Sources:
De la pierre à l'étoile, Claude Allègre, Fayard,
1985
Enseigner la géologie, collège-lycée, Nathan,
1993
Sciences de la terre et de l'univers, André Brahic, Michel
Hoffert, André Schaaf et Marc Tardy, Vuibert, 2000
Manuels scolaires, classe de 1ère S , Nathan étant le
manuel de référence à mon avis
L'histoire de la Terre, Dossier La Recherche, 25, nov 2006 - janv
2007
retour plan du cours, suite 2ème partie
Les enveloppes externes ont été sommairement mises en place en classe de seconde (atmosphère, hydrosphère et lithosphère). Cette année ce sont les enveloppes internes que l'on mettra sommairement en place sans en faire l'étude, le but étant, dans une seconde partie, de traiter de la dynamique de la terre (thème qui se prolongera en terminale). Nous verrons quelques éléments de la lithosphère, enveloppe la plus externe des enveloppes internes ou la plus interne des enveloppes externes; bref, une interface.
Remarque liminaire:
Le terme de structure
désigne tout arrangement entre les éléments d'un
ensemble. Selon l'échelle on peut donc en géologie
étudier la structure du globe (en couches), la
structure tectonique d'un massif (couches
sédimentaires et venues magmatiques et relations
géométriques entre ces éléments), la
structure pétrographique d'une roche (nombre et
taille des cristaux, présence de verre, orientation des
minéraux ... par exemple la structure grenue... voir TP) ou
enfin la structure cristalline d'un minéral
(macles, réseaux cristallins...). En anglais
texture désigne précisément la
structure pétrographique. Étant donné la
profonde osmose entre l'anglais et le français en sciences, il
n'est pas rare (y compris dans vos manuels scolaires) de trouver en
français le terme de texture dans le sens de structure
pétrographique.
Le globe terrestre n'est pas une
sphère
* la terre n'est pas plate
Les grecs anciens avaient établi que la terre était un
sphère dont la circonférence avait
été estimé à 40.000 km, ce qui est
très proche de la réalité (voir dans le
site
associé la méthode d'Ératosthène, au
IIIème siècle avant Jésus-Christ). La plupart du
temps la mesure était sous estimée, comme les quelques
30 000 kilomètres publiés par
Ptolémée, au IIe siècle après J.-C.,
dans sa Syntaxe mathématique, plus connue au Moyen
Âge sous le nom arabisé d'Almageste. (Cette
sous-estimation décida du voyage de Christophe Colomb en 1492,
dans lequel il ne se serait sans doute pas engagé, avec les
moyens de navigation de l'époque, s'il avait su devoir
affronter 10 000 kilomètres de plus pour atteindre l'Asie
par l'Ouest; heureusement, l'Amérique était là
qui sauva son entreprise en lui donnant une signification
inattendue... ). La preuve définitive fut donnée par la
première circumnavigation commencée en 1519 par
Magellan et terminée en 1522 (sans Magellan qui mourût
pendant le voyage dans l'île de Cebu aux Philippines).
* la terre est un ellipsoïde de révolution
La forme elliptique, proposée par Newton en 1687
(aplatissement de 1/230 du rayon au pôles d'un ellipsoïde
de révolution - voir fig A ci-dessous) ne trouva de
confirmation expérimentale que lors d'expéditions de
mesure des arcs méridiens aux différentes latitudes
menées entre 1718 et 1744 (voir figure B ci-dessous).
La forme précise du géoïde terrestre est
maintenant mesurée à la fraction de centimètre
en continu grâce à des satellites.
|
A - calcul des rayons d'une terre newtonienne de grande section elliptique avec un aplatissement du rayon aux pôles de 1/230 (avec Ra = 6371 km) B - principe de la démonstration (expéditions principales en 1736) de l'aplatissement du globe par la mesure des longueurs d'arcs méridiens à l'équateur (d1) et à un pôle (d2); une terre sphérique est représentée à gauche pour comparaison. C'est la différence de longueur des arcs méridiens qui constitue la preuve et la mesure de l'aplatissement. C'est aussi le même principe de mesure de l'arc méridien qui avait été employé par Eratosthène (voir page annexe sur le site associé). |
La terre n'est pas une boule de feu à
croûte solide
Ou "comment imaginer une terre solide mais déformable et
qui peut produire des roches liquides en surface ?"
* croûte solide et feu interne
Les idées des grecs sur la structure interne du globe sont mal
connues. Sous un mince couche solide, la croûte, la
référence à l'existence d'un feu profond
d'où viendraient les laves volcaniques semble être une
image constante. Pour les grecs, Héphaïstos ,
divinité du feu mais aussi de la métallurgie, utilisait
les volcans comme ses ateliers. Les Romains le nommeront
Vulcain.
* une terre bien lourde pour être homogène
Tous les ouvrages "historiques" citent Jules Verne dans son
"Voyage au centre de la terre" (1864) qui, selon
l'interprétation moderne, n'aurait fait que présenter
les vues scientifiques de son époque d'une terre percée
de cavités remplies d'eaux ou de magmas. Ces deux
éléments font référence aux deux
modèles de formation des roches: le modèle
neptunien (Neptune, divinité de
l'humidité et des eaux douces, souvent rapproché du
Poséidon, marin, des grecs) des roches
déposées dans des mers: granites, gneiss, porphyres des
mers chaudes, calcaires grès, basaltes argiles et sables des
mers froides... dont un des pères fût Abraham Gottlob
Werner, vers 1750; et le modèle plutonien
(Pluton, surnom d'Hadès,
divinité grecque des enfers) avec les roches primaires
issues d'un magma chaud (granite et basaltes) et les roches
secondaires, déposées dans les mers; défendu
notamment par James Hutton, vers 1795 mais qui ne sera admise que
vers 1810. Ces modèles sont donc nettement antérieurs
au livre de Jules Verne. En 1864 les géologues admettent un
scénario plutonien depuis fort longtemps et sont plus
préoccupés par la question de la densité du
globe. En effet, la connaissance de la masse de la terre
estimée par Newton à partir d'un modèle
cinématique (6.1021tonnes voisine de la valeur
reconnue actuellement) lui avait permis de conjoncturer une
densité comprise entre 5 et 6. A la suite des mesures
réalisées par Bouguer en 1748, c'est Lord Cavendish
("le plus riche des savants et le plus savant des riches") qui
détermina expérimentalement en 1798 (Experiences to
Determine the Density of the Earth, in Philosophical
Transactions) la constante gravitationnelle g
(6,67.10-11N.kg-1.m2) à
l'aide d'un pendule de torsion. Il en déduisit la masse et la
densité de la terre (il trouva 5,45 au lieu des 5,52 retenus
actuellement). Cette valeur est sensiblement plus
élevée que la densité moyenne des roches
superficielles, égale à 2,7. Ainsi en ce milieu du
XIXème siècle, les géologues se dirigeaient-ils
vers des modèles à couches de densité
différente (modèles géophysiques de Pratt et
Airy en 1855) et non vers une vision tout à fait
dépassée présentée par Jules Verne. Mais
il est tout à fait possible qu'il y ait eu un énorme
décalage entre les idées du grand public (que
recouvrait ce mot à cette époque ?) et les idées
du petit cercle d'érudits ou scientifiques
géologues.
* ausculter la structure du globe par des ondes
élastiques
La grande avancée dans la connaissance de la structure interne
du globe vint des résultats de sismologie qui se situent
à la fin du XIXème et au début du XXème.
Elle permet une véritable sismographie de la terre. Le premier
enregistrement sismique est daté du 17 avril 1889 (von Reben
Paschwitz) qui enregistra à Postdam et Wiilhelmshaven (en
Allemagne) les signaux émis par un gros tremblement de terre
dont l'épicentre étaient voisin de Tokyo, au Japon. Il
eu la géniale idée de relier les mouvements de ses
pendules horizontaux à un séisme situé à
près d'une dizaine de milliers de kilomètres.
L'étude de ces enregistrements fut suivie de beaucoup d'autres
qui permirent d'établir les lois de la propagation des ondes
sismiques mais aussi la structure du globe. Les ondes sismiques sont
des déplacements de solide (ondes élastiques). Ce sont
en quelque sorte l'équivalant de déplacement d'air pour
les ondes acoustiques (on parle d'échographie terrestre ou de
radiographie, quand on parle de rayons X) mais qui se rapprochent
plus fortement des lois de propagation des rayons lumineux et donc
des lois de l'optique géométrique. Le trajet d'une onde
est ainsi appelé rai sismique. Les lois de la
réflexion-refraction des rais sismiques sont identiques
à celles des rai optiques.
La mise en évidence d'un noyau au centre du manteau terrestre
(de rayon voisin de 0,4 fois le rayon terrestre, soit 2550 km) est
rapportée par Oldham en 1906. En 1914, Beno Gutenberg,
travaillant en Allemagne, affine la limite noyau-manteau et la place
à 0,545 R soit 2900 km de profondeur.
En 1909 Andreja Mohorovicic, travaillant à l'observatoire de
Zagreb en Yougoslavie, met en évidence une
discontinuité majeure (appelé maintenant "le Moho") qui
court sous les continents entre 30 et 40 km de profondeur.
En 1936, la sismologue danoise I. Lehman met en évidence une
discontinuité à 5150 km de profondeur entre un noyau
externe, liquide et un noyau interne (graine), solide.
* la déformation de la terre à l'état
solide
Mais une des plus grandes difficultés dans notre
compréhension de la structure du globe est sans aucun doute
venue de l'apparente incompatibilité entre un modèle
solide (où se propagent les ondes sismiques) et la
nécessaire déformation afin de rendre compte de
phénomènes aussi variés que la forme de
l'ellipsoïde, le volcanisme ou le mouvement des plaques (bref:
la dynamique terrestre). La compréhension ne vint que vers
1950, pour les physiciens, avec les progrès de la physique du
solide qui, en rhéologie, admettaient le fluage d'un solide
sous contrainte, sans passer par un état liquide. Il ne faut
pas oublier que la terre est plus rigide que l'acier (une terre
liquide, entourée d'une mince croûte aurait des
"marées terrestres"(c'est-à-dire qui
déformeraient la surface terrestre) de plusieurs
kilomètres d'amplitude); cette remarque avait
été faite par Ampère au tout début du
XIXème siècle.
En tout cas pour nous il est absolument indispensable de bien
comprendre que la terre est UN SOLIDE. Certaines couches sont
rigides et ne peuvent être déformées que
très lentement (sur des milliers d'années) avec des
contraintes et des températures très
élevées. D'autres couches sont ductiles,
c'est-à-dire facilement déformables, à haute
pression, à haute température, sur des durées de
temps faibles (déplacements visibles sur des durées
inférieures à l'année).
Les données sismiques fournissent une estimation des vitesses et donc de la densité des matériaux inaccessibles des couches internes. On effectue donc des comparaisons avec des matériaux accessibles.
* la composition du globe au sein du modèle classique de
formation du système solaire
L'analyse des météorites est le
premier élément, utilisé depuis le XIXème
siècle. Si l'on pense que la système solaire, avec ses
planètes, s'est formé à partir de
l'accrétion de poussières, puis de petits corps, les
météorites représentent des fragements de ces
corps qui se sont brisés puis sont tombés sur terre. On
distingue deux types de météorites:
- les chondrites (météorites
chondritiques) qui contiennent, dans une matrice ferreuse, des
petites sphères (les chondres, du grec
chondrion = "petit grain") de silicates de type
péridots ou pyroxènes
- les achondrites (ou non-chondritiques) qui peuvent
être métalliques, péridotitiques ou
basaltiques et gabroïques, par ordre de frréquence
croissante.
On rapporte les météorites achondritiques aux
différentes enveloppes du globe, croûte basaltique ou
gabbroïque, manteau péridotitique et noyau ferreux, et
les chondrites à des corps stellaires initiaux
indifférenciés.
En effet, les chondrites ont la même
composition chimique globale que la terre, si l'on
considère les masses et compositions respectives des 3
enveloppes principales. On pense donc qu'elles correspondraient
à des fragments d'un corps stellaire initial non
différencié de même composition que la terre. Les
météorites chondritiques sont donc dites
indifférenciées.
Certains de ces corps stellaires initiaux auraient alors fondu, tout
comme la terre et, en se différenciant, auraient
présenté les 3 enveloppes citées. L'enveloppe
ferreuse la plus dense au centre et l'enveloppe basaltique et
gabbroïque la moins dense, vers l'extérieur, la
péridotitique entre les deux. Les météorites
issues de ces corps différenciés tardifs sont
qualifiées de météorites
différenciées ou achondritiques.
* l'état des roches aux grandes profondeurs
Les densités des minéraux et leurs assemblages dans les
roches ne suffisent pas à évaluer leur comportement
à haute pression et haute température. Depuis la fin
des années 1980 on utilise, notamment en France, des
presses à enclumes de diamant, qui
permettent d'atteindre des pressions phénoménales:
en fait la pression que l'on pense régner à l'interface
manteau-noyau (1200kbar ~= 120.000 MPa = 120 GPa soit 1,2 Gatm avec
1bar ~= 1 atm = 0,1 MPa); ces cellules permettent aussi, du fait de
la transparence du diamant de chauffer le minéral
(jusqu'à 3000°C) que l'on soumet à cette pression.
On est ainsi parvenu à simuler notamment la transition que
l'on pense se réaliser dans l'asthénosphère
entre des structures cristallines tétraédriques (type
olivine : (Mg,Fe)SiO4, puis
spinelle : le minéral étant la
wadsleyite), vers 400 km (zone de transition) et
octaédriques (type pérovskite :
(Mg,Fe)SiO3), à la base de
l'asthénosphère. L'idée étant que plus la
structure est soumise à forte pression plus elle est dense et
l'espace occupé pour une masse donnée est faible,
à composition atomique égale.
L'espèce minérale de la zone de
transition est nommée ringwoodite (à partir de
410 km). Elle se décompose en pérovskite
silicatée et en magnésiowüstite dans le
manteau inférieur (limite 660 km). Une nouvelle structure
minérale, la postpérovskite serait
présente au niveau d'une couche D" au relief chahuté
(au moins 100 km d'amplitude) située à la limite
manteau-noyau vers 2600-2700 km.
* le modèle désormais classique
La croûte continentale serait donc de composition globalement
granitique (ou gneissique), la croûte océanique
basaltique et gabbroïque, le manteau serait péridotitique
avec les transitions de phase évoqués. Le noyau externe
enfin serait constitué essentiellement de fer, associé
au nickel et quelques éléments légers comme le
soufre, l'hydrogène et l'oxygène. La
discontinuité de Lehman serait due à la cristallisation
d'un alliage fer-nickel solide qui constituerait la graine.
Ces éléments sont résumés sur ce diagramme :