« Monet, peintre impressionniste, aimait peindre des séries
d’un même motif ; ainsi il a peint plus de 20 fois le pont
Japonais à Giverny. Ces tableaux révèlent
l’accentuation du jaunissement et la dégradation des
formes*.»
Dossier
pour la science avril 2000
*Le jaunissement et la dégradation des formes sont dus à la
cataracte de Monet.
Le bassin aux Nymphéas, 1899
(sans cataracte)
Le bassin aux Nymphéas, 1922
(avec cataracte)
En 1899 Monet peint "le bassin aux Nymphéas" avant que n'apparaisse
sa cataracte (figure de gauche). Ce tableau a une dominante bleu-vert.
En 1922 Monet peint le même bassin (figure de droite). Ce tableau a
une dominante jaune et des formes imprécises, qui indiquent qu'une
cataracte s'est développée chez le peintre et que la nature
est désormais vue avec un filtre jaune dans l'oeil.
Document 1 : vieillissement du
cristallin et défauts visuels
Quand le cristallin vieillit et jaunit, il absorbe les rayonnements
inférieurs à 510 nm : le spectre ci-dessous (à droite)
est amputé de sa partie gauche. La composante froide (les bleus) est
éliminée. De plus, le cristallin devient opaque, ce qui
entraine une vision dégradée des formes.
Document 2 : absorption des
radiations lumineuses par les cônes rétiniens
Graphique représentant, au niveau de la
rétine, le pourcentage d’absorption de la lumière par
les cônes en fonction de la longueur d’onde chez un individu non
atteint de cataracte. On obtient le même graphique chez un individu
après une opération de la cataracte.
Document 3 : la cataracte
Document 3a : l'oeil et la
formation d'une image
1) Schéma simplifié d’un oeil :
2) Schémas de la formation d'une image dans le cas d’un oeil
normal :
3) Schémas de la formation d'une image dans le cas d’un oeil
opéré de la cataracte :
Document 3b : opération de la cataracte
Dans la plupart des cas, la cataracte est traitée par une
intervention chirurgicale sous anesthésie locale au bloc
opératoire. L’opération consiste à retirer le
cristallin devenu opaque et à le remplacer par un cristallin
artificiel, un implant synthétique transparent qui permettra de
retrouver une vision claire.
Lors de l’intervention, l’implant monofocal posé est
réalisé dans un matériau souple comme l’acrylique
ou la silicone. Il est choisi en fonction de mesures réalisées
sur l’oeil avant l’opération et il conservera sa forme et
sa taille après implantation. Son rôle consiste en la
restauration de la vision de loin, mais l’accommodation ne sera plus
possible.
COMMENTAIRE ARGUMENTÉ :
Supposez que Claude Monet soit un peintre actuel.
En vous aidant des documents et de vos connaissances, développez
une argumentation pour lui montrer que ses défauts visuels sont
liés à une cataracte et non à un problème de
rétine. Expliquez-lui également comment
l’opération peut lui permettre de retrouver une vision nette,
de loin, et en couleur mais qu'il lui faudra porter des lunettes pour la
vision de près. Vous développerez votre argumentation en vous appuyant
sur les documents et vos connaissances personnelles (qui
intègreront entre autres les connaissances acquises dans
différents champs disciplinaires).
(forme
non respectée)
Les défauts visuels de Monet ne peuvent que partiellement
être appréhendés à partir des deux tableaux,
mais sont résumés dans le court extrait de l'article de
Pour la Science placé en exergue : il souffre d'une part d'un
jaunissement de l'image perçue, ce qu'il reporte au moins
partiellement dans son second tableau où les teintes fauves
dominent effectivement alors que le premier tableau possède une
dominante verte; et d'autre part d'un défaut de reconnaissance
des formes auquel on pourrait rattacher les contours flous, notamment du
pont. Il n'en reste pas moins que les interprétations faites
à partir du tableau restent sujettes à caution puisqu'il
pourrait s'agir d'une évolution de la technique du peintre. Dans
le cas de Monet, cependant, on connaît de nombreux
témoignages de l'artiste qui parle de sa maladie.
Ces deux défauts peuvent facilement être reliés
à l'évolution de la cataracte dont souffrait Monet.
Cataracte dont il sera opéré, mais qui provoquera chez lui
un grand sentiment de rejet (il dira regretter son opération -
voir sujet Polynésie septembre 2013). Dans une première
phase d'évolution de la maladie, le cristallin jaunit, ce qui
diminue le spectre reçu (voir doc 1 : les longueurs d'onde
inférieures à 480 nm (510 nm selon le texte du sujet) sont
perçues comme des nuances de gris selon l'intensité
lumineuse) et l'on observe donc un décalage des couleurs vers le
jaune puisque le bleu n'est plus perçu. Cette perception est due
aux différents types de cônes présents dans la
rétine (axiale principalement - autour de l'axe optique). Les
cônes "bleus" (sensibles aux longueurs d'onde les plus faibles :
inférieures à 580 nm avec un pic à 420 nm)
deviennent inutiles et seuls les cônes "vert" et "rouge" sont
sollicités. On notera que ces deux types de cônes sont
sensibles, bien que faiblement pour les cônes "rouges", au vert et
au jaune.
À une étape plus de la maladie, le cristallin s'opacifie
et l'on peut atteindre la cécité. Monet se fera
opérer avant ce stade.
On sait qu'après une opération chirurgicale de la
cataracte - ablation du cristallin et pose d'un cristallin
synthétique -, la vision lointaine retrouvée est bonne et
surtout ne présente aucun défaut de vision des couleurs
(comme cela est précisé dans la légende du document
2).
Par contre, l'incapacité du cristallin synthétique
implanté lors de l'opération à ACCOMMODER
("cristallin" MONOFOCAL) fait que l'image projetée d'un objet
proche se situe en arrière de la rétine et est donc
perçue par celle-ci comme floue . Avant l'opération, le
cristallin atteint de cataracte, non seulement jaunissait et
s'opacifiait, mais il se RIGIDIFIAIT, rendant difficile l'accommodation
: c’est la presbytie qui accompagne toute personne vieillissante,
mais à un degré plus important, comme dans le cas
d’une hypermétropie liée à la forme de
l’œil de naissance. Malheureusement, l'opération ne
corrige pas ce défaut et la vision proche reste imprécise
(document 3a) puisque le cristallin est totalement rigide ; comme chez
les presbytes, mais de façon plus accentuée encore,
l'image nette se forme en arrière de la rétine.
Heureusement, l’absence d'accommodation peut être
compensée par le port de lunettes convergentes ; celles-ci
permettent de ramener la convergence des rayons lumineux sur la
rétine et la vision de près est alors
améliorée, ce qui rend à nouveau possible la
lecture, par exemple.