TP 5 - Le magmatisme de dorsale

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1. Etude expérimentale (en laboratoire) de la fusion d'une péridotite: à la recherche de la roche-mère mantellique

Cette partie contient des petits calculs qui vous aideront à comprendre que les modèles proposés dans le cours (nature pétrologique du manteau de type péridotite et schéma de la structure de l'axe de la dorsale) ne sont que des modèles... et donc sont perfectibles.


Classification des roches ultrabasiques
(très pauvres en Si (moins de 45% en masse de SiO2) et riches en ferro-magnésiens: Fe,Mg).
Le terme péridotite recouvre des roches ultrabasiques riches en olivine (l'olivine est un péridot (groupe de silicates): péridotite signifie donc roche très riche en péridots; remarquez qu'il est légitime de nommer une roche à partir du minéral majoritaire qu'elle contient). On distingue différents types de péridotites aux doux noms de dunite, harzburgite et lherzolite, du noms de certains massifs péridotitiques (Dun mountains en Nouvelle Zélande, Harzburg en Allemagne et Lherz (actuellement Lers) en ariège (France)...
OPx signifie Orthopyroxènes (un groupe de silicates dont l'hypersthène est un minéral représentatif car il est intermédiaire entre les OPx ferreux et les OPx magnésiens) qui se distingue des CPx ou Clinopyroxènes (calco-ferro-magnésiens ou alcalins) par deux orientations de clivages (des traces de "rayures" qui apparaissent au microscope optique et qui correspondent à des discontinuités régulières dans l'édifice cristallin) orthogonales pour les OPx et obliques pour les CPx (ce qui permet de les déterminer).
Au sens large les olivines forment un groupe de péridots dont la composition varie entre un pôle magnésien Mg2SiO4 (la fostérite) et un pôle ferreux Fe2SiO4 (la fayalite); au sens strict l'olivine est un minéral de formule (Fe,Mg)2SiO4.
Pyroxènes et olivines peuvent s'altérer en serpentine, silicate en feuillets de formule Mg6[Si4O10(OH)2] (OH)6.

Que recouvre exactement (chiffrez à l'aide du diagramme triangulaire ci-dessus) le terme de péridotite ?
Une péridotite contient plus de 40% d'olivine (en masse) et moins de 60% de pyroxènes (les OPx et les CPx pouvant chacun prendre des valeurs comprises entre 0 et 60% en masse).

Sachant que l'olivine est un minéral qui fond à plus haute température que les pyroxènes, pourquoi, lorsque l'on fond une roche de type péridotite, peut-on tout aussi bien nommer péridotite la roche-mère( qui donne le magma) et la roche résiduelle (qui reste une fois que le magma est parti) ?
Un magma d'olivine pure donne par cristallisation une péridotite (dunite). Pour la roche résiduelle, si l'on s'éloigne peu du pôle Olivine, la roche résiduelle est toujours une péridotite de par sa composition chimique.

La composition théorique de la roche-mère mantellique idéale qui pourrait donner dans différentes conditions de température, pression et hydratation tous les magmas d'origine profonde observés varie bien sûr selon les auteurs. Les données présentées ici restent scolaires mais voici quelques éléments de réflexions issus de Géologie, objets et méthodes, Jean Dercourt et Jacques Paquet, Dunod, 1990 et de Dictionnaire de Géologie, A. FoucaulT et J.-F. Raoult, Masson, 1992.

* la science qui étudie les roches magmatiques par des expérimences est la pétrologie magmatique expérimentale. Elle s'efforce de comprendre la fomation des magmas et l'obtention des divers assemblages de roches magmatiques en profondeur (roches plutoniques) et en surface (roches volcaniques). Elles relie ensuite les conditions obtenues en laboratoire au contextes géodynamiques, c'est-à-dire à un lieu géologique présentant une histoire magmatique particulière (comme une zone de subduction...). C'est ce que nous allons essayer de faire.

* la formation d'une roche magmatique englobe trois étapes principales:

2. La cristallisation fractionnée ou comment obtenir de nombreuses roches à partir d'un magma de composition chimique unique

Un magma est une roche en fusion mais les magmas naturels sont tous
- silicatés ou riches en silicates (un magma dit "très pauvre en silicates" contient encore près de 50% de SiO2 en poids d'oxydes; un magma "très riche en silicates" contient plus de 75% de SiO2 en poids d'oxydes),
- chauds (de température comprise entre 1200 et 1500°C)
- plus ou moins visqueux: si la teneur en silice est déterminante (plus un magma est riche en silice plus il est visqueux), la présence de fluides (de l'eau par exemple) ou l'élévation de la température diminuent la viscosité...
La cristallisation est fondamentalement dynamique, chaque minéral formé étant toujours en équilibre avec le liquide et susceptible de réagir avec lui en échangeant des ions pour donner naissance à un nouveau minéral. Mais le solide formé peut s'isoler du liquide, notamment s'il sédimente et s'accumule en une masse solide importante.
Bowen, dans les années 1925-1930, réalisa une série de travaux expérimentaux afin de déterminer l'ordre et les conditions d'apparition des cristaux à partir d'un magma plus ou moins silicaté, chaud et sec. Lors de sa solidification, si le magma est brassé la roche obtenue est homogène (dans le sens où sa composition minéralogique est homogène pour toute la roche). Si le magma, par exemple de composition basaltique, n'est pas brassé, les premiers minéraux à se former (les plus lourds: olivine et plagioclases très calciques) sédimentent au fond de la cuve de cristallisation et le liquide résiduel est enrichi en silice (puisque les minéraux cristallisés sont encore plus pauvres en silice que ne l'est le magma de départ). La cristallisation se passe un peu comme si elle était fractionnée en plusieurs étapes discontinues donnant lieu chacune à un type de roche différent. Dans la nature, on peut imaginer que, si une partie du liquide résiduel est soustrait progressivement de la chambre de cristallisation, on peut ainsi obtenir des roches différentes à partir d'un magma unique.
L'exemple qui suit n'est pas celui d'une cristallisation fractionnée mais présente des relevés réels réalisés sur des coulées basaltiques à Hawaï (Bordas ex1 p 282 avec une erreur à corriger d'après ma source citée ci-dessous).

Ordre d'apparition des minéraux lors de la cristallisation lente d'une coulée de basalte d'Hawaï
(in Dercourt et Paquet, p 93, fig.6.6):

à 1200°C la coulée est liquide; à 950°C, elle est solidifiée. Le refroidissement observé sur des culots basaltiques ou des lacs épais de quelques 50 à 75 m a duré quelques années. On a observé une accumulation des cristaux d'olivine magnésienne seuls puis associés à des plagioclases calciques et à des pyroxènes, dans le fond de cette modeste chambre de cristallisation; le liquide surnageant avait alors une compositiuon rhyolitique (la rhyolite est l'équivalent volcanique d'un granite) exprimant du quartz à l'état de (petits) cristaux.

A partir de quel pourcentage de liquide et de solide respectif (donc de quel degré de cristallisation) les olivines magnésiennes commencent-elles et cessent-elles de cristalliser ?
Les olivines magnésiennes commencent à cristalliser au tout début de la cristallisation (0% de cristaux et 100% de liquide) et cessent à 42% de cristaux et 58% de liquide.

A-t-on vu cristalliser en même temps des cristaux d'olivine magnésienne et de feldspaths alcalins ?
Non, les olivines cessent de cristalliser à 42% de cristaux alors que les feldspaths alcalins ne cristallisent qu'à partir de 82% de cristaux; leurs domaines de cristallisation sont disjoints; toute l'olivine a déjà cristallisé lorsque les feldspaths alcalins commencent à cristalliser.

Que cela peut-il impliquer sur les relations topologiques entre ces minéraux dans une lame mince réalisée à partir de la roche issue de cette cristallisation ?
Dans une lame mince réalisée à partir de cette roche cristallisée et où l'on distingue les cristaux d'olivine et de feldspaths alcalins, les premiers cristaux (d'olivine) à cristalliser sont dits automorphes (bien cristallisés) alors que les cristaux de feldspaths alcalins, remplissant les cavités sont dits xénomorphes: ils ne peuvent cristalliser selon des formes "parfaites" et sont souvent plus petits. De même les cristaux d'olivine ne peuvent pas contenir de cristaux de fleldspaths alcalins (inclusion) alors que l'inverse est possible.

Peut-on dire que ce magma basaltique a donné lieu à une seule roche et pourquoi ?
Non, d'après la légende du schéma, on a observé une sédimentation de cristaux d'olivine au fond de la "chambre de cristallisation"; le magma résiduel, situé dans la partie supérieure, a donc une composition appauvrie en éléments contenus dans l'olivine (Fe, Mg) mais enrichie en Si (qui entre peu dans les olivines), et va donc donner naissance à des cristaux correspondant à une roche de plus en plus siliceuse (jusqu'au terme rhyolitique, de composition granitique); c'est la cristallisation fractionnée qui détermine ici la superposition de plusieurs "strates" de roches de composition péridotitique en bas à rhyolitique en haut, alors que le magma originel a une composition basaltique.

3. La compréhension de la formation de la croûte océanique passe par celle des ophiolites, anciens morceaux de croûte océanique métamorphisée et visibles aujourd'hui à l'affleurement.

Les ophiolites (du grec ophis = serpent - dont les écailles de la peau sont figurées par certaines de ces roches, et lithos = pierre) sont des complexes de roches basaltiques associées aux chaînes de montagne. Leur étude ne pourra être faite ici faute de temps. Je renvoie au Belin p 99 et à l'ancien cours de terminale et surtout au superbe film: Oman, la plus belle ophiolite du monde.