l'embryologie et la tératologie expérimentales voient dans la production et l'étude des monstruosités l'accès vers la connaissance du mécanisme du développement de l'oeuf (cf. les travaux d'Etienne Wolff). Nous sommes ici vraiment aux antipodes de la théorie aristotélicienne, fixiste et ontologique, de la monstruosité. Ce n'est pas dans ce qu'il considérait comme un raté de l'organisation vivante qu'Aristote eût cherché la loi de la nature. Et c'est logique dans le cas d'une conception de la nature qui la tient pour une hiérarchie de formes éternelles. Inversement si l'on tient le monde vivant pour une tentative de hiérarchisation des formes possibles, il n'y a pas en soi et à priori de différence entre une forme réussie et une forme manquée. Il n'y a même pas à proprement parler de formes manquées. Il ne peut rien manquer à un vivant, si l'on veut bien admettre qu'il y a mille et une façons de vivre. De même qu'en guerre et en politique il n'y a pas de victoire définitive, mais une supériorité ou un équilibre relatifs et précaires, de même, dans l'ordre de la vie, il n'y a pas de réussites qui dévalorisent radicalement d'autres essais en les faisant apparaître manqués. Toutes les réussites sont menacées puisque les individus meurent, et même les espèces. Les réussites sont des échecs retardés, les échecs des réussites avortées. C'est l'avenir des formes qui décide de leur valeur (2). Toutes les formes vivantes sont, pour reprendre une expression de Louis Roule dans son gros ouvrage sur Les Poissons, « des monstres normalisés ». Ou encore, comme le dit Gabriel Tarde dans L'Opposition Universelle, « le normal c'est le zéro de monstruosité », zéro étant pris au sens de limite d'évanouissement. Les termes du rapport classique de référence sont inversés.
C'est dans le même esprit qu'il faut comprendre le rapport établi par certains biologistes d'aujourd'hui entre l'apparition de mutations et le mécanisme de la genèse des espèces. La génétique qui a d'abord servi à réfuter le darwinisme est assez volontiers utilisée aujourd'hui à le confirmer en le renouvelant. Selon Georges Teissier (3) il n'est pas d'espèce qui même à l'état sauvage ne comporte à côté des individus « normaux » quelques originaux ou excentriques, porteurs de quelques gènes mutants. Pour une espèce donnée, il faut admettre une certaine fluctuation des gènes, dont dépend la plasticité de l'adaptation, donc le pouvoir évolutif (la théorie de la sélection naturelle est ici sous-entendue et non discutée). Sans pouvoir décider s'il existe, comme on a cru pouvoir les identifier chez quelques végétaux, des gènes de mutabilité dont la présence multiplierait la latitude de mutation des autres gènes, on doit constater que les différents génotypes, les lignées d'une espèce donnée présentent par rapport aux circonstances ambiantes éventuelles des « valeurs » différentes. La sélection, c'est-à-dire le criblage par le milieu, est tantôt conservatrice dans des circonstances stables, tantôt novatrice dans des circonstances critiques (cette notion de sélection est très normalisante, cela m'étonne que G. Canguilhem l'utilise sans la discuter alors qu'il est en train justement de chercher des arguments pour soutenir la valeur neutraliste (équivalence réussite-échec) de la vie). A certains moments « les essais les plus hasardeux sont possibles et licites ». Eu égard à la nouveauté, à l'inédit des circonstances et par suite des tâches auxquelles elles le contraignent, un animal peut hériter de dispositifs propres à soutenir des fonctions désormais indispensables, aussi bien que d'organes devenus sans valeur. « I'animal et la plante méritent tout aussi justement d'être admirés que critiqués. » Mais ils vivent et se reproduisent et c'est cela seul qui importe. On comprend ainsi comment bien des espèces se sont éteintes et comment d'autres « qui étaient possibles, ne se sont jamais réalisées ».
En conclusion : du normal fixiste
statistique au normal évolutif normatif
On peut donc conclure ici que le terme de « normal
» n'a aucun sens proprement absolu ou essentiel. Nous avons
proposé, dans un travail antérieur (4) que ni le
vivant, ni le milieu ne peuvent être dits normaux si on les
considère séparément, mais seulement dans leur
relation. C'est ainsi seulement qu'on peut conserver un fil
conducteur sans la possession duquel on devra tenir
nécessairement pour anormal - c'est-à-dire, croit-on,
pathologique - tout individu anomal (porteur d'anomalies),
c'est-à-dire aberrant par rapport à un type
spécifique statistiquement défini. Dans la mesure
où le vivant anomal se révélera
ultérieurement un mutant d'abord toléré, puis
envahissant, l'exception deviendra la règle au sens
statistique du mot. Mais au moment où l'invention biologique
fait figure l'exception par rapport à la norme statistique du
jour, il faut bien qu'elle soit en un autre sens normale, bien que
méconnue comme telle, sans quoi on aboutirait à ce
contresens biologique que le pathologique pourrait engendrer le
normal par reproduction.
Par l'interférence des fluctuations géniques et des oscillations de la quantité et de la qualité des conditions d'existence ou de leur distribution géographique, nous pouvons saisir que le normal signifie tantôt le caractère moyen dont l'écart est d'autant plus rare qu'il est plus sensible et tantôt le caractère dont la reproduction, c'est-à-dire à la fois le maintien et la multiplication, révélera l'importance et la valeur vitales. A ce deuxième sens, le normal doit être dit instituteur de la norme ou normatif, il est prototypique et non plus simplement archétypique. Et c'est ce deuxième sens qui doit normalement sous-tendre le premier.
Pour en revenir au pathologique
Mais nous ne perdons pas de vue que ce qui intéresse le
médecin, c'est l'homme. On sait que, chez l'homme, le
problème de l'anomalie, de la monstruosité et de la
mutation se pose dans les mêmes termes que chez l'animal. Il
suffit de rappeler l'albinisme, la syndactylie, l'hémophilie,
le daltonisme, comme cas les moins rares. On sait. aussi que la
plupart de ces anomalies sont tenues justement pour des
infériorités et l'on pourrait s'étonner de ne
les voir pas éliminées par la sélection si l'on
ne savait que d'une part des mutations les renouvellent incessamment,
que d'autre part et surtout le milieu humain les abrite toujours de
quelque façon et compense par ses artifices le déficit
manifeste qu'elles représentent par rapport aux formes «
normales » correspondantes. N'oublions pas, en effet, que dans
les conditions humaines de la vie des normes sociales d'usage sont
substituées aux normes biologiques d'exercice.
Déjà à considérer la domestication comme
un milieu biologique, selon l'expression d'Ed. Dechambre, on peut
comprendre que la vie des animaux domestiques tolère des
anomalies que l'état sauvage éliminerait
impitoyablement. (cette vision ne me
paraît pas du tout évidente) La plupart des
espèces domestiques sont remarquablement instables ; que l'on
songe seulement au chien. C'est ce qui a porté certains
auteurs à se demander si cette instabilité ne serait
pas, du côté des espèces animales
intéressées, le signe d'une causalité de la
domestication, par exemple d'une moindre résistance
cachée, qui expliquerait, au moins autant que la
finalité des visées pragmatiques de l'homme, la
réussite élective de la domestication sur ces
espèces à l'exclusion des autres. S'il est donc vrai
qu'une anomalie, variation individuelle sur un thème
spécifique, ne devient pathologique que dans son rapport avec
un milieu de vie et un genre de vie, le problème du
pathologique chez l'homme ne peut pas rester strictement biologique,
puisque l'activité humaine, le travail et la culture ont pour
effet immédiat d'altérer constamment le milieu de vie
des hommes. L'histoire propre à l'homme vient modifier les
problèmes. En un sens, il n'y a pas de sélection dans
l'espèce humaine dans la mesure où l'homme peut
créer de nouveaux milieux au lieu de supporter passivement les
changements de l'ancien, et, en un autre sens, la sélection
chez l'homme a atteint sa perfection limite, dans la mesure où
l'homme est ce vivant capable d'existence, de résistance,
d'activité technique et culturelle dans tous les milieux.
Il y a là aussi beaucoup de
sous-entendus sur la sélection du milieu sur les
activités et le développement de l'homme...
Nous ne pensons pas que le problème change de forme quand on passe de l'anomalie morphologique à la maladie fonctionnelle, par exemple du daltonisme à l'asthme, car il est possible de trouver tous les intermédiaires entre l'une et l'autre, en particulier ceux des maladies constitutionnelles ou essentielles (l'hypertension par exemple) dont il n'est pas possible de nier à priori qu'elles puissent être en rapport avec certaines « microanomalies » à découvrir, dont on peut attendre qu'elles révèlent un jour une médiation entre la tératologie et la pathologie. Or, de même qu'une anomalie morphologique, simple différence de fait, peut devenir pathologique, c'est-à-dire affectée d'une valeur vitale négative, quand ses effets sont appréciés par rapport à un milieu défini où certains devoirs du vivant deviennent inéluctables, de même l'écart d'une constante physiologique (pulsations cardiaques, tension artérielle, métabolisme de base, rythme nycthéméral de la température, etc.) ne constitue pas en soi-même un fait pathologique. Mais il devient tel à un moment qu'il est bien difficile de déterminer objectivement et d'avance. C'est la raison pour laquelle des auteurs aussi différents que Laugier, Sigerist et Goldstein (5) pensent qu'on ne peut déterminer le normal par simple référence à une moyenne statistique mais par référence de l'individu à lui-même dans des situations identiques successives ou dans des situations variées (cette question a été évoquée dans le chapitre sur la pression artérielle du cours de TS spécialité SVT mais aussi dans le chapitre sur les maladies génétiques). Sur ce point, aucun auteur ne nous semble aussi instructif que Goldstein. Une norme, nous dit-il, doit nous servir à comprendre des cas individuels concrets. Elle vaut donc moins par son contenu descriptif, par le résumé des phénomènes, des symptômes sur lesquels se fonde le diagnostic, que par la révélation d'un comportement total de l'organisme, modifié dans le sens du désordre, dans le sens de l'apparition de réactions catastrophiques. Une altération dans le contenu symptomatique n'apparaît maladie qu'au moment où l'existence de l'être, jusqu'alors en relation d'équilibre avec son milieu, devient dangereusement troublée. Ce qui était adéquat pour l'organisme normal dans ses rapports avec l'environnement devient pour l'organisme modifié inadéquat ou périlleux. C'est la totalité de l'organisme qui réagit « catastrophiquement » au milieu, étant désormais incapable de réaliser les possibilités d'activité qui lui reviennent essentiellement. « L'adaptation à un milieu personnel est une des présuppositions fondamentales de la santé. »
Une telle conception peut sembler un paradoxe puisqu'elle tend à attirer l'attention du médecin sur des faits subjectivement éprouvés par le malade ou sur des événements tels que trouble, inadéquation, catastrophe; danger, plutôt susceptibles d'appréciation que de mesure ou d'exhibition objective. Or, selon Leriche, qui définit la santé comme « la vie dans le silence des organes », il ne suffit pas de définir la maladie comme ce qui gène les hommes dans leurs occupations, et sans doute on pourrait penser d'abord tirer de sa formule « pour définir la maladie il faut la déshumaniser » une réfutation des thèses de Goldstein. Ce n'est point si simple. Le même écrit aussi : « Sous les mêmes dehors anatomiques on est malade ou on ne l'est pas.... La lésion ne suffit pas à faire la maladie clinique, la maladie du malade. » C'est affirmer le primat du physiologique sur l'anatomique. Mais cette physiologie n'est pas celle qui prend pour objet le lapin ou le chien, c'est la physiologie de l'homme total, qui fait par exemple sa douleur dans « le conflit d'un excitant et de l'individu entier », physiologie qui nous conduit nécessairement à la prise en considération du comportement de l'homme dans le monde (6).
Si nous avions à chercher une médiation entre les thèses de Goldstein et celles de Leriche, nous aimerions la trouver dans les conclusions des travaux de Selyé (7). Cet auteur a observé que des ratés ou des dérégulations du comportement, par exemple les émotions ou la fatigue, engendrant de façon réitérée des états de tension organique, provoquent dans le cortex de la surrénale une modification structurale analogue à celle que détermine toute introduction dans le milieu intérieur soit de substances hormonales pures mais à dose massive ou bien impures, soit de substances toxiques. Tout état organique de stress, de tension désordonnée, provoque la réaction surrénalienne. S'il est normal, étant donné le rôle de la corticostérone dans l'organisme, que toute situation de détresse détermine une réaction surrénalienne, il est concevable que tout comportement catastrophique prolongé puisse finir en maladie fonctionnelle d'abord (hypertension par exemple), en lésion morphologique ensuite (ulcère de l'estomac, par exemple). Du point de vue de Goldstein on verra la maladie dans le comportement catastrophique, du point de vue de Leriche on la verra dans la production de l'anomalie histologique par le désordre physiologique. Ces deux points de vue ne sont nullement exclusifs, au contraire. Il ne servirait à rien d'invoquer ici une causalité réciproque. Nous ne savons rien de clair concernent l'influence du psychique sur le fonctionnel et le morphologique, et inversement. Nous constatons simultanément deux sortes de perturbations.
Du différent à l'autre...du
normal-anormal au sain -pathologique
Toujours est-il qu'en individualisant la norme et le normal nous
semblons abolir les frontières entre le normal et le
pathologique. Et par là nous semblons renforcer la
vitalité d'un lieu commun d'autant plus fréquemment
invoqué qu'il présente l'avantage inappréciable
de supprimer en fait le problème, sous couleur de lui donner
une solution. Si ce qui est normal ici peut être pathologique
là, il est tentant de conclure qu'il n'y a pas de
frontière entre le normal et le pathologique. D'accord, si
l'on veut dire que d'un individu à l'autre la
relativité du normal est la règle. Mais cela ne veut
pas dire que pour un individu donné la distinction n'est pas
absolue. Quand un individu commence à se sentir malade,
à se dire malade, à se comporter en malade, il est
passé dans un autre univers, il est devenu un autre
homme. La relativité du normal ne doit aucunement
être pour le médecin un encouragement à annuler
dans la confusion la distinction du normal et du pathologique. Cette
confusion se pare souvent du prestige d'une thèse essentielle
dans la pensée de Cl. Bernard selon laquelle l'état
pathologique est homogène à l'état normal dont
il ne constitue qu'une variation quantitative en plus ou en
moins. Cette thèse positiviste, dont les racines
remontent par-delà le XVIIIe siècle et le
médecin écossais Brown jusqu'à Glisson et aux
premières esquisses de la théorie de
l'irritabilité, a été vulgarisée avant
Cl. Bernard par Broussais et Auguste Comte. En fait, si l'on examine
le fait pathologique dans le détail des symptômes et
dans le détail des mécanismes anatomo-physiologiques,
il existe de nombreux cas où le normal et le pathologique
apparaissent comme de simples variations quantitatives d'un
phénomène homogène sous l'une et l'autre forme
(la glycémie dans le diabète, par exemple). Mais
précisément cette pathologie atomistique, si elle est
pédagogiquement inévitable, reste théoriquement
et pratiquement contestable. Considéré dans son
tout, un organisme est « autre » dans la maladie et non pas
le même aux dimensions près (le diabète doit
être tenu pour une maladie de la nutrition où le
métabolisme des glucides dépend de facteurs multiples
coordonnés par l'action en fait indivisible du système
endocrinien; et d'une façon générale les
maladies de la nutrition sont des maladies de fonctions en rapport
avec des vices du régime alimentaire). C'est ce que
reconnaît en un sens Leriche : « La maladie humaine est
toujours un ensemble... Ce qui la produit touche en nous, de si
subtile façon, les ressorts ordinaires de la vie que leurs
réponses sont moins d'une physiologie déviée que
d'une physiologie nouvelle. » Il paraît possible de
répondre maintenant avec quelque chance de clarté aux
questions posées en tête de ces considérations.
Nous ne pouvons pas dire que le concept de « pathologique »
soit le contradictoire logique du concept de « normal »,
car la vie à l'état pathologique n'est pas absence de
normes mais présence d'autres normes. En toute rigueur,
« pathologique » est le contraire vital de « sain
» et non le contradictoire logique de normal (8). Dans le
mot français « a-normal », le préfixe a est
pris usuellement dans un sens de privation alors qu'il devrait
l'être dans un sens de distorsion. Il suffit pour s'en
convaincre de rapprocher le terme français des termes latins :
abnormis, abnormitas; des termes allemands : abnorm,
Abnormität ; des termes anglais : abnormal, abnormity. La
maladie, l'état pathologique, ne sont pas perte d'une norme
mais allure de la vie réglée par des normes vitalement
inférieures ou dépréciées du fait
qu'elles interdisent au vivant la participation active et
aisée, génératrice de confiance et d'assurance,
à un genre de vie qui était antérieurement le
sien et qui reste permis à d'autres. On pourrait objecter, et
du reste on l'a fait, qu'en parlant d'infériorité et de
dépréciation nous faisons intervenir des notions
purement subjectives. Et pourtant il ne s'agit pas ici de
subjectivité individuelle, mais
universelle.(Je ne connaissais pas
l'argument mais je le retiens car trop souvent on vous taxe de
subjectivisme alors que vous essayer de dégager
l'universel). Car s'il existe un signe objectif de cette
universelle réaction subjective d'écartement,
c'est-à-dire de dépréciation vitale de la
maladie, c'est précisément l'existence, coextensive de
l'humanité dans l'espace et dans le temps, d'une
médecine comme technique plus ou moins savante de la
guérison des maladies.
D'un milieu rétréci à
une extension du milieu...
Comme le dit Goldstein, les normes de vie pathologique sont celles
qui obligent désormais l'organisme à vivre dans un
milieu « rétréci », différent
qualitativement, dans sa structure, du milieu antérieur de
vie, et dans ce milieu rétréci exclusivement, par
l'impossibilité où l'organisme se trouve d'affronter
les exigences de nouveaux milieux, sous forme de réactions ou
d'entreprises dictées par des situations nouvelles. Or, vivre
pour l'animal déjà, et à plus forte raison pour
l'homme, ce n'est pas seulement végéter et se
conserver, c'est affronter des risques et en triompher. La
santé est précisément, et principalement chez
l'homme, une certaine latitude, un certain jeu des normes de la vie
et du comportement. Ce qui la caractérise c'est la
capacité de tolérer des variations des normes
auxquelles seule la stabilité, apparemment garantie et en fait
toujours nécessairement précaire, des situations et du
milieu confère une valeur trompeuse de normal
définitif. L'homme n'est vraiment sain que lorsqu'il est
capable de plusieurs normes, lorsqu'il est plus que normal. La mesure
de la santé c'est une certaine capacité de surmonter
des crises organiques pour instaurer un nouvel ordre physiologique,
différent de l'ancien. Sans intention de plaisanterie, la
santé c'est le luxe de pouvoir tomber malade et de s'en
relever. Toute maladie est au contraire la réduction du
pouvoir d'en surmonter d'autres. Le succès économique
des assurances sur la vie repose au fond sur le fait que la
santé est biologiquement assurance dans la vie, habituellement
en deçà de ses possibilités, mais
éventuellement supérieure à ses capacités
« normales ».
Retour à l'homme...
Nous ne pensons pas que ces vues sur le problème de la
physiopathologie soient démenties par leur confrontation au
problème de la psychopathologie, au contraire, car c'est un
fait que les psychiatres ont mieux réfléchi que les
médecins au problème du normal. Parmi eux beaucoup ont
reconnu que le malade mental est un « autre » homme et non
pas seulement un homme dont le trouble prolonge en le grossissant le
psychisme normal (9). En ce domaine, l'anormal est vraiment en
possession d'autres normes. Mais la plupart du temps, en parlant de
conduites ou de représentations anormales, le psychologue ou
le psychiatre ont en vue, sous le nom de normal, une certaine forme
d'adaptation au réel ou à la vie qui n'a pourtant rien
d'un absolu sauf pour qui n'a jamais soupçonné la
relativité des valeurs techniques, économiques ou
culturelles, qui adhère sans réserve à la
valeur de ces valeurs et qui, finalement, oubliant les
modalités de son propre conditionnement par son entourage et
l'histoire de cet entourage, et pensant de trop bonne foi que la
norme des normes s'incarne en lui, se révèle, pour
toute pensée quelque peu critique, victime d'une illusion fort
proche de celle qu'il dénonce dans la folie. Et de même
qu'en biologie, il arrive qu'on perde le fil conducteur qui permet
devant une singularité somatique ou fonctionnelle de
distinguer entre l'anomalie progressive et la maladie
régressive, de même il arrive souvent en psychologie
qu'on perde le fil conducteur qui permet, en présence d'une
inadaptation à un milieu de culture donné, de
distinguer entre la folie et la génialité. Or, comme il
nous a semblé reconnaître dans la santé un
pouvoir normatif de mettre en question des normes physiologiques
usuelles par la recherche du débat entre le vivant et le
milieu - recherche qui implique l'acceptation normale du risque de
maladie -, de même il nous semble que la norme en
matière de psychisme humain c'est la revendication et l'usage
de la liberté comme pouvoir de révision et
d'institution des normes, revendication qui implique normalement le
risque de folie. Qui voudrait soutenir, en matière de
psychisme humain, que l'anormal n'y obéit pas à des
normes ? Il n'est anormal peut-être que parce qu'il leur
obéit trop. Thomas Mann écrit : « II n'est pas si
facile de décider quand commence la folie et la maladie.
L'homme de la rue est le dernier à pouvoir décider de
cela (10). » Trop souvent, faute de réflexion personnelle
à ces questions qui donnent son sens à leur
précieuse activité, les médecins ne sont
guère mieux armés que l'homme de la rue. Combien plus
perspicace nous paraît Thomas Mann, lorsque par une rencontre
sans doute voulue avec Nietzsche, le héros de son livre, il
prononce : « II faut toujours qu'il y en ait un qui ait
été malade et même fou pour que les autres
n'aient pas besoin de l'être.... Sans ce qui est maladif, la
vie n'a jamais pu être complète.... Seul le morbide peut
sortir du morbide ? Quoi de plus sot ! La vie n'est pas si mesquine
et n'a cure de morale. Elle s'empare de l'audacieux produit de la
maladie, l'absorbe, le digère et du fait qu'elle se
l'incorpore, il devient sain. Sous l'action de la vie... toute
distinction s'abolit entre la maladie et la santé. »
En conclusion, nous pensons que la biologie humaine et la médecine sont des pièces nécessaires d'une « anthropologie », qu'elles n'ont jamais cessé de l'être, mais nous pensons aussi qu'il n'y a pas d'anthropologie qui ne suppose une morale, en sorte que toujours le concept du « normal », dans l'ordre humain, reste un concept normatif et de portée proprement philosophique.
Notes
(1) Publiés en 1947 par le docteur DELHOUME, Paris, Presses universitaires de France.
(2) « Un germe vit ; mais il en est qui ne sauraient se développer. Ceux-ci essaient de vivre, forment des monstres et les monstres meurent. En vérité, nous ne les connaissons qu'à cette propriété remarquable de ne pouvoir durer. Anormaux sont les êtres qui ont un peu moins d'avenir que les normaux. » P. Valéry, dans la Préface écrite pour la deuxième traduction en anglais de La Soirée avec Monsieur Teste.
(3) La Pensée, 1945, nos 2 et 3 : La Mécanisme de l'Evolution.
(4) Essai sur quelques problèmes concernant le normal et le pathologique (Thèse de médecine, Strasbourg, 1943).
(5) LAUGIER ; L'homme normal, dans l'Encyclopédie française, tome IV, 1937. SIGERIST : Introduction à la Médecine, Ch. IV, 1932. GOLDSTEIN : La Structure de l'Organisme, Ch. VIII, 1934.
(6) R. LERICHE : De la Santé à la Maladie ; La Douleur dans les Maladies ; Où va la Médecine ? dans Encyclopédie française, VI, 1936. La Chirurgie de la Douleur, 1937. La Chirurgie à l'ordre de la vie,1944.
(7) Stress, Acta Medical Publishers, Montréal, 1950.
(8) « Il est conforme à nos habitudes d'esprit de considérer comme anormal ce qui est relativement rare et exceptionnel, la maladie par exemple. Mais la maladie est aussi normale que la santé, laquelle, envisagée d'un certain point de vue, apparaît comme un effort constant pour prévenir la maladie ou l'écarter. » BERGSON : Les Deux Sources de la Morale et de la Religion, p. 26.
(9) Nous pensons ici à E. Minkowski, Lacan, Lagache.
(10) Doktor Faustus, Stockholm, 1947. - Dans la traduction française de L. Servicen (Albin Michel, 1950), les passages concernant les rapports de la vie et de la maladie se trouvent aux pages 303, 304, 312.