PARTIE 1 (8 points) -  NOURRIR L’HUMANITÉ

La listériose est une infection grave, d’origine alimentaire, due à la bactérie Listeria monocytogenes. Elle peut entraîner une infection du sang ou du système nerveux.

Les produits de la mer prêts à consommer, en particulier les poissons fumés, sont ceux dans lesquels la présence de Listeria monocytogenes est le plus souvent détectée dans l’Union Européenne. Compte tenu de leur longue durée de conservation, la maîtrise du danger Listeria monocytogenes dans le produit fini est particulièrement importante.

  On s’intéresse à une technique de conservation du saumon fumé appelée biopréservation. On cherche à montrer pourquoi cette technique permet de repousser la Date Limite de Consommation (DLC).


Document 1 : Définition de la biopréservation
La biopréservation des aliments est un concept de conservation « naturelle ». Le procédé consiste à ajouter des microorganismes sélectionnés à des aliments conditionnés sous vide ou sous atmosphère protectrice et conservés au froid. L'objectif est de repousser la DLC des produits.

Document 2 : Vitesse de croissance d’une population de Listeria monocytogenes en fonction de la température.
La vitesse de croissance, obtenue par simulation, est donnée en UFC/h (Unité Formant Colonie par heure).
D’après : http://www.pressesagro.be
 

Document 3 : Les bactéries du genre Carnobacterium
 Document 3a : Informations sur les bactéries du genre Carnobacterium
L’intérêt de l’utilisation des bactéries du genre Carnobacterium réside dans le fait qu’elles ont une bonne capacité de croissance à des températures proches de 0 °C, même si leur température optimale de croissance est comprise entre 23°C et 30 °C.
De plus, aux températures habituelles de réfrigération (entre 0 °C et 4 °C), les bactéries du genre Carnobacterium produisent activement et naturellement des bactériocines. Les bactériocines ne sont pas des antibiotiques mais elles peuvent éliminer certains micro-organismes ou inhiber leur croissance.
La présence des bactéries du genre Carnobacterium n'affecte pas les caractéristiques organoleptiques et sensorielles initiales du produit.
D’après : « Flores protectrices pour la conservation des aliments », Monique Zagorec et Souad Christieans
Document 3b : Évolution de la quantité de bactéries L. monocytogenes dans du saumon fumé conservé à 4 °C


  D’après https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00895514/document

Commentaire rédigé : 

La biopréservation est une technique de conservation appliquée au saumon fumé habituellement conditionné sous vide et sous atmosphère protectrice.
Expliquer comment cette technique permet de conserver le saumon fumé sur une longue période et de répondre aux attentes du consommateur.

Vous développerez votre argumentation en vous appuyant sur les documents et vos connaissances personnelles (qui intègrent, entre autres, les connaissances acquises dans différents champs disciplinaires).

Le saumon fumé est un aliment cru (le fumage se fait après une diminution de la teneur en eau par étalement d'une couche de sel-sucre-épices suivi d'un lavage-séchage , procédé qui donne un saumon de type "gravelax"). On ne tue donc pas les micro-organismes présents naturellement au moment du fumage, même si le nombre de cellules bactériennes vivantes est certainement très faible à la surface du poisson (et normalement nul à l'intérieur de celui-ci). La mise sous vide et sous atmosphère protectrice ne change pas cette composition résiduelle en micro-organismes de surface. C'est ainsi que l'on note que Listeria monocytogenes est naturellement présent à la surface du saumon fumé avec des concentrations de l'ordre de quelques dizaines d'UFC/g. Cette concentration est stable pendant une semaine si le poisson est conservé au froid (4°C), ce qui indique que les bactéries ne se développent pas à cette température. En effet, la courbe du document 2 montre que l'optimum de croissance de cette espèce est situé vers 38°C et que donc sa croissance est inférieure à 1,2 UFC/h à 4°C.
Par contre on notera que si le saumon fumé est placé à plus haute température (température ordinaire de la pièce, par exemple 20°C, la vitesse de croissance atteint 2,3 UFC/h, ce qui fait qu'en quelques jours la population peut être multipliée par un facteur 100. Or Listeria monocytogenes est une bactérie toxique, l'augmentation de sa population rend le saumon impropre à la consommation. D'où la nécessité de maintenir le produit au froid et de respecter la date limite de consommation (DLC) qui, d'après la courbe 3b devrait se situer entre une et deux semaines après la date de mise sous vide.
On peut s'étonner que la bactérie Listeria soit capable de se développer sous vide d'air et même sous atmosphère protectrice (CO2 ?, N2 ?). En fait, de nombreuses bactéries n'utilisent pas le dioxygène de l'air pour "respirer" et ont donc un métabolisme anaérobie. Cependant cette technique permet d'empêcher le développement de nombreuses autres souches que Listeria - dont certaines sont présentes à la surface du poisson fumé, notamment à cause de contaminations lors de la préparation du produit - qui sont aérobies.
La technique de bioconservation repose sur l'idée de compétition. Si deux souches bactériennes se trouvent en présence dans un même milieu nutritif, c'est la souche qui présente le plus de capacité d'adaptation aux conditions du milieu qui se développe préférentiellement. Ici, Listeria et Carnobacterium sont toutes les deux capables de se développer sous vide d'air ou sous atmosphère protectrice, mais Listeria se développe peu à 4°C alors que Carnobacterium, sans être une psychrophile (dont l'optimum de température est voisin de 0°C) se développe bien à 4°C. La population de Carnobacterium va donc augmenter, alors que celle de Listeria augmentera beaucoup moins que si elle était seule dans le milieu. Pour que cette technique fonctionne, il faut bien sûr que Carnobacterium, qui va se développer activement, soit une souche totalement inoffensive et qui ne modifie pas les propriétés organoleptiques du produit, ce qui est le cas, semble-t-il.
D'après la courbe du document 3b on peut donc voir qu'avec les deux souches en présence la population de Listeria dangereuse stagne et régresse même au bout d'un mois. En supposant que la DLC était de 15 j sans la souche de Carnobacterium ajoutée, on obtient au moins 28 j de DLC avec ajout de cette souche de "bioconservation".
Cette technique de la compétition est celle qui est employée traditionnellement dans tous les produits lactofermentés : on favorise le développement des souches de bactéries lactiques naturellement présentes à la surface des produits (au détriment des souches pathogènes) en les plaçant dans une saumure faiblement salée et sans air : choucroute par exemple. Mais presque tous les légumes peuvent se conserver ainsi (carottes, betteraves....) classiquement appelés pickles outre-Manche.