Ce que nous devrions savoir sur Galilée
(Mariano Artigas*)

*Quelques éléments traduits de l'espagnol et réarrangés à partir de la page:
http://www.mercaba.org/ FICHAS/IGLESIA/Inte03/ deberiamos_saber_sobre_galileo.htm

L'article de l'Encyclopædia Universalis "Galilée" me semble aussi historiquement exact.


Comment est mort Galilée ? N'a-t-il pas été torturé par l'Inquisition ?

 


par Domenico Robusti

Il est mort de mort naturelle à 78 ans. Ni l'Inquisition ni personne, ne le tua. Il est né le 15 février 1564 à Pise et est mort le mercredi 8 janvier 1642 dans sa maison d'Arcetri, dans le voisinage de Florence. Il ne fut pas non plus condamné à mort. L'unique procès qui le condamna à la prison eut lieu en 1633.

Au vu de ses bonnes dispositions, sa peine fut commuée en une assignation à résidence. Il n'alla jamais en prison et fut même logé à l'ambassade de Toscane durant son procès. Car Galilée eut droit à un traitement de faveur. Il était en effet le premier mathématicien et philosophe du grand duché de Toscane. De même, après le procès, il fut logé à Sienne chez l'archevêque de cette ville qui était son ami. Et, à partir de 1633, il fut autorisé à résider chez lui, non loin de Florence.

Les seuls mauvais traitements que Galilée eut à subir furent un procès à 69 ans, suivi d'une abjuration forcée. Ce fut sans aucun doute une souffrance psychologique, mais jamais il ne fut l'objet de mauvais traitements physiques ni de tortures typiques de l'époque.


Pourquoi Galilée fut-il condamné ? Par quel tribunal ?

 

 


Galilée et la lampe de l'Eglise de Pise
Sabatelli Luigi, début XIXe, Tribune de Galilée, Florence

Un premier procès en 1616 dénonça Galilée, mais celui-ci ne fut ni cité à comparaître ni condamné. Le seul procès dans lequel Galilée comparut (devant le tribunal de l'Inquisition de Rome) et fut condamné fut celui de 1633.

Un décret de la Congrégation de l'Index (? del Indice) affirme seulement que la théorie de l'héliocentrisme est fausse (ce que l'on croyait alors) et qu'elle s'oppose à la Sainte Écriture. Cette opposition était largement reconnue par les théologiens de ce temps. Galilée avec quelques penseurs (dont des théologiens, plus autorisés alors à parler sur des questions théologales) s'est efforcé de faire comprendre aux théologiens d'alors que cette théorie scientifique ne s'opposait en rien à la Sainte écriture; ce qui était en fait une ingérence dans le domaine théologique...). Il n'y a pas dans ce décret ordinaire (disciplinaire) de prise de position du Magistère infaillible de l'Église. Un tel décret peut être abrogé.

Mais il y eut de plus une admonestation (26 février 1616) du Cardinal Belarmin qui sur ordre du Pape (Paul V) lui demandait d'abandonner la théorie copernicienne. Il était prévu que s'il refusait, il serait interdit d'enseignement et que s'il persistait, il serait emprisonné. Le procès de 1633 fut motivé par sa désobéissance.

Mais il est clair que la position de l'autorité ecclésiastique restait équivoque et ne satisfaisait pas Galilée, persuadé d'être dans le vrai. Galilée, bon catholique, n'avait, comme ses amis, que l'idée d'éviter à l'Église une erreur embarrassante qui aurait résulté de son obstination contre l'héliocentrisme. Lorsqu'en 1623 le cardinal Maffeo, un de ses admirateurs, fut élu Pape (Urbain VIII), il vit l'occasion de clarifier les choses, et rencontra ce dernier 6 fois en 1624.

Après moult péripéties, il se décida en 1630 à écrire un livre qui présente la thèse et l'antithèse de l'héliocentrisme: Dialogue autour des deux grands systèmes du monde: ptolémaïque et copernicien. Galilée sans aucun doute sous l'influence du Pape, ne s'attaquait pas directement au mouvement de la terre mais aussi à celui des marées qu'il attribuait (faussement d'ailleurs) aux propres mouvements de la Terre, ce qu'il considérait comme un argument... Le Pape souhaitait que l'on présente le copernicianisme comme une hypothèse mathématique et non comme une réalité. Galilée eut toute la peine du monde cependant à obtenir l'autorisation d'impression de son livre. Avec de maladroits ajouts et notamment un argument cher au Pape mal expliqué en final, l'impression fut tout de même terminée à Florence le 21 février 1632.

Cette année-là l'Église était confrontée à des problèmes autrement plus graves que le mouvement de la terre et du soleil. La guerre de trente et notamment une attaque très forte contre le Pape, accusé de ne pas suffisamment défendre la foi, du cardinal Gaspar Borgia, protecteur d'Espagne et ambassadeur du Roi Catholique de ce pays. Une situation fort tendue s'ensuivit, certainement attisée par différents courants dont certains étaient très opposés à Galilée. Bref le Pape sembla fort mécontent à partir du milieu de l'année 1632 de la diffusion et du contenu du livre de Galilée et demanda à une commission d'examiner le livre. Le livre fut transmis au Saint Office (l'Inquisition romaine) qui convoqua Galilée à Rome. Il arriva le 13 février 1633 et fut appelé à déposer le 12 avril 1933.

Il ne s'attendait pas à ce que l'on considérât que son livre fut un argumentaire pour le copernicianisme ni que l'on lui reproche une désobéissance. Après une discussion privée avec le père commissaire du Saint- Office il fut convenu qu'il se rétracterait en affirmant que les arguments exposés pour le copernicianisme l'étaient de façon exagérément forte par rapport à ce qu'il considérait lui-même. Ce qu'il fit lors d'une séance appelée "avec menace de torture" (ce qui n'était qu'une menace formelle dans son cas, mais légalement obligatoire). La sentence lui fut lue le 22 juin et il abjura son opinion sur le mouvement de la Terre devant la congrégation conformément aux arrangements pris. Il fut condamné à la prison, et interdit de parler du mouvement de la Terre. Le Dialogue fut interdit (mais circula librement en France notamment). Le 23 juin le Pape accorda une substitution de peine en remplaçant la prison par la résidence à la Villa Médicis. Le 30 juin on permit à Galilée d'abandonner Rome (qu'il quitta le 6 juillet) et d'aller à Sienne (où il arriva le 9 juillet), en Toscane au palais de l'archevêque.

Si l'action du pape contre Galilée est irréfutable, son nom n'apparaît nullement sur le décret ni encore moins n'est signé de sa main. Le décret n'affirme que le fait que l'on a déclaré contraire à la Sainte Écriture la théorie copernicienne.


Remarque personnelle:

Justice civile et ecclésiastique n'étaient pas comme en ce début de XXIème siècle séparées. On peut dire que tous les États d'avant le XVIIIe siècle environ, étaient confessionnels et en Europe, au sens actuel, chrétiens. Les lois de l'Église et les lois civiles étaient souvent communes dans la mesure où les lois civiles s'efforçaient de s'inspirer de la vie de l'Église. La séparation de l'Église et de l'État ,au sens où on entend actuellement la séparation du temporel et du spirituel, ne s'est pas faite en un jour et est bien le propre du christianisme.

Il est donc important de comprendre que le tribunal de l'Inquisition pontificale (établi par Grégoire IX en 1231) était en quelque sorte la conséquence de ce lien entre l'Église et l'État. On peut dire que l'Inquisition est née de la nécessité d'ordonner la répression contre l'hérésie, voulue par la juridiction civile, au sein de l'empire, royaumes et États chrétiens.

Questions et interprétations

 

 

 


Une représentation du système solaire copernicien

* Y aurait-il des documents importants cachés ?


Non. Même s'il existe des "trous", notamment sur les "revirements" du Pape....

Le procès de Galilée ne doit pas être considéré comme un affrontement entre science et religion. Galilée s'est toujours affirmé catholique et les ecclésiastiques ne se sont jamais opposés à la science. Les deux partis (humains) étaient de bonne foi. Le tempérament vif de Galilée du aussi attiser les contradictions.


* N'exagère-t-on pas l'importance de l'héliocentrisme contre la foi d'alors ?


Non. Si la Terre bouge, si la Terre n'est qu'une planète parmi tant d'autres, si la Terre n'est pas la seule à être habitée...? Comment comprendre l'incarnation du Fils de Dieu ?
Remarque personnelle:
je pense même que cet argument joue encore aujourd'hui contre la foi, pour de nombreux esprits simples ...

De plus le Dialogue contient des affirmations contraires à la philosophie aristotélicienne sur laquelle se reposait beaucoup la théologie (et se repose encore). Notamment la notion de finalité et le fait que les qualités sensibles existent objectivement et forment la base de la connaissance humaine. La nouvelle philosophie mathématique et mécaniciste galiléenne ruinait cette vision. Là aussi, on peut dire que cette inquiétude s'est avérée juste et que de nos jours encore nombreux sont ceux qui refusent à la science la possibilité d'être contenue dans une métaphysique. Ce n'est pas la possibilité de la science qui est niée, à laquelle l'Église ne s'oppose pas, c'est sa signification, ce qui est un problème qui est aussi du ressort de la foi qui englobe l'homme entier.

Il y eut un essai de dénoncer Galilée pour son livre Il Saggiatore dans lequel il nie l'objectivité des qualités sensibles (couleur, odeur, saveur), ce qui contredit la doctrine du Concile de Trente sur l'Eucharistie. Certains vont même jusqu'à affirmer que ce fut là le véritable motif de la condamnation de Galilée.
Remarque personnelle:
Quel esprit tordu. C'est faire endosser au Pape leur propre esprit retors. Pourquoi ne pas croire des documents historiques ? Imaginer des motifs cachés a toujours été le fait de personnes à l'esprit retors qui ne comprennent pas la simplicité et la rectitude qui est, "malgré les malgré", le chemin de l'église car c'est celui du Christ.


* Galilée n'est-il pas un cas parmi tant d'autres ?


Non. C'est vraiment une exception. Le seul cas vaguement semblable fut celui de l'évolutionnisme qui ne fut jamais condamné par un organisme ecclésiastique catholique comme théorie scientifique. Des thèmes comme celui de l'euthanasie, l'avortement, les cellules souches et tant d'autres ne sont pas des problèmes purement scientifiques, mais touchent bien l'homme dans son humanité rachetée indivisible. L'Église ne se prononce à leur sujet non pas sur leur scientificité ni sur leur véracité, mais sur le rapport de l'homme à la science ou, le plus souvent, à la technique.