PARTIE 1 (8 points) - NOURRIR L’HUMANITÉ
 
L’appertisation.

Plus de 80 milliards de boîtes de conserve sont produites chaque année dans le monde. En France, nous consommons en moyenne cinquante kilogrammes d’aliments en conserve par an et par habitant.
Depuis son invention en 1795 par le français Nicolas Appert (1749-1841), le principe de la mise en conserve, ou appertisation, permet de conserver les produits alimentaires courants, sans ajout de conservateur, à température ambiante et pendant plusieurs années.
On cherche à comprendre le principe et l’évolution de la conservation par appertisation.
 
Document 1 : l’appertisation
Document 1a : la technique de Nicolas Appert, exposée dans sa publication


 
1 : Technique de chauffage d’un récipient contenant une préparation, en le plongeant dans de l’eau chaude à pression ambiante.
2 : Les durées étaient de l’ordre de quelques heures.
Source : d’après Nicolas Appert –  » L’art de conserver pendant plusieurs années toutes les substances animales ou végétales » – 1810
 
Document 1b : traitements thermiques pour l’appertisation, d’après le ministère de l’économie et de l’industrie en 2015
Un traitement thermique est défini par un couple « temps / température » qui correspond à une valeur stérilisatrice pour les produits appertisés.
Elle est exprimée en minutes passées à 121,1 °C.
La valeur stérilisatrice minimale de 3 minutes est recommandée et reconnue pour garantir un assainissement du produit.
La technique a évolué ces dernières décennies vers des traitements thermiques « temps court / haute température » qui permettent une meilleure préservation des molécules thermosensibles.
Techniquement, seul un appareil où la pression peut augmenter de plusieurs bars (autoclave ou stérilisateur) peut être utilisé pour la stérilisation des produits. […]
Source : d’après Direction générale de l’alimentation – Instruction technique relative aux conditions hygiéniques et sanitaires de production de produits appertisés – Octobre 2015
Document 1c : variation de la température d’ébullition de l’eau en fonction de la pression
 


 
 
Document 2 : effets des paramètres de l’environnement sur la vitamine C, les microorganismes et les enzymes
Document 2a : teneur en vitamine C dans le jus de noix de cajou, en fonction de la durée et du traitement thermique utilisé pour sa conservation


Source : d’après L. F. Damasceno – Evaluation and optimization of non enzymatic browning of cajuina during thermal treatment – Brazilian Journal of Chemical Engineering – São Paulo – 2008
 
Document 2b : effet de la température sur les microorganismes


*Spore : forme de résistance prise par certaines bactéries lorsque les conditions du milieu deviennent défavorables. Les spores peuvent germer lorsque ces conditions s’améliorent.
Source : d’après http://biografiq.biotechnose.fr/
 
Document 2c : effet de la température sur l’activité enzymatique
Les enzymes sont des molécules naturellement présentes dans toutes les cellules où elles accélèrent les réactions biochimiques. À la mort d’un organisme, l’activité de certaines enzymes persiste et a pour effet de dégrader des molécules et donc d’altérer la texture, la couleur ainsi que la saveur et l’odeur des aliments.


 
 
COMMENTAIRE RÉDIGÉ :
Montrez comment l’appertisation, telle qu’elle a été élaborée par Nicolas Appert, permet la conservation des aliments, puis citez les améliorations techniques apportées aujourd’hui dans ce domaine en précisant leurs intérêts.
Vous développerez votre argumentation en vous appuyant sur les documents et vos connaissances (qui intègrent, entre autres, les connaissances acquises dans les différents champs disciplinaires).
 
Éléments de correction:
Si l'on s'en tient strictement au document fourni (1a) la technique de conservation de Nicholas Appert consiste à soumettre des récipients fermés hermétiquement - contenant les produits alimentaires à conserver - à un bain-marie pendant un temps qui n'est pas précisé.

La conservation des aliments repose d'une part sur la minimisation des réactions chimiques internes qui peuvent dégrader le produit et d'autre part sur la préservation des sources biologiques (bactériennes et fongiques (des champignons) principalement) de dégradation (ces organismes vivant sur l'aliment).

Le chauffage au bain-marie proposé par Nicolas Appert permet de cuire - au moins partiellement, cela dépendant du temps de chauffage -  l'aliment, ce qui empêche un certain nombre de réactions enzymatiques de dégradation (doc 2c : les enzymes qui sont des protéines sont définitivement inactivées au-delà de 60°C) , mais ce qui change aussi fortement les qualités gustatives ou nutritionnelles de celui-ci. Cependant la vitamine C, qui est thermosensible, reste peu détruite (quelques %) en plusieurs dizaines de minutes de chauffage à 100°C (doc 2a)
. La température atteinte par l'eau du bain-marie à pression atmosphérique ordinaire est de 100°C, celle de l'aliment ne peut donc dépasser celle-ci. Il existe cependant des substances nutritives, qui comme les enzymes sont détruites à des températures bien plus basses (60°C typiquement comme les protéines).
Pour ce qui concerne la deuxième cause de dégradation des aliments - par les microorganismes, la température de 100°C atteinte permet de tuer presque toutes les espèces de bactéries (en fait toutes les espèces qui peuvent se trouver sur ou dans le produit à conserver, car les bactéries extrêmes qui résistent à des températures de 100°C ne vivent pas dans les milieux ordinaires mais dans des sources hydrothermales ou des milieux volcaniques). Cependant certains champignons et les spores de nombreux micro-organismes - formes de résistance bactériennes ou fongiques - ne sont pas tués et peuvent germer lorsque la température redescend. La quantité d'air étant très faible dans la conserve, seules des espèces anaérobies (qui ne nécessitent pas l'air pour vivre) peuvent se développer, mais certaines comme l'espèce Clostridium botulinum, sont extrêmement dangereuses.
On peut donc penser que certaines des conserves réalisées selon la méthode de Nicolas Appert restaient très dangereuses, voire mortelles.

De nos jours, du fait de l'amélioration des connaissances sur les champignons et bactéries, on sait qu'il est nécessaire d'atteindre une température de plus de 120°C (121,1°C selon les normes) pendant plusieurs minutes (3 min minimum), pour pouvoir détruire tous les organismes présents, y compris les spores et donc stériliser vraiment la conserve. Plus le temps de stérilisation est réduit, moins il y a de pertes des qualités gustatives et nutritives de l'aliment (principalement par le phénomène de "cuisson"). Cependant, les molécules thermosensibles comme la vitamine C (doc 2a) restent partiellement détruites même pour de courtes durées d'exposition à la chaleur. Dans le cas de la vitamine C, plus la température est élevée plus la dégradation de la vitamine est importante. Comme on ne peut pas ajouter quoi que ce soit à la conserve après l'appertisation, on a donc limité dans la production de produits naturels par le fait d'utiliser la chaleur. On a cependant mis au point des techniques de stérilisation de très courte durée à ultra-haute température (lait UHT) qui permettent d'encore mieux conserver les qualités - au moins gustatives - de l'aliment.
Pour pouvoir atteindre une température de 121,1°C il est nécessaire d'augmenter la pression (doc 1c) au delà de 2 bar (si vous écrivez "deux bars", ce n'est plus le symbole invariable et vous mettez un "s" à bar).  On utilise donc des autoclaves. La cocotte minute des ménages est à la limite du domaine d'efficacité.

Pour conserver un aliment sans le cuire, la meilleure méthode reste la fermentation lactique qui préserve (et même améliore) à température ordianaire la plupart des qualités gustatives et nutritionnelles de l'aliment. Ce mode de conservation est de plus non dangereux du fait que l'on peut pas consommer de produit avarié car il prend - dans les rares cas où l'on a pas respecté les conditions de réalisation - un tel aspect repoussant qu'on ne peut pas le consommer.